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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LES QUESTIONS RELATIVES AUX FORMES CONTEMPORAINES DE RACISME ET DE DISCRIMINATION

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a examiné cet après-midi les questions relatives au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie et à l'intolérance qui y est associée. Il a tenu dans ce cadre un débat interactif avec le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, M. Githu Muigai, qui a présenté un rapport consacré aux manifestations de la diffamation des religions et en particulier sur les incidences graves de l'islamophobie sur la jouissance de tous les droits. Le Conseil a ensuite tenu un débat général sur ces questions.

Présentant son rapport, M. Muigai a notamment relevé que la controverse relative à la terminologie a malheureusement détourné l'attention des réels problèmes qui affectent les personnes que l'on cherche à protéger. Aussi, a-t-il recommandé que l'on se concentre sur les droits des individus et des groupes d'individus affectés par l'intolérance, la discrimination et la violence raciales et religieuses et sur les meilleures manières de prévenir et de combattre de tels actes. Il a indiqué que les experts qui ont participé au séminaire organisé en octobre 2008 par le Haut Commissariat aux droits de l'homme sur les liens existants entre les articles 19 et 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ont généralement estimé que le débat sur la diffamation des religions devrait se concentrer sur le concept juridique existant d'incitation à la haine raciale et religieuse. Le Rapporteur spécial a par ailleurs attiré l'attention sur une déclaration conjointe sur la liberté d'expression et l'incitation à la haine raciale et religieuse qu'il a publiée avec le Rapporteur spécial sur la liberté de religion et de croyance et avec le Rapporteur spécial sur la liberté d'opinion et d'expression, dans laquelle les auteurs suggèrent qu'il n'est pas approprié de présenter la notion de diffamation des religions comme relevant d'un conflit entre le droit à la liberté de religion et le droit à la liberté d'expression.

Globalement et en substance, les États membres qui sont intervenus dans ce débat ont, soit soutenu l'approche du Rapporteur spécial qui inscrit la notion de diffamation des religions dans le cadre juridique existant d'incitation à la haine raciale ou religieuse, soit critiqué cette approche, l'estimant trop limitée dans sa portée. Plusieurs intervenants ont ainsi estimé que l'arsenal juridique international existant contient les normes nécessaires pour lutter contre la haine raciale et religieuse. Ils ont alors salué l'approche prônée par le Rapporteur spécial replaçant le concept sociologique de «diffamation des religions» dans la norme juridique d'interdiction de l'incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse. Le concept de diffamation se réfère à la protection de la réputation des personnes et il ne saurait s'appliquer aux religions, ont estimé certains intervenants.

D'autres délégations ont estimé que le Rapporteur spécial n'avait pas couvert de manière adéquate dans son rapport la question des manifestations de la diffamation des religions, s'agissant en particulier des graves implications de l'islamophobie. Le rapport de M. Muigai insiste sur la nécessité de traiter de la diffamation des religions dans le cadre juridique et les instruments juridiques internationaux existants, ce qui ne reprend le point de vue que d'un petit groupe de membres des Nations Unies et fait fi d'autres points de vues, a-t-il été regretté. L'Organisation de la Conférence islamique a clairement indiqué, par la voix du représentant pakistanais, qu'elle s'oppose au contenu du rapport de M. Muigai, ainsi qu'à l'approche préconisée par le Rapporteur spécial.

Les représentants des pays suivants ont fait des déclarations: Nigéria au nom du Groupe africain, Suède au nom de l'Union européenne, Pakistan au nom de l'Organisation de la Conférence islamique, Tunisie au nom du Groupe arabe, Égypte au nom du Mouvement des pays non alignés, Norvège, Brésil, Syrie, Qatar, Suisse, Iran, France, Chili, Indonésie, Algérie, Azerbaïdjan, États-Unis, Iraq, Malaisie et Nigéria.

Sont également intervenues les organisations non gouvernementales suivantes: Cairo Institute for Human Rights Studies); United Nations Watch; European Centre for Law and Justice; Interfaith International; et Indian Council of South America.

Dans le cadre du débat général sur les questions relatives au racisme, ont pris la parole les représentants des pays suivants: Suède au nom de l'Union européenne, Égypte au nom du Mouvement des pays non alignés, Slovénie, Cuba, Belgique, Bolivie, Fédération de Russie, Afrique du Sud, Égypte au nom de l'Organisation de la Conférence islamique, Chine, Saint-Siège, Libye et Union africaine.

Plusieurs organisations non gouvernementales ont également pris la parole dans ce cadre: Comité des droits de l'homme du Qatar; Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme (au nom également de Interfaith International; et Espace Afrique International); Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP); United Nations Watch; Union internationale humaniste et laïque; Ligue internationale contre le Racisme et l'antisémitisme (LICRA); Association pour l'éducation d'un point de vue mondial (au nom également de l'Union mondiale pour le judaïsme libéral); B'nai B'rith International (au nom également du Comité de coordination d'organisations juives); Club international pour la recherche de la paix; Mouvement international contre toutes les formes de discrimination; Institut international de la paix; European Union of Public Relations; International Human Rights Association of American Minorities; Libération; Institute for Women Studies and Research; Organization for Defending Victims of Violence; Association internationale contre la torture; Becket Fund for Religious Liberty; Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations Unies; et Association of World Citizens.


Le Conseil a tenu, en fin d'après-midi, une séance privée consacrée à sa procédure de plaintes.

Demain matin, à 9 heures, au début d'une journée de travail ininterrompue jusqu'à 18 heures, le Conseil entamera son débat sur l'assistance technique et le renforcement des capacités, en tenant des dialogues interactifs avec l'expert indépendant sur la Somalie et avec le Rapporteur spécial sur le Cambodge. Demain après-midi, à compter de 15 heures, le Conseil doit se prononcer sur des projets de résolution qui lui sont soumis dans le cadre de cette session, qui se termine vendredi.


Le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée

Présentation du rapport sur les formes contemporaines de racisme

M. GITHU MUIGAI, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d'intolérance qui y est associée, a rappelé qu'il présentait aujourd'hui un rapport sur toutes les manifestations de la diffamation des religions et en particulier sur les incidences graves de l'islamophobie sur la jouissance de tous les droits de l'homme des adeptes de l'islam. Il a rappelé que son prédécesseur à ce poste de Rapporteur spécial avait contribué à clarifier cette question difficile. Aussi, M. Muigai a-t-il précisé se sentir investi de la tâche de poursuivre le travail de son prédécesseur en recherchant une manière de renouveler l'approche de la diffamation des religions en se concentrant sur les normes de droits de l'homme existantes, qui offrent une protection aux individus.

M. Muigai a relevé que la controverse relative à la terminologie a malheureusement détourné l'attention des réels problèmes qui affectent les personnes que l'on cherche à protéger. Aussi, a-t-il recommandé que l'on se concentre sur les droits des individus et des groupes d'individus affectés par l'intolérance, la discrimination et la violence raciales et religieuses, ainsi que sur les meilleures manières de prévenir et de combattre de tels actes. À cet égard, il a salué l'important événement qu'a constitué le séminaire organisé en octobre 2008 par le Haut Commissariat aux droits de l'homme sur les liens existant entre les articles 19 et 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les experts ayant participé à ce séminaire ont généralement estimé que le débat sur la diffamation des religions devrait se concentrer sur le concept juridique existant d'incitation à la haine raciale et religieuse.

Le Rapporteur spécial s'est par ailleurs dit satisfait de la manière dont le document final issu de la Conférence d'examen de Durban traitait de la question de l'incitation à la haine raciale ou religieuse. Ce document final est parvenu à assurer un équilibre solide entre la réaffirmation de l'importance de la liberté d'expression et l'insistance sur la nécessité de lutter contre les discours haineux.

Faisant ensuite état des informations qu'il a reçues de la part de l'Observatoire sur l'islamophobie de l'Organisation de la Conférence islamique et de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, M. Muigai s'est dit profondément troublé par le contenu des rapports émanant de ces deux instances, qui témoignent de l'intolérance et de la discrimination auxquelles sont confrontés les musulmans sur une base quotidienne. Sur la base des informations reçues, le Rapporteur spécial suggère qu'une distinction soit établie entre quatre types de comportement: les mentalités intolérantes, comme celles que l'on rencontre dans certains pays occidentaux à l'encontre des musulmans; l'incitation à la haine raciale ou religieuse, qui constitue une incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence et qui est interdit par le droit international relatif aux droits de l'homme; la discrimination contre les membres de communautés religieuses, qui est également interdite en vertu des normes internationales de droits de l'homme et qui affecte de manière négative la jouissance de tous les droits de l'homme; et les actes de violence perpétrés contre des membres de communautés religieuses, lesquels constituent de claires violations de droits de l'homme.

À cet égard, M. Muigai a vivement déploré les actes de violence perpétrés contre des individus sur la base de leur appartenance religieuse et a demandé aux États de prendre toutes les mesures nécessaires et appropriées pour enquêter sur ces actes et en poursuivre et sanctionner les responsables. Bien que les informations qu'il a reçues se concentrent sur les membres d'une religion spécifique et dans une région particulière du monde, d'autres régions sont également affectées par des cas de discrimination religieuse et d'incitation à la haine religieuse, a souligné le Rapporteur spécial, ajoutant que si son rapport se concentre, à la demande du Conseil, sur un thème spécifique, des cas de discrimination religieuse et d'incitation à la haine religieuse affectant des membres d'autres religions doivent également être reconnus et traités. Il faut veiller à ne pas établir de hiérarchie entre les diverses manifestations de discrimination, a insisté M. Muigai.

Le Rapporteur spécial a par ailleurs souligné que la dernière partie de son rapport renvoie à une déclaration conjointe sur la liberté d'expression et l'incitation à la haine raciale et religieuse qu'il a publié avec le Rapporteur spécial sur la liberté de religion et de croyance et avec le Rapporteur spécial sur la liberté d'opinion et d'expression. Les auteurs de cette déclaration conjointe y réaffirment que le droit à la liberté d'expression constitue un aspect essentiel du droit à la liberté de religion et de la lutte contre le racisme et qu'il doit donc être protégé de manière adéquate dans la législation nationale. Ils suggèrent en outre qu'il n'est pas approprié de présenter la notion de diffamation des religions comme relevant d'un conflit entre le droit à la liberté de religion et le droit à la liberté d'expression.

En conclusion, M. Muigai a souscrit à l'idée retenue dans le document final de la Conférence d'examen de Durban selon laquelle des ateliers d'experts devraient être organisés afin de parvenir à une meilleure compréhension des cadres législatifs, des pratiques judiciaires et des politiques nationales concernant le concept d'incitation à la haine.

Le rapport sur les manifestations de la diffamation des religions et en particulier sur les incidences graves de l'islamophobie sur la jouissance de tous les droits des fidèles (A/HRC/12/38) fait le point sur le débat d'idées qui se tient actuellement sur la question de la «diffamation des religions» et de l'incitation à la haine religieuse. Le Rapporteur spécial y étudie notamment la question de la discrimination religieuse et de l'incitation à la haine religieuse. Après avoir exposé les informations qui lui ont été communiquées depuis son entrée en fonctions au sujet des incidences graves de l'islamophobie sur la jouissance de tous les droits de l'homme par les fidèles, il établit une distinction entre les mentalités intolérantes, l'incitation à la haine religieuse, la discrimination religieuse et la violence commise contre des membres de communautés religieuses ou de communautés de convictions. Il souligne ensuite l'interdépendance des normes internationales relatives aux droits de l'homme applicables.

Enfin, le Rapporteur spécial présente un certain nombre de conclusions et recommandations, en proposant une voie à suivre dans l'action menée sur le plan international pour lutter contre les incitations à la haine raciale ou religieuse. À cet égard, il reprend à son compte la recommandation de son prédécesseur tendant à promouvoir un déplacement du concept sociologique de «diffamation des religions» vers la norme juridique de non-incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse. Il se félicite également du consensus obtenu à la Conférence d'examen de Durban et recommande aux responsables de l'élaboration des politiques de s'appuyer sur le langage ferme et approprié du document final et de l'appliquer à l'échelle nationale. Enfin, il recommande d'accorder une importance de premier plan au respect des obligations fondamentales des États en matière de protection des personnes et des groupes de personnes contre les violations de leurs droits résultant d'appels à la haine, et souligne la nécessité de protéger les membres de communautés religieuses ou de communautés de convictions contre les violations de leur droit à la liberté de religion ou de conviction.

Débat interactif

M. MARTIN IHOEGHIAN UHOMOIBHI (Nigéria au nom du Groupe africain) a déploré que le Rapporteur spécial ait mis l'accent sur le cadre juridique et conceptuel de l'incitation à la haine, au détriment d'une étude sur les manifestations de diffamation des religions. Il a demandé des clarifications sur cette décision qui, de l'avis du Groupe africain, n'entre pas dans le mandat du Rapporteur spécial. Le Groupe africain ne partage pas l'approche du Rapporteur spécial, a-t-il insisté. Il s'inquiète que l'impact négatif de l'islamophobie sur la pleine réalisation des droits de tous les musulmans soit sous-estimé.

Le représentant du Groupe africain a également fait remarquer que le rapport de M. Muigai semble aller à l'encontre de l'esprit de la Conférence de Durban de 2001, au cours de laquelle des préoccupations à l'égard des manifestations d'islamophobie ont été exprimées et reconnues. Il a également mis en garde contre les références incessantes au document adopté lors de la Conférence d'examen de Durban qui s'est tenue en avril dernier, alors que ce document n'a pas encore été adopté par l'Assemblée générale. Enfin, il a encouragé le Rapporteur spécial à consulter les «pays progressistes» comme l'Irlande, qui a promulgué récemment une loi sur la diffamation des religions. Il l'a encouragé à ne pas sous-estimer les heurts potentiels du choc des civilisations.

M. HANS DAHLGREN (Suède au nom de l'Union européenne) a déclaré que l'Union européenne est consciente des problèmes rencontrés par les pays de la région en matière de lutte contre le racisme. Tous les actes de racisme sont également intolérables. Le représentant a déploré l'augmentation du nombre d'incidents racistes, y compris les manifestations d'islamophobie et d'arabophobie. L'Europe condamne ces phénomènes de même que tous ceux visant des personnes au motif de leurs croyances religieuses. Partout dans le monde, les fidèles de toutes les religions sont soumis à des vexations, a souligné le représentant de l'Union européenne, qui a demandé au Rapporteur spécial s'il avait constaté l'existence de schémas constants de discrimination qui toucheraient toutes les religions.

M. ZAMIR AKRAM (Pakistan au nom de l'Organisation de la Conférence islamique - OCI) a fait remarquer qu'en dépit des progrès réalisés dans l'adoption de normes de protection contre le racisme et l'intolérance, les anciennes manifestations racistes persistent, alors que de nouvelles voient le jour. Parmi les nouvelles manifestations, le représentant a cité notamment la diffamation des religions pratiquée sous le couvert de la liberté d'expression. Il s'agit d'une nouvelle forme de discrimination et d'intolérance, a insisté M. Akram. La diffamation des religions et ses conséquences négatives ont non seulement augmenté, mais elles ont également été largement documentées par les instances gouvernementales et intergouvernementales, notamment l'ancien Rapporteur spécial sur le racisme. À cet égard, le représentant pakistanais a rappelé que la dernière résolution sur ce sujet a réaffirmé la nécessité de traiter de cette question de manière exhaustive et a chargé le Rapporteur spécial de s'intéresser à cette question. Il a regretté que M. Muigai ait outrepassé son mandat en la matière. Il a rappelé que les titulaires de mandat ne sont pas habilités à redéfinir ou réinterpréter leur mandat. Pour toutes ces raisons, l'OCI s'oppose au contenu du rapport, ainsi qu'à l'approche préconisée par le Rapporteur spécial. Ce dernier est invité à adhérer à son mandat et au code de conduite qui régit les procédures spéciales.

M. ALI CHERIF (Tunisie au nom du Groupe arabe) a remercié le Rapporteur spécial de son rapport, un document qui, passant du concept sociologique à une approche juridique, restreint cependant le domaine d'étude dans une mesure exagérée. De plus, les choix opérés par le Rapporteur spécial n'entre pas dans ses attributions. Certes l'approche juridique est nécessaire, mais elle n'est pas suffisante pour cerner la totalité du phénomène et y trouver des remèdes. Le Groupe arabe estime que les actes de diffamation de la croyance d'autrui doivent être interdits et pénalisés. Le Rapporteur spécial a exprimé sa préoccupation devant l'islamophobie qui a cours en Europe et ailleurs: les pays concernés doivent tenir compte des dispositions du Document final de Durban au moment d'adopter des mesures de lutte contre ce fléau.

MME MONA ELBAHTIMY (Égypte au nom du Mouvement des pays non alignés) a condamné toutes les formes de racisme et de discrimination raciale, rappelant qu'elles constituent des violations des droits de l'homme et entravent l'égalité des chances. Elle s'est en outre dite préoccupée par la tendance croissante à l'adoption de lois discriminatoires contre telle ou telle religion – des lois qui stigmatisent des groupes de personnes sur la base de leur religion sous divers prétextes liés à la sécurité et à l'immigration illégale, en particulier des personnes appartenant à certaines minorités ethniques et religieuses depuis le 11 septembre 2001. La représentante des pays non alignés a estimé que le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme n'a pas couvert de manière adéquate dans son rapport la question des manifestations de la diffamation des religions, s'agissant en particulier des graves implications de l'islamophobie; aussi, lui a-t-elle demandé d'accorder toute l'attention due à cette question à l'avenir. Elle lui a en outre demandé d'examiner de manière plus approfondie les liens existants entre diffamation des religions et discrimination, haine et intolérance religieuses.

MME CLAIRE HUBERT (Norvège) s'est dite convaincue que la clarté conceptuelle du rapport sera fort utile pour le travail que la communauté internationale est en train de mener pour combattre la haine raciale et religieuse. Elle a applaudi la proposition du Rapporteur spécial de faire une distinction entre les quatre différentes préoccupations que sont: les mentalités intolérantes, qui ne constituent pas en tant que telles une violation des droits de l'homme; l'incitation à la haine religieuse qui incite à la discrimination ou à la violence et qui est interdite par le droit international; la discrimination contre les membres de certaines communautés religieuses qui est également clairement interdite par les normes internationales en matière de droits de l'homme; et les actes de violence commis à l'encontre de membres de groupes religieux qui constituent des violations claires des droits de l'homme. Cette distinction, a-t-elle précisé, permet de clarifier différents niveaux de préoccupation et rappelle l'importance d'élaborer des réponses appropriées à chaque niveau. La représentante norvégienne s'est également dite d'accord avec l'importance, relayée dans le rapport du Rapporteur spécial, de lutter contre les causes premières de l'intolérance. Elle a dans ce contexte estimé crucial de créer un environnement propice pour toutes les parties prenantes, y compris les défenseurs des droits de l'homme, puissent participer au débat public et, ainsi, renforcer la tolérance et le respect mutuel.

M. NATHANAEL DE SOUZA E SILVA (Brésil) a qualifié le rapport de constructif, sa délégation partageant les préoccupations du Rapporteur spécial quant à la possibilité de parvenir à une définition objective de la notion de diffamation des religions, un concept propice aux distorsions. Le Brésil est favorable à la proposition de M. Muigai concernant l'adoption du concept juridique d'incitation à la haine raciale ou religieuse, déjà admis dans plusieurs instruments nationaux et internationaux.

M. ABDULMONEM ANNAN (Syrie) a notamment relevé que le rapport de M. Muigai insiste sur la nécessité de traiter de la diffamation des religions dans le cadre juridique des instruments internationaux existants, ce qui ne reprend le point de vue que d'un petit groupe de membres des Nations Unies et fait fi d'autres points de vues existants. Le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme a tiré, dans son rapport, des conclusions sélectives et manquant d'objectivité du séminaire sur les articles 19 et 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques organisé au mois d'octobre 2008 par le Haut Commissariat aux droits de l'homme - sans compter que ce séminaire n'a abouti à aucune conclusion ou recommandation, a poursuivi le représentant syrien.

M. KHALID FAHAD AL-HAJRI (Qatar) a souligné que la diffamation des religions est un concept complexe qui comporte des dimensions économiques, sociales, culturelles et politiques. Une simple définition juridique étroite ne suffit donc pas. Le représentant a rappelé que le Rapporteur spécial avait été invité à adopter une approche exhaustive et intégrée sur la question de la diffamation des religions. Il a, à l'instar de M. Muigai, reconnu l'importance d'appliquer pleinement les instruments internationaux qui permettent à la communauté internationale dans son ensemble de lutter contre le racisme. La discrimination fondée sur la religion, et en particulier celle visant les musulmans, implique de prendre de nouvelles mesures, a-t-il ajouté. Il a notamment déploré que ces dernières années, les médias, en particulier électroniques, aient été utilisés en vue de porter atteinte à la foi d'autres personnes, sans tenir compte des conséquences négatives de tels actes. Il n'est pas suffisant de condamner et de dénoncer ces actes, il faut les sanctionner, a insisté le représentant. Il a invité le Rapporteur spécial à suivre et vérifier les pratiques des pays à cet égard.

MME MURIEL BERSET (Suisse) a salué la poursuite de l'approche prônée par le prédécesseur de M. Muigai plaçant le concept sociologique de «diffamation des religions» dans la norme juridique de non-incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse. La Suisse considère elle aussi que «l'arsenal juridique international dispose des normes nécessaires pour luter contre la haine raciale et religieuse». Elle partage en outre la distinction faite entre les mentalités intolérantes, l'incitation à la haine, la discrimination et les violences: ces comportements demandent des réponses différenciées. Le représentant suisse a demandé au Rapporteur spécial quelles mesures concrètes il proposait dans le domaine de l'éducation aux droits humains afin de valoriser les différences culturelles et religieuses, elle a

M. ASADOLLAH ESHRAGH JAHROMI (Iran) a remercié M. Muigai pour sa déclaration et pour la présentation de son rapport sur la diffamation des religions. Il a toutefois exprimé des réserves à l'égard de l'approche adoptée par le Rapporteur spécial. Il a insisté sur la nécessité de préserver l'intégrité de ce mandat auquel l'Iran accorde une grande importance. L'Iran est préoccupée par la tendance croissante au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie et à l'intolérance de par le monde et condamne les manifestations de plus en plus fréquentes de diffamation des religions et en particulier d'islamophobie dans différentes parties du monde. L'Iran espère sincèrement qu'à l'avenir, les membres du Conseil disposeront de rapports plus exhaustifs sur cet important sujet, a conclu le représentant iranien.

M. RAPHAËL TRAPP (France) a estimé que le travail accompli par le Rapporteur spécial aidait à mieux comprendre la signification du concept sociologique de «diffamation des religions». Il a fait remarquer que cette notion n'était pas reconnue dans le cadre de la protection des droits de l'homme, rappelant que le corpus juridique que la communauté internationale forge depuis des décennies a pour vocation unique de protéger seulement les individus. Il a toutefois reconnu l'importance de comprendre les motivations et préoccupation des pays qui promeuvent ce concept. Le représentant français a également reconnu que les stéréotypes désobligeants à l'encontre des personnes en raison de leur appartenance religieuse alimentent l'intolérance. Afin de lutter contre la propagation de ces stéréotypes, a-t-il poursuivi, il est absolument nécessaire d'y répondre en usant du droit à la liberté d'expression, notamment en favorisant le dialogue interculturel. Le représentant français a par ailleurs dit partager les conclusions du précédent titulaire du mandat selon lesquelles le débat doit maintenant être déplacé du cadre sociologique vers le contexte juridique. À cet égard, il s'est dit certain que les normes existantes sont suffisantes pour traiter de cette question. D'autre part, M. Trapp a dit récuser toute forme de sélectivité. Une quelconque hiérarchie entre les différentes manifestations de la discrimination religieuse ne saurait être acceptée. De même, il n'est pas normal que la question des persécutions de minorités intrareligieuses ne soit pas soulevée. Le représentant s'est ainsi étonné que les sources d'information que le Rapporteur spécial cite dans son rapport ne concernent qu'une religion et une région du monde. Il a dit douter que les actes d'intolérance fondée sur la religion soient circonscrits à une obédience et une sphère géographique en particulier.

M. RODRIGO DONOSO (Chili) a fait part du désaccord de sa délégation avec les assertions exprimées par les pays non alignés et souligné que les seuls sujets du droit international des droits de l'homme étaient les êtres humains: ce sont eux qui sont les destinataires des normes, ce sont eux qui doivent se protéger dans l'exercice de leurs droits, parmi lesquels, certes, figurent aussi bien la liberté d'expression et d'opinion que la liberté de croire ou non en une religion. Pour le Chili, le concept de diffamation se réfère à la protection de la réputation des personnes et il ne s'applique pas aux religions. Le concept de diffamation des religions n'a pas de fondement en droit international, a insisté le représentant chilien.

M. REZLAN ISHAR JENIE (Indonésie) a déclaré que la diffamation des religions restait un problème pressant qui préoccupe le monde. Il a rappelé que la résolution 10/22 du Conseil avait donné un mandat clair au Rapporteur spécial. Pourtant, la question qu'il lui avait été demandé de traiter ne l'a pas été correctement dans le rapport qu'il vient de présenter au Conseil, a estimé le représentant. L'Indonésie est convaincue que la liberté d'expression est essentielle mais elle souligne également que ce droit ne pas être détourné pour perpétrer des attaques contre les croyances religieuses et les libertés fondamentales. Il faut souhaiter qu'à l'avenir, le Rapporteur spécial ne ménagera aucun effort pour respecter les termes de son mandat.

MME SELMA MALIKA HENDEL (Algérie) a rappelé que le Conseil avait prié le Rapporteur spécial de lui faire rapport sur toutes les manifestations de la diffamation des religions, en particulier sur les incidences graves de l'islamophobie sur la jouissance de tous les droits. Elle a constaté avec regret que le rapport aborde une toute autre question qui est celle de l'incitation à la haine raciale et religieuse. Elle a considéré que ces deux problématiques, certes liées, sont totalement distinctes. La diffamation des religions ou de leurs fidèles, a-t-elle poursuivi, constitue pour la délégation algérienne l'une des manifestations contemporaines de racisme. Il aurait dès lors été utile que le Rapporteur spécial axe sa démarche sur l'analyse des informations fournies par les observatoires en place sur la question comme l'Observatoire sur l'islamophobie de l'Organisation de la Conférence islamique ou l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par ailleurs, la représentante algérienne a relevé que le Rapporteur spécial considère dans ses propres conclusions que les normes internationales existantes prémunissent déjà contre la discrimination et à'incitation raciale et religieuse. Elle a dès lors souhaité connaître son point de vue sur la décision 3/103 du Conseil qui souligne l'urgence et la nécessité d'élaborer de nouveaux instruments pour compléter la Convention internationale contre la discrimination raciale de 1965.

M. HABIB MIKAYILLI (Azerbaïdjan) a noté que dans son rapport, M. Muigai contestait l'existence même du sujet en le qualifiant de concept sociologique. Or, de nombreux concepts sociologiques ont été débattus dans l'enceinte du Conseil, y compris lors de la présente session, et des résolutions pertinentes à leur endroit ont été adoptées. Il a noté par ailleurs que la souplesse affichée par l'Organisation de la Conférence islamique afin de permettre le succès de la Conférence d'examen de Durban n'avait rien à voir avec la question de la validité de la diffamation des religions. Il est clair désormais que ladite diffamation a un impact sur la vie de nombreux fidèles, comme cela est d'ailleurs souligné dans le rapport, a-t-il encore affirmé.

MME SARAH CLEVELAND (États-Unis) a rappelé que son pays ne soutenait pas le concept de «diffamation de religion». Il n'en demeure pas moins que le Gouvernement des États-Unis est fermement engagé en faveur de la liberté religieuse et a condamné le recours à des préjugés négatifs ou à des politiques discriminatoires. Les États-Unis reconnaissent que de tels préjugés et de telles discriminations affectent les individus de toutes les croyances et de toutes les races et expriment leur ferme condamnation de ces types d'intolérance, mentionnés dans le rapport de M. Muigai. Les États-Unis partagent l'avis du Rapporteur spécial selon lequel les incidents racistes trouvent leur origine dans l'intolérance, de sorte que s'attaquer aux causes profondes de ce problème requiert de prendre une série de mesures politiques, y compris dans les domaines du dialogue interculturel et de l'éducation. Les États-Unis estiment que la meilleure manière pour les gouvernements de traiter des questions sous-jacentes à l'intolérance consiste à mette en place des régimes juridiques efficaces pour traiter des cas de discrimination et de crimes inspirés par les préjugés.

M. HUSSEIN AL-ZUHAIRY (Iraq) a estimé que le sujet dont est chargé le Rapporteur spécial est extrêmement important: la discrimination raciale constitue un défi considérable auquel la communauté internationale doit absolument répondre, a-t-il insisté. Il a invité tous les États à condamner toutes les manifestations de discrimination. Il s'est dit préoccupé par l'augmentation des cas de discours haineux et de diffamation religieuse et raciale. Il s'est également inquiété du lien qui est fait entre l'islam et le terrorisme dans le cadre de la propagande de certains partis politiques qui souhaitent séparer les musulmans du reste de la population. Il a estimé que ce problème n'est pas présenté par le Rapporteur spécial de façon très franche ni claire. Il a relevé l'importance de s'atteler à cette question afin de parvenir à la paix, la sécurité et la coexistence entre les croyants de toutes les religions. Une fois encore, il a encouragé tous les États à lutter contre le racisme pour parvenir à la réalisation des droits de l'homme pour tous. L'Iraq pratique la tolérance à l'égard de toutes les religions, sans discrimination, a-t-il par ailleurs assuré.

M. JOHAN ARIFF ABDUL RAZAK (Malaisie) a souligné qu'en raison du caractère hautement délicat des questions traitées par les procédures spéciales, il était important que les titulaires de mandat adhèrent au mandat confié par le Conseil, afin d'éviter toute érosion de la confiance à cet égard. Sa délégation est préoccupée par le fait que les recommandations de M. Muigai abordent le problème de manière superficielle et que par conséquent elles semblent minimiser l'importance d'une question qui est un sujet de préoccupation pour de nombreuses délégations, dont celle de la Malaisie.

M. MOHAMMED I. HAIDARA (Nigéria) a réaffirmé toute l'importance que son pays accorde au mandat du Rapporteur spécial. Les manifestations de racisme constituent autant de barrières graves à la jouissance des droits et libertés fondamentaux de l'être humain. Le Nigéria est particulièrement préoccupé par l'augmentation récente de l'incitation à la haine ayant visé les membres de minorités raciales et religieuses. Le Nigéria déplore que le rapport de M. Muigai ne fasse pas le bilan de ces incidents et s'attache plutôt à réorienter le mandat du Rapporteur spécial. Il est incontestable que l'adoption par les élites et les médias d'une attitude qui se moque des religions sans aucune retenue contribue à l'augmentation des manifestations de haine religieuse, a conclu le représentant nigérian.

M. JEREMIE SMITH (Cairo Institute for Human Rights Studies) a rappelé que son organisation s'est, à l'instar d'autres, depuis toujours inquiétée du concept problématique de «diffamation des religions». Il s'est dit d'avis que les résolutions sur cette question restreignent le droit à la liberté d'expression et s'avèrent inefficaces pour, d'une part, protéger les croyants de la discrimination et, d'autre part, promouvoir la tolérance. Il a aussi souligné que dans certains pays arabes et musulmans, des lois extrêmement vagues sur le mépris de la religion sont utilisées pour limiter la liberté d'expression. Il s'est dans ce contexte félicité qu'une résolution sur la liberté d'expression ait été soumise par les États-Unis et l'Égypte, arguant qu'il s'agit d'une autre mesure positive dans la «bonne direction» qui devrait progressivement détourner le Conseil de la «notion infondée et problématique» de «diffamation des religions».

M. HILLEL NEUER (United Nations Watch) s'est associé aux délégations qui ont rejeté les critiques adressées au Rapporteur spécial par certains pays. Il a ensuite dénoncé les pratiques de discrimination religieuse dans le monde. Dénonçant des cas de discrimination au Tibet, il a demandé au Rapporteur spécial s'il comptait se rendre au Tibet pour y enquêter sur la situation sur place. Dénonçant la persécution de minorités ethniques, linguistiques et religieuses en Iran, il a souhaité savoir si M. Muigai prévoyait de se rendre dans ce pays. Le représentant a aussi dénoncé la discrimination qui toucherait les migrants africains noirs en Libye et a demandé au Rapporteur spécial s'il comptait se rendre dans ce pays.

M. GREGOR PUPPINCK (European Centre for Law and Justice) s'est félicité de l'approche juridique adoptée par le Rapporteur spécial dans son rapport. Trop souvent, les lois sur le blasphème sont utilisées pour mettre en cause la liberté d'expression, a déploré le représentant. Il a par ailleurs relevé que jamais l'Europe n'a été confrontée à une telle vague de migrations, en particulier de personnes de religion musulmane. Il serait juste de reconnaître les efforts considérables consentis par les pays européens pour intégrer ces migrants dans des conditions optimales, en particulier un grand nombre de personnes de confession musulmane cherchant un asile, originaires par exemple du Pakistan, de l'Afghanistan ou de la Syrie.

M. CHARLES GRAVES (Interfaith International) a souligné que la diffamation de l'islam est devenue un problème majeur depuis la tragédie du 11 septembre. Beaucoup d'efforts sont nécessaires pour mettre un terme à l'islamophobie, a-t-il noté. Il a observé que le Rapporteur spécial a estimé que cette question peut être considérée sous l'angle de l'incitation à la haine raciale et religieuse. Il a à cet égard mis en évidence les limites des mesures prises pour mettre un terme à l'incitation à la haine raciale et religieuse, un phénomène qui touche, en particulier, l'Asie du Sud où il concernent notamment les religions bouddhiste, hindoue et chrétienne.

M. RONALD BARNES (Indian Council of South America) a souligné qu'il n'était pas rare que des peuples autochtones se voient refuser l'accès à leurs terres sous prétexte qu'ils ne sont pas chrétiens. Ces situations s'appuient sur une bulle papale datant de 1493 qui a été abrogée au moins en deux occasions, en particulier par le concile Vatican II. L'orateur a rappelé qu'ainsi était violé en particulier le principe de la liberté de religion. Il s'est inquiété que cette doctrine de la «découverte chrétienne» figurait toujours dans la jurisprudence de la justice américaine, alors même qu'elle a été abrogée par l'Église catholique elle-même. Cela a pour conséquence, selon lui, que le rejet de sa prise en compte dépend toujours des juristes, des avocats et des responsables politiques.

Conclusions du rapporteur

M. GITHU MUIGAI, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, a souligné que, depuis le 11 septembre 2001, on constate de plus en plus souvent des situations de profilage et de discrimination fondés sur l'origine ethnique ou la religion. Le rapport ne dit à cet égard rien qui puisse laisser penser que le Rapporteur spécial a oublié ces faits. Le rapport, eu égard à l'importance de ces problèmes, pose la nécessité de se doter d'un cadre juridique efficace pour améliorer les mesures qui ont déjà été prises. Dans ce contexte, il s'agit de ne pas s'enferrer dans un recensement stérile de cas individuels, sans que cela ne préjuge d'ailleurs du sérieux de ces cas. Pendant le restant de son mandat, le Rapporteur spécial entend toujours relever des manifestations concrètes de ces problèmes, comme elles apparaissent d'ailleurs déjà dans le rapport: ce document n'est donc absolument pas une «dissertation» éloignée des réalités. Par ailleurs, le rapport est consacré à un aspect du mandat, qu'il se propose d'analyser en quelque détail, une démarche que de nombreuses délégations ont semble-t-il comprises, a relevé M. Muigai. Cette analyse n'a pour autre objectif que d'aider les États à lutter plus efficacement contre le racisme et toutes ses manifestations. M. Muigai a insisté sur le fait que la discrimination fondée sur les pratiques et croyances religieuses exige la mobilisation autour d'un cadre juridique performant.


Débat général sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée: suivi et application de la Déclaration et du Plan d'action de Durban

Déclarations d'États membres

M. HANS DAHLGREN (Suède au nom de l'Union européenne) a déclaré que le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée affligent tous les pays du monde. Il ne faut pas catégoriser les manifestations de ces phénomènes: toutes sont graves et, si elles ne font pas l'objet de mesures déterminées, elles risquent de susciter des violations des droits de l'homme. Les États doivent assurer à cet égard la protection de toutes les catégories de personnes menacées, a demandé le représentant. L'Union européenne reconnaît les progrès enregistrés à la suite de l'adoption des Déclaration et du Plan d'action de Durban. L'Union européenne réitère l'importance qu'elle accorde à la mise en œuvre pleine et entière du principal instrument dont dispose la communauté internationale pour lutter contre le racisme: la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, principal instrument juridique couvrant toutes les formes de racisme. L'Union européenne rappelle que les organisations non gouvernementales contribuent, dans une large mesure, à la lutte contre le racisme et qu'elles doivent être aidées dans cette tâche.

MME MONA ELBAHTIMY (Égypte au nom du Mouvement des pays non alignés) a indiqué qu'il convenait de traiter toutes les manifestations de racisme dans tous les pays y compris ceux qui sont sous occupation étrangère. Les actes de discrimination raciale et le profilage sectaire vont à l'encontre du principe d'égalité et doivent être combattus, a-t-elle ajouté. Le droit à la liberté d'expression comprend des obligations et il peut être soumis à certaines limitations dictées par les impératifs de l'ordre public et de la morale, a poursuivi la représentante du Mouvement des pays non alignés. Le Mouvement est préoccupé par le stéréotypage religieux qui constitue une atteinte aux droits de l'homme. Il invite le Conseil à compléter les normes, en particulier la Convention contre toutes les formes de discrimination raciale. Le Mouvement invite instamment tous les États membres, y compris ceux qui n'ont pas participé aux Conférences de 2001 et de 2009 contre le racisme, à mettre en œuvre les décisions qui y ont été décidées.

MME ANJA MARIJA CIRAJ (Slovénie) a déclaré que la lutte contre le racisme et toutes les formes de discrimination constitue une priorité pour le Gouvernement de son pays. En tant que pays présidant actuellement le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, la Slovénie souhaite attirer l'attention sur certaines des activités menées par le Conseil de l'Europe en matière de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance y associée. Ainsi, la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance a porté son attention sur la lutte contre l'intolérance religieuse et en particulier contre l'islamophobie, adoptant une recommandation de politique générale relative à cette question. En 2008, a-t-elle ajouté, le Conseil de l'Europe a lancé une Campagne contre le racisme, prolongée en 2009 par une vaste campagne contre la discrimination. Quant au Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, il a adopté plusieurs recommandations en 1997, portant sur les discours haineux, sur les médias et la promotion d'une culture de tolérance et sur la manière de rendre compte de la violence dans les médias électroniques.

MME MARÍA DEL CARMEN HERRERA CASEIRO (Cuba) a déploré la résurgence, dans de nombreux pays, mais surtout dans les pays du Nord industrialisé, du racisme, de la discrimination raciale et de la xénophobie, sous des manifestations nouvelles. On constate dans ce contexte l'apparition d'associations et de partis à plateformes racistes, xénophobes, anti-immigrants, tandis que prévalent l'exclusion sociale, la marginalisation des peuples, des ethnies et des minorités. Des millions de migrants originaires d'Afrique et d'Amérique latine sont marginalisés et l'objet de discriminations. Certains pays développés adoptent et appliquent des lois antiterroristes propices à l'arbitraire et au profilage racial. La loi elle-même est détournée pour justifier des pratiques discriminatoires. Il faut engager une réelle mise en œuvre des dispositions des Déclaration et du Plan d'action de Durban, un instrument essentiel dans la lutte contre la discrimination raciale et le racisme. Cuba engage tous les États, y compris ceux qui se sont dissociés du processus de Durban, à faire la preuve de leur volonté politique et à unir leurs forces pour mettre un terme définitif au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie et à l'intolérance.

M. NICOLAS FIERENS GEVAERT (Belgique) a constaté que les actes de racisme persistaient sous des formes multiples, y compris dans son pays. Ces phénomènes exigent de la communauté internationale une réaction ferme et sans équivoque. La Belgique espère qu'un esprit constructif sera adopté par l'ensemble des délégations le mois prochain quand se réuniront les deux groupes de travail intergouvernementaux sur le processus de Durban. Elle estime que le sort des victimes a été trop souvent négligé au profit de questions étrangères à la lutte contre le racisme, un tel constat ne faisant pas honneur aux membres du Conseil. La Belgique tient particulièrement à ce que la problématique des discriminations dont sont victimes certaines personnes sur la base de leur conviction philosophique ou religieuse fasse l'objet d'une attention particulière. Pour elle, «ce combat ne pourra être effectivement mené qu'à condition de dépasser le concept de diffamation des religions qui n'est pas réconciliable avec la liberté d'expression». Elle estime que les débats doivent au contraire se focaliser sur le concept juridique de l'incitation à la haine religieuse.

MME MAYSA UREÑA MENACHO (État plurinational de Bolivie) a souligné que son pays était partie à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale depuis 1966 et que la Constitution approuvée le 25 janvier dernier interdit expressément et sanctionne toute forme de discrimination fondée sur le sexe, la couleur, l'âge, l'orientation et l'identité sexuelles, l'origine, la culture, la nationalité, la citoyenneté, la langue, la croyance religieuse et idéologique, l'affiliation politique ou philosophique, l'état civil, la condition économique ou sociale, l'emploi occupé, le niveau d'instruction, le handicap, la grossesse ou tout autre considération ayant pour objectif ou pour résultat d'annuler ou de réduire la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, de tous les droits inhérents à la personne. Elle a ajouté que le Ministre de la justice de son pays avait présenté au parlement un projet de loi sur la prévention et l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Ces dernières années, a poursuivi la représentante bolivienne, des groupes d'opposition radicaux au Gouvernement du Président Evo Morales ont recouru à des pratiques d'exacerbation de la discrimination et de la violence raciste comme arme politique; la pire manifestation de ce comportement s'est traduite par le massacre de Prando, le 11 septembre 2008, dans lequel 11 personnes ont trouvé la mort et plus de cinquante autres ont été blessées. Actuellement, le Gouvernement bolivien travaille prioritairement à l'enquête concernant cette affaire et les principaux accusés de ces faits de violence ont été placés en détention. Malheureusement, les groupes d'opposition radicaux ont un pouvoir économique qu'ils utilisent pour entraver le jugement des personnes impliquées. La représentante a estimé que la visite du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme serait d'une grande utilité pour la Bolivie et a adressé une invitation à M. Muigai.

M. ALEXEY GOLTYAEV (Fédération de Russie) a déclaré apprécier les résultats de la Conférence d'examen de Durban, d'où est ressortie la nécessité d'une volonté politique forte et d'une action concertée au niveau international dans la lutte contre le racisme. La Fédération de Russie examine actuellement la ratification u document final de la Conférence d'examen et appelle les autres États à faire de même. La mise en œuvre de cet instrument déterminant semble actuellement hésitante, c'est pourquoi la Russie appelle le Haut Commissariat à préparer un plan complet pour sa mise en œuvre. Le représentant russe a déploré que soixante ans après la fin de la deuxième guerre mondiale, on assiste à la renaissance, en Europe, de mouvements idéologiques nazis impliquant surtout des jeunes. Le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie doivent être combattus par une volonté politique forte et par une action sans relâche. C'est la seule manière pour la communauté internationale d'éviter une tragique répétition des erreurs du passé.

MME KGOMOTSO DAPHNE RAHLAGA (Afrique du Sud) a regretté que le rapport du Haut Commissariat aux droits de l'homme sur les formes contemporaines de racisme ne soit pas disponible à la présente session. L'Afrique du Sud demeure préoccupée par le manque de volonté politique et d'engagement à éradiquer le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance. Elle a rappelé que les événements du 11 septembre 2001 avaient aggravé les choses, et cela doit inciter la communauté internationale à renforcer les normes de la lutte antiraciste: elle a regretté que le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme aille à contre-courant de ce mouvement. La représentante sud-africaine a suggéré que le Rapporteur spécial pourrait approfondir le concept novateur de «mentalités intolérantes».

M. AMR ROSHDY HASSAN (Égypte au nom de l'Organisation de la Conférence islamique) a souhaité connaître les raisons du retard enregistré dans la distribution du rapport de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme sur l'application de la résolution 10/22 du Conseil relative à la lutte contre la diffamation des religions.

M. LU ZHIWEI (Chine) a déclaré que la diffamation religieuse et l'incitation à la haine religieuse ont pris une ampleur inquiétante depuis quelques années, en particulier à l'encontre des musulmans. L'évolution de l'humanité est faite du développement harmonieux de religions et civilisations différentes. Il faut apprendre et s'inspirer des expériences des uns et des autres. La communauté internationale doit interdire la discrimination raciale et promouvoir le dialogue autour des religions. Les résultats de la Conférence d'examen de Durban doivent aider à concrétiser la volonté de la communauté internationale d'aider les victimes de la discrimination raciale.

Observateurs

M. SILVANO M. TOMASI (Saint-Siège) a souligné l'importance critique des aspects positifs de la liberté religieuse. La délégation du Saint-Siège a le sentiment que le dernier rapport du Rapporteur spécial a fait preuve d'une approche plus positive sur cette question. Comme lui, elle est convaincue que seule une approche intégrée basée sur le plein respect du droit à la liberté de religion peut constituer la réponse dans la lutte contre le phénomène à la fois ancien et nouveau de la discrimination sur la base de la conviction et de la pratique religieuse. D'où la nécessité, pour le Saint-Siège, d'une mise en œuvre globale des normes existantes pour protéger la liberté de religion et de croyance. De cette façon, les personnes passent avant, les droits de l'homme leur appartenant à eux et à leur communauté plutôt qu'à des idées abstraites, des institutions ou des territoires.

MME HASNIA MARKUS (Libye) a souligné que son pays rejetait toute incitation à la haine fondée sur la religion ou la race. La Libye, à travers sa présidence de l'Union africaine, cherche à éliminer le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, a-t-elle indiqué. Lors du Sommet de l'Union africaine tenu à Syrte en juillet dernier, une résolution a été adoptée affirmant l'engagement de l'Afrique à poursuivre sa lutte contre ces phénomènes par la mise en œuvre de la Déclaration et du Plan d'action adoptés à Durban en 2001, a précisé la représentante libyenne. Elle a plaidé en faveur d'une reconnaissance des préjudices subis du fait de la colonisation et du versement d'indemnisations financières adéquates.

MME KHADIJA RACHIDA MASR (Union africaine) a déclaré que, pour des raisons historiques évidentes, la Commission de l'Union africaine, les États membres et les peuples africains attachent une très grande importance à la lutte contre le racisme et considèrent les conclusions de la Conférence d'examen de Durban comme une référence des plus pertinentes en la matière. Le Comité exécutif de l'Union africaine a lancé un appel aux États membres afin de mettre en œuvre tous les engagements découlant des conférences internationales et régionales, et formuler des politiques et plans d'action nationaux pour prévenir, combattre et éliminer le racisme. La Conférence d'examen de Durban et ses conclusions ne constituent aucunement une remise en cause des acquis enregistrés en 2001. Bien au contraire, les conclusions de la Conférence d'examen de 2009 ont réaffirmé les dispositions des Déclaration et Plan d'action de Durban, notamment en ce qui concerne la protection adéquate des victimes du racisme, qui restent l'ultime priorité. Cette approche paraît la plus fidèle à l'esprit et au texte de la Déclaration et du Plan d'action de Durban reflétant les vœux de la communauté internationale. Il ne serait donc pas judicieux de conditionner les travaux, et même la tenue de la prochaine session du Groupe de travail intergouvernemental sur la mise en œuvre effective des Déclaration et Plan d'action de Durban. Il faut rappeler à cet égard que l'absence d'une volonté politique déterminée est l'une des causes qui expliquent les résultats insuffisants réalisés dans la lutte contre le racisme depuis 2001, a conclu la représentante.

Institutions nationales des droits de l'homme et organisations non gouvernementales

M. SALIM BEN RASHID Al-MRAIKI (Comité des droits de l'homme du Qatar) a souligné la nécessité de faire la différence entre les incidents racistes isolés et une discrimination rampante. Soulignant que le Qatar ne souffrait pas de racisme, il a indiqué que son pays encourageait l'égalité et la justice sociale. Il a précisé que le Comité des droits de l'homme du Qatar organisait des campagnes d'information, particulièrement en faveur des travailleurs migrants.

M. PETER ASH (Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme, au nom également de Interfaith International; et Espace Afrique International) a attiré l'attention du Conseil sur le sort des albinos de Tanzanie qui sont victimes de certaines croyances et sont persécutés. Cinquante-trois d'entre eux ont été mutilés parce que des sorciers affirment que des parties du corps d'un albinos peuvent composer une potion magique qui peut rendre riche. La Tanzanie, il y a quelques jours, vient de prononcer la première condamnation pour ce type de crimes; mais 52 autres familles attendent que justice soient rendue, a souligné le représentant.

M. GIANFRANCO FATTORINI (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - MRAP) a déploré les propos discriminatoires ou désobligeants tenus par des responsables politiques de haut niveau, portant par exemple sur la couleur de la peau de certaines personnes. Le représentant s'est dit convaincu que les manifestations du racisme ne seront pas combattues par voie législative, mais bien par une action sur les esprits.

M. LEON SALTIEL (United Nations Watch) a évoqué la déportation de 136 000 juifs européens par l'officier nazi Alois Brunner. Celui-ci, dans un entretien téléphonique avec le Chicago Tribune en 1987 depuis Damas, sa dernière résidence connue, avait exprimé une absence totale de remords, a-t-il souligné. UN Watch demande à la Syrie d'informer le Conseil sur ce qu'il est advenu de ce criminel de guerre et, au cas où il serait toujours en vie, de l'extrader sans retard. La justice n'a que trop attendu, a-t-il conclu.

M. ROY W. BROWN (Union internationale humaniste et laïque) a attiré l'attention du Conseil sur la discrimination dont souffrent les personnes qui souhaitent changer de religion dans les pays où un tel changement n'est pas permis. Il a cité les cas de plusieurs personnes ayant souffert de ce type de discrimination en Égypte et en Malaisie et a catégoriquement condamné les appels lancés en faveur du meurtre des apostats.

MME OLYMPE BAUDOIN (Ligue internationale contre le Racisme et l'antisémitisme - LICRA) a déploré que le Rapporteur spécial continue à se focaliser sur le fait que les prétendues «mentalités intolérantes» seraient l'apanage de l'Occident. Cette stigmatisation est inexacte: si les droits de l'homme sont universels, le racisme l'est malheureusement aussi et c'est à l'échelle mondiale que toutes les formes d'intolérance doivent être combattues. En revanche, la volonté manifeste du Rapporteur spécial de se détacher du concept répressif et régressif de la diffamation des religions constitue un progrès notable au regard des rapports du précédent Rapporteur spécial, M. Doudou Diène. Pour la LICRA, la diffamation des religions est en soi un concept trompeur qui ne saurait avoir une quelconque valeur juridique. La diffamation, qui consiste à porter atteinte à l'image d'une personne, est une incrimination qui ne saurait s'appliquer à une religion. Le Rapporteur spécial récuse à bon escient l'amalgame dangereux entre protection légitime des croyants et protection abusive d'un dogme religieux, a observé la représentante.

M. DAVID LITTMAN (Association pour l'éducation d'un point de vue mondial, au nom également de l'Union mondiale pour le judaïsme libéral) s'est interrogé sur le fait que le rapport de M. Muigai ne mentionne que brièvement la christianophobie, la judéophobie et l'antisémitisme, en se concentrant presque exclusivement sur l'islamophobie. Or, l'Association pour l'éducation d'un point de vue mondial lui a fourni, ainsi qu'à ses prédécesseurs, une documentation détaillée concernant des manifestations d'antisémitisme y compris au sein même de la salle de l'Alliance des civilisations, a souligné le représentant.

M. DAVID HACHUEL (B'nai B'rith International, au nom également du Comité de coordination d'organisations juives) a attiré l'attention sur les incidents antisémites qui se sont récemment produits en Pologne, en Grèce, en Bulgarie ou encore au Royaume-Uni. Il ne s'agit là que de quelques exemples parmi tous les cas d'antisémitisme qui se répandent non seulement en Europe mais aussi dans le monde entier. Aussi, le représentant a-t-il exhorté le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme à se pencher rapidement sur l'antisémitisme afin que le Conseil dispose d'une vision précise de ce phénomène extrêmement violent et préoccupant.

MME LISET PALACIO MONTOYA (Club international pour la recherche de la paix) s'est félicitée de l'initiative de l'Arabie saoudite d'organiser des camps d'été consacrés à une sensibilisation aux valeurs de l'islam, une démarche qui fait un contrepoids utile aux discours porteurs de haine de certains militants extrémistes.

M. DAISUKE SHIRANE (Mouvement international contre toutes les formes de discrimination) a évoqué la situation des dalits, soulignant que 260 millions de personnes sont touchées par cette forme particulière de discrimination. Il a demandé l'application des textes résultant des Conférences sur le racisme afin que soit mis un terme à la discrimination sur la base du travail ou de l'ascendance.

M. PASCAL GYSEL (Institut international de la paix) a attiré l'attention du Conseil sur la persécution des chrétiens au Pakistan, en raison de leur croyance. Le Pakistan est un pays islamique où les chrétiens constituent une minorité religieuse confrontée à des discriminations religieuses, sociales, constitutionnelles, économiques et dans le domaine de l'éducation, a-t-il ajouté. Les chrétiens y vivent dans une peur constante et sont considérés comme des citoyens de seconde catégorie, a insisté le représentant, ajoutant qu'on les force à se convertir à l'islam. Il y a quelques jours seulement, neuf chrétiens ont été tués dans une émeute dirigée contre une colonie chrétienne dans l'Est du Pakistan. Des sanctions économiques doivent être imposées au Pakistan jusqu'à ce que ce pays applique une politique de tolérance zéro à l'égard de la violence raciste et religieuse, a estimé le représentant.

MME AMÉLIE MARCHAL (European Union of Public Relations) a rappelé que la séparation de l'Église et de l'État était un principe cardinal des démocraties modernes. Aujourd'hui malheureusement, la religion, qui devrait être un facteur de rassemblement, encourage les divisions, un phénomène perceptible surtout dans des pays où le discours religieux est pris en otage par des éléments particulièrement rétrogrades appartenant à différentes religions. La représentante a demandé au Parlement européen et au Conseil des droits de l'homme de ne pas se laisser impressionner par des groupes violents ayant adopté, par commodité, le langage de l'autodétermination et des droits de l'homme.

M. DAMIEN PERCY (International Human Rights Association of American Minorities) a relevé la nécessité d'étudier les législations racistes, xénophobes, intolérantes ou islamophobes afin de mieux pouvoir connaître le phénomène permettant que la discrimination prenne parfois des formes légales. Il a évoqué la répression d'une manifestation religieuse à Srinagar au Cachemire, mettant en cause l'attitude des forces de l'ordre indienne.

M. DIPMONI GAYAN (Libération) a souligné que l'avenir des pays du tiers-monde reposait sur les diverses ressources biologiques dont ils disposent. Or, sous les régimes coloniaux, les droits des populations sur le pétrole, le thé, l'uranium et les autres ressources sont foulés au pied au profit des intérêts du capital international. Le représentant de Libération a par ailleurs demandé au Conseil d'exhorter le Gouvernement indien à accorder davantage d'attention au sort des populations qui vivent dans le nord-est de l'Inde.

MME FARZANE MOSTOFIFAR (Institute for Women Studies and Research) a déclaré que les femmes et les enfants étaient les plus vulnérables aux manifestations de l'islamophobie. En réalité, les femmes bénéficient du plus haut statut dans le monde islamique. Le rôle et l'influence des États pour éliminer les stéréotypes sur les femmes sont déterminants. Le Rapporteur spécial pourrait aborder un nouveau thème: celui du traitement réservé aux femmes par toutes les religions du monde, ce qui permettrait de donner des arguments à celles et ceux qui luttent contre les positions extrémistes et les comparaisons erronées.

M. MAHMOUDREZA GOLSHANPAZHOOH (Organization for Defending Victims of Violence) a souligné que l'islamophobie pouvait prendre des formes très subtiles, lorsque les musulmans par exemple sont dépeints dans les médias comme arriérés, agressifs et colériques. Il a émis l'espoir que les délégations présentes soient capables de reconnaître les images erronées de la religion et de contribuer à l'élimination de tout concept injuste et inexact de celle-ci. À cet égard, selon lui, le rôle des pays islamiques est essentiel, appelant au dialogue entre intellectuels et scientifiques afin de favoriser une meilleure compréhension entre religions.

M. ANDREA MARIFIL CALFUNAO (Association internationale contre la torture) a déclaré que le Chili était un pays pluriculturel qui négligeait les droits des peuples autochtones, notamment leurs droits religieux. Les deux textes de lois récents visant la création d'un Ministère des affaires autochtones et la création d'un Conseil des peuples autochtones n'ont donné lieu à aucune participation ni consultation des peuples autochtones, a-t-il souligné, dénonçant la mauvaise foi du Gouvernement chilien s'agissant du respect des dispositions du droit international liées à la protection des droits des peuples autochtones.

M. ORESTE FOPPIANI (Becket Fund for Religious Liberty) a déclaré que la Conférence du Durban a constitué une étape majeure dans le débat sur la liberté d'expression et sur la sensibilité religieuse, compte tenu du fait que l'expression de «diffamation des religions» a été retirée, avec raison, du document final. Le représentant a déploré que le projet de résolution qui sera présenté à la présente session du Conseil des droits de l'homme par les États-Unis et l'Égypte sur cette question parle encore de «profilage des religions» plutôt que de profilage de personnes, comme aurait dû y inciter le texte adopté à Durban. De même, le projet ne doit pas être interprété comme autorisant les États à restreindre des discours offensants, par opposition aux discours incitant à la haine et à la violence.

M. JAN LONN (Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations Unies) a évoqué le démantèlement pacifique de l'apartheid, regrettant que la lutte contre le racisme ne fasse plus la même unanimité aujourd'hui. La société civile a beaucoup contribué, a-t-il ajouté, aux travaux de la Conférence d'examen de Durban. Il a souhaité que les dispositions nécessaires soient prises pour que la commémoration de la Journée internationale pour
l'abolition de l'esclavage trouve toute sa place dans les travaux du Conseil des droits de l'homme.

MME GENEVIÈVE JOURDAN (Association of World Citizens) a souligné que «le non-dit à travers le mépris peut faire des ravages». Mais c'est à travers le respect envers autrui que peut s'élaborer l'accueil envers le différent, a-t-elle ajouté. Il existe des sectes qui s'autoproclament religions et n'ont aucun égard pour la liberté de conscience ou le droit égalitaire, a-t-elle poursuivi. Les groupes et partis extrémistes savent très bien exploiter les sentiments ambivalents, a-t-elle rappelé. Elle a par ailleurs averti contre les risques d'un fondamentalisme ethnique et religieux qui n'accepterait de responsabilités éthiques qu'à l'égard de son propre groupe.


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