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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE
EXAMINE LE RAPPORT DE LA BULGARIE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le dix-neuvième rapport périodique de la Bulgarie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Bulgarie, M. Régis de Gouttes, a notamment relevé que des informations provenant de nombreuses sources continuent à faire état des mauvais traitements et du recours excessif à la force de la police bulgare à l'égard des personnes appartenant à des minorités ethniques, en particulier des Roms. Plusieurs interrogations demeurent en outre au sujet de l'enseignement s'agissant des Roms, a-t-il ajouté. Il a suggéré que, dans son prochain rapport, la Bulgarie précise certains concepts tels que ceux de minorité nationale et d'unité nationale. Il pourrait également être judicieux de revenir sur la représentation des groupes minoritaires au Parlement, dans les services publics et dans l'administration. L'accès au travail, au logement et à la santé des Roms devra également faire l'objet d'informations complémentaires. Plusieurs questions durant l'examen du rapport ont porté sur les mesures prises pour prévenir les abus et mauvais traitements de la police à l'encontre des membres de certains groupes minoritaires, a en outre souligné l'expert à l'issue du dialogue avec la délégation. Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport de la Bulgarie qui seront rendues publiques à l'issue de sa session, le vendredi 6 mars prochain.

Présentant le rapport de son pays, M. Andrey Tehov, Directeur de la Direction des droits de l'homme et des organisations humanitaires internationales au Ministère des affaires étrangères de la Bulgarie, a souligné que depuis la ratification de la Convention, les gouvernements successifs de la Bulgarie ont fait tous les efforts possibles pour donner pleinement effet aux dispositions de cet instrument au niveau national. Il a notamment fait valoir que les sanctions pénales prévues pour des délits contre l'égalité nationale ou raciale prouvent que le législateur considère ce type de délits comme vecteur d'un haut degré de danger social. Lorsqu'elle est avérée, la motivation raciste d'un acte est dans tous les cas considérée comme une circonstance aggravante, a-t-il par ailleurs assuré. Le chef de la délégation a en outre reconnu l'existence de cas de violences policières, mais a souligné qu'il s'agit de cas isolés qui, de surcroît, ne sont pas dirigés directement contre des membres de groupes ethniques ou de minorités.

La délégation bulgare était également composée du Représentant permanent de la Bulgarie auprès des Nations Unies à Genève, M. Petko Draganov, ainsi que de représentants de l'Association des Nations Unies de la Bulgarie; de la Commission pour la protection contre la discrimination; et de la Mission permanente de la Bulgarie auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni des informations complémentaires en ce qui concerne, entre autres, la prise en compte des dispositions de la Convention dans les jugements des tribunaux bulgares; le fonctionnement de la Commission pour la protection contre la discrimination et de la commission spécialisée sur les droits de l'homme créée au sein des services de police; la notion de «minorité nationale»; la situation dans les écoles spécialisées; les résultats électoraux du parti ATAKA.

À l'ouverture de la séance de ce matin, M. Jens Hartig Danielsen a prêté serment en tant que nouveau membre du Comité remplaçant M. Morten Kjærum.


Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport de la République du Congo.



Présentation du rapport de la Bulgarie

M. ANDREY TEHOV, Directeur de la Direction des droits de l'homme et des organisations humanitaires internationales au Ministère bulgare des affaires étrangères, a souligné que depuis la ratification de la Convention, les gouvernements successifs de la Bulgarie ont fait tous les efforts possibles pour donner pleinement effet aux dispositions de cet instrument au niveau national. L'article 5 de la Constitution stipule que les accords internationaux dûment ratifiés par la Bulgarie font partie du droit interne et ont la priorité sur les normes internes qui sont en contradiction avec eux, a-t-il par ailleurs rappelé. Il a en outre souligné que des changements démocratiques intervenus depuis 1989 en Bulgarie ont apporté des changements très profonds tant dans la loi que dans la pratique. Aujourd'hui même, l'Assemblée nationale bulgare est encore occupée à adopter de nouvelles lois relatives aux droits de l'homme, a-t-il précisé. M. Tehov a par ailleurs assuré que la Bulgarie est pleinement consciente de son devoir de promotion des valeurs inscrites dans la Convention.

En réponse à une liste de questions écrites adressée à la Bulgarie par le Comité, M. Tehov a indiqué que la collecte de données concernant la composition ethnique de la population se faisait sur une base volontaire, et se fondait sur le principe d'auto-identification. Les dernières données en la matière remontent à 2001, le prochain recensement devant intervenir en 2011, a-t-il précisé.

S'agissant de la question de savoir si la Bulgarie avait l'intention de modifier sa législation afin de considérer les motifs raciaux comme une circonstance aggravante aux fins de l'instruction pénale, M. Tehov a fait observer que les sanctions pénales prévues pour des délits contre l'égalité nationale ou raciale prouvent que le législateur considère ce type de délits comme vecteur d'un haut degré de danger social. Lorsqu'elle est avérée, la motivation raciste d'un acte est dans tous les cas considérée comme une circonstance aggravante, a-t-il assuré.

M. Tehov a par ailleurs indiqué que le Plan national d'action pour la protection contre la discrimination mis en place en 2007 avait pour principal objectif de garantir une égalité de chances pour tous les membres de la société. La mise en œuvre de ce plan a permis d'améliorer la connaissance des questions de discrimination, de renforcer les capacités de protection contre la discrimination et d'accroître la sensibilisation du public.

La Bulgarie ayant été priée de fournir des informations au sujet des brutalités policières commises à l'encontre de personnes appartenant à des groupes minoritaires, M. Tehov a reconnu l'existence de tels cas de violences policières, mais a souligné qu'il s'agit de cas isolés qui, de surcroît, ne vont pas directement à l'encontre de membres de groupes ethniques ou de minorités. Il n'en demeure pas moins que les réactions face à de tels cas sont aussi promptes que possible et sans compromis. Le cas échéant, ces affaires sont renvoyées devant le bureau du Procureur et les agents concernés sont informés des plaintes déposées contre eux. M. Tehov a précisé que ces deux dernières années, 144 procédures impliquant des violences policières ont été renvoyées devant le bureau du Procureur.

Grâce à un amendement apporté en 2008 au Code de procédure pénale, le personnel du Ministère de l'intérieur et des agences de sécurité n'est plus justiciable devant des tribunaux militaires mais devant des tribunaux civils, a par ailleurs indiqué M. Tehov.

Des mesures spéciales ont été prises afin de faciliter le recrutement de Roms au sein de la police; néanmoins, au Ministère de l'intérieur, ces personnes ne sont pas officiellement mentionnées comme étant des policiers roms, a indiqué M. Tehov.

En ce qui concerne l'intégration d'enfants roms dans des écoles mixtes en dehors des zones de peuplement rom, M. Tehov a indiqué que d'après l'Institut national de statistiques, environ 90 000 enfants roms vont à l'école en Bulgarie. Sur ce nombre, 27 500 étudient dans 63 écoles réparties sur les territoires des grands quartiers roms dans les villes et 16 557 sont scolarisés dans des écoles situées en dehors des quartiers roms – ce dernier chiffre étant probablement sous-évalué. Toutes les lois concernant l'éducation sont fondées sur le principe de non-discrimination, a assuré M. Tehov.

S'agissant d'une question sur l'existence d'un parti, OMO Ilinden PIRIN, qui représente la minorité macédonienne, la délégation a indiqué que cette organisation avait été déclarée inconstitutionnelle en 2002 par la Cour constitutionnelle bulgare qui estimait que son programme comportait des objectifs sécessionnistes. La Cour européenne des droits de l'homme a estimé que le refus du tribunal bulgare d'enregistrer cette organisation reposait sur la loi et avait un objectif légitime – garantir la sécurité nationale – mais a jugé que l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme avait été violé parce qu'elle a considéré que les mesures prises par les autorités bulgares étaient disproportionnées par rapport à la gravité du danger pour la sécurité nationale.

Outre l'église orthodoxe bulgare, la communauté indépendante chrétienne et l'église apostolique – également de confession orthodoxe- ont été enregistrées, a en outre indiqué M. Tehov.

D'autres membres de la délégation bulgare ont notamment présenté le Plan d'action de lutte contre la discrimination mis en place en 2006 par la Commission pour la protection contre la discrimination pour la période 2006-2010.

Le dix-neuvième rapport périodique de la Bulgarie (CERD/C/BGR/19) rappelle que l'article 6 de la Constitution interdit expressément toute discrimination fondée sur la race, la nationalité, l'appartenance ethnique, le sexe, l'origine, la religion, l'éducation, la conviction, l'appartenance politique, la condition personnelle et sociale ou la situation de fortune, poursuit le rapport. Il convient de noter que ce principe est appliqué dans tous les domaines de la législation interne. L'article 8 du Code du travail dispose qu'en matière de droits et d'obligations liés au travail et à l'emploi, il ne peut y avoir de discrimination, privilèges, restrictions ou limitations directs ou indirects fondés sur la nationalité, l'origine, le sexe, la race, la couleur, l'âge, les convictions politiques ou religieuses, l'appartenance à un syndicat ou autre organisation publique, la situation maritale et sociale, la fortune ou le handicap. En outre, la Loi sur l'éducation nationale interdit toutes restrictions ou limitations fondées sur la race, la nationalité, le sexe, l'origine ethnique ou sociale, la religion et la condition sociale. La liberté d'association de tous les citoyens est strictement respectée et protégée en Bulgarie, indique en outre le rapport. Diverses communautés ethniques, religieuses et linguistiques coexistent librement et exercent leurs activités conformément à la Loi sur la personne et la famille. Il y a notamment des organisations culturelles de citoyens bulgares d'origine turque, arménienne, rom, tatare, juive, russe et valaque.

La Commission pour la protection contre la discrimination a été créée en avril 2005 par la Loi sur la protection contre la discrimination avec pour principale mission de «prévenir la discrimination, protéger contre la discrimination et garantir l'égalité des chances». Cette loi, entrée en vigueur le 1er janvier 2004, a renforcé la législation antidiscriminatoire de la Bulgarie. Cette loi interdit expressément toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe, la race, la nationalité, le génome, la citoyenneté, l'origine, la religion ou la croyance, l'éducation, les convictions, l'affiliation politique, le statut personnel ou public, le handicap, l'âge, l'orientation sexuelle, le statut marital et la fortune ou sur tout autre motif établi par la loi ou les traités internationaux. Elle interdit la discrimination tant directe qu'indirecte et stipule expressément que relèvent de la discrimination le harcèlement, y compris sexuel, l'incitation à la discrimination, la persécution et la ségrégation raciale, et la construction et le maintien d'un environnement architectural visant à entraver l'accès des handicapés aux lieux publics. Les différences de traitement dans les cas ci-après ne constituent pas une discrimination: différence fondée sur la citoyenneté ou le défaut de citoyenneté (apatridie), lorsque la loi ou un traité international auquel le pays est partie le prévoit; différence de traitement fondée sur certaines caractéristiques relevant d'un des motifs visés au paragraphe 1 de l'article 4 lorsque lesdites caractéristiques, en raison de la nature d'une profession ou d'une activité particulière, ou de conditions dans lesquelles elle est exercée, relèvent d'une nécessité professionnelle authentique et déterminante, lorsque l'objectif est licite et que la prescription est proportionnelle à la réalisation du but recherché; différence de traitement fondée sur la religion, la croyance ou le sexe dans le cadre de l'éducation ou de la formation religieuse, y compris l'éducation ou la formation à l'exercice d'un emploi; mesures de protection de l'originalité et de l'identité des individus appartenant à des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, et droit des intéressés de maintenir et de développer individuellement ou collectivement avec d'autres membres de leur groupe leur culture, de professer et de pratiquer leur religion et d'utiliser leur propre langue; mesures dans le domaine de l'éducation et de la formation nécessaires pour garantir la participation des membres des minorités ethniques, étant entendu que ces mesures doivent rester dans la limite de ce qui est nécessaire. Il convient de rappeler que la Loi sur la protection contre la discrimination et toutes les autres lois doivent être conformes aux dispositions de la Constitution, qui dispose que les accords internationaux dûment ratifiés font partie du droit interne et ont la priorité sur les normes internes qui sont en contradiction avec eux.

Les problèmes que pose l'intégration des membres des minorités ethniques et des Roms en particulier sont prioritaires pour le Conseil national pour la coopération sur les questions ethniques et démographiques, souligne par ailleurs le rapport. Comme ailleurs en Europe, les Roms continuent d'être la minorité ethnique la plus vulnérable parce qu'ils ne participent pas sur un pied d'égalité à la vie sociale, économique et politique. En Bulgarie, les Roms ne constituent pas un groupe homogène. Ils sont arrivés en Bulgarie et se sont installés à différentes époques. Ils constituent une population très diversifiée en raison de nombreux facteurs. Ils ont des styles de vie différents et des langues et religions différentes. De plus, des segments de la population rom s'identifient comme étant des Turcs, ou des Roumains et des Bulgares. En maintes occasions, la Bulgarie a montré qu'elle était déterminée à intégrer pleinement les Roms dans la société en tant que citoyens jouissant de l'égalité des droits, sur la base du principe de l'égalité et de la non-discrimination. En avril 1999, le Conseil des Ministres a approuvé un Programme-cadre pour l'intégration sur un pied d'égalité des Roms dans la société bulgare. En avril 2005, le Conseil des Ministres a adopté un Plan national d'action comprenant des mesures détaillées visant à réaliser les objectifs de la Décennie de l'intégration des Roms (2005-2015). Le plan d'action comprend quatre priorités, à savoir l'éducation, la santé, l'emploi et le logement. Il est examiné et actualisé à la fin de chaque année.


Examen du rapport

Observations et questions des membres du Comité

M. RéGIS DE GOUTTES, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Bulgarie, a rappelé que l'adhésion de la Bulgarie à l'Union européenne, intervenue le 1er janvier 2007, a été assortie d'un mécanisme dit de «coopération et de vérification des progrès»; ce mécanisme a été exigé par la Commission européenne afin de s'assurer de la poursuite des progrès demandés à la Bulgarie dans trois domaines principaux, à savoir la réforme judiciaire, la lutte contre la corruption à tous les niveaux et la lutte contre la criminalité organisée. Des rapports rendant compte des progrès établis ont été publiés tous les six mois par la Commission européenne et les derniers en date ont formulé des observations au sujet des résultats encore incomplets obtenus dans la lutte contre la corruption et le crime organisé, a relevé M. de Gouttes.

Au titre des points positifs se dégageant du dix-neuvième rapport périodique de la Bulgarie, M. de Gouttes a notamment rappelé que le pays a fait en 1993 la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention, qui reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes ou communications; il convient néanmoins de rappeler qu'il appartient au Gouvernement de mieux faire connaître au public l'existence de cette procédure, a souligné l'expert. M. de Gouttes s'est également réjoui que conformément à la Constitution, les traités internationaux ratifiés et entrés en vigueur ont une valeur supérieure aux lois internes, ce qui permet de faire primer la Convention sur toute disposition de la législation nationale qui serait en contradiction avec elle. Il serait à cet égard intéressant de savoir si les dispositions de la Convention ont déjà été invoquées devant les tribunaux bulgares et, le cas échéant, quel en a été le résultat. En ce qui concerne le droit interne bulgare, a poursuivi M. de Gouttes, sont également très positives les informations concernant la consécration constitutionnelle du principe d'égalité et de non-discrimination et la reconnaissance par la Constitution de la diversité ethnique, linguistique et religieuse du pays. Sont aussi positives les informations relatives aux mesures prises et aux programmes et politiques mis en œuvre pour l'intégration des minorités, pour l'enseignement des enfants roms et la suppression des écoles séparées ou spéciales les concernant, ainsi que pour la promotion des langues maternelles des minorités ethniques. Par ailleurs, le champ d'application de la Loi sur la protection contre la discrimination (2003) est très large, puisqu'elle interdit toute discrimination ou incitation à la discrimination, qu'elle soit directe ou indirecte, fondée notamment sur la race, l'origine ou la nationalité, ce qui paraît conforme à l'article premier de la Convention, a poursuivi M. de Gouttes.

Si la liste des textes législatifs contenant des dispositions expresses contre la discrimination raciale est longue et impressionnante, a toutefois ajouté l'expert, il manque en revanche des informations sur la manière dont sont effectivement appliqués ces textes, avec des exemples concrets à l'appui. Par ailleurs, M. de Gouttes a souhaité en savoir davantage au sujet de l'indication, figurant dans le rapport au sujet de la loi sur la protection contre la discrimination de 2003, selon laquelle certaines différences de traitement ne constituent pas une discrimination.

Relevant que le dix-neuvième rapport périodique de la Bulgarie traite, au titre de l'application de l'article 2 de la Convention, de la politique générale d'intégration des minorités conduite par le Gouvernement, M. de Gouttes a souligné qu'une première question qui se pose à ce sujet est de savoir quelle est la définition de l'expression «minorité nationale» en Bulgarie, alors que le Constitution ne mentionne pas, semble-t-il, l'existence de telles minorités dans le pays. M. de Gouttes s'est en outre enquis des derniers moyens et ressources mis en œuvre par le Gouvernement pour permettre la réintégration des enfants roms dans les écoles mixtes en dehors des quartiers roms et pour réaliser un partenariat avec la société civile à cet effet.

Des informations provenant de nombreuses sources continuent à faire état des mauvais traitements et du recours excessif à la force de la police bulgare à l'égard des personnes appartenant à des minorités ethniques, en particulier des Roms, a poursuivi M. de Gouttes, citant par exemple le Comité européen pour la prévention de la torture du Conseil de l'Europe et même la Cour européenne des droits de l'homme dans son arrêt Ognianova et Tchoban c/ Bulgarie de février 2007. Le dix-neuvième rapport périodique fait lui-même état des incidents graves survenus en juillet 1998 dans la ville de Mechka, a insisté l'expert. Dans ce contexte, il s'est enquis du mode de fonctionnement, de la composition et du premier bilan de la Commission des droits de l'homme spécialisée établie au sein du Département national de la police et ayant pour objectif la prévention de la violence policière. Pourquoi les incidents du village de Mechka n'ont-ils pas donné lieu à des poursuites judiciaires, a également demandé M. de Gouttes ?

Si la législation bulgare elle-même paraît complète et globalement en conformité avec les exigences de l'article 4 de la Convention, plus incertaine semble être l'application concrète et effective de cette législation, a fait observer M. de Gouttes. Il s'est notamment enquis d'informations plus détaillées sur les sanctions et peines finalement prononcées suite aux instructions ouvertes pour infractions à caractère racial. En outre, le Gouvernement bulgare envisage-t-il d'introduire une nouvelle disposition générale dans la législation pénale afin de permettre expressément que le mobile racial soit considéré comme une circonstance aggravante pour le jugement d'un certain nombre d'infractions graves, comme l'a recommandé la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance dans son rapport de 2004 ?

M. de Gouttes a par ailleurs rappelé que dans ses précédentes observations finales, le Comité avait, en 1997, exprimé ses préoccupations à la suite des condamnations prononcées contre la Bulgarie par la Cour européenne des droits de l'homme au sujet de l'article de la Constitution qui prescrit qu'il ne doit pas y avoir de partis politiques fondés sur l'ethnicité, la race ou la religion. Depuis lors, des arrêts de la Cour européenne de 2005 et 2006 ont condamné la Bulgarie pour violation de la liberté de réunion et d'association en raison des interdictions visant notamment le parti OMO Ilinden PIRIN, qui représente la minorité macédonienne en Bulgarie, a relevé l'expert. En outre, des précisions seraient nécessaires au sujet du refus, par la Cour suprême de cassation, en 2007, d'enregistrer l'organisation «Unification nationale turque» en raison de la menace pour la sécurité nationale bulgare qu'elle représenterait.

Face aux incidents que constituent le fait que le livre d'Adolphe Hitler «Mein Kampf» ait été trouvé dans les librairies à Sofia, le fait qu'un site internet ait distribué des symboles nazis ainsi que nombre d'écrits racistes et antisémites, ou encore le fait que le parti politique ATAKA ait fait l'objet de plaintes pour discrimination raciale, religieuse ou sexuelle en raison de ses écrits et de ses déclarations, M. de Gouttes a souhaité savoir quelle a été la réaction des autorités et quelles ont été les suites judiciaires auxquelles ont donné lieu ces incidents.

Plusieurs interrogations demeurent en outre au sujet de l'enseignement des Roms, a poursuivi M. de Gouttes, relevant que selon ce qu'indique le rapport lui-même, les écoles spéciales pour handicapés physiques ou mentaux comptent encore un nombre important d'élèves roms, dont beaucoup sont pourtant physiquement et psychologiquement sains. D'une façon générale, comment le Gouvernement entend-il résoudre ce difficile dilemme: réaliser la pleine intégration des enfants roms dans l'enseignement, en supprimant notamment les écoles séparées, tout en sauvegardant l'identité culturelle et linguistique rom ? Par ailleurs, quelles sont les mesures qui ont été prises pour réduire le taux de non-emploi chez les Roms, que plusieurs sources évaluent de 70% à 90%, a demandé M. de Gouttes ?

M. de Gouttes a d'autre part souhaité des informations complémentaires au sujet de la représentation des groupes minoritaires, en particulier des Roms, des Macédoniens et des Pomaks dans l'Assemblée nationale, dans les services publics et dans la police, ainsi que sur la politique suivie pour éviter les discriminations dans le recrutement et la sélection. Des renseignements complémentaires seraient également nécessaires au sujet des restrictions dont feraient l'objet les étrangers pour acquérir et pour exercer leurs droits civiques et sur les discriminations dont souffriraient les réfugiés en matière d'accès au travail.


Un autre membre du Comité a souhaité savoir si le fait que le parti ATAKA ait enregistré un fort succès lors des dernières élections devait être interprété comme un virement raciste voire antisémite en Bulgarie.

Un autre membre du Comité a souhaité savoir où en était la Bulgarie avec la directive antidiscriminatoire 2000/43 de l'Union européenne qui prévoit notamment la répartition de la charge de la preuve en matière civile, a demandé un autre expert?

Un membre du Comité s'est enquis du degré d'intégration socioéconomique des membres de la minorité turque en Bulgarie.

Un autre expert a souhaité en savoir davantage sur la nature et le nombre des crimes à caractère haineux en Bulgarie; quelles en sont les victimes et quelles sont les tendances dans ce domaine ?

Renseignements complémentaires fournis par la délégation

La délégation a indiqué que le dernier rapport de la Commission européenne, publié dans le cadre du mécanisme dit de «coopération et de vérification des progrès», fait état d'une évolution positive en Bulgarie en matière de réforme judiciaire, notamment pour ce qui a trait à la prévention des conflits d'intérêt.

En ce qui concerne la prise en compte des dispositions de la Convention dans les jugements des tribunaux bulgares, la délégation a rappelé que la Convention a été promulguée en 1992 et fait partie de la loi nationale. La Cour constitutionnelle fait référence à la Convention dans ces arrêts, comme ce fut le cas dans sa décision n°7 de 1992 sur l'effet direct des instruments internationaux ou encore dans une décision de 1996 se rapportant au droit à la liberté d'expression et d'opinion et rappelant la limite que constitue dans ce domaine la nécessité de respect de la dignité humaine.

S'agissant de la Commission pour la protection contre la discrimination, la délégation a expliqué que cet organe peut notamment interjeter appel contre des décisions administratives et faire des propositions aux autorités locales et publiques en matière de lutte contre les pratiques discriminatoires. La Commission administre elle-même son budget, a précisé la délégation. Cinq des membres de cette Commission sont élus par le Parlement alors que quatre sont désignés par le Président de la République, a-t-elle ajouté.

La délégation a par ailleurs indiqué qu'entre mai 2005 et décembre 2008, il y a eu sept plaintes pour discrimination déposées auprès du Médiateur, dont plusieurs émanant de citoyens roms.

En ce qui concerne la composition démographique de la population bulgare et la question connexe de la définition du terme de «minorité nationale», la délégation a rappelé que la Convention elle-même parle d'origine ethnique et ne mentionne nulle part le terme de «minorité». En outre, il n'existe pas de définition internationalement reconnue de cette notion de minorité, a rappelé la délégation. C'est pourquoi la législation bulgare ne parle pas, elle non plus, de minorité. Il n'en demeure pas moins que la Bulgarie applique la Convention-cadre du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités nationales à tous les individus visés par cette Convention-cadre, a assuré la délégation.

Pour ce qui est de la commission spécialisée sur les droits de l'homme créée au sein des services de police, la délégation a indiqué que cette commission a été transformée en 2003 en commission permanente des droits de l'homme. L'objectif principal de cette commission est d'améliorer les pratiques de respect des droits de l'homme et la diffusion des normes éthiques de conduite des fonctionnaires du Ministère de l'intérieur. Les principaux partenaires de cette commission sont le médiateur et la Commission pour la protection contre la discrimination, a précisé la délégation.

Revenant sur l'interdiction dont a fait l'objet l'OMO Ilinden PIRIN, la délégation a rappelé que la loi sur les partis politiques s'applique à tous les citoyens bulgares, quelle que soit leur origine ethnique. La Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg n'a pas établi de violation de l'article 14 relatif à l'interdiction de la discrimination de la Convention européenne des droits de l'homme dans cette affaire; on ne peut donc affirmer qu'il y aurait eu discrimination sur une base ethnique et cette affaire ne devrait donc pas, normalement, être examinée par ce Comité. La délégation a néanmoins rappelé qu'en 2000, cette association a été déclarée inconstitutionnelle au motif qu'elle avait un caractère sécessionniste. En outre, en 2006, il est apparu que cette organisation aurait falsifié des signatures pour atteindre l'exigence de 5000 membres permettant de créer un parti politique.

En ce qui concerne la question des écoles spécialisées et des élèves roms, la délégation a indiqué que la Bulgarie n'entend pas supprimer les écoles spécialisées, qui subsisteront pour les enfants qui en ont besoin. Mais les critères sont désormais stricts, à savoir que les enfants en bonne santé physique et mentale ne pourront pas aller dans ces écoles spécialisées, a expliqué la délégation. La délégation a par ailleurs fait part des mesures prises pour réduire le chômage des Roms.

Pour ce qui est du parti ATAKA, la délégation a rappelé que lors des dernières élections législatives tenues en Bulgarie, au scrutin proportionnel, ce parti avait obtenu 8,93% des voix, soit 11 sièges sur 240 au Parlement. Selon toute vraisemblance – et même s'il ne s'agit que de spéculations – on s'attend à ce que le parti ATAKA obtienne sensiblement le même nombre de voix lors des élections parlementaires qui doivent se dérouler cette année.


Observations préliminaires

M. DE GOUTTES a remercié la délégation bulgare pour les réponses qu'elle a apportées au Comité. C'est au Comité dans son entièreté qu'il reviendra d'apporter son appréciation finale concernant cet examen du rapport bulgare; mais il semble néanmoins que l'accent puisse d'ores et déjà être mis sur certains points sur lesquels le Gouvernement pourrait revenir dans son prochain rapport. En particulier, il pourrait être judicieux de revenir sur certains concepts tels que ceux de minorité nationale et d'unité nationale, a suggéré M. de Gouttes. Il pourrait également être judicieux de revenir sur la représentation des groupes minoritaires au Parlement, dans les services publics et dans l'administration. Des précisions sont en outre encore attendues sur les rôles de la Commission de protection contre la discrimination et du médiateur. L'accès au travail, au logement et à la santé des Roms devra également faire l'objet d'informations complémentaires. Plusieurs questions ont porté sur les mesures prises pour prévenir les abus et mauvais traitements de la police à l'encontre des membres de certains groupes minoritaires, a en outre rappelé l'expert.


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