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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME ENTAME UN DIALOGUE INTERACTIF SUR LES DISPARITIONS FORCÉES, LES DÉTENTIONS ARBITRAIRES ET LES PERSONNES DÉPLACÉES

Compte rendu de séance
Il achève le débat sur la torture et la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste entamé ce matin

Le Conseil des droits de l'homme a été saisi cet après-midi de rapports sur les détentions arbitraires, sur les disparitions forcées ou involontaires et sur les personnes déplacées dans leur propre pays. La présentation des rapports a été suivie par des déclarations de délégations concernées par ces rapports. En début de séance, le Conseil a achevé son débat interactif, entamé ce matin, avec le Rapporteur spécial sur la torture et le Rapporteur spécial sur la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste.

Le Président-Rapporteur du Groupe de travail sur la détention arbitraire, M. El Hadji Malick Sow, a présenté son rapport d'activité 2009, année au cours de laquelle le Groupe de travail a effectué des missions officielles à Malte et au Sénégal. Une partie importante du rapport est consacrée à la question des détentions de migrants en situation irrégulière, de demandeurs d'asile et de réfugiés. Du 1er décembre 2008 au 30 novembre 2009, le Groupe de travail a adressé 138 appels urgents à 58 gouvernements concernant 844 personnes. Dans 65 de ces cas, les personnes détenues ont été libérées.

Le Président-Rapporteur du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, M. Jeremy Sarkin, a indiqué que le Groupe de travail se déclare particulièrement préoccupé par les mesures prises par les États pour lutter contre le terrorisme assimilables à des disparitions forcées, y compris les transferts extrajudiciaires, les détentions arbitraires et les mesures juridiques consistant à affaiblir le principe de la primauté du droit.

M. Walter Kälin, Représentant du Secrétaire général pour les droits des personnes déplacées dans leur propre pays, a déclaré que le nombre de personnes déplacées du fait de violences et de conflits était estimé aujourd'hui à environ 25 millions, soit environ le même nombre qu'il y a six ans quand il a commencé son premier mandat.

Les représentants du Maroc, du Sénégal, de la Serbie, de la Somalie, de la Géorgie et du Tchad sont intervenus en tant que délégations concernées par les rapports présentés. Le représentant de la République du Congo a pour sa part ouvert le débat interactif qui se poursuivra demain matin.

Le Conseil avait entendu en début de séance les derniers orateurs dans le débat interactif entamé ce matin avec les Rapporteurs spéciaux sur la torture et sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste. En réponse aux délégations qui se sont exprimées sur la question de la torture,

M. Manfred Nowak a déclaré ne pouvoir assister les gouvernements que s'ils coopèrent avec lui. Il a estimé que tout gouvernement peut éliminer la torture par une politique de transparence, par une politique d'ouverture de prisons aux visites extérieures, ou encore par la création d'une inspection générale des services de polices. Il a aussi estimé que les détenus constituent un groupe d'êtres humains vulnérables qui pourraient voir leurs droits spécifiques reconnus dans un instrument international.

M. Martin Scheinin a déclaré que, dans le cadre des mesures prises par les États dans la lutte contre le terrorisme, il recommandait au Comité des droits de l'homme d'adopter, à l'intention des États parties, une déclaration interprétative de l'article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui stipule que nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation et que toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.

Les représentants des États-Unis, de l'Ouzbékistan, du Liechtenstein, du Kenya, de l'Égypte et de l'Angola ont participé au débat interactif avec les Rapporteurs spéciaux, ainsi que le Défenseur public de la Géorgie, l'Institut danois des droits de l'homme, Human Rights Watch, Asian Legal Resource Centre, Human Rights Advocates, Cairo Institute for Human Rights Studies, la Fédération internationale des droits de l'homme, l'Internationale démocrate de centre, l'Organisation mondiale contre la torture et la Fédération internationale de l'ACAT/FIACAT. Les représentants de l'Égypte et de l'Iran ont exercé le droit de réponse.


Le Conseil reprendra, demain matin à 10 heures, le débat interactif sur les disparitions forcées ou involontaires, sur la détention arbitraire et sur les personnes déplacées. Dans l'après-midi, le Conseil doit tenir une réunion-débat sur le droit à la vérité.


Fin du débat interactif sur la torture et sur la protection des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste

Débat interactif

M. MARK CASSAYRE (États-Unis) a déclaré que les questions examinées par les Rapporteurs spéciaux revêtent une grande importance pour les États-Unis, ajoutant que, même s'il peut avoir des désaccords sur des questions de fonds, son pays considère les Rapporteurs spéciaux comme un élément essentiel de la promotion et de la protection des droits de l'homme et encourage le dialogue interactif avec eux. Les États devraient défendre les mécanismes des procédures spéciales, a-t-il ajouté, même s'ils peuvent être dérangeants. C'est pourquoi les États-Unis ont soutenu les efforts des titulaires de mandat pour préparer une étude sur la question des détentions secrètes, bien que 50 des 76 pages de cette étude contiennent des allégations graves contre les États-Unis et qu'elle suscite des désaccords importants. Le représentant américain s'est dit frappé par les obstructions mentionnées par le Rapporteur spécial sur la torture s'agissant de l'accomplissement de son mandat et a invité les États à collaborer avec lui. Il s'est dit préoccupé de ses conclusions sur le caractère très étendu de cette pratique. Enfin, le représentant a souhaité connaître l'opinion du Rapporteur spécial sur les éléments les plus à même de constituer un mécanisme efficace de plainte aux plans local, national ou international. Se tournant vers M. Scheinin, le représentant des États-Unis a dit apprécier la profondeur d'analyse de son rapport sur la lutte contre le terrorisme, et s'est dit d'accord sur les liens établis entre vie privée, liberté d'expression et liberté d'association. Il a dit croire en la liberté d'expression sur l'Internet et a reconnu les effets néfastes que peut avoir le contrôle de l'État sur la toile. Garantir le respect de la vie privée dans le contexte de la lutte contre le terrorisme est une question extraordinairement difficile, a-t-il estimé, ajoutant qu'il n'y avait sans doute pas une solution universelle et que les outils les plus efficaces pouvaient varier d'un État à un autre.

M. BADRIDDIN OBIDOV (Ouzbékistan) a souligné que son pays prenait des mesures efficaces pour lutter contre la torture. Cette politique, a-t-il poursuivi, se reflète dans les activités des institutions nationales de droits de l'homme et du Parlement. Il a précisé qu'un système de plaintes a été créé au sein du Ministère de la justice, et que toute information le concernant est systématiquement fournie au Rapporteur spécial. En outre, un plan national d'action a été approuvé par le Gouvernement en 2004. En novembre 2007, le troisième rapport périodique de l'Ouzbékistan a été examiné par le Comité contre la torture. En 2008, un plan national d'action composé de 60 mesures visant à perfectionner la législation a été lancé. L'habeas corpus a été introduit en Ouzbékistan dans un prolongement logique du système judiciaire, a fait valoir le représentant ouzbek. Enfin, les recommandations adressées à son pays en 2009 dans le cadre de l'Examen périodique universel ont également été appliquées.

M. PATRICK RITTER (Liechtenstein) a affirmé que son pays continuera de contribuer aux efforts internationaux destinés à contrecarrer l'érosion des normes internationales de droits de l'homme au nom de la sécurité nationale et du secret. Il a salué M. Scheinin pour le thème choisi dans son rapport annuel, et jugé que les atteintes au droit à la vie privée du fait de surveillances incontrôlées étaient étroitement liées à la question des cadres et mesures destinées à faire respecter les droits de l'homme par les agences de renseignements dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, question sur laquelle le Conseil a souhaité obtenir une compilation des meilleures pratiques. M. Ritter a dit partager les inquiétudes du Rapporteur spécial sur le fait que les États ne limitent plus leur surveillance à des circonstances exceptionnelles de lutte contre le terrorisme mais tendent à les étendre à de multiples domaines. Le représentant a demandé à M. Scheinin comment il pensait obtenir des garanties sur la protection des données personnelles recueillies quand on a affaire à des agences de renseignement. Il lui a demandé s'il était d'accord avec l'idée que les actuels instruments des Nations Unies sur l'assistance juridique mutuelle manquent de dispositions claires sur cette question. Il a conclu en encourageant les deux Rapporteurs spéciaux à apporter leur contribution au prochain Congrès des Nations Unies sur la prévention du crime et la justice pénale, qui aura lieu au Brésil, afin d'attirer l'attention des participants sur les défis aux droits de l'homme que posent les activités de surveillance excessives d'autorités étatiques, et de soulever la question de l'élaboration éventuelle d'une convention sur les droits des détenus.

MME MANJANN NJAN-KIMANI (Kenya) a déclaré que la Constitution du Kenya, de même que son code pénal et sa loi sur la police, entre autres, interdisent la torture. Le Kenya, qui est partie à la Convention contre la torture, s'est engagé à être un pays exempt de torture et de traitements cruels, inhumains et dégradants. Suite à des accusations de torture commises par des responsables de l'ordre public et en réponse aux recommandations du Comité contre la torture, le Kenya a préparé un projet de loi sur la torture qui non seulement définit la torture mais prévoit des sanctions pour ces pratiques, a ajouté la représentante. Elle a précisé que le Dialogue national pour la réconciliation, mis en place suite aux événements de 2007 au Kenya, prévoit des réformes urgentes dans la police. En ce sens, le Gouvernement a nommé en mai 2009 une équipe nationale sur la police qui a entrepris une large consultation nationale et a remis en octobre 2009 un rapport qui contient des propositions et recommandations pour améliorer la responsabilité de la police et la professionnaliser. Le Gouvernement a d'ores et déjà approuvé un mémorandum tendant à mettre en œuvre ces propositions qui devraient à la fois renforcer l'efficacité de la police et permettre une meilleure protection des droits de l'homme, a conclu la représentante.

M. OMAR SHALABY (Égypte) a déclaré que son pays appuyait les conclusions de M. Scheinin sur la nécessité de respecter la vie privée dans la lutte contre le terrorisme. Il a demandé l'avis du Rapporteur spécial sur la manière de combler l'écart constaté entre les normes juridiques et la réalité des pratiques de surveillance empiétant sur la vie privée; sur les modalités du contrôle de l'action des États; et sur la suite à donner à l'adoption de moyens techniques risquant d'entraîner des violations de la sphère privée. Le représentant égyptien a déploré en outre que le rapport du Rapporteur spécial sur la torture, M. Manfred Nowak, fasse un recours constant à des éléments extérieurs au droit international humanitaire. Il s'est par contre félicité de la recommandation du Rapporteur spécial visant au renforcement des systèmes judiciaires nationaux, notamment sous la forme de la création d'un fonds mondial destiné à venir en aide aux États dans ce domaine.

M. ARCANJO DO NASCIMENTO (Angola), relevant que M. Nowak présente dans son rapport des allégations de mauvais traitement à l'encontre d'immigrants sur le territoire angolais, a évoqué le contexte de l'afflux quotidien de migrants dans le pays qui pose un problème de sécurité nationale en raison de l'immigration illégale, du trafic de stupéfiants et de diamants, ainsi que de la traite d'êtres humains. L'Angola accueille près d'un demi-million d'immigrants illégaux, ce qui représente un lourd fardeau pour un pays connaissant de nombreux problèmes économiques et sociaux. Le Gouvernement angolais travaille avec ses homologues de la région et les organisations internationales compétentes pour faire face à ce problème, a-t-il assuré, ajoutant que les mesures comme l'expulsion immédiate ou la suspension des biens ont été prises conformément au droit interne et au droit international. Un traitement différent est accordé aux demandeurs d'asile, a-t-il en outre indiqué. Le représentant angolais a enfin souligné que la police nationale avait la responsabilité de procéder aux expulsions et que l'armée était parfois appelée en renfort pour faire face à des réseaux criminels potentiels. Dans ce cadre, il est possible qu'un ou deux cas de violations aient pu se produire, mais les responsables sont en l'occurrence sévèrement punis, a assuré le représentant.

M. GEORGE TUGUSHI (Défenseur public de la Géorgie) a déclaré représenter une institution nationale de défense des droits de l'homme d'un pays qui a adhéré au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et mis en place un système national de suivi. Il a expliqué le fonctionnement du mécanisme national de prévention, qui compte six membres permanents et a fait appel l'an passé à 36 experts extérieurs. Le mécanisme surveille actuellement toutes les institutions fermées du pays, y compris les asiles psychiatriques ou les institutions qui relèvent du Ministère de la défense, a-t-il affirmé. Le système d'institutions fermées en Géorgie reste confronté à de nombreuses difficultés systémiques ou ponctuelles, a-t-il reconnu. Le mécanisme national et le Défenseur public sont activement impliqués dans l'identification de ces dysfonctionnements et présentent des recommandations, a-t-il expliqué, ajoutant qu'il espérait, via ces procédures et de nombreuses visites, améliorer la situation concernant la torture ou les traitements cruels et dégradants dans toutes les institutions fermées du pays.

MME KATHARINA ROSE (Institut danois pour les droits de l'homme, au nom de plusieurs institutions nationales des droits de l'homme1) a déclaré que les institutions nationales de droits de l'homme au nom desquelles elle s'exprime sont de plus en plus engagées dans la promotion et la protection des droits de l'homme dans le contexte de la lutte contre le terrorisme. Les institutions expriment leur soutien aux procédures spéciales du Conseil dans ce domaine. Les rapporteurs et autres procédures spéciales sont «les yeux et les oreilles» du Conseil et sont indispensables à son bon fonctionnement, a-t-elle souligné. Les institutions nationales de droits de l'homme sont très préoccupées par la pratique de la détention au secret de même que par l'érosion de la vie privée au nom de la lutte contre le terrorisme. Elles estiment que toute remise en cause de la vie privée doit être autorisée par des lois, rendue publique et proportionnelle à la menace perçue; et que le partage d'informations entre États doit être soumis à des garanties solides en matière de respect de la vie privée.

MME JULIE DE RIVERO (Human Rights Watch) a réaffirmé sa préoccupation s'agissant des pratiques abusives de plusieurs gouvernements dans le monde, qui détiennent des personnes de manière abusive dans des lieux secrets. La détention au secret à long terme est une violation du droit humanitaire international et des Conventions de Genève, a-t-elle rappelé, ajoutant que l'objet de ces détentions est trop souvent de faciliter la torture. La guerre contre le terrorisme a amené un plus grand nombre de gouvernements à utiliser ce type de pratiques, a-t-elle poursuivi. Un réseau de lieux de détention à l'étranger gérés par l'agence de renseignements américaine, la Central Intelligence Agency (CIA), dénommés «sites noirs» ont été ouverts en Roumanie, en Pologne, en Thaïlande et en Afghanistan, dans les années qui ont suivi les attentats du 11 septembre 2001. L'Administration Bush appelait ces méthodes «techniques d'interrogatoire renforcé», a-t-elle rappelé, saluant les mesures prises depuis par le Président Barack Obama après sa prise de fonctions. Elle a souligné que les détenus dans ces circonstances n'ont accès ni à un avocat ni à leurs familles. La représentante de Human Rights Watch s'est également déclarée très préoccupée par la situation des droits de l'homme en Tchétchénie, où l'on assiste à des violations des droits de l'homme en toute impunité, d'abord par les forces fédérales, puis par les forces supplétives locales, depuis le début de la seconde guerre de Tchétchénie.

M. MICHAEL ANTHONY (Asian Legal Resource Centre) a noté avec regret que certains gouvernements n'ont pas réagi aux demandes d'information de M. Nowak et que, d'autre part, les enquêtes ne débouchent que rarement sur la condamnation des responsables d'actes de torture. Le représentant a aussi regretté que le Conseil ne tienne malheureusement pas compte des recommandations de ses experts, observant en outre que l'Examen périodique universel n'était pas le mécanisme adéquat pour promouvoir efficacement la lutte contre la torture. Le représentant a en outre demandé au Rapporteur spécial s'il avait entrepris des démarches auprès des Gouvernements des pays suivants: Pakistan, Bangladesh, Thaïlande et Sri Lanka.

MME LANI VIROSTKO (Human Rights Advocates) s'est dite profondément préoccupée par la situation en matière de lutte contre le terrorisme. Elle a souligné que les mesures prises dans ce contexte devraient toujours respecter les normes internationales de droits de l'homme et a fait observer que l'absence de définition internationale du terrorisme facilitait les abus. Elle a donc souhaité l'adoption d'une définition universelle du terrorisme, qui devrait - selon elle - se rapporter à des violences contre les civils et inclure une intention de semer la terreur. Elle a demandé au Rapporteur spécial, M. Scheinin, s'il avait une idée des moyens susceptibles d'amener les États à adopter une telle définition. La représentante a ensuite attiré l'attention sur la situation des personnes se trouvant dans les «couloirs de la mort». Les prisonniers condamnés à la peine de mort qui restent longtemps dans ces cellules sont en fait soumis à une double peine: peine de mort et détention de facto illimitée, a-t-elle affirmé, soulignant que de tels cas existent aux États-Unis, au Japon et au Pakistan. Les pays qui ont de telles pratiques les expliquent souvent par les délais de procédure, a-t-elle constaté, ajoutant que les détenus qui se trouvent dans cette situation devraient pouvoir obtenir réparation. Aussi, a-t-elle demandé au Rapporteur spécial sur la torture, M. Nowak, s'il avait étudié cette question.

MME RASHA EL-SHEHAWY (Cairo Institute for Human Rights Studies) s'est félicitée du rapport de M. Scheinin sur la situation de l'Égypte s'agissant de la promotion et de la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans le cadre de la lutte antiterroriste. Elle s'est également félicitée de l'action du Gouvernement égyptien dans ce domaine, s'agissant en particulier de la révision de la Constitution du pays visant au plein respect des normes internationales de droits de l'homme relatives à la privation de liberté. La représentante a observé que peu après la visite du Rapporteur spécial, une trentaine de Frères musulmans ont été arrêtés et jugés devant une cour d'exception, sous un chef d'inculpation vague découlant de la loi régissant l'état d'urgence. Aussi, a-t-elle demandé que le Rapporteur spécial tienne compte de ces faits dans le cadre du suivi de son rapport.

M. HOSSAM BAHGAT (Fédération internationale des ligues des droits de l'homme - FIDH) a déploré la «culture d'exceptionnalisme» qui caractérise l'Égypte pour décrire l'état d'urgence censé prendre fin en mai 2010. Elle a préconisé que soit modifié l'article 79 de la Constitution égyptienne, qui permet des mesures de détention, de fouille et de saisie de données personnelles. Est-ce que le Rapporteur spécial, M. Scheinin, est en mesure de présenter des informations sur les lieux de détention secrets et le programme de transfèrements extrajudiciaires de prisonniers de la CIA en Égypte, a par ailleurs demandé le représentant? Le rapport de M. Scheinin fait état du procès d'hommes condamnés à la pendaison pour actes de terrorisme, qui ont affirmé que leurs aveux leur avaient été arrachés sous la torture, a rappelé le représentant de la FIDH.

M. JOHN SUAREZ (Internationale démocrate de centre) a souligné toute l'importance que revêt, pour son organisation, le mandat du Rapporteur spécial sur la torture. Il a demandé au Rapporteur spécial, M. Nowak, d'expliquer pourquoi Cuba et le Zimbabwe avaient fait reporter ses visites, compte tenu notamment que le rapport faisait état de nombreux cas de torture dans ces pays. De nombreux détenus au Zimbabwe auraient souffert des violations de leurs droits et de la torture. Le représentant a voulu savoir si ces cas avaient été examinés par le Gouvernement du Zimbabwe, et comment la communauté internationale pouvait contribuer à améliorer la situation des droits de l'homme dans ce pays. Quant aux prisonniers de conscience à Cuba, le représentant a demandé si le refus de donner de l'eau à une personne en grève de la faim depuis plus de deux semaines ne constituait pas un acte de torture, et si ce cas particulier, celui d'Orlando Zapata Tamayo, avait été examiné par le Rapporteur spécial sur la torture?

MME GISELLE BOGAEST (Organisation mondiale contre la torture - OMCT) a indiqué que son organisation avait réalisé en 2009 une mission en Uruguay pour y étudier la situation s'agissant de la justice pour mineurs. Il a fait part de son inquiétude face aux conditions qui prévalent dans les centres de détention pour adolescents en Uruguay, affirmant que la privation de liberté est utilisée de manière abusive. En dépit de progrès concernant certains aspects de la situation dans ce pays, l'administration de produits pharmaceutiques, par exemple, ne se fait pas toujours de manière justifiée. En outre, le caractère arbitraire du pouvoir de l'administration locale atteint un niveau élevé. Il est regrettable que l'administration ait créé un système de cartes de visite limitant les possibilités de communication entre les détenus et leurs familles ainsi que les possibilités d'intervention des organisations non gouvernementales.

MME NATHALIE JEANNIN (Fédération internationale de l'ACAT (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture - FIACAT, au nom également du Conseil international de réadaptation pour les victimes de la torture) a déclaré que l'impunité était l'un des principaux facteurs contribuant à la pratique de la torture et des mauvais traitements. Bien que l'impunité soit fréquemment liée à une administration défaillante de la justice, trop souvent, elle persiste aussi du fait de l'absence d'une volonté politique d'enquêter de manière exhaustive sur des allégations de torture et d'en traduire les auteurs présumés en justice. La représentante a estimé primordial de rappeler que le mandat du Rapporteur spécial en tant qu'expert indépendant était d'assister les gouvernements dans leurs efforts pour améliorer la situation et mettre un terme à la torture et aux mauvais traitements. Le Conseil doit pour sa part demander aux États de coopérer pleinement avec le mandat du Rapporteur spécial sur la torture, y compris en répondant rapidement et de manière exhaustive aux appels urgents, communications et demandes de visites; et prendre des mesures contre les États qui, de manière systématique, ne coopèrent pas avec le détenteur du mandat.

Réponses des Rapporteurs spéciaux

M. MARTIN SCHEININ, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a fait part de ses préoccupations quant aux mesures de détention administrative dans le cadre de la loi contre le terrorisme telle qu'appliquée en Égypte, en dépit des garanties qu'il a reçues du Gouvernement de ce pays. L'arrestation des Frères musulmans évoquée par une organisation non gouvernementale fera l'objet d'un suivi. Le Rapporteur spécial a en outre fait savoir que la protection des données ne doit pas être considérée comme un droit humain distinct, mais bien comme partie intégrante du droit au respect de la vie privée. Le droit international, par le biais de l'article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, traite cette question et gagnerait à être explicité par une déclaration interprétative du Comité des droits de l'homme, a-t-il estimé. M. Scheinin a remercié le Mexique de son soutien sans faille au mandat. Il faut admettre qu'il existe un problème de financement du travail de compilation des bonnes pratiques concernant le respect de la vie privée, a ajouté le Rapporteur spécial; il a donc fallu reporter l'examen de cet aspect.

M. MANFRED NOWAK, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a estimé très encourageantes les réponses des représentants de l'Uruguay et du Kazakhstan. Il a dit ne pas être surpris que le Gouvernement de Guinée équatoriale soit en désaccord avec ses conclusions mais a ajouté qu'il disposait de tous les éléments, y compris des photos, à l'appui de ses conclusions. Il a souhaité qu'il soit possible d'avoir d'autres échanges sur son rapport à New York. Il a jugé encourageantes les déclarations d'organisations non gouvernementales, notamment celles concernant des États dans lesquels il s'est rendu. M. Nowak a rappelé ne pouvoir assister les gouvernements que s'ils coopèrent avec lui, comme l'ont fait l'Uruguay, la Jamaïque ou encore le Kazakhstan. Il a jugé totalement infondées les accusations du représentant du Zimbabwe. Il a estimé que tout gouvernement de la planète peut, s'il le souhaite, éliminer la torture par une politique de transparence ou par une politique d'ouverture de prisons aux visites extérieures ou encore par la création d'une inspection générale des services de polices. M. Nowak a affirmé que les détenus constituent un groupe d'êtres humains vulnérables qui pourraient voir leurs droits spécifiques reconnus dans une convention internationale, à l'instar des enfants ou des personnes handicapées.

M. Nowak a déclaré que l'Iran n'avait pas répondu à ses appels urgents concernant les détentions consécutives aux manifestations de l'an dernier. Il a ajouté que le Gouvernement des États-Unis ne lui avait pas donné l'autorisation de se rendre à Guantánamo. Il a confirmé le report à 2010 de sa visite à Cuba. Répondant à d'autres interventions, M. Nowak s'est dit préoccupé par la situation des détenus dans les couloirs de la mort. Enfin, il a regretté que certaines informations fournies par la Turquie n'aient pas été incluses dans son rapport et a promis de faire publier un additif. Il a conclu son intervention en plaidant pour que les États considèrent les titulaires de mandat des procédures spéciales comme des alliés.

Exercice du droit de réponse

M. AHMED IHAB GAMALELDIN (Égypte) a réaffirmé que l'état d'urgence imposé dans son pays sera levé dès l'adoption de la loi antiterroriste. Le temps consacré à l'adoption de cette loi s'explique par les nombreuses consultations qui doivent naturellement la précéder, a-t-il précisé. Il a assuré que son pays poursuivra sa collaboration avec M. Scheinin.

M. MOJTABA ALIBABAEE (Iran) a regretté que des délégations de l'Union européenne aient fait, ce matin, des allégations sans fondement contre l'Iran. Il est patent que ces pays, en particulier le Royaume-Uni, n'ont pas réussi à détourner l'attention de la communauté internationale des centres de détention illégaux et des aveux obtenus sous la torture par d'autres pays. Il est surprenant de constater que certains musulmans libérés de Guantánamo aient été jugés au Royaume-Uni sur la base de preuves acquises de manière illégale, a conclu le représentant iranien.


Examen des rapports sur les disparitions forcées ou involontaires, sur la détention arbitraire et sur les personnes déplacées

Présentation des rapports

M. JEREMY SARKIN, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, a rappelé que le Groupe de travail a été créé en 1980, sa mission originale étant d'apporter des réponses au problème des disparitions forcées organisées par des régimes autoritaires d'Amérique du Sud. Depuis cette époque, le Groupe de travail a transmis plus de cinquante-trois mille communications aux gouvernements de toutes les régions du monde. Le Groupe de travail a en effet progressivement étendu ses activités à tous les États, en particulier ceux en proie à des conflits internes. Des milliers de disparitions demeurent inexpliquées et, par conséquent, constituent autant de crimes, a souligné M. Sarkin. Le Groupe de travail attire une nouvelle fois l'attention sur le fait que de très nombreuses disparitions ne sont pas dénoncées, partout dans le monde: ce phénomène est dû à de nombreuses raisons, notamment la pauvreté, l'illettrisme, la crainte de représailles, et l'administration défaillante de la justice. Dans le contexte de conflits armés, les belligérants commettent très fréquemment des actes assimilables à des disparitions, comme en Colombie, au Népal, en Russie et à Sri Lanka, a expliqué le Président-Rapporteur du Groupe de travail. Bien que son mandat ne concerne que les violations commises par des agents de l'État et d'acteurs non-étatiques agissant au nom ou avec l'accord tacite de l'État, le Groupe de travail condamne la pratique d'actes assimilables à des disparitions forcées indépendamment de leurs auteurs.

Dans son rapport annuel, le Groupe de travail se déclare particulièrement préoccupé par les mesures prises par les États pour lutter contre le terrorisme assimilables à des disparitions forcées, y compris les transferts extrajudiciaires, les détentions arbitraires et les mesures juridiques consistant à affaiblir le principe de la primauté du droit. Le Groupe de travail est aussi préoccupé par l'impunité dont bénéficient trop souvent les responsables de disparitions forcées. Il a d'autre part constaté que les disparitions forcées ont des conséquences particulières sur les femmes. Les hommes étant généralement les victimes directes de cette pratique, les femmes doivent en subir les conséquences en termes économiques. Les femmes victimes de disparitions forcées deviennent particulièrement vulnérables à la violence sexuelle, souligne également le rapport. Enfin, le Groupe de travail insiste sur l'importance du droit à la vérité, dont doivent jouir toutes les personnes victimes de disparitions forcées.

M. Sarkin a également indiqué que le Groupe de travail avait effectué une visite au Maroc en juin 2009; au Népal en 2004; à El Salvador, au Guatemala, au Honduras, en Colombie et en Argentine entre 2005 et 2008. Le Groupe de travail appelle en outre le Gouvernement de Sri Lanka à prendre des mesures afin de mettre un terme aux disparitions forcées et d'enquêter sérieusement sur les allégations dans ce domaine. M. Sarkin a également fait part de l'inquiétude du Groupe de travail concernant le grand nombre de communications faisant état de disparitions forcées en Iran, en particulier à la suite des élections présidentielles de juin 2009. Le Groupe de travail félicite par ailleurs le Gouvernement de l'Algérie d'avoir ouvert un dialogue avec lui, une démarche qui devrait permettre la résolution des nombreux cas de disparitions forcées encore non résolus dans ce pays, a déclaré M. Sarkin. Enfin, le Président-Rapporteur a évoqué la mission du Groupe de travail au Maroc, au terme de laquelle il a notamment recommandé au Gouvernement de mettre un terme aux activités de la Commission d'égalité et de réconciliation en donnant effet à ses recommandations. Le Groupe de travail appelle à la réalisation du droit à la vérité des familles des victimes, tout en se félicitant des mesures prises par le Maroc pour renforcer l'administration de la justice, ainsi que du rôle joué par ce pays dans la rédaction de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Le rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires (A/HRC/13/31 ) rend compte des communications et des cas examinés par le Groupe de travail pendant les trois sessions qu'il a tenues en 2009 et porte sur la période allant du 5 décembre 2008 au 13 novembre 2009. Le rapport rend également compte de la mission effectuée par le Groupe de travail au Maroc en juin 2009.

M. EL HADJI MALICK SOW, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur la détention arbitraire, a présenté le rapport d'activité du Groupe de travail pour l'année 2009 en indiquant que l'an dernier, le Groupe a mené des missions officielles à Malte et au Sénégal et a participé - conjointement avec trois autres mécanismes thématiques du Conseil - à l'Étude sur les détentions secrètes. Le Groupe de travail est en train d'améliorer sa procédure de suivi et d'instaurer dans ce contexte un dialogue avec la Guinée équatoriale et la Norvège, qui avaient fait l'objet de visites en 2007 et ont réagi aux recommandations qui leur avaient été adressées - tandis que le Gouvernement de l'Angola a demandé un délai pour le faire, a précisé M. Sow.

Une partie importante du rapport est consacrée à la question des détentions de migrants en situation irrégulière, de demandeurs d'asile et de réfugiés, a poursuivi le Président-Rapporteur. Dans certains pays, la détention de migrants en situation irrégulière est obligatoire et automatique et se fait en l'absence de contrôle juridictionnel, a-t-il poursuivi. Le Groupe de travail réitère la nécessité d'appliquer le principe de proportionnalité et de remettre en liberté les migrants détenus quand leur rapatriement n'est pas possible. Le Groupe a également continué d'examiner la question de la détention ordonnée par des tribunaux militaires et dans le cadre de déclarations d'état d'urgence. Il observe par ailleurs que les États sont de plus en plus nombreux à se doter d'une législation d'exception, qui retreint le recours en habeas corpus ainsi que les droits fondamentaux des personnes détenues.

Du 1er décembre 2008 au 30 novembre 2009, le Groupe de travail a adressé à 58 gouvernements 138 appels urgents concernant 844 personnes, a indiqué M. Sow. Dans 65 cas, les détenus ont été libérés, a-t-il précisé. Le Groupe tient à remercier les gouvernements qui se sont livrés à un dialogue constructif, mais déplore que dans certains cas les personnes libérées aient été de nouveau arrêtées. Le Groupe de travail a également adopté un avis sur la situation de l'opposante Aung San Suu Kyi et a de nouveau demandé sa libération immédiate et sans condition.

Le Groupe estime que les représailles contre les juges qui exercent des fonctions constitutionnellement garanties et exécutent les recommandations d'un mécanisme des droits de l'homme ne doivent en aucun cas être tolérées par le Conseil, a par ailleurs souligné M. Sow. Le rapport annuel contient cette année une étude thématique sur la détention administrative de migrants en situation irrégulière, a-t-il de nouveau souligné.

Le Président-Rapporteur du Groupe de travail sur la détention arbitraire a par ailleurs indiqué que le Groupe a décidé, pour cette année 2010, de porter une attention particulière aux questions relatives à la surveillance audiovisuelle dans les salles d'interrogatoire, aux mesures alternatives à la privation de la liberté, à la détention des toxicomanes et à la révision de ses propres méthodes de travail. Le Groupe suggère par ailleurs qu'en cas de situation d'urgence, une mission soit effectuée dans le pays concerné pour vérifier le respect de la légalité internationale. Enfin, le Groupe réitère au Conseil sa proposition visant l'extension de son mandat afin d'y inclure l'examen des conditions de détention et l'examen de tous les droits des personnes emprisonnées.

S'agissant de la visite que le Groupe a effectuée à Malte en janvier 2009, M. Sow a noté avec satisfaction les garanties institutionnelles et juridiques en vigueur dans ce pays afin de prévenir toute détention arbitraire. Le recours en habeas corpus existe à tous les stades de la procédure et de nombreux mécanismes de contrôle indépendants sont créés pour visiter les centres de détention, a-t-il relevé. Rappelant qu'il est lui-même sénégalais, M. Sow a souligné qu'il n'a pas participé personnellement à la visite que le Groupe de travail a effectuée en septembre 2009 au Sénégal, ni même à l'adoption du rapport du Groupe concernant cette visite. M. Sow a néanmoins indiqué que la délégation du Groupe de travail qui s'est rendue dans ce pays a pu visiter les villes de Dakar, Saint-Louis et Thiès, mais regrette de n'avoir pu visiter la Casamance pour des raisons logistiques. Des progrès ont été réalisés, du point de vue législatif, en 1984, 1992 et 2008, afin de limiter les détentions abusives et arbitraires, a souligné le Président-Rapporteur. Le Groupe note néanmoins que la pratique du «retour de parquet» doit être corrigée. Il convient en outre d'améliorer la situation en ce qui concerne le traitement des femmes condamnées pour infanticide et la détention des étrangers en situation irrégulière.

En conclusion, le Groupe de travail remercie les Gouvernements de l'Arménie, de l'Azerbaïdjan, du Burkina Faso, des États-Unis, de la Géorgie, de la Libye et de la Malaisie pour l'avoir invité à visiter leurs pays.

Dans son rapport, le Groupe de travail sur la détention arbitraire (A/HRC/13/30 , à paraître en français) constate, sur la base d'une analyse de sa jurisprudence et de ses recommandations sur la conformité aux normes internationales relatives aux droits de l'homme, que la solution la plus simple pour régler le sort des personnes détenues arbitrairement est leur libération immédiate. Cela inclut la libération des ressortissants (étrangers) détenus arbitrairement dans le territoire des États à l'origine de la privation de liberté. Le rapport est complété des opinions adoptées par le Groupe de travail (A/HRC/13/30/Add.1, à paraître en français) et de deux rapports de mission à Malte (Add.2) et au Sénégal (Add.3).

M. WALTER KÄLIN, Représentant du Secrétaire général pour les droits des personnes déplacées dans leur propre pays, a présenté son rapport en indiquant que le nombre de personnes déplacées dans leur propre pays du fait de violences et de conflits est aujourd'hui estimé à environ 25 millions, soit un nombre équivalent à celui d'il y a six ans lorsqu'il est entré en fonction à ce poste pour son premier mandat. S'ajoute à cela un nombre croissant de personnes déplacées du fait de catastrophes naturelles, comme des séismes ou des catastrophes liées au changement climatique. Beaucoup des personnes rencontrées par le Rapporteur spécial au début de son mandat se trouvent toujours dans des situations sans issue, d'autres ont pu rentrer chez elles mais tentent encore de reconstruire leur vie, d'autres enfin sont devenues victimes de déplacements arbitraires, a ajouté M. Kälin. Or, a-t-il ajouté, «je ne connais pratiquement aucun cas où les responsables de déplacements arbitraires ou autres violations des droits de l'homme perpétrées à l'encontre des personnes déplacées dans leur propre pays ont été rendus comptables de leurs actes»; l'impunité prévaut, les femmes restent exposées aux violences sexuelles, les enfants déplacés ont bien peu de chances d'accéder à l'éducation ou sont enrôlés comme enfants soldats et trop d'hommes ont perdu tout espoir de retrouver leur capacité à s'occuper de leurs proches.

M. Kälin a néanmoins présenté une série de progrès. Il a ainsi cité le renforcement du cadre normatif de protection des personnes déplacées dans leur propre pays, même s'il n'existe pas de convention internationale spécifique. Il a estimé que les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays ont gagné en reconnaissance internationale et représentent le principal cadre de protection au plan mondial - un cadre qui a guidé des mesures prises au plan national, notamment au Népal. M. Kälin a cité les percées au plan normatif que représentent aux plans régional ou sous-régional la Convention de Kampala de l'Union africaine ou encore le Pacte des Grands Lacs. Toutefois, un cadre normatif fort est nécessaire pour préserver les droits des personnes déplacées dans leur propre pays mais il reste insuffisant tant que son application reste peu étendue, a poursuivi M. Kälin, qui a plaidé pour que les droits des personnes déplacées dans leur propre pays soient systématiquement pris en compte dans les activités des organisations humanitaires ou de développement et a présenté en ce sens le travail du Comité permanent interorganisations pour la reconstruction et le relèvement des zones sinistrées par suite de guerres ou de catastrophes, qui a permis de mettre en place un Cadre pour des solutions durables pour les personnes déplacées, récemment actualisé.

Concernant la situation dans les différents pays qu'il a visités en six ans de mandat, M. Kälin a estimé que l'amélioration de la sécurité ou la signature d'accords de paix avaient permis à un grand nombre de personnes, dans un certain nombre de pays, de retourner chez elles, Néanmoins, souvent, demeure le défi de la réintégration, notamment du fait de l'insuffisance des interventions communautaires en faveur du développement. En outre, d'autres personnes - et ce sont souvent les plus vulnérables - sont encore déplacées, a-t-il fait observer, rappelant que beaucoup de personnes déplacées le restent sans grand espoir de retour - notamment dans le Sud du Caucase ou dans les Balkans. Parfois, a-t-il ajouté, les personnes déplacées dans leur propre pays sont de nouveau déplacées du fait de nouvelles violences qui constituent des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité, comme dans l'Est de la République démocratique du Congo ou en Somalie.

M. Kälin a déclaré que l'engagement avec les États touchés par des déplacements internes avait été au cœur de ses deux mandats et qu'il avait recherché avec eux un dialogue constructif et transparent ainsi que des solutions pragmatiques fondées sur les droits des déplacés. Il a ainsi appelé le Gouvernement serbe et les autorités du Kosovo à coopérer et a dressé un tableau de la situation dans cette région, ainsi qu'en Somalie et en Ossétie du Sud et dans la région de Tskhinvali, avant d'annoncer son intention de mener d'ici à la fin de son mandat en novembre deux autres missions, en Iraq et au Soudan.

M. Kälin a ensuite cité sept défis majeurs: la prise en compte de toutes les personnes déplacées dans leur propre pays et non pas seulement celles d'entre elles qui vivent dans des camps; la prise en compte des différentes vulnérabilités qui affectent les personnes déplacées dans leur propre pays, y compris certains groupes encore plus vulnérables comme les femmes ou les enfants déplacés; le soutien aux États disposant de peu de moyens; le renforcement de la réponse internationale; la défense de l'espace humanitaire face aux attaques contre les travailleurs humanitaires ou face au refus de les laisser accéder aux personnes nécessiteuses; la fin de l'impunité pour les responsables de déplacements arbitraires; et la fin des politiques marquées par l'absence de volonté de trouver des solutions durables pour les personnes déplacées. M. Kälin s'est dit conscient de l'importance des défis mais a affirmé qu'ils n'étaient pas insurmontables si le Conseil des droits de l'homme et les États Membres décidaient d'agir pour garantir la protection des droits des personnes déplacées. Le déplacement interne est davantage qu'un problème interne: il exige une volonté collective de la part de la communauté internationale et des efforts concertés pour être traité et prévenu, a-t-il conclu.

Le rapport du Représentant du Secrétaire général concernant les personnes déplacées dans leur propre pays (A/HRC/13/21, à paraître en français), dresse un bilan des accomplissements et activités du titulaire du mandat, tout en recensant les principaux obstacles qui restent à surmonter relativement au respect des droits de l'homme des personnes déplacées. Le rapport contient également la relation des missions effectuées par M. Kälin en Somalie et au Tchad et le suivi donné à ses missions en Serbie-et-Monténégro (en 2005) et en Géorgie (2008). Le rapport présente enfin un cadre pour la recherche de solutions durables au problème des personnes déplacées dans leur propre pays.

Délégations concernées par les rapports présentés

M. OMAR HILALE (Maroc) a remercié le Président-Rapporteur du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires. Le Maroc a fait de la protection des droits de l'homme le cœur de son action de gouvernance. Les chantiers de réforme sont caractérisés par leur dimension globale et leur caractère inclusif. La réconciliation avec le passé est au cœur de ses préoccupations. Le Maroc, a ajouté son représentant, accorde une importance fondamentale à sa coopération avec les institutions du Conseil, y compris donc le Groupe de travail sur les disparitions forcées, avec lequel il coopère sans réserve. C'est dans ce cadre que s'est inscrite la visite du Groupe de travail, la première du genre sur le continent africain. La visite du Groupe de travail lui a permis d'évaluer l'une des expériences pionnières dans le monde en matière de justice transitionnelle. Elle a également permis de renforcer les relations de confiance entre les autorités marocaines et le Groupe de travail. Le délégué a précisé que les membres du Groupe de travail ont eu accès, dans la plus grande liberté de mouvement, à l'ensemble du territoire marocain, et ont rencontré de nombreux responsables des différents départements concernés. Le Maroc se félicite du rapport de mission du Groupe de travail, élaboré à la suite de cette visite, et salue, à cet égard, son approche constructive et la haute compétence de ses membres. Dans ce rapport, le Groupe de travail salue «la volonté politique déclarée» du Gouvernement marocain de prendre toutes les mesures nécessaires afin de prévenir les disparitions forcées, a rappelé le délégué. S'agissant des mesures prises en vue d'élucider les cas de disparitions forcées portés à son attention, le Groupe de travail «exprime sa satisfaction devant le nombre important de cas élucidés par le Gouvernement du Maroc», s'est félicité enfin le représentant, indiquant qu'au niveau de l'établissement de la vérité, le sort de 57 cas sur les 66 cas restants des victimes que l'Instance équité et réconciliation n'a pu élucider, ont été clarifiés.

M. VICTOR CAMILLERI (Malte) a déclaré qu'un grand nombre des questions soulevées par le Président-Rapporteur du Groupe de travail sur la détention arbitraire étaient complexes et sensibles et exigeaient un examen plus approfondi. Il a expliqué que la législation prévoyant l'accès des détenus à un avocat dans les 48 heures a été publiée cette année. Il a déclaré que son pays avait publié un livre blanc sur la justice réparatrice. Il a expliqué la législation de son pays relative aux mineurs, la jugeant appropriée. Le représentant de Malte a également affirmé que la détention administrative d'immigrés en situation irrégulière était régie par la législation nationale, qui ne considère par l'entrée illégale comme un délit en soi mais entraîne le placement dans des centres de rétention distincts des prisons, et a jugé que le système en place n'était pas contraire au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il a affirmé que les immigrants illégaux étaient informés de leurs droits, ajoutant qu'en 2008, 98% des 2775 immigrants illégaux avaient demandé l'asile. Il a précisé que les requérants d'asile de bonne foi ne sont pas détenus plus de six mois et que son pays accorde un statut de protection conforme à ses engagements européens et internationaux à plus de 50% des demandeurs. Il a jugé évidente la nécessité de la détention pour quiconque connaît malte, pays de petite taille et à très forte population. Enfin, le délégué a affirmé que les soins de santé étaient fournis au même niveau qu'aux nationaux maltais.

M. CHEIKH TIDIANE THIAM (Sénégal) a ajouté quelques observations au rapport réalisé suite à la visite dans son pays du Groupe de travail sur la détention arbitraire. En ce qui concerne la ratification par le pays des principaux instruments de droit international, le rapport souligne que le Sénégal est l'un des premiers États à avoir ratifié en 1998 le statut de Rome de la Cour pénale internationale, a noté le représentant sénégalais, signalant à cet égard que le rapport oublie de préciser que le Sénégal est le premier pays au monde à l'avoir ratifié. Le rapport oublie également de mentionner que le Sénégal a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Le Sénégal accueille favorablement les conclusions du Groupe de travail et souhaite poursuivre ses efforts pour prendre en considération les recommandations formulées, tout en soulignant l'avancée notable qu'est l'adoption le 2 mars 2009 d'une loi mettant en place un observatoire des lieux de privation de liberté.

M. UGLJESA ZVEKIE (Serbie) a déclaré qu'il y avait environ 210 000 personnes déplacées venus de Kosovo-Metohija en Serbie qui, venant s'ajouter aux réfugiés, font de la Serbie le pays qui compte la plus forte population vulnérable de ce type en Europe. C'est pourquoi le Gouvernement serbe s'est engagé à trouver la meilleure solution, sur la base d'une stratégie de dialogue entre les institutions gouvernementales, les organisations non gouvernementales (ONG) et d'autres acteurs. La Serbie, a-t-il affirmé, s'est engagée à accorder à toutes les personnes déplacées dans leur propre pays leurs droits, quelle que soit leur décision: rentrer, rester où elles sont déplacées ou encore s'installer ailleurs. Toutefois, a-t-il ajouté, du fait de l'état lamentable des droits de l'homme dans la province méridionale du Kosovo-Metohija, -qui, a-t-il appelé, du fait de la résolution 1244 du Conseil de sécurité n'est pas placée sous la juridiction de la Serbie- les conditions pour un retour des personnes déplacées dans leur propre pays n'existent pas. M. Zvekic a déclaré que les Roms, Ashkalis et Égyptiens représentaient des groupes particulièrement vulnérables au Kosovo et a souhaité que la communauté internationale traite mieux la question des Roms de Mitrovica exposées à des déchets toxiques, étant donné la juridiction limitée de la Serbie sur cette région. Il a dit soutenir l'appel à de plus grands efforts de la part de la communauté internationale, y compris d'organisations non gouvernementales telles qu'Amnesty international, dont il a dit apprécier la contribution écrite au rapport de M. Kälin, afin d'améliorer les conditions de vie au Kosovo-Metohija. Il a affirmé que la Serbie a adopté un plan national d'action au profit des Roms, ainsi qu'une législation contre la discrimination. Il a souligné la volonté de son gouvernement de trouver des solutions durables en faveur des personnes déplacées.

M. GIORGI GORGILADZE (Géorgie) a remercié le Représentant du Secrétaire général pour les droits de l'homme des personnes déplacées dans leur propre pays, dont le rapport montre que de graves violations des droits de l'homme de la population géorgienne sont commises dans les territoires occupés: viols et violence sexuelle, travail et détentions forcés, mauvais traitements et tortures, détention illégale de civils, destructions de biens et violations du droit de propriété, notamment. Le représentant a déploré que l'absence de mission des Nations Unies et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en Géorgie entraîne le risque que les régions occupées de l'Abkhazie et de Tskhinvali en Ossétie du Sud ne se transforment en véritables «trous noirs», marqués par la violation permanente des droits de l'homme et où les personnes déplacées ne seront plus autorisées à retourner. Le représentant géorgien a jugé que l'application de tous les articles de l'accord de cessez-le-feu par la Fédération de Russie contribuera à l'amélioration de la situation en matière de droits de l'homme et de libertés fondamentales des populations touchées par l'occupation.

M. AWADA ANGUI (Tchad) a souligné que l'atelier de sensibilisation et de promotion des solutions durables des personnes déplacées au Tchad qui sera bientôt organisé à N'Djamena s'inscrit dans le cadre des recherches de solutions pragmatiques concernant les personnes déplacées. Dans son rapport, le Représentant du Secrétaire général a formulé des recommandations importantes qui permettront au Tchad d'améliorer la situation des personnes déplacées, a-t-il souligné. Il a également espéré que le voyage effectué le 8 février 2010 par le Président du Tchad Idriss Deby à Khartoum (Soudan) et la signature des accords de paix inter soudanais à Doha (Qatar) contribueront à résoudre le différent Tchad-Soudan d'une part, et le conflit soudano-soudanais du Darfour d'autre part, et permettront aux réfugiés de retourner dans leur pays.

Dialogue interactif

M. PIERRE MABIALA (République du Congo) a rappelé que son pays a connu la guerre civile de 1993 à 1999, marquée par un dysfonctionnement des services de l'État et la destruction de nombreuses infrastructures, des pertes en vies humaines importantes et de nombreuses disparitions de personnes. Une fois la paix et l'autorité de l'État rétablies, le Gouvernement a tout fait pour faire la lumière sur les disparitions, a souligné le représentant, qui a cité le cas des «disparus du Beach» qui, a-t-il affirmé, a fait l'objet d'un procès public, transparent et équitable, et dans lequel l'État a été condamné en responsabilités civiles. L'État a entièrement indemnisé toutes les parties civiles, a insisté le représentant. Il a affirmé que son pays avait engagé la procédure de ratification de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et il a rappelé que son pays avait pris l'an passé des engagements lors de l'Examen périodique universel, engagements, qui, a-t-il conclu, sont permanents.

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La documentation relative à la présente session du Conseil, notamment l'ordre du jour annoté (A/HRC/13/1), est disponible sur la page Internet consacrée à la documentation de la treizième session du Conseil: http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/13session/reports.htm
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1Déclaration conjointe: Institut danois pour les droits de l'homme, Commission nationale des droits de l'homme de Grèce, Commission nationale consultative des droits de l'homme de France, Commission indépendante des droits de l'homme en Afghanistan, Institut allemand des droits de l'homme, Centre norvégien pour les droits de l'homme, Commission irlandaise des droits de l'homme, Commission consultative des droits de l'homme du Grand-Duché de Luxembourg, Commission africaine des droits de l'homme, et Commission pour l'égalité et les droits de l'homme en Grande Bretagne.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

HRC10/020F