Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE DES RAPPORTS SUR LA LIBERTÉ D'EXPRESSION ET SUR LA LIBERTÉ DE RELIGION
Le Conseil des droits de l'homme a été saisi ce matin de deux rapports consacrés l'un à la liberté de religion et de conviction et l'autre à la liberté d'expression et d'opinion. Un débat interactif a suivi la présentation de ces rapports. Le Conseil a par ailleurs conclu le débat interactif entamé hier après-midi concernant la torture, l'indépendance des juges et des avocats et la détention arbitraire.
Le Rapporteur spécial sur le droit à la liberté d'opinion et d'expression, M. Ambeyi Ligabo, a rappelé que l'objet de son mandat constitue l'un des piliers essentiels d'une société libre et démocratique et contribue à une meilleure compréhension et au dialogue entre les cultures. Une information pluraliste, a-t-il dit, ne peut toutefois intervenir que lorsque la protection et la sécurité des professionnels des médias sont assurées. Il a constaté avec regret que les violations à la liberté d'opinion et d'expression demeuraient monnaie courante dans de nombreux pays. Il a aussi recommandé aux gouvernements de prendre rapidement en compte le rôle des nouvelles technologies dans ce domaine et de formuler des lois et réglementations qui leur soient adaptées. Le Rapporteur spécial a rendu compte de sa mission au Danemark, ainsi que de celle qu'il a effectuée en Tunisie à l'occasion du Sommet mondial sur la société de l'information.
La Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, Mme Asma Jahangir, a pu constater que le droit à la liberté de religion ou de conviction est souvent violé. Elle a porté son attention cette année sur la question du port ostentatoire de symboles religieux, constatant que, si dans diverses régions du monde, on empêche de nombreux individus de s'identifier par le port ostentatoire de symboles religieux, dans certains pays, on demande au contraire aux gens de s'identifier en public en exhibant des symboles, y compris des vêtements religieux. Toute limitation du droit d'un individu d'exhiber ou de porter des symboles religieux ne peut être basée que sur des motifs de sûreté, d'ordre, de santé ou de morale publics ou sur les droits et libertés fondamentaux d'autrui. Mme Jahangir souligne par ailleurs qu'il existe des exemples remarquables où des dialogues et d'intenses négociations ont permis de contribuer à la prévention de la violence entre groupes religieux, et a mis l'accent sur la nécessité de l'éducation pour contrer l'intolérance religieuse. Le Nigéria, la France, le Sri Lanka, l'Azerbaïdjan, sont intervenus à titre de pays concernés.
Des représentants des États suivants ont participé au débat interactif qui s'est engagé avec les deux Rapporteurs spéciaux : Autriche, Liechtenstein, Hongrie, Norvège, Iraq, Cuba, Chine, Iran, Jordanie, Nigéria, Sri Lanka, France, Azerbaïdjan, Croatie, Algérie, Finlande, Kenya, Pérou, Pakistan, Pays-Bas, et Arménie.
Le Conseil a par ailleurs achevé, en début de séance, le dialogue interactif qu'il avait entamé hier après-midi avec Mme Leïla Zerrougui, Présidente-Rapporteuse spéciale du Groupe de travail sur les détentions arbitraires, M. Manfred Nowak, Rapporteur spécial sur la question de la torture, et M. Leandro Despouy, Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats. Des représentants des États suivants ont fait des interventions dans ce cadre: Autriche, Liechtenstein, Hongrie, Norvège, Iraq, Cuba et Chine. Des représentants des organisations non gouvernementales suivantes sont également intervenus: Friends World Committee, International Commission of Jurists, Fédération internationale des ligues des droits de l'homme au nom également de la Communauté internationale baha'ie , Interfaith International, et l'Organisation mondiale contre la torture. La Chine, l'Iran et la Jordanie ont exercé le droit de réponse.
Le Conseil doit conclure cet après-midi, à partir de 15 heures, son débat concernant la liberté religieuse et la liberté d'expression. Il entendra ensuite la présentation d'un rapport commun sur la situation des détenus à Guantánamo. Le Conseil devrait également examiner un rapport commun sur l'incitation à la haine raciale et religieuse, ainsi qu'un rapport de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme sur la même question.
Suite du dialogue interactif sur la torture, la détention arbitraire et l'indépendance de la justice
M. WOLFGANG PETRITSCH (Autriche) a souligné que la torture est encore un phénomène fréquent dans de nombreux pays; elle est même parfois systématique dans certains. Le cas concernant l'Autriche dont le Rapporteur spécial sur la question de la torture, M. Manfred Nowak, a parlé dans son intervention d'hier a reçu une grande attention de la part des médias et du public autrichiens, a souligné le représentant. Il a notamment mis l'accent sur la nécessité d'assurer un équilibre adéquat entre sanctions pénales et impératifs de prévention.
MME ANDREA HOCH (Liechtenstein) a exprimé son appréciation de ce que le Rapporteur spécial sur la torture ait abordé la question des méthodes de travail relatives aux visites dans les pays. Elle a souligné à cet égard que les visites dans les pays ne doivent pas faire l'objet de négociations, mais être obligatoires, car elles sont à la base du travail du Rapporteur spécial. Elle s'est réjouie de la volonté du Rapporteur spécial d'engager des consultations avec diverses organisations non gouvernementales dans une perspective de coordination. Elle a ajouté qu'il ne fallait pas se satisfaire des systèmes de protection actuels qui, selon le Liechtenstein sont insuffisants. Elle a aussi exprimé sa préoccupation à l'égard de la torture pratiquée dans les centres secrets de détention.
MME ORSOLYA TOTH (Hongrie) a demandé au Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats quel était le bilan qu'il tirait de son expérience en Équateur et quelles étaient les meilleures pratiques qu'il pensait pouvoir en tirer.
M. VEBJORN HEINES (Norvège) a notamment demandé au Rapporteur spécial sur la torture comment s'établit la distinction entre traitements «inhumains», «cruels» et «dégradants». Le représentant a aussi demandé au Rapporteur spécial s'il pouvait préciser la distinction entre son mode d'action et celui de la Communauté européenne.
M. OMER BERZINJI (Iraq) a commenté le rapport du Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges en soulignant que la nomination, en Iraq, de la Haute cour pénale chargée de juger les anciens dirigeants iraquiens a respecté les pratiques et normes internationales en la matière. Le peuple iraquien a estimé opportun que ce procès ait lieu afin que justice soit faite pour les victimes et que les responsables soient sanctionnés, a souligné le représentant. Les autorités iraquiennes souhaitent protéger les avocats concernés, a-t-il assuré; mais il y a malheureusement déjà eu des incidents qui ont parfois même entraîné la mort de certains avocats.
M. JUAN ANTONIO FERNANDEZ PALACIOS (Cuba) a rappelé le cas de cinq prisonniers cubains aux États-Unis, détenus de manière arbitraire. Il a invité le Conseil à manifester sa solidarité avec ces prisonniers aux côtés des membres de leurs familles qui ont fait le voyage à Genève pour sensibiliser l'opinion sur leur situation.
MME RACHEL BRETT (Friends World Committee) a demandé à la Présidente du Groupe de travail sur la détention arbitraire quelles sont les mesures qui pourraient être prises pour lutter contre le recours abusif à la détention préventive. Concernant la situation des mineurs à cet égard, elle a demandé comment on pouvait envisager de les protéger de ces abus.
MME ROISIN PILLAY (Commission internationale de juristes) a exprimé sa préoccupation face à la situation des systèmes judiciaires dans le contexte de la lutte antiterroriste. Dans tous les pays, on s'est efforcé de faire en sorte que le système judiciaire puisse répondre aux menaces terroristes, a-t-elle souligné. Dans ce contexte, certains tribunaux militaires ont parfois été mis en place qui ne sont pas conformes aux normes relatives au procès équitable, a-t-elle fait observer. Elle a attiré l'attention sur les menaces qui pèsent sur l'interdiction absolue de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Gouvernement des États-Unis doit s'efforcer d'éradiquer ces pratiques conformément au droit international. Le Rapporteur spécial sur la torture doit utiliser son mandat pour renforcer la définition de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, a affirmé la représentante.
M. DAVID KILGOUR (Interfaith international) a souhaité savoir comment le Gouvernement chinois protégeait les membres du Falun Gong. Il a indiqué que les assertions mentionnant la privation de liberté, la torture et les disparitions de membres du Falun Gong étaient avérées et a noté que le Gouvernement chinois n'avait fourni aucune information infirmant ces rapports. Il a demandé au Gouvernement chinois de prendre ses responsabilités et évoqué comme date butoir la tenue, l'année prochaine, des Jeux olympiques en Chine.
MME ALEXANDRA POMEON O’NEIL (Fédération internationale des ligues des droits de l'homme au nom également de la Communauté internationale baha'ie) s'est dite inquiète de la détention arbitraire en Iran, de nombreuses personnes y étant détenues sans interrogatoire et relâchées contre le paiement d'une caution très élevée, bien que n'ayant fait l'objet d'aucune inculpation. La représentante s'est aussi dite préoccupée des initiatives gouvernementales visant à contrôler les activités politiques dans le pays, qui s'accompagnent d'une forte recrudescence de la répression des personnes. Par ailleurs la représentante a demandé au Groupe de travail sur la détention arbitraire s'il avait reçu une réponse du Gouvernement colombien quant à savoir s'il serait possible d'effectuer une visite sur le terrain.
MME DELPHINE RECULEAU (Organisation mondiale contre la torture) a commenté le rapport du Rapporteur spécial sur la question de la torture, M. Manfred Nowak, en renouvelant sa proposition de promouvoir un travail de suivi, sur plusieurs années, des cas faisant l'objet de communications. Elle a souhaité connaître les démarches qu'envisage le Rapporteur spécial sur la torture dans le cas des pays qui refusent toute coopération avec les procédures spéciales, comme c'est le cas de l'Ouzbékistan. L'OMCT se félicite des rappels du Rapporteur spécial s'agissant de l'interdiction absolue de la torture et de l'incompatibilité des assurances diplomatiques avec l'article 3 de la Convention contre la torture.
M. MANFRED NOWAK, Rapporteur spécial sur la question de la torture et autres traitements ou châtiments cruels, inhumains ou dégradants, a remercié les délégations de la Chine, de la Jordanie, de la Géorgie et du Népal pour leurs réactions aux rapports qu'il a présentés; il a également remercié tous les autres représentants qui l'ont félicité pour son travail et ses rapports. M. Nowak a relevé que le caractère sérieux et grave du crime de torture est très souvent mal compris. C'est le fait d'infliger délibérément des souffrances à une victime à certaines fins qui rend la torture si répréhensible, a-t-il souligné. Le Rapporteur spécial a fait observer qu'il s'abstient généralement de visiter un pays qui fait l'objet d'une enquête ou autre démarche de la part du Comité contre la torture ou du Comité européen pour la prévention de la torture.
Le fait que la torture continue d'être pratiquée de manière systématique en Ouzbékistan témoigne que certaines recommandations de l'ancien Rapporteur spécial sur la torture, M. Théo van Boven, n'ont pas été appliquées, a poursuivi M. Nowak. Pour ce qui est du suivi de ses recommandations, le Rapporteur spécial a indiqué qu'en règle générale, les gouvernements lui fournissent les informations demandées. En réponse à l'organisation Interfaith International, qui demandait des informations sur des allégations concernant le Gouvernement de la Chine, M. Nowak a indiqué avoir adressé une lettre au Gouvernement chinois qui l'a assuré qu'il n'avait pas encore eu le temps de répondre aux questions soulevées; mais il semblerait qu'il recevra prochainement un rapport suite à une enquête approfondie, a indiqué M. Nowak.
MME LEÏLA ZERROUGUI, Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur la détention arbitraire, répondant aux questions de l'Union européenne sur le droit d'appel pour les migrants, a indiqué que, de manière générale, le droit existe, mais que dans la pratique, les migrants détenus n'ont, pour diverses raisons, pas la possibilité de faire appel. Elle a par ailleurs souligné la nécessité d'assurer la détention des migrants séparément des détenus de droit commun.
Mme Zerrougui a par ailleurs souligné l'importance de la coordination entre les rapporteurs et autres experts. Pour ce qui est des communications individuelles, elle a indiqué que, de manière générale, le Groupe avait reçu les réponses à ses questions.
La Présidente a rappelé avec insistance la préoccupation du Groupe de travail s'agissant de l'existence de lieux de détention secrets, qui, de fait, constituent une forme de détention arbitraire.
Abordant la question de la surreprésentation des groupes vulnérables dans les lieux de détention et aux conditions de détention auxquelles ils son soumis, Mme Zerrougui a souligné la gravité de ce problème qui révèle une réelle inégalité de traitement. Elle a notamment évoqué la question de la détention des enfants migrants et de la nécessité de maintenir le lien entre les femmes et leurs enfants.
La Présidente du Groupe de travail a enfin confirmé que l'Iran avait répondu aux questions du Groupe de travail et mentionné que la Colombie n'avait pas répondu à ses demandes de visite.
M. LEANDRO DESPOUY, Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, a relevé certains aspects positifs constatés dans le cadre de son mandat, notamment en matière de coopération internationale. Le cas de l'Équateur est ici exemplaire. Ce pays a été confronté à des crises institutionnelles très graves, à la suite desquelles il a dû reconstruire son pouvoir judiciaire. Il a pu le faire avec l'aide méthodologique des Nations Unies, mais aussi à la présence sur place d'autres intervenants, comme l'Organisation des États américains et surtout l'Organisation internationale des juristes. Grâce aux apports de ces intervenants extérieurs, l'Équateur a pu rétablir sa situation et des bonnes pratiques ont pu être dégagées de cette expérience, qui prouve que les États savent accepter et tirer parti de la collaboration internationale.
Le Rapporteur spécial a aussi déploré des tendances préoccupantes au niveau universel, comme par exemple le problème de l'adoption de législations dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Ces lois n'affectent pas seulement le traitement des détenus, mais aussi des droits fondamentaux comme la liberté d'association et de mouvement, notamment. Elles touchent aussi à la compétence des tribunaux, favorisant les tribunaux d'exception au détriment des juridictions civiles. Le Conseil devrait à cet égard approuver les principes et directives concernant la promotion et la protection des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme de M. Emmanuel Decaux, de la Sous-Commission des droits de l'homme.
M. Despouy a confirmé les carences en matière de justice pour les enfants, carences qui devront faire l'objet de travaux plus approfondis. Son rapport reflète par ailleurs certaines préoccupations concernant les conditions du déroulement du procès de Saddam Hussein en Iraq, le Rapporteur spécial estimant que la composition du tribunal devrait être plus ouverte sur la communauté internationale, de telle sorte que la procédure ne risque pas de prendre les apparences de la vengeance.
Exercice du droit de réponse
M. LA YIFAN (Chine) a réagi aux propos du Rapporteur spécial sur la question de la torture, qui a déclaré avoir reçu un très grand nombre d'allégations concernant la Chine, en rappelant que la Chine coopère toujours avec les procédures spéciales des Nations Unies. Après avoir reçu des communications émanant de M. Nowak, en juillet-août dernier, la Chine lui a promis qu'elle procèderait à une enquête complète sur ces questions. Traditionnellement, les gouvernements disposent de 90 jours pour répondre aux communications que leur adressent les procédures spéciales, a rappelé le représentant chinois.
En réponse à la déclaration faite ce matin par l'organisation Interfaith International, le représentant chinois a par ailleurs déclaré que le Falun Gong est un très grand mal; il ne s'agit pas d'un mouvement de paix. En ce qui concerne la transplantation d'organes, la Chine dispose de lois extrêmement strictes dans ce domaine, a poursuivi le représentant. Nous ne sommes pas dans l'Ouest sauvage où chacun devrait surveiller ses organes jour et nuit afin de s'assurer qu'ils ne font pas l'objet d'une transplantation, a-t-il souligné. Le Falun Gong a totalement inventé l'histoire concernant la prétendue transplantation illicite d'organes dans un hôpital chinois et n'est d'ailleurs jamais revenu sur la question par la suite, a-t-il remarqué.
MME FOVOUZADEH VADIATI (Iran) a réagi aux affirmations d'une organisation non gouvernementale concernant le traitement et l'arrestation d'adeptes Bahaïs. Elle a insisté sur le fait qu'en Iran, tous les citoyens sont égaux. Elle a souligné que les Bahaïs n'étaient pas désavantagés et qu'on observait, au contraire une pauvreté moins importante au sein de cette communauté que dans la moyenne de la population iranienne. Évoquant le cas de personnes Bahaïs arrêtées, elle a rappelé qu'elles avaient été relâchées.
M. MOUSA BURAYZAT (Jordanie), a déclaré qu'il n'était pas complètement convaincu par les explications reçues du Rapporteur spécial sur la torture s'agissant de ses motivations pour faire de la Jordanie, avec l'Autriche, un exemple particulier. Le Rapporteur spécial a aussi dit qu'il reviendrait sur la question devant le Conseil, puis une fois encore devant l'Assemblée générale. Le représentant de la Jordanie a estimé qu'il ne convient pas de multiplier les prises en compte de la situation de son pays au-delà de ce qu'en a décidé l'Assemblée générale, et ce pour des raisons tenant avant tout au respect du principe de rationalisation des travaux.
Présentation de rapports sur la liberté de religion et d'expression
MME ASMA JAHANGIR, Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, a souligné que dans le climat actuel de défiance à l'égard de l'universalité des droits de l'homme, les efforts visant à accroître la sensibilisation aux droits de l'homme ainsi que le respect de ces droits sont plus importants que jamais. Insistant sur le caractère intrinsèquement sensible de son mandat, elle a fait observer que, depuis les attaques du 11 septembre 2001, les tensions et les sensibilités concernant les questions relatives à la religion et à la croyance se sont exacerbées.
Mme Jahangir a indiqué qu'à l'issue de ses visites dans différents pays, et sur la base des allégations qu'elle a reçues, elle est en mesure d'affirmer que, de toute évidence, le droit à la liberté de religion ou de croyance est souvent violé; il est apparent que l'on rechigne à protéger ce droit. La Rapporteuse spéciale a souligné que dans son rapport au Conseil, elle s'est concentrée sur le débat entourant les symboles religieux. Dans diverses parties du monde, on empêche les individus de s'identifier en portant des symboles religieux, alors que dans certains pays, il est au contraire demandé aux individus de s'identifier en exhibant des symboles religieux, notamment des vêtements religieux en public. Exhiber ou porter des symboles religieux fait partie de la manifestation de la liberté de religion ou de croyance, a déclaré Mme Jahangir. Aussi, a-t-elle affirmé, toute limitation du droit d'un individu d'exhiber ou de porter des symboles religieux ne peut être fondée que sur des motifs de sûreté, d'ordre, de santé ou de morale publics ou sur les droits et libertés fondamentaux d'autrui. En outre, a poursuivi la Rapporteuse spéciale, les lois limitant le droit d'exhiber ou de porter des symboles religieux devraient être proportionnelles aux buts spécifiques qu'elles cherchent à atteindre. À cet égard, a ajouté Mme Jahangir, il est important de souligner que les attitudes morales publiques devraient refléter une vue pluraliste de la société et non pas une seule culture ou religion.
Des atrocités continuent d'être commises contre des communautés de religion ou de croyance, y compris au nom de la religion, a poursuivi Mme Jahangir. Les dirigeants politiques doivent rester neutres et s'engager collectivement et ouvertement à combattre l'intolérance religieuse, a-t-elle souligné. Il existe des exemples remarquables où des dialogues et d'intenses négociations ont permis de contribuer à la prévention de la violence et à la cessation des hostilités, a fait valoir la Rapporteuse spéciale. Elle a mis l'accent sur la nécessité de l'éducation pour contrer l'intolérance religieuse, faisant observer que le manque d'éducation est souvent identifié comme étant l'une des causes profondes de l'intolérance religieuse. Il est important de souligner que c'est plus spécifiquement l'éducation aux droits de l'homme – et non pas simplement l'éducation en tant que telle – qui peut jouer un rôle crucial pour favoriser l'harmonie religieuse. Mme Jahangir a fait observer que, dans nombre de pays qu'elle a visités, elle a pris note de la volonté de nombre de ses interlocuteurs de lier l'intolérance religieuse à l'illettrisme, voire à la pauvreté.
Mme Jahangir a indiqué avoir effectué, durant la période couverte par son rapport, des visites au Nigéria, au Sri Lanka et en France. Elle a également indiqué avoir effectué dans le courant de cette année des visites en Azerbaïdjan (26 février-5 mars 2006) et aux Maldives (6-9 août), deux visites au sujet desquelles elle entend présenter des rapports à une future session du Conseil. En attendant la publication ce ces rapports, Mme Jahangir a pris note de l'accession des Maldives au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et au Pacte international relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels. Elle a félicité le Gouvernement des Maldives d'avoir pris cette mesure importante mais a regretté que le pays ait jugé nécessaire d'émettre une réserve à l'égard de l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques concernant la liberté de religion ou de croyance; aussi, a-t-elle exprimé l'espoir que le Gouvernement prendrait des mesures afin de lever cette réserve dès que possible.
S'agissant de la visite qu'elle a effectuée au Nigéria, Mme Jahangir a notamment indiqué avoir reçu un certain nombre de plaintes concernant des émeutes violentes et autres attaques en plusieurs endroits du pays. Ces violences avaient plusieurs causes, notamment des facteurs politiques, économiques et ethniques; toutefois, dans la plupart des cas, la violence suivait des lignes religieuses, a indiqué la Rapporteuse spéciale. Les croyances religieuses ne constituent pas seulement une question très sensible au Nigéria; elles fournissent également un moyen relativement facile et simple d'identifier un opposant, a-t-elle poursuivi. Elle a affirmé que l'aspect le plus frappant de la violence résidait dans la réponse que les autorités y apportaient. En effet, a précisé Mme Jahangir, selon la majorité des informations reçues, aucune enquête ni aucun effort n'était mené afin de poursuivre les délinquants. L'introduction de la loi islamique dans les affaires pénales dans douze États nigérians a polarisé la population suivant des lignes religieuses, a poursuivi Mme Jahangir. Une caractéristique commune de ces lois religieuses - argument souvent utilisé pour les soutenir - est qu'elles ne sont applicables qu'aux seuls musulmans, a-t-elle souligné. Un événement particulièrement alarmant concernant l'application de ces lois a été l'institutionnalisation des organes d'application connus sous le nom de Hisbah, composés de jeunes civils non formés et dont le rôle est d'appliquer la loi de la charia telle qu'ils la comprennent, a poursuivi Mme Jahangir. Leurs activités se sont soldées par un certain nombre d'actes violents, arbitraires et illégaux, en particulier à l'encontre de femmes non musulmanes, équivalant dans de nombreux cas à des violations des droits de l'homme. Mme Jahangir s'est dite particulièrement troublée par les informations selon lesquelles des membres des communautés chrétienne et musulmane sont en train de s'armer, soit à des fins défensives, soit dans un but d'agression future.
En ce qui concerne la visite qu'elle a effectuée à Sri Lanka en mai 2005, Mme Jahangir a notamment rappelé que cette mission visait à évaluer les informations faisant état d'attaques contre certains groupes religieux ainsi que de conversions abusives. Ces allégations ont entraîné l'introduction de projets de lois pénalisant certains actes visant à convertir un individu à une autre religion, a indiqué la Rapporteuse spéciale. Sri Lanka est un pays ayant un degré élevé de tolérance et une histoire d'harmonie religieuse, a-t-elle rappelé. En outre, a-t-elle ajouté, le Gouvernement respecte généralement la liberté de religion et de croyance et est jusqu'ici resté neutre vis-à-vis des différentes communautés religieuses présentes sur son territoire. Bien qu'il y avait déjà à Sri Lanka des préoccupations concernant des conversions abusives avant le raz-de-marée de décembre 2004, ces préoccupations se sont accentuées suite aux allégations selon lesquelles certains groupes utiliseraient la fourniture de l'aide humanitaire pour forcer la population à se convertir, a indiqué Mme Jahangir.
S'agissant de sa visite en France, effectuée du 19 au 29 septembre 2005, Mme Jahangir a indiqué avoir conclu que, si la France respecte généralement le droit à la liberté de religion ou de conviction, un certain nombre de sujets de préoccupations subsistent. La Rapporteuse spéciale s'est en particulier dite préoccupée par la loi 2004-228 sur le port de signes religieux ostentatoires dans les écoles publiques. Cette loi, qui a largement été soutenue par l'appareil politique, ainsi que par une vaste portion de la population, avait pour vocation de s'appliquer de manière égale à toutes les personnes; néanmoins, dans la pratique, elle affecte essentiellement certaines minorités religieuses et en particulier les personnes appartenant à la foi musulmane. En outre, a ajouté Mme Jahangir, le vaste soutien politique en faveur de cette loi a envoyé un message démoralisant aux minorités religieuses en France. Mme Jahangir a par ailleurs indiqué avoir reçu un certain nombre d'informations concernant des actes de violence et d'intolérance religieuse à l'encontre des membres de communautés religieuses, en particulier des juifs et des musulmans. Elle s'est félicitée que le Gouvernement français prend ces actes très au sérieux et en sous-estime rarement l'importance, a déclaré Mme Jahangir.
La Rapporteuse spéciale a par ailleurs indiqué qu'elle entreprendrait une mission au Tadjikistan au début de l'année 2007.
Dans son rapport sur la liberté de religion ou de conviction (E/CN.4/2006/5 et Add.1 à 4), la Rapporteuse spéciale note avec préoccupation que, pour beaucoup de personnes dans le monde, la liberté de religion ou de conviction n'est pas une réalité. L'augmentation du nombre de pays n'adressant pas d'invitation pour des visites in situ suscite de réelles inquiétudes, souligne le rapport. Cette tendance est particulièrement préoccupante dans la mesure où les pays concernés sont ceux pour lesquels la Rapporteuse spéciale a reçu des allégations substantielles concernant des violations du droit à la liberté de religion ou de conviction. À cet égard, la Rapporteuse spéciale réitère son soutien à un mécanisme permettant de gérer de façon adéquate la situation des pays qui omettent régulièrement de coopérer dans le cadre des procédures spéciales. Elle encourage les États et les autres acteurs à examiner cette question dans le contexte des efforts relatifs à la réforme de l'ONU. Elle leur demande spécialement d'envisager de faire barrage aux États qui ne coopèrent pas avec les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales lors de l'examen de leur candidature pour siéger au nouveau Conseil.
La Rapporteuse spéciale a défini un ensemble de critères généraux sur les symboles religieux, notamment des «indicateurs neutres» et des «indicateurs préoccupants» afin de donner des lignes directrices en ce qui concerne les normes relatives aux droits de l'homme applicables et leur portée. Elle voudrait souligner qu'il ne peut être imposé de restrictions à des fins discriminatoires ni de façon discriminatoire. Les restrictions doivent être en rapport direct avec l'objectif spécifique qui les inspire et proportionnées à celui-ci. C'est sur l'État que repose la charge de justifier une restriction à la liberté de manifester sa religion ou sa conviction. La mesure choisie doit promouvoir la tolérance religieuse et éviter de stigmatiser une communauté religieuse en particulier. Enfin, les principes du bien-fondé et de la juste proportion de la mesure doivent être parfaitement respectés par l'administration et pendant le contrôle juridictionnel le cas échéant.
Pendant la période considérée, la Rapporteuse spéciale a continué de recevoir des informations sur des cas ou des situations de personnes ayant délibérément porté atteinte à la religion d'autres personnes. Elle reconnaît que, dans beaucoup de ces cas, les déclarations ou autres formes d'expression peuvent avoir été la manifestation de l'exercice du droit à la liberté d'expression. Toutefois, elle s'inquiète du fait que ces formes d'expression peuvent révéler parfois un manque de tolérance à l'égard de la religion d'autrui, qui peut constituer une menace pour la paix confessionnelle de la société dans la mesure où il repose souvent sur des stéréotypes et peut favoriser une polarisation plus grande. Elle prévoit de développer davantage cet aspect de son mandat dans ses activités à venir.
Le résumé des communications envoyées par la Rapporteuse spéciale du 12 novembre 2004 au 30 novembre 2005 et les réponses reçues des gouvernements avant le 30 janvier 2006 figurent dans l'additif 1 du rapport.
Les additifs 2 à 4 sont les rapports sur les visites dans les pays, respectivement au Nigéria, à Sri Lanka et en France.
En ce qui concerne le Nigéria (Add.2), où elle s'est rendue du 27 février au 7 mars 2005, la Rapporteuse spéciale a noté que les tensions et l'incompréhension entre les communautés musulmane et chrétienne, qui avaient été jusque-là contenues et limitées à certaines régions, s'étaient aggravées ces dernières années. En particulier, l'adoption d'une législation pénale fondée sur la charia par un certain nombre d'États du Nord depuis 1999 a provoqué des réactions négatives parmi les membres des communautés non musulmanes, même si seuls les musulmans sont soumis à ces dispositions légales. En outre, même si ces tensions s'expliquent aussi par des facteurs économiques, politiques et autres, elles se sont souvent polarisées sur les questions religieuses. Pour ces raisons, la Rapporteuse spéciale est d'avis que la jouissance du droit à la liberté de religion ou de conviction n'est pas suffisamment assurée. Elle craint de surcroît que l'aggravation des tensions religieuses entrave plus encore la jouissance de ce droit au sein de la population nigériane.
En ce qui concerne Sri Lanka (Add.3) où elle s'est rendue du 2 au 12 mai 2005, la Rapporteuse spéciale indique avoir chercher à y évaluer la situation en ce qui concerne la liberté de religion ou de conviction, compte tenu notamment d'informations récentes faisant état d'attaques contre certains groupes religieux, d'allégations de conversions abusives et de la présentation de projets de loi criminalisant certains actes visant à convertir autrui à une autre religion. Elle condamne les attaques perpétrées contre des membres des minorités chrétiennes et critique l'attitude passive du Gouvernement; elle exhorte ce dernier à prendre des mesures systématiques, notamment par l'intermédiaire de l'appareil judiciaire, pour faire cesser ces attaques. De plus, relevant que certains groupes religieux ont recours à des méthodes inappropriées pour persuader des personnes de changer de religion, la Rapporteuse spéciale demande à ces groupes de respecter la religion d'autrui et de ne pas recourir à des formes agressives de prosélytisme, qui pourraient perturber l'harmonie religieuse et exacerber les tensions. Elle met cependant en garde contre l'adoption de projets de lois qui criminaliseraient certains actes visant à convertir autrui à une autre religion, parce que leur application conduirait à des violations des droits de l'homme et qu'ils ne constituent pas une réponse adaptée aux tensions religieuses actuelles.
S'agissant de la France (Add.4), où elle a effectué une mission du 18 au 29 septembre 2005, la Rapporteuse spéciale souligne que le Gouvernement français respecte de façon générale le droit à la liberté de religion ou de conviction, tel qu'il est protégé par les instruments internationaux pertinents, mais qu'il existe toutefois certaines zones d'ombre. Tout en reconnaissant que l'organisation d'une société selon le principe de la séparation des Églises et de l'État garantit le droit fondamental à la liberté de religion ou de conviction, la Rapporteuse spéciale déplore que, dans certaines circonstances, une interprétation sélective et une application rigide de ce principe aient conduit à sacrifier le droit susmentionné. Elle se félicite néanmoins du débat qui se déroule actuellement au sein de la société française au sujet de la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État et estime qu'une évaluation approfondie de son application dans le contexte actuel, marqué par une diversification accrue des religions, est un processus nécessaire dans une société démocratique fondée sur l'état de droit. Concernant la question des sectes, terme qui désigne des groupes organisés autour d'un culte mais aussi de nouveaux mouvements religieux ou de nouvelles communautés de conviction, la Rapporteuse spéciale est d'avis que la politique du Gouvernement a peut-être contribué au climat de suspicion générale à l'égard des communautés inscrites sur une liste qui a été dressée suite à un rapport parlementaire, et qu'elle a porté atteinte au droit à la liberté de religion ou de conviction de certains membres de ces communautés ou groupes. Toutefois, elle a observé que depuis quelques années les autorités françaises abordaient de manière plus équilibrée ce phénomène et avaient ajusté leur politique, transformant notamment la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS) en Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES). La Rapporteuse spéciale estime que la loi de 2004 sur le port de signes religieux ostensibles dans les écoles publiques se justifie dans la mesure où elle a vocation, conformément au principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, à protéger l'autonomie des mineurs qui risquent d'être pressés de porter un voile ou un autre signe religieux, ou d'y être contraints. Cependant, cette loi prive de leurs droits les mineurs qui ont choisi en toute liberté de porter un signe religieux à l'école par conviction religieuse. De plus, l'application de cette loi par les établissements d'enseignement a conduit, dans de nombreux cas, à des abus qui ont provoqué des humiliations, particulièrement chez de jeunes musulmanes. Par ailleurs, la stigmatisation du voile a provoqué des actes d'intolérance religieuse à l'égard des femmes qui le portent hors de l'école, à l'université ou sur le lieu de travail.
M. AMBEYI LIGABO, Rapporteur spécial sur le droit à la liberté d'opinion et d'expression, a rappelé que la liberté d'opinion et d'expression constitue l'un des piliers essentiels d'une société libre et démocratique et contribue à une meilleure compréhension et dialogues entre les cultures. Il a constaté avec regret que les violations à la liberté d'opinion et d'expression demeuraient monnaie courante dans de nombreux pays. Il a recommandé aux gouvernements de prendre rapidement en compte les nouvelles technologies et de formuler des lois et règlements qui leur soient adaptées.
Une information pluraliste, a souligné le Rapporteur spécial, ne peut intervenir que lorsque la protection et la sécurité des professionnels des médias sont assurées. Les États ont la responsabilité de garantir cette sécurité en apportant leur soutien et protection aux journalistes et en poursuivant les crimes commis contre eux. Il a informé le Conseil que, depuis le début de l'année, 84 professionnels des médias ont été tués dans le cadre de leur travail, la situation étant particulièrement préoccupante en Asie et en Amérique latine et tout à fait alarmante au Moyen-Orient.
M. Ligabo a suggéré diverses mesures pour améliorer la protection des journalistes, notamment la création d'un emblème, l'adoption d'une résolution par le Conseil de sécurité, tout comme l'élaboration de lignes directrices et règlements en la matière. Il a encore souligné la nécessité de décriminaliser la diffamation, trop souvent utilisée comme prétexte, a-t-il relevé, pour couper court aux débats publics et limiter la critique.
Le Rapporteur spécial a ensuite rendu compte de ses missions au Danemark, ainsi qu'en Tunisie à l'occasion du Sommet mondial sur la société de l'information.
Concernant sa visite au Danemark, le Rapporteur spécial a évoqué l'incident des caricatures contre Mahomet qui a donné lieu à des discussions avec les autorités de ce pays. Il a fait remarquer que malgré une liberté généralisée de la presse dans ce pays, l'usage par les médias de stéréotypes propres à blesser les communautés étrangères ne contribue pas, comme il se doit, au renforcement d'une société ouverte et multiculturelle.
Le Rapporteur spécial a informé le Conseil que le Sommet mondial sur la société de l'information avait été marqué par de vifs débats sur l'accès universel et l'exploitation de l'Internet, notant que la révolution Internet a définitivement ouvert une ère nouvelle pour la liberté d'opinion et d'expression et esquissé les possibilités d'un développement humain et économique des pays les moins développés. La gouvernance de l'Internet, a-t-il affirmé, doit être solidement ancrée dans les principes de liberté d'opinion et d'expression et il revient aux corporations privées et aux pays qui ont joué un rôle-phare dans la promotion des nouvelles technologies, de s'en assurer.
Le rapport du Rapporteur spécial, sur le droit à la liberté d'opinion et d'expression (E/CN.4/2006/55) fait, entre autres choses, une mise à jour des questions traitées dans les précédents rapports du Rapporteur spécial: sécurité et protection des médias, législation nationale sur la diffamation, gouvernance de l'Internet et sa relation avec la liberté d'expression, analyse des résultats du Sommet mondial sur la société de l'information, qui s'est tenu à Tunis du 16 au 18 novembre 2005. Un résumé des communications adressées aux gouvernements et des réponses reçues d'eux est contenu dans l'additif 1 du rapport (E/CN.4/2006/55/Add.1).
Le rapport relève que depuis la création du mandat du rapporteur, en 1993, la notion de liberté d'opinion et d'expression n'a cessé d'évoluer à cause de l'apparition de nouvelles technologies et de l'augmentation de la demande d'information qui en est résultée. Il constate que les violations du droit à la liberté d'opinion et d'expression se commettent dans toutes les régions et dans tous les pays, quel que soit leur régime politique, et elles peuvent prendre des formes très diverses. La démocratie et la liberté d'opinion et d'expression se renforcent mutuellement et leur conjonction facilite la promotion de l'indivisibilité et de l'interdépendance de tous les droits de l'homme.
Malgré quelques progrès, de nombreuses tendances et formes de violations persistent pour l'essentiel sans changement. Au cours de la décennie écoulée, le nombre de tués et de victimes d'autres formes de violence perpétrées contre les professionnels des médias a été tragiquement élevé. La plupart des cas portés à la connaissance du Rapporteur spécial concernent des violations dirigées contre des professionnels des médias, des défenseurs des droits de l'homme, des partis politiques et leurs membres.
Le rapport note que dans l'ensemble la conjoncture internationale a eu un effet néfaste sur la liberté d'opinion et d'expression, et en particulier sur la liberté de mouvement. Tout en réaffirmant sa condamnation totale et inconditionnelle du terrorisme, il fait observer que plusieurs gouvernements ont promulgué des lois préventives contre le terrorisme permettant ainsi de facto le retour de pratiques qui sont interdites par les règles internationales relatives aux droits de l'homme. Dans le domaine de l'information, les arrestations et détentions de professionnels des médias ont augmenté, ainsi que la fermeture d'entreprises de médias et la censure des publications et des émissions. En outre, les mesures antiterrorisme ont eu des répercussions négatives sur le droit d'association, particulièrement sur le syndicalisme.
En conclusion de son rapport, le Rapporteur spécial engage les gouvernements à examiner les pratiques en vigueur qui touchent tous les domaines de la liberté d'opinion et d'expression et à prendre des mesures correctives afin de se mettre en conformité avec les instruments internationaux sur les droits de l'homme. recommande aux gouvernements de prendre les mesures nécessaires pour améliorer la protection des journalistes et des autres professionnels des médias; celle-ci est indispensable pour garantir une information pluraliste à une époque marquée par la polarisation des opinions et par une violence généralisée. Il suggère aussi d'envisager l'opportunité d'établir un organisme indépendant qui s'occuperait des communications et un ombudsman des médias, qui pourraient être chargés respectivement de l'application des lois et règlements pertinents et d'une mission de médiateur ayant à connaître des délits impliquant des médias, sans recours au pénal. Le Rapporteur spécial recommande à tous les États de prendre des mesures pour garantir la liberté d'opinion sur l'Internet.
Interventions de pays concernés
M. JOSEPH U. AYALOGU (Nigéria) a déclaré que le droit à la liberté religieuse, qui est fondamental, doit être inscrit dans les constitutions nationales. La Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion estime, dans son rapport, que le niveau de tolérance religieuse est insuffisant au Nigéria, mais ne précise pas sur quels critères elle fonde son jugement, a déploré le représentant. Ce dernier a estimé au contraire que son Gouvernement n'interférait en rien avec la liberté religieuse de ses citoyens. Au contraire, il aide les communautés religieuses, notamment sur le plan financier, une assistance qui devrait être perçue comme un encouragement à la liberté religieuse. Quant à la charia, elle fait partie intégrante de la Constitution et du système juridique, ce qui témoigne du respect de la liberté de religion. Une certaine inquiétude subsiste quant à l'évolution de la situation concernant les tensions religieuses, comme l'a relevé la Rapporteuse spéciale, dont les recommandations seront prises en compte par le Gouvernement lors de la préparation des politiques destinées à renforcer encore la liberté de religion au Nigéria, a conclu le représentant.
M. SUMDHA EKANAYAKE (Sri Lanka) a souligné que sa délégation appréciait les commentaires de la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion et de conviction, Mme Asma Jahangir, concernant le degré de tolérance élevé et l'harmonie religieuse qui prévalent à Sri Lanka. Sri Lanka apprécie également les commentaires de la Rapporteuse spéciale qui a souligné que le Gouvernement sri-lankais restait neutre vis-à-vis des différentes communautés religieuses présentes sur son territoire. La Constitution sri-lankaise garantit à chacun le droit de choisir sa religion ou sa croyance, a insisté le représentant. Il a assuré que son pays restait conscient de la nécessité de rester vigilant s'agissant de questions aussi sensibles. Aucun incident d'attaque contre des lieux de culte n'a été porté à l'attention du Gouvernement cette année, a fait valoir le représentant sri-lankais. Sri Lanka entend poursuivre son dialogue constructif avec la Rapporteuse spéciale afin de promouvoir l'harmonie religieuse dans le pays.
M. JEAN-MAURICE RIPERT (France), soulignant que la France soutenait pleinement les procédures spéciales sur des questions thématiques particulières, a rappelé que la liberté de religion en France était intimement liée au principe de laïcité de la République. S'agissant de la loi sur les signes religieux dans les écoles publiques françaises, elle repose sur le principe selon lequel la liberté d'expression des croyances ne peut trouver de limites que dans la liberté d'autrui, y compris la liberté de conviction. Évoquant la crise des banlieues qu'a récemment connu son pays, le représentant français a insisté sur le fait que le lien établi par le rapport entre les banlieues et les populations musulmanes relevait d'une vision simplificatrice et ne tenait pas compte des difficultés socio-économiques auxquelles peuvent être confrontées les personnes vivant dans certains quartiers. Il a par ailleurs informé le Rapporteur spécial que le texte établissant la liste des sectes dangereuses été supprimé.
M. ELCHIN AMIRBAYOV (Azerbaïdjan) a déclaré que son pays se félicitait de la visite de la Rapporteuse spéciale sur la liberté religieuse et qu'il accordait la plus grande importance à la liberté religieuse. L'Azerbaïdjan, dont la population est essentiellement musulmane, est fier que, durant toute son histoire, les différentes communautés religieuses aient toujours su vivre dans l'harmonie et la paix, a dit le représentant. Des problèmes subsistent naturellement et le Gouvernement est engagé à éprendre des mesures sérieuses qui tiendront compte des remarques et recommandations formulées par Mme Jahangir dans son rapport, a assuré le représentant.
M. GORDAN MARKOTIC (Croatie) a commenté le rapport du Rapporteur spécial sur la liberté d'opinion et d'expression en indiquant que le Gouvernement croate a apporté des réponses aux communications du Rapporteur spécial en janvier 2006. Des amendements ont été apportés en juin dernier au Code pénal qui ne prévoit qu'une amende pour la diffamation, a indiqué le représentant. S'agissant de l'objection de conscience au service militaire, le représentant croate a souhaité connaître le point de vue de la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion et de croyance sur les mesures additionnelles qui permettraient de mieux mettre en œuvre la liberté de conscience dans le contexte de l'objection de conscience au service militaire.
M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie) a réagi au rapport sur la liberté d'expression et d'opinion en affirmant qu'aucun journaliste n'est emprisonné en Algérie, ou ne fait l'objet de poursuites. S'il y en a qui se trouvent en prison, c'est pour des raisons indépendantes de leur activité professionnelle, a-t-il dit. Il a souligné la liberté et l'indépendance de la presse algérienne, illustrant son propos par des statistiques relatives aux organes de presse existant. Il a précisé que l'État algérien accorde des subventions à la presse, et ceci sans discrimination. Il a fait état des faiblesses de la profession et indiqué que celles-ci devaient être réglées par l'établissement d'un code déontologique. Il a finalement affirmé que l'Algérie a répondu à toutes les communications du Rapporteur spécial et a invité celui-ci à une prochaine visite dans son pays.
Débat interactif
M. VESA HIMANEN (Finlande, au nom de l'Union européenne) a déclaré que le rapport de Mme Jahangir était important dans un contexte où il convient de promouvoir fermement la tolérance religieuse et lutter contre l'incitation à la haine religieuse. L'Union européenne encourage les gouvernements à entreprendre des dialogues constructifs avec la Rapporteuse spéciale. Le représentant a demandé à Mme Jahangir de préciser quels sont les efforts déployés par les pays visités pour favoriser le dialogue religieux, et quel devrait être le contenu du dialogue intergouvernemental. Le représentant s'est aussi félicité de ce que le rapport sur la protection du droit à la liberté d'expression et d'opinion de M. Ligabo insiste sur le fait que l'exercice de ce droit par des médias libres est un facteur essentiel du dialogue démocratique.
M. PHILLIP RICHARD O. OWADE (Kenya) a jugé encourageant de constater que beaucoup de gouvernements ont accordé leur coopération aux rapporteurs spéciaux sur la liberté d'expression et d'opinion et sur la liberté de religion et de croyance. Le Kenya appuie en particulier les recommandations figurant aux paragraphes 72 à 81 du rapport du Rapporteur spécial sur la liberté d'expression et d'opinion (E/CN.4/2006/55), a indiqué le représentant.
MME ELIANA BERAUN ESCUDERO (Pérou) a appuyé les recommandations de M. Ligabo concernant le lien entre la liberté d'expression et les principes de base des droits de l'homme. Elle a aussi réaffirmé l'importance de l'Internet comme contribution à la diversité et au dialogue culturels. Elle a insisté sur l'importance du droit d'accès à l'information publique, estimant que cela constituait un préalable indispensable à l'exercice des droits fondamentaux des personnes. Elle a demandé que le Rapporteur spécial consacre une analyse plus détaillée à ce droit dans son prochain rapport.
MME TEHMINA JANJUA (Pakistan) a remercié les deux Rapporteurs spéciaux de leurs travaux. Il s'est félicité des nombreuses idées intéressantes abordées dans le rapport sur la liberté religieuse. La représentante a dit convenir avec la Rapporteuse spéciale qu'il est vrai que, depuis le 11 septembre 2001, l'islam est en butte à des attaques en règle. Cette question de l'islamophobie, que la Rapporteuse spéciale se propose de suivre dans ses prochains rapports, fera également l'objet de toute l'attention du Pakistan, qui est pleinement disposé à collaborer avec Mme Jahangir.
M. PIET DE KLERK (Pays-Bas) a souhaité savoir si, dans le cadre de ses visites dans les pays voire dans le cadre des communications qu'elle adresse aux gouvernements, la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion et de conviction avait abordé les questions d'égalité entre hommes et femmes ainsi que les questions relatives à la manière de rendre les femmes autonomes. Une date a-t-elle été arrêtée pour une visite de la Rapporteuse spéciale en Iran, a également demandé le représentant néerlandais ? La Rapporteuse spéciale a-t-elle reçu des informations concernant l'évolution de la situation des Bahaïs dans ce pays, s'est-il en outre enquis ?
M. ARTAK APITONIAN (Arménie) a exprimé l'adhésion de son pays aux propositions du Rapporteur spécial sur la liberté de religions, s'agissant notamment de la question des symboles religieux. S'agissant du rapport sur la liberté d'expression et d'opinion, il a fait remarquer que plusieurs éléments des réponses de l'Arménie avaient été omis, notamment s'agissant du problème du service civil. Il a, par ailleurs, relayé les préoccupations du Rapporteur par rapport au danger que peut constituer l'Internet dans la propagation d'informations dangereuses et contrevenant aux droits des personnes, mentionnant, notamment, la pornographie enfantine et l'incitation à la haine raciale.
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