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LE COMITÉ CONSULTATIF CRÉE UN GROUPE DE TRAVAIL CHARGÉ D'UN PROJET DE DÉCLARATION SUR L'ÉDUCATION DANS LE DOMAINE DES DROITS DE L'HOMME

Compte rendu de séance
Il se penche sur la question de la crise mondiale de l'alimentation

Le Comité consultatif des droits de l'homme a désigné cet après-midi les cinq experts qui composeront un groupe de travail chargé de la rédaction d'un projet de déclaration sur l'éducation et la formation dans le domaine des droits de l'homme. Il a achevé le débat commencé ce matin sur la question, avant d'entamer l'examen du deuxième point au titre des demandes soumises au Comité consultatif par le Conseil des droits de l'homme, à savoir la question de la réalisation du droit à l'alimentation.

Les membres désignés du groupe de travail chargé d'un projet de déclaration sur l'éducation et la formation dans le domaine des droits de l'homme sont M. Emmanuel Decaux, M. Héctor Felipe Fix-Fierro, M. Latif Hüseynov, Mme Purificacion Quisumbing et Mme Halima Warzazi.

Dans le cadre du débat général sur la question de l'éducation aux droits de l'homme, les représentants de certains États ont insisté sur l'importance de l'éducation au sens large, soulignant que dans de nombreux pays, la majorité de la population n'ont même pas accès à une éducation de base. Un expert a aussi observé que l'analphabétisme est souvent un obstacle important à la compréhension et à la connaissance des droits en général et des droits de l'homme en particulier. Il faut donc prévoir une formation des adultes par des méthodes informelles. Les représentants de l'Argentine, du Bangladesh, du Brésil, de la Suisse et du Mexique ont fait des déclarations, ainsi que trois organisations non gouvernementales: Association mondiale pour l'école instrument de paix; Consejo Indio de Sudamérica; et Fédération internationale des femmes diplômées des universités.

Entamant le débat concernant les recommandations qu'il pourrait formuler au sujet d'éventuelles nouvelles mesures propres à renforcer la réalisation du droit à l'alimentation, ainsi que l'en priait le Conseil des droits de l'homme par sa résolution 7/14, adoptée à sa session de printemps 2008, le Conseil a entendu Mme Maarit Kohonen, du Haut Commissariat aux droits de l'homme, qui a présenté les activités du Haut Commissariat dans le domaine du droit à l'alimentation, notamment en ce qui concerne la réaction face à la crise alimentaire mondiale du point de vue des droits de l'homme.

M. Jean Ziegler, expert du Comité consultatif et ancien Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, a notamment indiqué que le Comité consultatif a reçu deux mandats dans le domaine du droit à l'alimentation: celui de la résolution 7/14, où il est question de mesures propres à renforcer la réalisation du droit à l'alimentation, le but étant que le Comité consultatif s'attache à comprendre les causes de l'explosion récente des prix alimentaires. L'autre mandat émane de la dernière session du Conseil des droits de l'homme, au sujet des réfugiés de la faim d'origine africaine qui s'efforcent d'atteindre les côtes du sud de l'Europe. Ces personnes sont dénuées de toute protection au regard du droit international. Le Comité consultatif est prié d'envisager la création d'une nouvelle norme internationale constituant probablement en un droit au non-refoulement provisoire. D'autres membres du Comité consultatif sont également intervenus.


Le Comité consultatif se réunira demain à 10 heures, pour achever le débat sur la réalisation du droit à l'alimentation, avant d'aborder la question des droits fondamentaux des femmes.


Suite du débat sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme

M. VLADIMIR KARTASHKIN, expert du Comité consultatif, a relevé que plusieurs points de vue se sont exprimés ce matin sur le bien fondé d'adopter une déclaration. Toutefois, il existe une résolution qui adresse une demande au Comité consultatif, qui doit se conformer aux vœux du Conseil des droits de l'homme. De l'avis de M. Kartashkin, le groupe de travail qui sera chargé de la question devrait être de nature plutôt informelle afin de simplifier la procédure. S'il y a déjà cinq volontaires, ce groupe de travail pourrait être constitué dès à présent; si ce n'est pas le cas, alors une consultation s'impose afin que chaque groupe régional puisse proposer un représentant.

M. BABA KURA KAIGAMA, expert du Comité consultatif, s'est inquiété de ce que le débat jusqu'à présent ne porte que sur la question de l'éducation formelle. Or, dans certains pays, l'analphabétisme est un obstacle important à la compréhension et à la connaissance des droits en général et des droits de l'homme en particulier. Il faut donc s'occuper aussi de la formation informelle des adultes.

M. SEBASTIAN ROSALES (Argentine) a déclaré que la représentante de la Suisse a exprimé un avis très clair - que partage l'Argentine - selon lequel la question d'une déclaration sur l'éducation et la formation dans le domaine des droits de l'homme s'inscrit dans un processus dont les premiers éléments doivent être transmis au Conseil en mars prochain. Le Comité consultatif doit à présent travailler dans le but de parvenir à un projet de déclaration puisque c'est le mandat qui lui a été confié. Le représentant a souligné que la déclaration relève d'un long processus et que personne ne s'attend à ce qu'il soit achevé en quelques mois.

M. MUSTAFIZUR RAHMAN (Bangladesh) a relevé l'importance de l'éducation de base en tant que telle, permettant dans une étape ultérieure de poursuivre l'objectif plus précis d'une éducation aux droits de l'homme. Le représentant a estimé que le Conseil accueillera favorablement toute contribution du Comité consultatif, quelle qu'en soit la forme exacte - indications, projet de déclaration ou autre. Le Conseil donnera sur cette base des indications sur la suite à donner aux travaux du Comité consultatif. Il serait sans doute une bonne idée de former un sous-comité, composé d'experts uniquement, chargé de la préparation du document. Les États membres apporteront leur contribution au moment de la soumission des propositions du Comité consultatif en séance plénière du Conseil des droits de l'homme, a ajouté le représentant du Bangladesh.

M. JOAN ERNESTO CHRISTOFOLO (Brésil) a exprimé l'espoir que le Comité consultatif contribuera à renforcer le système des Nations Unies et la promotion des droits de l'homme. Toute proposition faite au Conseil des droits de l'homme devrait ensuite pouvoir être examinée par les États membres. Quant à l'éducation dans le domaine des droits de l'homme, il est important de donner toute sa place à la coopération, et les déclarations devraient s'appuyer sur le fruit d'un travail commun. Il faut tenir pleinement compte dans ce domaine du point de vue des pays en développement.

M. EMMANUEL DECAUX, membre du Comité consultatif, s'est dit heureux de la confiance manifestée par le Conseil envers le Comité consultatif en lui confiant un mandat aussi clair. Les experts produiront un rapport intérimaire dont le contenu exact est à déterminer, puis un projet de déclaration, à charge pour le Conseil de se prononcer. Entre-temps, il appartient au Comité consultatif de déterminer son propre mode de fonctionnement, y compris dans la composition du sous-groupe à qui sera confié le travail, éventuellement restreint à des représentants de quatre groupes régionaux sur cinq, s'il devait s'avérer impossible de solliciter davantage d'experts.

MME MONIQUE PRINDEZIS (Association mondiale pour l'école instrument de paix) a déclaré que le Comité consultatif devrait tenir compte de la formation dans le domaine des droits de l'homme tant dans l'éducation formelle que dans l'éducation informelle. Les droits de l'homme ne peuvent être limités à un seul thème. Elle a rappelé au Comité consultatif que l'éducation dans le domaine des droits de l'homme est une obligation qui incombe aux États en vertu de plusieurs instruments internationaux. Elle a ajouté que cet aspect devrait être pris en compte dans le cadre de l'Examen périodique universel.

M. RONALD BARNES (Consejo Indio de Sudamérica) a estimé que les intervenants régionaux doivent aussi participer au débat qui occupe le Comité consultatif. Il faut ainsi promouvoir l'éducation des peuples autochtones au sujet des droits relatifs à leur situation spécifique. Ces peuples doivent notamment bénéficier de leurs droits économiques, sociaux et culturels, y compris de leur droit à l'autodétermination. Par ailleurs, les membres de ces peuples doivent avoir la possibilité de parler leurs langues vernaculaires et de faire respecter leurs droits sur la terre. Le Comité consultatif a, statutairement, le droit de faire des propositions visant à améliorer l'efficacité de son travail et de son programme de recherche: il dispose ainsi des moyens de réaliser pleinement son mandat, a déclaré le représentant.

MME CONCHITA PONCINI (Fédération internationale des femmes diplômées des universités) a salué la volonté du Comité consultatif de s'ouvrir à de nombreux partenaires. Les organisations non gouvernementales ont déjà fait un important travail de promotion de l'éducation aux droits de l'homme. Elles offrent des compétences multidisciplinaires et peuvent participer de manière constructive aux travaux du Comité. Il faut donner la parole à ceux qui connaissent les situations les plus précaires et donner toute sa place aux canaux d'éducation informels, par exemple par les organisations syndicales et autre: l'éducation aux droits de l'homme doit certes commencer à l'école primaire mais il faut la considérer comme une formation qui doit se poursuivre tout au long de la vie.

M. JOSÉ BENGOA, expert du Comité consultatif, a jugé opportun que le Comité consultatif se penche sur l'influence que pourrait avoir le projet de déclaration sur d'autres instruments internationaux. L'harmonisation juridique et l'examen de l'état du droit dans le domaine de l'éducation et des droits de l'homme pourraient être des objectifs intéressants à cet égard. Ainsi, la Convention des droits des enfants - la plus universellement ratifiée à ce jour - prévoit des dispositions minimales en termes de formation aux droits de l'homme; l'éducation informelle des adultes est quant à elle prévue par la Convention contre la torture. Le plus difficile est de trouver des fils conducteurs entre toutes ces dispositions. Avant d'entamer la rédaction d'une nouvelle déclaration, il serait probablement opportun de recenser les dispositions qui figurent déjà dans les instruments internationaux, a conclu l'expert.

MME PURIFICACION QUISUMBING experte du Comité consultatif, a souligné que le Comité consultatif doit s'assurer qu'une nouvelle déclaration ne sapera pas la force légale des instruments dans le domaine des droits de l'homme. Il faudrait demander aux représentants des États quelle valeur ajoutée ils pensaient pouvoir apporter par l'adoption de la déclaration qu'ils appellent de leurs vœux. L'objectif de plus en plus évident est le développement d'une véritable culture des droits de l'homme. Il faudrait que les travaux entrepris tendent vers cet objectif et que cela reste présent à l'esprit du Comité. Mme Quisumbing a demandé au Secrétariat de bien vouloir indiquer comment les travaux demandés au Comité consultatif peuvent aller dans ce sens.

MME ELENA IPPOLITO, du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, a répondu à la question de Mme Quisumbing en rappelant que l'idée de l'élaboration d'une déclaration sur l'éducation aux droits de l'homme émane du Conseil des droits de l'homme. Il appartient donc à un État membre de cet organe, plutôt qu'au Haut Commissariat, de donner des éclaircissements à ce sujet.

MME HALIMA EMBAREK WARZAZI, experte du Comité consultatif, a estimé que les États ayant proposé la résolution ont eu l'intention d'en faire une proposition progressive. Il faut donc étudier l'historique et l'évaluation de l'activité des gouvernements en matière d'application des traités. Il faut tirer les leçons des initiatives prises par les gouvernements et les institutions internationales en matière d'éducation, et en dégager les difficultés rencontrées. Le Comité consultatif aurait ainsi une bonne idée des propositions qu'il devrait formuler pour améliorer la mise en œuvre des programmes d'action.

MME MURIEL BERSET (Suisse) a souligné que la Suisse et le Maroc ont pensé qu'il était politiquement important de donner toute l'attention nécessaire à la question de l'éducation et de la formation dans le domaine des droits de l'homme et c'est pour cette raison que la forme de la déclaration a été choisie. Le temps n'est toutefois pas encore mûr pour penser à l'adoption d'une convention, a estimé la représentante.

M. SEBASTIAN ROSALES (Argentine) a indiqué que son pays ne favorise pas les textes qui affaiblissent les droits de l'homme. En l'occurrence, le but devrait être de se concentrer sur les lacunes en matière de protection.

M. JOSÉ GUEVARA (Mexique) a rappelé que la résolution du Conseil des droits de l'homme sur l'éducation et la formation dans le domaine des droits de l'homme a été adoptée par consensus. Son premier paragraphe demande au Comité consultatif de préparer un projet de déclaration. Il propose à cet égard une démarche participative au Comité consultatif en ce qu'il demande une concertation avec les parties prenantes concernées.


Débat sur le droit à l'alimentation

MME MAARIT KOHONEN, du Haut Commissariat aux droits de l'homme, a déclaré que les activités du Haut Commissariat dans ce domaine se concentrent sur l'accès à une alimentation adéquate. Le Haut Commissariat a établi des partenariats avec d'autres institutions des Nations Unies et apporte un appui technique et en matière de recherche. Avant la crise alimentaire, il avait déjà coopéré avec l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) dans la mise au point des lignes directrices sur le droit à l'alimentation que la FAO a adopté en 2004. Les deux organisations coopèrent pour développer des outils et méthodologies de suivi afin de parvenir progressivement à l'accès à l'alimentation. Sur le terrain, le Haut Commissariat a appuyé la FAO en Ouganda dans la mise au point du plan national de sécurité alimentaire. Les 28 et 29 août prochains, une consultation d'experts sera de même organisée avec le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) a fait valoir la représentante.

Mme Kohonen a souligné que la Haut-Commissaire fait depuis longtemps le plaidoyer de la lutte contre la faim dans une approche fondée sur les droits de l'homme, dans la prévention comme dans la réponse à donner à la crise présente. Elle ne fait pas partie de l'équipe spéciale sur la crise alimentaire mondiale mise sur pied par le Secrétaire général mais y a apporté un soutien, notamment pour la mise au point du cadre d'action global contre la crise alimentaire mondiale, qui inclut certains éléments relatifs aux droits de l'homme, par exemple sur les devoirs des États à fournir des aliments et la reconnaissance de la discrimination comme facteur aggravant les effets de la crise. Mais il manque toujours une reconnaissance de la nécessité d'avoir un mécanise de suivi et aussi du droit des plus vulnérables à participer activement à la recherche de solutions à la crise.

En soutenant les mécanismes de droits de l'homme des Nations Unies, le département des procédures spéciales du Haut Commissariat continue à assister le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation. Le nouveau Rapporteur spécial, M. Olivier de Schutter, qui a succédé à M. Jean Ziegler, a demandé au Conseil des droits de l'homme qu'une session extraordinaire soit consacrée au sujet. Cette session a eu lieu en mai 2008 et le Rapporteur spécial a rédigé un rapport préliminaire sur les consultations menées avec l'ensemble des acteurs, et qui est encore ouvert aux commentaires.

Une certaine visibilité a été atteinte dans ce domaine, mais il reste à mettre en œuvre de meilleures pratiques et adopter un d'approche de lutte contre la crise et d'analyse de la crise basées sue les droits de l'homme, a déclaré la représentante du Haut-Commissariat. Il manque aussi une prise de conscience de l'impact de la crise alimentaire sur d'autres droits, ainsi qu'une intégration véritable de la perspective sexospécifique.

M. JEAN ZIEGLER, expert du Comité consultatif et ancien Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, a indiqué que le Comité consultatif a reçu deux mandats dans le domaine du droit à l'alimentation: celui de la résolution 7/14, où il est question de mesures propres à renforcer la réalisation du droit à l'alimentation, le but étant que le Comité consultatif s'attache à comprendre les causes de l'explosion récente des prix alimentaires. L'autre mandat émane de la dernière session du Conseil des droits de l'homme, au sujet des réfugiés de la faim d'origine africaine qui s'efforcent d'atteindre les côtes du sud de l'Europe. Ces personnes sont dénuées de toute protection au regard du droit international. Le Comité consultatif est prié d'envisager la création d'une nouvelle norme internationale constituant probablement un droit au non-refoulement provisoire.

M. Ziegler a déclaré que le premier mandat touche à une situation qui concerne des centaines de millions de personnes, selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), à savoir la «faim structurelle»: avant janvier 2008, tous les jours, cent mille personnes mouraient de faim. Or, selon la Banque mondiale, depuis janvier 2008, les prix du riz ont doublé, pour atteindre mille dollars la tonne; les prix du blé ont augmenté de 74%; et cela sans compter les prix du transport commercial, qui ont aussi explosé. Des émeutes de la faim ont depuis secoué 37 pays et plus de 2 milliards de personnes vivent dans des conditions de précarité au regard des dépenses alimentaires. La première réaction de pays du Sud comme Égypte ou Cuba a été d'amortir le choc par des mesures ponctuelles. Mais d'autres pays en voie de développement, comme Haïti, sont incapables de telles mesures sociales et économiques, avec des conséquences gravissimes pour les populations.

La Conférence mondiale de l'alimentation de Rome, en juin, a permis de désigner en premier lieu parmi les causes de cette explosion des prix la spéculation sur les produits alimentaires de base, suite à la chute des bourses pendant l'hiver dernier. La Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED) estime qu'environ 37% de l'augmentation des prix serait due à la spéculation. La deuxième raison de l'explosion des prix est à chercher dans le succès croissant des biocarburants aux États-Unis et dans l'Union européenne, qui entraîne et entraînera le gaspillage de millions de tonnes de blé, notamment. La dernière cause identifiée de la crise est la politique aberrante du Fonds monétaire international, avec son corollaire de service d'une dette colossale qui favorise, depuis des décennies, les cultures d'exportation au détriment de la production vivrière. Toutes ces raisons sont particulièrement graves au regard de la réalisation du droit à l'alimentation

Que faire, a demandé M. Ziegler? Il faut d'abord retirer à la bourse la responsabilité de la fixation du prix des aliments de base, ou du moins interdire au niveau mondial la passation de contrats à terme sur ces produits. Le groupe de travail du Comité consultatif qui sera formé devra œuvrer dans ce contexte en collaboration étroite avec la CNUCED. D'autre part, il faudra interdire la transformation de produits agricoles de base en biocarburants, et favoriser plutôt la transformation des déchets alimentaires. Des expériences intéressantes à cet égard ont lieu en Suède par exemple. Dernière mesure à envisager: changer radicalement la politique agricole imposée par les institutions internationales au détriment de la production vivrière.

Concernant le deuxième mandat, M. Ziegler a déploré que l'Europe réagisse au problème de l'émigration de la faim par des moyens militaires totalement inadaptés. Les réfugiés dont il est question sont, en raison des lacunes du droit international, totalement privés de protection juridique. Le Programme alimentaire mondial édite chaque année une carte des régions où la vie est rendue impossible par la situation de faim qui y prévaut. Dans ces conditions, on peut imaginer de mettre en œuvre la notion d'état de nécessité, qui permet d'annuler une violation au nom d'une contrainte supérieure. L'idée serait donc de créer une norme de non-refoulement temporaire adossée à ce principe, qui permettrait d'apporter une meilleure réponse au problème des réfugiés de la faim. M. Ziegler a dit avoir eu une série de rencontres avec des responsables italiens et espagnols qui ne seraient pas opposés à l'idée de disposer d'une norme internationale à laquelle il serait possible de se référer au niveau national.

Les deux mandats sont urgents et concrets et constituent un bon terrain d'exercice des compétences du Comité consultatif, a conclu M. Ziegler.

MME HALIMA WARZAZI, experte du Comité consultatif, a rappelé qu'il y a vingt-quatre ans, la Sous-Commission soulevait pour la première fois le problème du droit à une alimentation décente en tant que partie intégrante des droits de l'homme. Ce problème est difficile à résoudre et il n'est pas sûr que la solution puisse en être trouvée, compte tenu des intérêts économiques énormes, surtout dans les pays riches qui profitent de la faiblesse des États pauvres. Un autre problème est celui de la protection de l'environnement, qui freine l'exploitation des ressources disponibles. Il faut que le Comité consultatif détermine quelles sont les raisons des politiques de famine que certains souhaitent imposer.

Répondant à une demande d'éclaircissement de M. DECAUX sur les réfugiés climatiques, M. ZIEGLER a répondu que la résolution adoptée lors de sa septième session du Conseil comporte en effet un alinéa disant que le conseil doit étudier la protection des réfugiés de la faim. Il a précisé que le Haut Commissariat aux réfugiés fait un travail remarquable de protection. M. Antonio Guterres, Haut Commissaire pour les réfugiés, a une vision large et reconnaît que de nombreux réfugiés sont d'un type nouveau, non prévu par la Convention relative au statut des réfugiés, mais plusieurs États s'opposent à une modification de la Convention. Cependant, le service de protection internationale du HCR a obtenu des États européen une reconnaissance de leur devoir d'aide au-delà des mers territoriales. On regarde maintenant du côté du Conseil des droits de l'homme pour savoir si l'on peut développer une coopération qui permettrait d'imposer une meilleure protection des réfugiés de la faim.

M. JOSÉ BENGOA, expert du Comité consultatif, a observé que le Comité consultatif doit déterminer comment les travaux se dérouleraient concrètement et comment et par qui le groupe de travail chargé de la question serait dirigé. La crise alimentaire actuelle doit être abordée dans une approche aussi bien théorique que pratique des droits de l'homme. Lorsque l'on subit un échec, comme ce fut le cas à Rome en juin, il convient de s'attacher à revenir aux principes du droit international. À cet égard, c'est le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui constitue, avec d'autres instruments fondamentaux, le bon prisme pour envisager la crise alimentaire. Le Pacte précise non seulement que toute personne a le droit à une alimentation adéquate, mais pose encore les principes de protection contre la faim et d'état de nécessité - une sorte d'état d'exception qui justifie la collaboration internationale et appelle l'action nationale, laquelle est d'ailleurs obligatoire. Il faut donc que le Comité consultatif commence par examiner quels sont les programmes d'action existants. Par ailleurs, l'une des clés du problème réside dans l'amélioration des méthodes agricoles et dans la réforme agraire, notamment au niveau de la répartition des produits agricoles au plan international.

MME MONA ZULFICAR, experte du Comité consultatif, s'est dite d'accord avec la proposition de discuter de ce problème dès demain matin et après avoir lu la documentation distribuée. Les décisions ne devront être prises qu'après débat et consultation avec les organisations non gouvernementales notamment. Il est difficile de formuler des recommandations qui puissent passer le filtre du Conseil des droits de l'homme, mais c'est un défi que le Comité consultatif doit relever. Mme Zulficar a déploré les conflits d'intérêts entre les acteurs majeurs du secteur agroalimentaire et les pauvres de la terre, surtout les femmes et les enfants, qui sont les plus vulnérables à cet égard.

MME QUISUMBING a souligné, à la suite de M. Bengoa, que le Comité consultatif doit s'attacher à aborder le problème de l'alimentation dans la perspective des droits de l'homme. Le Comité consultatif doit se donner le temps jusqu'à demain de prendre une décision. Cependant que peut réellement faire le Comité consultatif pour renforcer les mesures prises à différents niveaux et donner corps aux demandes qui lui ont été adressées par le Conseil? Le Comité consultatif dispose de huit jours de délibérations et pas de budget supplémentaire.


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