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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME ENTAME L'EXAMEN DES RAPPORTS SUR LE LOGEMENT CONVENABLE ET LES QUESTIONS RELATIVES AUX MINORITÉS

Compte rendu de séance
Il achève ses dialogues avec les titulaires de mandats relatifs aux défenseurs des droits de l'homme, à la violence contre les femmes et à la dette extérieure

Le Conseil des droits de l'homme a entamé, cet après-midi, l'examen des rapports présentés par l'experte indépendante sur les questions relatives aux minorités et par le Rapporteur spécial sur le logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant. Auparavant, le Conseil a achevé ses dialogues interactifs avec les trois titulaires de mandats sur les défenseurs des droits de l'homme, sur la violence contre les femmes et sur les effets des politiques de réformes économiques et de la dette extérieure sur la pleine jouissance de tous les droits de l'homme.

Mme Gay McDougall, experte indépendante sur les questions relatives aux minorités, a rappelé que la situation des minorités est souvent liée à celle de la citoyenneté et au concept d'identité nationale. Elle a ajouté que les personnes appartenant à des minorités se battent souvent pour accéder à leurs droits même dans des situations de pleine citoyenneté. Toutefois, le déni de citoyenneté les met dans un état de vulnérabilité accrue du fait des menaces d'expulsion et d'apatridie qu'il fait peser sur elles. Évoquant la visite qu'elle a effectuée en France au mois de septembre dernier, Mme McDougall a indiqué avoir conclu que les membres des minorités font l'objet de graves discriminations qui se manifestent notamment dans les domaines de l'attribution de logements, de l'accès à l'emploi, ou encore de la qualité de l'éducation. Les membres de minorités ont fait état de pressions subies pour modifier leurs identités culturelles et religieuses comme un préalable à leur inclusion et acceptation totales dans la société française, a-t-elle ajouté.

Le Rapporteur spécial sur le logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant, M. Miloon Kothari, s'est réjoui que le droit au logement soit de plus en plus reconnu par les tribunaux et les entités administratives comme un droit distinct. La réalisation du droit au logement se heurte à de nombreux problèmes, a-t-il ajouté; mais les solutions sont accessibles et dépendent de la volonté des États de traduire leurs engagements dans la réalité. Un des problèmes identifiés par ce mandat a été le manque de coordination entre les différentes sphères de gouvernement. Le Rapporteur spécial a tenu à saluer la mise en œuvre de législations progressistes dans certains pays, notamment en France. Il a en outre évoqué sa mission en Espagne en indiquant y avoir relevé les difficultés rencontrées par certaines catégories de la population. Il s'est aussi inquiété des prix des logements en Espagne, qui pénalisent les groupes les plus pauvres et les plus vulnérables. En ce qui concerne sa visite en Afrique du Sud, M. Kothari a souligné qu'un nombre important de personnes n'a pas accès, dans ce pays, à un logement convenable. Au sujet de sa mission effectuée au Canada en octobre 2007, dont le rapport paraîtra ultérieurement, M. Kothari a expliqué avoir mis l'accent sur quatre dimensions: les sans-abri, les femmes, les populations autochtones et l'impact, sur la réalisation du droit à un logement convenable, des Jeux olympiques d'hiver de 2010 à Vancouver.

L'Espagne, l'Afrique du Sud, le Canada et la France ont fait des déclarations en tant que pays concernés par les rapports de ces deux titulaires de mandats. Ont participé au dialogue interactif les délégations de la Palestine au nom du Groupe arabe, ainsi que de la Slovénie au nom de l'Union européenne, et de l'Allemagne.

Dans le cadre du dialogue interactif avec les titulaires de mandats sur les défenseurs des droits de l'homme, la violence contre les femmes et la dette extérieure, les représentants des pays suivants sont intervenus : Nigéria, Mauritanie, Suède, Israël, Thaïlande, Colombie, Zambie, Turquie, États-Unis, Jordanie et République de Corée. Le Zimbabwe, la Syrie et l'Iran ont exercé le droit de réponse.

Les organisations non gouvernementales ci-après ont également pris la parole : Fédération des femmes cubaines; Human Rights First; Fédération internationale des ligues des droits de l'homme - FIDH (au nom également de l'Organisation mondiale contre la torture); United Nations Watch; Asia Pacific Forum on Women, Law and Development (au nom de plusieurs organisations non gouvernementales1); Organisation mondiale contre la torture, au nom également de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH); Centre Europe tiers-monde - CETIM (au nom de plusieurs organisations non gouvernementales2); Service international pour les droits de l'homme; et Forum international des ONG pour le développement indonésien.

Le Conseil poursuivra demain matin, dès 9 heures, son dialogue interactif avec les titulaires de mandats relatifs aux minorités et au logement convenable. Il doit ensuite entamer, au cours d'une journée de séances ininterrompues jusqu'à 18 heures, l'examen de rapports soumis par le Haut Commissariat aux droits de l'homme et le Secrétaire général de l'ONU sur les questions se rapportant à la promotion et la protection de tous les droits de l'homme. Le Conseil procédera ensuite à l'examen de rapports sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée et au Myanmar. L'examen du rapport sur la situation des droits de l'homme au Soudan a été reporté à lundi prochain.


Suite du débat interactif sur les défenseurs des droits de l'homme, la violence contre les femmes et les effets des réformes économiques sur les droits de l'homme

M. MARTIN IHOEGHIAN UHOMOIBHI (Nigéria) a remercié Mme Yakin Ertürk, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes pour son rapport. Le Gouvernement du Nigéria, a-t-il dit, a élaboré une politique nationale de parité hommes femmes. Cette politique porte essentiellement sur la promotion des droits politiques pour tous, et notamment ceux des femmes, a-t-il précisé. Il a aussi fait état du lancement, dans son pays, d'une campagne d'action contre la mutilation génitale féminine. Le représentant du Nigeria a encore mentionné que la lutte contre la violence contre les femmes passait aussi par les programmes scolaires.

MME MOUNINA MINT ABDELLAH (Mauritanie) a indiqué partager les préoccupations exprimées par les trois titulaires de mandats relatifs à la violence contre les femmes, aux défenseurs des droits de l'homme et aux effets des politiques de réforme économique. Elle s'est dite favorable à la création d'un groupe d'experts sur l'élaboration d'indicateurs relatifs à la violence contre les femmes, ainsi qu'à la création d'un observatoire international sur la promotion et la protection des droits des femmes. La représentante mauritanienne a attiré l'attention sur les nombreux programmes mis en œuvre par son pays afin de lutter contre la violence à l'égard des femmes, y compris les programmes d'alphabétisation à l'intention des femmes. Elle a insisté sur les besoins particuliers des femmes rurales, en particulier dans le contexte de l'Afrique.

M. HANS DAHLGREN (Suède) a apprécié l'éclairage de Mme Ertürk sur les indicateurs relatifs à la violence contre les femmes. Il a insisté sur la nécessité de travailler d'avantage dans le domaine de la prévention. Indiquant qu'il s'est rendu en République démocratique du Congo, il a exprimé l'adhésion de son pays à l'application d'une politique de tolérance zéro et demandé à la Rapporteuse spéciale quelles sont les mesures les plus importantes que peuvent mettre en place à la fois le Gouvernement de République démocratique du Congo et la communauté internationale pour mettre un terme à l'impunité prévalant dans ce pays.

MME MEIRAN EILAN SHAHAR (Israël) s'est félicitée de la mise en place d'indicateurs de mesure de la violence contre les femmes et a tenu à souligner les efforts multiples consentis par son gouvernement pour lutter contre la traite des femmes. La majorité des situations existantes concerne des cas de prostitution, a-t-elle précisé, soulignant les actions législatives et sociales prises pour traiter de ces violations. Elle a annoncé la diminution du nombre annuel d'incidents et l'adoption par Israël de mesures législatives et sociales pour répondre à ces défis. Une loi criminalisant la traite des êtres humains a été votée, et un amendement à cette loi a étendu son application à la loi sur l'esclavage et le travail forcé. Elle a noté au passage des programmes d'indemnisation pour les victimes, et des mesures préventives y compris le contrôle serré des aéroports et la surveillance des voies de passage terrestre. Israël a notamment signé plusieurs instruments internationaux en la matière, leur ratification étant en cours d'examen devant la Knesset. La représentante israélienne a également reconnu qu'il fallait traiter des facteur sociaux qui encouragent et autorisent ces violences, et a demandé à ce titre des détails sur les instruments de mesures des indicateurs qui pourraient servir de base pour prendre des mesures concrètes.

MME CHONUIPAT CHANGTRAKUL (Thaïlande) a pris note avec intérêt de la proposition de la Représentante spéciale du Secrétaire général sur les défenseurs des droits de l'homme visant le développement d'outils méthodologiques globaux susceptibles d'être utilisés pour des activités de suivi, en particulier pour évaluer la situation des défenseurs des droits de l'homme sur le terrain. Tout en comprenant la raison d'être de l'établissement de normes communes, la délégation thaïlandaise est d'avis que les circonstances et contextes spécifiques des pays concernés doivent être pris en compte dans le contexte de l'établissement de tels indicateurs. La représentante thaïlandaise a par ailleurs assuré que le Gouvernement thaïlandais ne prend pas du tout à la légère les cas concernant la Thaïlande qui ont été portés à l'attention du Conseil par Mme Jilani dans son rapport. Des mesures ont été prises pour enquêter et vérifier ces faits, a précisé la représentante. Il est regrettable, a-t-elle poursuivi, que le rapport ne mentionne pas les progrès qui ont été réalisés en matière d'enquêtes concernant certains cas allégués soulevés dans le rapport. Ceci étant, le Gouvernement poursuivra son dialogue et sa coopération avec les procédures spéciales du Conseil.

M. TOMAS ERNESTO CONCHA (Colombie) se référant au rapport de la Représentante spéciale sur la situation des défenseurs de l'homme, a fait état de mesures mises en place par son pays pour promouvoir et protéger ces droits. Il a notamment dit que l'État a déployé des efforts systématiques pour la mise en œuvre d'un programme de protection des défenseurs des droits de l'homme qui comprend, entre autres, une réponse efficace à leurs demandes et à leurs plaintes, une stratégie de formation des fonctionnaires et la création d'un groupe de juristes spéciaux chargés de traiter les plaintes déposées contre la force publique.

M. DOMINIC SICHINGA (Zambie) a souligné les efforts déployés par le pays pour mettre un terme aux violences contre les femmes, dont la mise sur pied de programmes spéciaux, la revue systématique des textes de lois pour introduire dans la législation zambienne des dispositions de la Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Le Code pénal a notamment fait l'objet d'un amendement pour raffermir les sanctions contre les personnes responsables de crimes sexuels, et la durée d'emprisonnement a été portée à pas moins de 7 ans, voire à la perpétuité. Il a également attiré l'attention sur la création d'une division spécialisée de soutien aux victimes dans tous les commissariats de police sur toute l'étendue du territoire. Une autre mesure concerne l'initiative «One-Stop», menée conjointement avec la société civile et l'UNICEF, pour la mise sur pied de centres de services intégrés aux victimes de traitement, de conseil et d'enquête pour les victimes. Le représentant zambien a remercié le Danemark pour son soutien dans le cadre des efforts de décentralisation des bureaux du Procureur notamment, ainsi que les États-Unis et le FNUAP pour l'assistance apportée à la formation de policiers, de procureurs, sur des questions de saisie de biens, d'abus sexuels, et de violences contre les femmes.

MME TUĞBA SARAYÖNLÜ ETENSEL (Turquie) a souligné que le programme annuel pour 2008 adopté par son Gouvernement souligne la nécessité d'intensifier la recherche tant quantitative que qualitative relative à la violence contre les femmes, à titre prioritaire. Elle s'est réjouie des indicateurs suggérés dans le rapport de la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes. Elle a apporté son soutien à l'approche échelonnée préconisée par Mme Ertürk, étant donné les défis et la difficulté qu'il y a à tenir compte des contextes locaux et le manque de définitions concertées. Aussi, la Turquie soutient-elle la mise au point d'une orientation technique par un groupe d'experts durant la phase initiale. La Turquie souhaiterait connaître le point de vue de la Rapporteuse spéciale s'agissant de la manière dont le projet proposé peut être lié aux programmes et activités existants de la Commission de la condition de la femme et de la Commission de statistique.

M. WARREN TICHENOR (États-Unis) a remercié Mme Jilani d'avoir documenté le Conseil sur les législations qui restreignent les activités des défenseurs des droits de l'homme. Il a demandé si la Représentante spéciale avait reçu des demandes concernant la Syrie où prévaut une situation critique à cet égard. Qu'en est-il d'informations supplémentaires relatives à la Birmanie, suite aux images terrifiantes dont a été témoin la communauté internationale. Au Zimbabwe, a-t-il dit encore dit, une partie de la population a été spoliée de ses moyens de subsistance. À Cuba, les défenseurs des droits de l'homme n'ont même pas la possibilité de distribuer des copies de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

M. NAYEF AL-FARAJ (Jordanie) a informé le Conseil des initiatives prises par son pays pour lutter contre la violence à l'égard des femmes. Il a souligné qu'une loi venait d'être adoptée en Jordanie en matière de prévention de la violence conjugale; cette loi protège non seulement les femmes mais aussi l'ensemble de la famille, a-t-il précisé. Un plan stratégique de protection de la famille a également été mis en place qui prend en compte cette problématique. Un projet de lutte contre la violence à l'égard des femmes a également été soumis au Sénat. Le représentant jordanien a réitéré l'engagement de son pays à promouvoir les droits de l'homme dans le pays.

M. CHANG DONG-HEE (République de Corée) a jugé nécessaire de bien mesurer le niveau de la violence contre les femmes pour prendre des mesures adéquates fondées sur des statistiques fiables. Il s'est ainsi dit favorable aux initiatives visant à formuler des indicateurs de ce type de violence. Insistant sur l'importance de s'intéresser à la violence commise à l'encontre des femmes durant les conflits armés, il a demandé à la Rapporteuse spéciale en charge de ces questions, Mme Ertürk, d'accorder une attention toute particulière à ce problème. Le représentant coréen a souhaité savoir comment la Rapporteuse spéciale entendait promouvoir une collaboration, au sein de l'ONU, entre la Division pour la promotion de la femme et la Division des statistiques. Il a en outre demandé à Mme Ertürk si elle avait un plan de suivi pour l'application des indicateurs qu'elle propose dans son rapport.

M. DJELY SAMOURA (Commission africaine des promoteurs de la santé et des droits de l'homme) a fait observer que l'Afrique est invitée à suivre une pensée unique, dite libérale, à laquelle le monde entier tend à se rallier, mais qui, si elle apporte certains avantages, tend à inférioriser le continent et à dévaloriser ses ressources matérielles et humaines. L'Afrique regorge de matières premières et de ressources humaines, a-t-il insisté; et pourtant, elle est notoirement pauvre. Il a déploré que les matières premières soient exportées à vil prix et a recommandé que dans le présent contexte de mondialisation, les producteurs africains sur les marchés internationaux soient mieux informés.

MME CAROLINA AMADOR PÉREZ (Fédération des femmes cubaines) s'est indignée que, depuis septembre 1998, les États-Unis violent les droits de détenus cubains et de membres de leurs familles. Elle a demandé pourquoi les États-Unis empêchent ces familles de maintenir le contact et a dénoncé la torture psychologique dont font l'objet ces familles.

M. ANDREW HUDSON (Human Rights First) a salué l'accent mis par la Représentante spéciale sur les défenseurs des droits de l'homme, Mme Jilani, sur la valeur des communications qu'elle adresse aux gouvernements comme moyen de dégager des grandes tendances tout en portant assistance à des cas individuels. Il s'est réjoui que l'Indonésie ait invité la Représentante spéciale mais a relevé qu'en dépit de l'amélioration du cadre juridique et institutionnel, il n'existe pas, en Indonésie, de mesures concrètes permettant de défendre les défenseurs des droits de l'homme. La situation de ces derniers reste précaire et ils font l'objet de menaces, a-t-il souligné. Aussi, s'est-il enquis des mesures de suivi entreprises par l'Indonésie après la visite de la Représentante spéciale dans ce pays.

MME JULIE GROMELLON (Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), au nom également de l'Organisation mondiale contre la torture) a fait part de l'appréciation de son organisation pour la contribution de Mme Ertürk à la lutte contre les violences sexuelles en République démocratique du Congo et contre l'impunité dans ce pays. Elle a déploré la banalisation des violences sexuelles contre les femmes et les filles, ainsi que l'absence quasi-totale de poursuites contre les auteurs de telles violences. La représentante de la FIDH a insisté sur l'absence de volonté politique de traduire en justice les suspects, y compris les gradés et les supérieurs hiérarchiques. Après avoir rappelé que le rapport de la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes soutenait la création de chambres mixtes composées de juges congolais et internationaux, elle a demandé à Mme Ertürk si elle avait pu observer la participation d'ONG de femmes dans le processus de lutte contre les violences sexuelles dans ce pays. Elle a finalement déploré que le Gouvernement de la République démocratique du Congo n'ait donné suite à aucune des dernières communications de la Rapporteuse spéciale.

M. ALFRED MOSES (United Nations Watch) a dénoncé la maltraitance contre les femmes en Iran et a rappelé qu'en mars 2007, 31 femmes ont été arrêtées pour avoir manifesté pacifiquement contre les poursuites engagées à l'encontre de leurs consoeurs militantes. Compte tenu de la sourde oreille que porte l'Iran aux appels lancés dans cette enceinte, le représentant s'est enquis de l'action qui pourrait être entreprise pour protéger les femmes iraniennes contre les maltraitances du Gouvernement. Le représentant a par ailleurs souhaité savoir si ces questions ont été abordées lors de la récente rencontre entre Mme Arbour et M. Mottaki.

MME GI-YOUN KIM (Asia Pacific Forum on Women, Law and Development, au nom de plusieurs organisations non gouvernementales1) a fait observer que la lacune la plus importante dans la protection des droits des défenseurs des droits de l'homme en Asie tient à la carence de mesures concrètes mises en œuvre par les gouvernements pour assurer la mise en application de la Déclaration de 1998 concernant ces personnes. La représentante a fait part de sa préoccupation toute particulière face à la situation des défenseurs des droits de l'homme au Bangladesh, au Myanmar, en Indonésie, en Malaisie, au Pakistan, aux Philippines, à Sri Lanka et en Thaïlande. Les dangers s'étendent aux familles et aux amis des défenseurs, a-t-elle fait observer. Elle s'est en outre inquiétée des discours auxquels ont souvent recours les États pour criminaliser les défenseurs des droits de l'homme en invoquant les nécessités de la lutte contre le terrorisme, le nationalisme et le séparatisme. Elle s'est ensuite interrogée sur la manière dont les indicateurs d'évaluation de la situation des défenseurs des droits de l'homme proposés par la Représentante spéciale en charge de ces personnes pourraient être au mieux intégrés dans le mécanisme d'examen périodique universel.

MME DELPHINE RECULEAU (Organisation mondiale contre la torture, au nom également de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) a salué le rapport de Mme Hina Jilani, présenté dans un contexte de répression accrue contre les défenseurs des droits de l'homme à travers le monde. Elle a relevé que le rapport met en évidence les obstacles auxquels se heurte la liberté d'association et de manifestation, ainsi que la vulnérabilité particulière des défenseurs qui travaillent sur les droits économiques, sociaux et culturels, des défenseurs des peuples autochtones et des femmes défenseurs. Relevant que le rapport de Mme Jilani fait état d'un taux de 34% seulement de réponses reçues aux communications adressées en 2007 aux gouvernements par la Représentante spéciale du Secrétaire général, elle a demandé à Mme Jilani si elle pensait que ce chiffre attestait selon elle d'une criminalisation accrue contre les défenseurs des droits de l'homme.

M. MUSTAFA SENE (Centre Europe tiers-monde (CETIM), au nom de plusieurs organisations non gouvernementales2) a regretté que l'Expert indépendant sur les effets des politiques de réforme économique et de la dette extérieure ne remette jamais en cause, dans son rapport, la légalité et légitimité de la dette. Il faudrait en effet partir des origines de l'endettement, afin de mettre en lumière toutes les responsabilités, surtout celles des pays du Nord; à cet égard, la réalisation d'audits nationaux de la dette des pays du Tiers Monde devrait constituer la première étape indispensable. Pour ce qui est de la proposition contenue dans le rapport de M. Mudho concernant des principes directeurs - des normes minimales essentielles comme outil d'évaluation des effets des réformes économiques sur les droits humains - M. Sene l'a jugée plutôt inquiétante car cela reviendrait, selon lui, à remettre en cause le principe d'universalité des droits humains. Quant à la proposition de l'Expert indépendant de modifier son mandat pour qu'il devienne celui de «l'examen des effets de la gestion des finances publiques sur la réalisation des droits humains fondamentaux», le représentant du CETIM a jugé ce changement taxinomique peu anodin, dans le sens où il revient à dépolitiser le thème de la dette et donc à ne pas saisir l'histoire de la crise de la dette et à éluder toutes les responsabilités.

MME KATRINE THOMASEN (Service international pour les droits de l'homme) s'est félicitée de l'accent mis par la Représentante spéciale sur les défenseurs des droits de l'homme sur l'importance du suivi pour assurer un plein respect des droits des défenseurs des droits de l'homme. Elle s'est également félicitée que Mme Jilani ait intégré une perspective sexospécifique dans son rapport. S'intéressant ensuite aux indicateurs proposés par la Représentante spéciale pour évaluer le respect des droits des défenseurs des droits de l'homme, elle a estimé que ces indicateurs pourraient constituer la base d'une collaboration future avec les organisations non gouvernementales. Mme Thomasen a également souhaité que Mme Jilani fasse part des meilleures pratiques qu'elle a rencontrées dans le cadre de son mandat. Que peut faire le Conseil pour renforcer la possibilité des défenseurs des droits de l'homme de recourir aux procédures spéciales, a-t-elle en outre demandé?

M. RAFENDI DJAMIN (Forum international des ONG pour le développement indonésien) a déploré la subsistance, en Indonésie, de l'impunité dont bénéficient les auteurs de violences contre les défenseurs de droits de l'homme, comme en témoigne le récent acquittement des services de renseignement qui ont planifié l'assassinat d'un défenseur des droits de l'homme. Il a également dénoncé les attaques perpétrées dans ce pays contre des militants, au nom soi disant de la lutte anticommuniste. Il a cité, entre autres mesures visant à réprimer les défenseurs des droits de l'homme, le projet de loi du Gouvernement indonésien sur les renseignements et la loi sur la presse. En dépit de la visite dans le pays de la Représentante spéciale du Secrétaire général sur les défenseurs des droits de l'homme, le Gouvernement indonésien n'a fait aucun effort pour transcrire dans le droit interne les dispositions de la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales universellement reconnus, adoptée il y a bientôt dix ans.

Conclusions des titulaires de mandats

MME HINA JILANI, Représentante spéciale du Secrétaire général sur les défenseurs des droits de l'homme, a remercié les intervenants pour toutes les questions qu'ils lui ont adressées. S'agissant de la question de l'interprétation et de la définition des défenseurs des droits de l'homme, elle a fait observer qu'il n'y a pas beaucoup de place pour l'arbitraire dans ce domaine, du fait que son mandat et la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales universellement reconnus proposent une définition. Il existe donc une indication claire et précise du type de personnes qui tombent sous le coup de ce mandat, a-t-elle insisté. En ce qui concerne les indicateurs qu'elle a identifiés, Mme Jilani a expliqué qu'ils ne doivent pas être compris comme une analyse complète des situations existantes mais plutôt comme un outil venant compléter cette analyse. La Représentante spéciale a dit partager la préoccupation manifestée par certains concernant des abus de statut de défenseurs des droits de l'homme; mais elle a indiqué avoir tenté d'éviter cet écueil en assurant une bonne vigilance dans l'application des critères énoncés dans la Déclaration. Lorsque nous sommes convaincus que les informations reçues doivent justifier que nous manifestions notre préoccupation, nous nous y employons tout en étant conscients que notre responsabilité première s'exerce à l'égard de notre mandat, a-t-elle insisté. Elle a rappelé qu'en acceptant ce mandat elle s'est engagée à encourager les États à respecter leurs obligations en vertu de la Déclaration susmentionnée. Par ailleurs, Mme Jilani a souligné que la question de la responsabilité inclut autant la responsabilité des gouvernements que celle des défenseurs des droits de l'homme. Pour conclure, elle a dit avoir le sentiment que la somme totale de ses activités, conclusions et résultats devraient être partie intégrante de l'examen périodique universel. Aussi, a-t-elle exprimé l'espoir que la procédure d'évaluation prévue dans le cadre de ce mécanisme inclura les indicateurs qu'elle a identifiés dans son rapport.

MME YAKIN ERTÜRK, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, a félicité le Gouvernement de l'Algérie pour certaines mesures qu'il a récemment prises et l'a assuré qu'elle avait pris bonne note de ses informations complémentaires concernant un certain nombre de questions, comme celle de l'éducation. En réponse à certains commentaires qui soulignaient la brièveté de la durée de ses missions, elle a fait observer que si ses visites sur le terrain sont en effet très courtes, elles lui permettent néanmoins de traiter de beaucoup de questions, de rencontrer de nombreux interlocuteurs et de prendre connaissance d'informations provenant de diverses sources. Mme Ertürk a ajouté que la prévalence d'une situation politique stable donne au Ghana un avantage qui devrait lui permettre de canaliser son attention sur des domaines qui requièrent son attention, notamment les violences dont sont victimes les femmes et les filles. La Rapporteuse spéciale a en outre reconnu qu'il fallait, en République démocratique du Congo, prêter attention aux violations commises par les forces de maintien de la paix. S'agissant des indicateurs, Mme Ertürk a précisé que son rapport ne visait pas à apporter des solutions, mais à ouvrir un débat. Bien évidemment, a-t-elle dit, aucun de ces critères ne saurait se substituer à un travail qualitatif tel que le recueil de témoignages.

M. BERNARDS ANDREW NYAMWAYA MUDHO, Expert indépendant sur les effets des politiques de réformes économiques et de la dette extérieure sur la pleine jouissance de tous les droits de l'homme, a fait observer que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont recours à des critères en matière de droits de l'homme dans le cadre de leurs politiques par pays. Mais je ne suis pas favorable à l'idée de conditions que doivent remplir les États pour recevoir de l'aide, a déclaré M. Mudho. L'Expert indépendant a par ailleurs souligné que la question de l'impact des réformes économiques sur les droits de l'homme revenait sans cesse dans les consultations qu'il avait menées avec ces deux institutions (Banque mondiale et FMI). Mais, a ajouté M. Mudho, ces deux institutions ne sont pas censées tenir compte des droits de l'homme qui ne figurent ni dans leur mandat ni dans leur Charte, et c'est là la raison pour laquelle l'Expert indépendant a fait certaines recommandations dans ce domaine.


Examen des rapports sur le logement convenable et les questions relatives aux minorités

Présentation des rapports

M. MILOON KOTHARI, Rapporteur spécial sur le logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant, a présenté son rapport (A/HRC/7/16, à paraître en français). Il a fait observer que la création de ce mandat, en 2000, a permis d'attirer l'attention sur ce droit et de mettre en évidence l'indivisibilité des droits de l'homme. Il s'est réjoui que le droit au logement soit de plus en plus reconnu par les tribunaux et les entités administratives comme un droit distinct. M. Kothari a dit espérer que les États sont désormais convaincus que sans la reconnaissance du droit pour chacun et chaque communauté à un logement convenable, ce sont tous les autres droits qui ne sont pas satisfaits. La réalisation du droit au logement se heurte à de nombreux problèmes, a-t-il fait observer. Mais les solutions sont accessibles et dépendent de la volonté des États de traduire leurs engagements dans la réalité, a-t-il souligné.

Le Rapporteur spécial a expliqué avoir, tout au long de son travail et au cours de ses missions, proposé des mesures de protection pour le droit à un logement convenable. Il a souligné qu'il est également essentiel de reconnaître ce droit non seulement par le biais d'une législation et de politiques, mais également par un engagement budgétaire certain. Un des problèmes identifiés par ce mandat a été le manque de coordination entre les différentes sphères de gouvernement, a rappelé M. Kothari. En effet, la répartition des compétences entre les différents acteurs et l'État peut diluer les responsabilités et entraver la réalisation du droit à un logement convenable, a-t-il souligné. Le Rapporteur spécial a également fait observer qu'il est crucial que les politiques et programmes dans ce domaine soient basés sur les droits de l'homme et reconnaissent clairement le droit à un logement convenable. Il s'est inquiété que la majorité des avocats et des représentants de l'autorité n'aient qu'une connaissance lacunaire des droits économiques, sociaux et culturels, ce qui entrave grandement la mise en œuvre du droit à un logement convenable dans de nombreux pays. M. Kothari a par ailleurs tenu à saluer la mise en œuvre de législations progressistes dans certains pays, comme en France et en Écosse, et s'est félicité des récentes mesures prises en Australie pour aider les sans-abri et les peuples autochtones.

S'agissant de la mission qu'il a effectuée en Espagne du 20 novembre au 1er décembre 2006, le Rapporteur spécial a dit avoir pu remarquer les difficultés affrontées par certaines catégories de la population, comme les femmes, les jeunes, les personnes âgées, les personnes handicapées, les Roms, les migrants et les sans-abri. Il a attiré l'attention sur l'importance de pénaliser les pratiques de corruption et de discrimination dans l'accès aux logements. Tout en reconnaissant les efforts déployés par le Gouvernement espagnol, il s'est inquiété des prix des logements qui pénalisent les groupes les plus pauvres et les plus vulnérables. Il s'est également dit préoccupé par la situation des migrants et a exprimé l'espoir que le Gouvernement ferait en sorte que la législation existante en matière de protection du droit au logement soit strictement appliquée.

En ce qui concerne sa visite en Afrique du Sud, effectuée du 12 au 24 avril 2007, M. Kothari a expliqué qu'un nombre important de personnes n'a pas accès, dans ce pays, à un logement convenable, parmi lesquelles figurent notamment des femmes - qu'elles soient membres des communautés autochtones, handicapées, migrantes ou atteintes du VIH/sida. Face aux défis que doivent affronter les autorités, le Rapporteur spécial a jugé essentiel que l'Afrique du Sud ratifie au plus vite le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Au sujet de sa mission effectuée au Canada du 9 au 22 octobre 2007, dont le rapport paraîtra ultérieurement, M. Kothari a expliqué avoir mis l'accent sur quatre dimensions: les sans-abri, les femmes, les populations autochtones et l'impact des Jeux olympiques d'hiver de 2010 sur la réalisation du droit à un logement convenable. Soulignant la richesse de ce pays, il a fait observer qu'il n'y a aucune raison objective pour que le Canada ne s'engage pas à améliorer la situation en matière de droit au logement.

Le Rapporteur spécial a par ailleurs remercié le Brésil et le Pérou de l'avoir invité à effectuer des visites de suivi. Il a dit espérer que son successeur pourrait arrêter des dates pour mener à bien des missions dans les pays qui ont accepté une visite du Rapporteur spécial, comme l'Angola et les États-Unis. Pour conclure, M. Kothari a attiré l'attention sur un certain nombre de recommandations qu'il a formulées, portant notamment sur la situation des sans-abri; les évictions forcées; la discrimination dans l'accès aux logements; et la nécessité de continuer à mettre l'accent sur les difficultés rencontrées par les femmes dans la réalisation de leur droit au logement. Il a également plaidé pour un accroissement du soutien et des ressources alloués à son mandat, de sorte que son successeur puisse s'acquitter de l'immense tâche qui l'attend.

L'additif 1 au rapport, qui traite des communications adressées aux gouvernements et des réponses reçues paraîtra en français ultérieurement

L'additif 2 du rapport concerne la mission en Espagne effectuée par le Rapporteur spécial du 20 novembre au 1er décembre 2006. Il note que le droit à un logement convenable est reconnu en tant que droit constitutionnel en Espagne et souligne les mesures positives qui ont été prises par les autorités centrales et régionales afin de donner effet à ce droit. Néanmoins, le Rapporteur spécial note également que les facteurs économiques et financiers, notamment une spéculation généralisée, ont eu un effet négatif sur l'exercice du droit à un logement convenable en Espagne. D'importants secteurs de la population ont souffert de la cherté des logements et de l'absence de logements sociaux, en particulier dans le secteur locatif. Le Rapporteur spécial pense qu'une réflexion sérieuse doit être engagée sur le fonctionnement du marché, le modèle actuel d'accès à la propriété et son impact négatif possible sur l'offre de logement pour les personnes à faibles revenus et que cela nécessite l'intervention de l'État sur le marché. Ainsi, il préconise que l'Espagne mette en place une politique nationale du logement globale et coordonnée, qui soit fondée sur les droits de l'homme et la protection des plus vulnérables, et sanctionne lourdement les pratiques telles que le «harcèlement immobilier», la corruption et la discrimination dans le secteur de l'immobilier. Le Rapporteur spécial demande que l'on s'occupe sans attendre de certains groupes, notamment des femmes, des jeunes, des personnes âgées, des personnes handicapées, des Roms, des migrants et des sans-abri, et demande que le droit à un logement convenable soit un droit opposable.

L'additif 3 au rapport rend compte de la mission du Rapporteur spécial en Afrique du Sud où il a constaté, notamment, que la réalisation du droit à un logement convenable est entravée tant par la démarche fragmentaire du Gouvernement en ce qui concerne l'application des textes de loi et de la politique touchant au logement que par les forces du marché, caractérisées par une tendance à la spéculation immobilière. Le Rapporteur spécial estime que des mesures s'imposent d'urgence en vue d'améliorer l'accès à un logement convenable. Tout au long de sa visite et de ses consultations, le Rapporteur spécial a été alarmé par la situation dont il était témoin, en particulier dans certaines parties du pays et des zones d'habitat de fortune, constatant que les conditions de vie étaient à l'évidence très loin de répondre aux normes de sûreté et de durabilité. Le Rapporteur spécial est arrivé à la conclusion que l'Afrique du Sud devrait, en particulier, restructurer la politique du logement locatif pour les groupes à faible revenu, garantir la sécurité de jouissance pour les locataires et formuler une politique nationale relative aux besoins particuliers en logement. Tous les échelons des pouvoirs publics doivent s'attacher à consulter et à faire participer de manière adéquate la société civile en matière de planification.

L'additif 4 au rapport, qui concerne la mission au Canada menée par le Rapporteur spécial, paraîtra en français ultérieurement.

MME GAY MCDOUGALL, experte indépendante sur les questions relatives aux minorités, a indiqué qu'elle s'était attachée, dans son rapport (A/HRC/7/23, à paraître en français), à examiner la question des minorités et du déni discriminatoire ou de la privation de la citoyenneté dans le cadre d'un projet plus large d'examen des questions relatives aux minorités dans le contexte de la promotion de leur intégration dans la société et de la stabilité de l'État concerné. Elle a rappelé que la situation des minorités est souvent liée à celle de la citoyenneté et au concept de l'identité nationale. Les personnes appartenant à des minorités se battent souvent pour accéder à leurs droits même dans des situations de pleine citoyenneté. Le déni de citoyenneté les place dans un état de vulnérabilité accrue de par les menaces d'expulsion et d'apatridie. C'est à partir de ces questions que Mme McDougall a convié un séminaire d'experts en décembre 2007 pour examiner l'utilisation du déni discriminatoire ou la privation de la citoyenneté comme moyen d'exclusion des minorités. En octobre 2007, elle a également envoyé un questionnaire à tous les membres de Nations Unies leur demandant de l'information sur ces questions. Elle s'est réjouie d'avoir reçu 40 réponses, lesquelles sont disponibles sur internet (A/HRC/7/23/Add.1), qui se sont avérées utiles dans l'examen de ces questions.

Mme McDougall a souligné que les minorités défavorisées sont souvent les cibles d'actions étatiques les privant de leur droit à la citoyenneté. Elle a rappelé à ce titre que selon le Haut Commissariat aux réfugiés, près de 15 millions de personnes dans plus de 49 pays sont apatrides, et les chiffres semblent à la hausse. Bien que le droit international reconnaisse que la détermination des lois de la citoyenneté constitue une prérogative de l'État, l'exercice de cette prérogative doit se conformer avec les obligations des États en matière de respect des droits de l'homme, notamment des droits des minorités. Le droit international interdit le déni de citoyenneté pour exclure les membres des minorités. Pourtant, les États dans le monde entier continuent de pratiquer le déni discriminatoire de citoyenneté sur la base de critères identitaires, ce qui a des effets négatifs considérables sur les conditions de vie des personnes concernées et leur degré d'intégration dans la société. Elle s'est à ce titre exprimée sur les défis à la réalisation du droit à la protection et la promotion de l'identité collective culturelle, y compris la reconnaissance des langues et la liberté de pratique religieuse, sur le lien entre la citoyenneté et le droit de propriété, à l'emploi, et à l'accès à des moyens de survie refusé aux groupes exclus. Elle a également tenu à souligner que la marginalisation de ces groupes peut mettre en danger non seulement les membres de groupes particuliers mais aussi avoir des répercussions graves pour la société et la stabilité de l'État.

En ce qui concerne la visite en France qu'elle a effectuée en septembre dernier, l'experte indépendante s'est penchée sur la situation des minorités vivant dans des banlieues urbaines, les «ghettos urbains» ou «quartiers sensibles» de Paris et Marseille, dont ceux qui ont été touchés par des émeutes en 2005. Elle a ciblé plus particulièrement les citoyens français et résidents de longue date d'origine immigrée, Africains, musulmans et personnes issues des territoires d'Outre-mer, les «minorités visibles». Mme McDougall en a conclu que les membres des minorités font l'objet de graves discriminations. Celles-ci se manifestent dans les domaines de l'attribution de logements, l'accès à l'emploi, la qualité de l'éducation, et les niveaux inadéquats de participation politique. Les membres de minorités ont fait état des pressions subies pour modifier leur identité culturelle et religieuse comme préalable à leur inclusion totale et à leur acceptation dans la société française. Les jeunes ont l'impression que leurs rêves sont bafoués et qu'ils sont rejetés à cause de la couleur de leur peau, de leur nom ou de leur adresse dans des ghettos urbains. Elle a ajouté que certains quartiers enregistrant un taux de chômage de plus de 40%. Il faut faire davantage en faveur d'une acceptation de la diversité culturelle et pour garantir des opportunités pour tous.

Mme McDougall s'est toutefois dite impressionnée par les initiatives du Gouvernement pour promouvoir la non-discrimination, notamment la loi de 2004 et l'établissement d'une Autorité indépendante sur l'égalité et contre la discrimination. Elle a cependant recommandé des approches plus déterminées et ciblées pour faire face aux discriminations persistantes subies par les minorités, notamment que des sanctions punissant les actes de discrimination raciale soient suffisamment lourdes pour jouer un rôle dissuasif. De plus, des politiques affirmatives effectives doivent être envisagées notamment dans le domaine de l'emploi, de manière à ce que les rangs de la fonction publique reflètent pleinement la diversité au sein de la société française. Le Gouvernement devrait donner l'exemple en réformant ses propres structures institutionnelles en matière d'emploi. L'experte a rappelé que les mesures affirmatives, temporaires de par leur nature, ne violent pas la Constitution et devraient être considérées comme essentielles à la réalisation de la devise «Liberté, Égalité, Fraternité».

Le document A/HRC/7/23/Add.2 (à paraître en français) rend compte de la visite que Mme McDougall a effectuée en France du 19 au 28 septembre 2007.

Le rapport sur la mission effectuée par l'experte indépendante en République dominicaine en conjonction avec le Rapporteur spécial sur le racisme paraîtra sous la cote A/HRC/7/23/Add.3.

Déclarations de pays concernés

M. JAVIER GARRIGUES FLÓREZ (Espagne) a relevé que les 18 mois qui se sont écoulés entre la visite de M. Kothari en Espagne et la publication de son rapport ont permis au Gouvernement de mettre en œuvre en grande partie les recommandations formulées par le Rapporteur spécial. Il a, à cet égard, fait état d'une évolution importante de certains indicateurs. Plusieurs mesures ont par ailleurs été prises pour lutter contre la spéculation, la corruption immobilière et pour améliorer la qualité de vie. S'agissant des groupes vulnérables, une disposition sur l'aide directe au logement a été promulguée afin que les familles économiquement défavorisées puissent accéder plus facilement à un logement. Les prix du logement ont chuté de près de 50% en Espagne depuis la visite du Rapporteur, a encore indiqué le représentant de ce pays. Il a, finalement, souligné que l'exactitude du rapport de M. Kothari, de même que son actualité ont diminué au fil des mois.

M. ITUMELENG WILLIAM KOTSOANE (Afrique du Sud) a assuré le Rapporteur spécial sur le logement convenable que son pays s'engage fermement en faveur de la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels en général et du droit au logement en particulier. Il a expliqué que l'Afrique du Sud a fourni, depuis 1994, 2,3 millions de logements en faveur de près de 9 millions de personnes. Les programmes en matière de logement s'adressent en priorité aux personnes handicapées, aux personnes vivant avec le virus du VIH/sida, aux personnes âgées et aux familles monoparentales, a-t-il précisé. M. Kotsoane a souligné que son pays est doté d'une législation forte qui protège le droit au logement et empêche les évictions illégales. Il a ainsi fait part de deux jugements récents de la Cour constitutionnelle qui ont affirmé qu'il est de la responsabilité de l'État de fournir un logement aux personnes qui se trouvent dans une situation désespérée et de disposer d'un plan d'urgence pour s'occuper de ces personnes. D'autre part, le représentant sud-africain a reconnu que la question des sans-abri ne peut pas être réglée sans que soit résolue celle de la question foncière. À cet égard, il a fait observer que si le Rapporteur a de bonnes raisons de déplorer la lenteur des réformes foncières, il a toutefois omis de reconnaître les redistributions significatives de terres effectuées par le biais du programme pour le logement. M. Kotsoane a également informé le Rapporteur spécial de mesures prises par le Gouvernement pour remédier à la planification spatiale héritée de l'apartheid et assurer un renouveau urbain. Pour conclure, il a félicité M. Kothari pour les principes fondamentaux et les directives sur les expulsions qu'il a publiées, ainsi que pour les recommandations qu'il a formulées dans son rapport à l'intention de l'Afrique du Sud.

MME NADIA STUEWER (Canada), saluant le travail accompli par le Rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable et son souci d'intégrer dans son mandat une attention particulière à la situation des femmes et des enfants, s'est dite déçue de la décision du Rapporteur spécial de présenter une note préliminaire au lieu d'un rapport final concernant sa visite au Canada. La représentante canadienne a déploré que la note et les recommandations qu'elle contient ne soient pas nuancées par un compte-rendu des réalisations actuelles du Canada dans le domaine du logement. Il a tenu, à cet égard, à relever que le budget fédéral annuel consacré au logement abordable n'a jamais été aussi élevé. Le Rapporteur spécial a aussi omis de dire que la vaste majorité des Canadiens ont accès à un logement abordable et convenable sur le marché privé. Le Canada a espéré que le rapport final de M. Kothari fera état des nombreuses réalisations canadiennes en matière de logement et qu'il brossera un tableau plus nuancé, conforme à la complexité du système canadien et à l'importance des programmes mis en œuvre.

M. JEAN BAPTISTE MATTÉI (France), se référant à la visite en France de l'experte indépendante sur la question des minorités, Mme McDougall, a estimé que les inexactitudes et raccourcis contenus dans son rapport conduisent à des amalgames difficilement acceptables s'agissant, notamment, de la question des tests ADN, dont le représentant français a insisté qu'ils étaient de nature volontaire et qu'ils ne sont destinés qu'aux seuls candidats à l'immigration qui ont un parent vivant en France, en vue d'accélérer la procédure de regroupement familial. Il a indiqué encore que, contrairement à ce qui était sous-entendu dans le rapport de Mme McDougall, il n'existe pas de loi sur la construction des lieux de culte car cette activité n'est pas contrôlée par l'État. La France a aussi rejeté les propos de l'experte indépendante sur l'institutionnalisation du racisme dans les services de police. S'agissant des recommandations formulées par l'experte, le représentant de la France a déclaré que plusieurs d'entre elles sont déjà appliquées, notamment celles relatives aux mesures visant à lutter contre la discrimination dans les domaines de la justice et de l'accès à l'emploi.

Débat interactif

M. IMAD ZUHAIRI (Palestine au nom du Groupe arabe) a remercié le Rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable pour les efforts qu'il déploie pour contribuer au respect de ce droit. Il a indiqué que le Groupe arabe soutient la poursuite de son mandat. Le représentant palestinien a évoqué les pratiques israéliennes dans les territoires palestiniens occupés et fustigé la construction d'un mur raciste et l'implantation de colonies. Il a fait valoir que de telles pratiques sont en contradiction avec les divers instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme. Il a également condamné les pratiques d'Israël d'annexion et d'expansion, soulignant qu'elles visent à judaïser Jérusalem. Pour conclure, il a relevé la nécessité de coordonner tous les efforts pour assurer le droit à un logement convenable et traduire cet objectif en réalité sur le terrain.

M. JASNA MUSI (Slovénie au nom de l'Union européenne), se référant au rapport de Mme McDougall, s'agissant notamment de la mention qu'elle fait des consultations régionales organisées en Amérique du nord, a demandé si l'experte prévoyait d'initier des consultations avec d'autre mécanismes régionaux. Mentionnant le rôle que l'experte accorde à la protection des minorités dans la prévention des conflits, la représentante a demandé à être informée à cet égard d'un exemple de bonne pratique. S'adressant à M. Kothari, qu'elle a remercié pour son rapport final, elle a demandé quels sont les outils qu'il préconisait de mettre au point pour assurer l'application des législations en matière de droit au logement convenable.

M. REINHARD SCHWEPPE (Allemagne) a rappelé qu'avec la Finlande, l'Allemagne est l'un des principaux auteurs de la résolution sur le droit au logement. Il a demandé à M. Kothari des précisions sur son expérience pratique avec les documents relatifs aux annexes à son rapport «principes et directives sur les expulsions et déplacements basé sur le développement», lesquelles ont déjà fait, semble-t-il, l'objet de commentaires positifs par les États.

Exercice du droit de réponse

M. ENOS MAFEMBA (Zimbabwe) s'est dit interpellé par les interventions de l'Union européenne, de l'Australie et des États-Unis, qui se servent du dialogue interactif comme moyen de lancer des attaques contre son pays. Ils le font au nom d'un régime qui veut faire main basse sur des terres du Zimbabwe, a-t-il souligné. Ils se servent du rapport du Rapporteur spécial pour faire avancer leur programme politique, a-t-il ajouté. Il a ainsi condamné ce qu'il a qualifié de procès injuste contre le Zimbabwe. Le représentant du Zimbabwe a indiqué qu'au mois d'octobre passé, le Parlement a adopté un amendement unanime sur les médias avec la participation de tous les partis politiques. Qui est l'Australie pour juger un processus législatif du Zimbabwe, a-t-il demandé? Canberra doit nous laisser tranquille, a-t-il asséné. Il a également fait valoir que le régime de Washington est loin d'être un exemple en matière de droits de l'homme, notamment en Iraq et en Afghanistan. D'autre part, il a expliqué que le Zimbabwe tiendra des élections libres le 29 mars prochain et a espéré que certains États cesseront de s'ingérer dans les affaires politiques du pays. L'Union européenne présume du résultat des élections et essaie d'induire un changement de régime selon les souhaits de Londres, a-t-il déploré.

MME RANIA AL RIFAIY (Syrie) a estimé que les États-Unis ne sont pas en position de soulever quelque problème que ce soit s'agissant des situations des droits de l'homme prévalant dans d'autres pays, compte tenu des méthodes pratiquées par exemple dans la prison d'Abu Ghraib. Elle a souhaité savoir ce que les États-Unis, qui se préoccupent tant de la situation des défenseurs des droits de l'homme dans le monde, ont fait pour protéger le journaliste syrien jugé en Israël pour le seul crime d'avoir dénoncé l'occupation israélienne du Golan syrien.

M. ASADOLLAH ESHRAGH JAHROMI (Iran), répondant aux accusations des États-Unis contre son pays, a dit que l'Iran s'était engagé à respecter ses obligations en matière de droits de l'homme, y compris s'agissant de la protection des vrais défenseurs des droits de l'homme. Mais bien entendu, les gens qui enfreignent la loi doivent être traduits en justice, a-t-il ajouté. Il affirmé que les allégations des États-Unis à cet égard sont dénuées de tout fondement. Il a également souligné que son pays ne procède pas à des arrestations de journalistes et a relevé que le pays qui accuse d'autres de faits non avérés soit celui-là même qui procède à des écoutes téléphoniques et permette des pratiques de torture pour avoir des informations.

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1Déclaration conjointe: Asia Pacific Forum on Women, Law and Development; Forum international des ONG pour le développement indonésien; Asian Legal Resource Centre; Center for Organization Research and Education; et Pax Romana.

2Déclaration conjointe: Centre Europe tiers-monde (CETIM); Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples – MRAP); Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples; France Libertés – Fondation Danielle Mitterrand; et Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté.


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