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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU VENEZUELA

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a achevé ce matin l'examen, entamé hier, du rapport périodique du Venezuela sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le Comité adoptera, au cours de la session, des observations finales sur le rapport du Venezuela, qui seront rendues publiques à la fin de la session, le 19 août.

Présentant le rapport du Venezuela, Mme Raquel Poitevien Caral, Représentante permanente adjointe du Venezuela auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a notamment souligné que la constitution adoptée en 1999 avait permis à son pays de modifier en profondeur la nature de son régime juridique et de jeter les bases de la justice sociale, de la paix et de la prospérité au Venezuela.

La délégation du Venezuela était également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de l'intérieur et de la justice, de l'Institut national des droits de la femme, du Ministère de l'éducation et des sports et du Ministère de la communication et de l'information.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Venezuela, M. Alexei Avtonomov, s'est félicité de la reprise du dialogue avec ce pays après dix années d'interruption. Le rapport présenté par le Venezuela reflète bien les progrès réalisés par ce pays dans la mise en œuvre de la Convention, a-t-il estimé. Il a salué la décision du Venezuela de reconnaître la compétence du Comité à examiner des plaintes et s'est réjoui de l'adhésion du pays à un certain nombre d'instruments régionaux relatifs à la lutte contre la discrimination.

Se disant conscients de l'importance des changements intervenus dans le pays depuis l'adoption de la nouvelle constitution de 1999, plusieurs experts ont pris la parole pour souligner notamment que l'article 4 de la Convention imposait l'adoption de mesures pénales spécifiques permettant de réprimer les actes de discrimination raciale. Un expert a a attiré l'attention de la délégation sur la situation des autochtones qui ont été dépossédés de leurs terres avant la constitution de 1999.

Fournissant des renseignements complémentaires aux membres du Comité, la délégation du Venezuela a notamment précisé que l'essentiel des compétences de la Commission nationale des droits de l'homme créée en 1996 avait été transféré au défenseur du peuple à la suite de l'adoption d'une nouvelle constitution en 1999, dont la compétence lui permet de connaître de plaintes émanant de particuliers s'estimant victimes de discrimination raciale.

À sa prochaine séance publique, cet après-midi à 15 heures, le Comité entamera l'examen du troisième rapport périodique de la Géorgie (CERD/C/461/Add.1).


Présentation du rapport du Venezuela

Présentant les quatorzième à dix-huitième rapports de son pays, Mme Raquel Poitevien Caral, Représentante permanente adjointe du Venezuela auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a notamment déclaré que le retard dans la présentation du rapport vénézuélien s'explique par les nombreux changements intervenus dans le pays au cours des dernières années. Elle a souligné que l'adoption d'une nouvelle constitution a permis de modifier en profondeur la nature du régime juridique de l'État et de jeter les bases de la justice sociale, de la paix et de la prospérité au Venezuela.

Le dix-huitième rapport périodique du Venezuela (CERD/C/476/Add.4) indique que la République bolivarienne du Venezuela est un État démocratique et social, de droit et de justice, qui garantit à toute personne physique ou morale, sans discrimination aucune, le respect, la jouissance et l'exercice inaliénable, indivisible et interdépendant des droits de l'homme, des libertés fondamentales et des garanties consacrés par la Constitution et par les traités, conventions et pactes internationaux souscrits et ratifiés par le pays. Ces derniers priment dans l'ordre interne quand ils contiennent des dispositions plus favorables que celles qui sont énoncées par la Constitution et la loi, et sont d'application immédiate et directe par les tribunaux et les autres organes du pouvoir. Le rapport précise que la loi garantit les conditions juridiques et administratives nécessaires pour que l'égalité devant la loi soit réelle et effective; prévoit des mesures positives en faveur des personnes ou groupes susceptibles d'être victimes de discrimination, marginalisés ou vulnérables; protège tout spécialement les personnes qui, pour l'une des raisons susmentionnées, se trouveraient dans des situations de vulnérabilité manifeste; et réprime les abus ou mauvais traitements commis à leur encontre.

S'agissant des questions relatives aux populations autochtones, le rapport souligne que la situation est en train d'évoluer. En effet, dès sa mise en place, le Gouvernement s'est engagé à changer les habitudes discriminantes à l'égard des autochtones en adoptant des réglementations et des politiques publiques qui garantissent leurs droits en tant que peuple, afin d'éviter toute discrimination raciale. Cette garantie est énoncée dans la norme suprême, la Constitution, dont le préambule souligne le caractère multiethnique et pluriculturel de la société vénézuélienne et reconnaît à la population autochtone − pour la première fois dans un texte constitutionnel vénézuélien − son existence en tant que peuple et communauté.


Examen du rapport

La délégation a rappelé que la langue officielle du Venezuela est l'espagnol. Les langues autochtones, considérées comme faisant partie intégrante du patrimoine culturel du pays, sont respectées à travers tout le territoire national.

La délégation a déclaré que la Constitution du Venezuela consacre le principe d'égalité de tous les citoyens et reconnaît la nature multiculturelle de la population. La constitution interdit de façon expresse la discrimination. Toute discrimination fondée sur la race, le sexe, la religion, l'origine sociale ou tout autre motif est prohibée. La délégation a précisé que nombre de textes législatifs sectoriels reprennent cette interdiction de la discrimination, notamment dans le domaine de l'emploi, de la protection de l'enfance, des droits des réfugiés. Tous les droits qui figurent dans la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale sont inscrits dans la constitution. La délégation a précisé qu'une œuvre législative suivait son cours afin d'aligner les constitutions régionales au texte fondateur de 1999. Elle a ajouté que pour donner effet aux dispositions constitutionnelles, une législation relative aux réserves forestières a été élaborée afin de protéger les autochtones qui s'y trouvent. En outre, des mesures ont été adoptées en vue de rendre obligatoire l'usage des langues autochtones tant dans les écoles publiques que privées. La délégation a par ailleurs souligné les mesures prises par son pays pour assurer la participation des minorités aux processus de décision politique.

La délégation a indiqué que la Commission nationale des droits de l'homme est toujours inactive. Toutefois, la Constitution de 1999 a permis la création d'un Défenseur du peuple qui exerce les attributions de la Commission nationale des droits de l'homme. Pour éviter toute discrimination raciale, le Président de la République a créé une commission spéciale pour la prévention de la discrimination et l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. L'objet de cette instance est d'élaborer des programmes et des politiques dans le système éducatif afin de parvenir à l'égalité des chances de tous les citoyens.

La délégation a également indiqué que le Venezuela s'était doté d'une législation relative à la violence à l'encontre des femmes.

Le Gouvernement du Venezuela, a travers l'action de différents ministères, coopère avec les organisations non gouvernementales pour diffuser la culture relative aux des droits de l'homme et diminuer les stéréotypes racistes au sein de la société. Des espaces médiatiques sont réservés à des membres de minorités pour leur permettre d'échanger avec les autres composantes de la société des valeurs culturelles de la communauté d'ascendance africaine.

La délégation a précisé que les autochtones n'étaient pas placés dans des installations séparées au sein des établissements pénitentiaires. Tous les prisonniers sont traités sur un pied d'égalité au Venezuela, a-t-elle souligné. Certaines mesures spécifiques concernent les membres des populations autochtones afin de prendre en compte leurs spécificités culturelles.

La législation pénale, et plus particulièrement les dispositions relatives aux limites dans l'exercice de la liberté d'expression, comme l'insulte ou la diffamation, permet d'assurer le plein respect de l'article 4 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, a poursuivi la délégation.

La délégation a ajouté que la Constitution du Venezuela garantit une représentation des membres des populations autochtones à l'Assemblée nationale ainsi qu'aux différents échelons territoriaux. Elle prévoit en outre que la représentation se fasse par des élections respectant les us et coutumes de ces populations. À l'heure actuelle, l'Assemblée nationale compte 3 députés autochtones et leurs suppléants, représentant 1,2% de l'effectif total. La délégation a par ailleurs déclaré que tous les groupes de la population peuvent participer à la vie publique, y compris les personnes d'ascendance africaine. Elle a toutefois reconnu qu'il demeurait un certain nombre d'obstacles à l'intégration, que le Gouvernement souhaite surmonter en poursuivant la mise en œuvre de ses politiques.

La délégation a déclaré que des mesures avaient été prises pour résoudre la question des violences à caractère raciste commises contre des membres de populations autochtones ayant bénéficié de la nouvelle répartition des terres. La garde nationale est désormais présente dans les campagnes, mais les menaces persistent, a déploré la délégation.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Venezuela, M. Alexei Antonomov s'est félicité de la reprise du dialogue avec le Venezuela après dix années d'interruption. Il s'est félicité de la qualité des informations fournies par la délégation. Le rapport présenté par le Venezuela reflète bien les progrès réalisés par ce pays dans la mise en œuvre de la Convention, a-t-il estimé. Il a salué l'initiative par laquelle le Venezuela a fait la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention, habilitant le Comité à examiner des plaintes contre l'État partie. Il s'est également réjoui de l'adhésion du Venezuela à un certain nombre d'instruments régionaux relatifs à la lutte contre la discrimination. Il a demandé à la délégation de bien vouloir préciser si son gouvernement avait l'intention de ratifier la Convention de l'UNESCO sur l'éducation. Il a par ailleurs demandé à la délégation si l'on trouvait au Venezuela des membres de la communauté rom.


Un autre membre du Comité a regretté le manque de données statistiques relatives aux minorités dans le pays. Il a demandé à la délégation de préciser s'il y avait eu des cas d'expropriation de membres de populations autochtones. Par ailleurs, les démarches administratives peuvent-elles être effectuées en langue autochtone?

Un membre du Comité a souligné que si le rapport contenait un grand nombre de données d'ordre juridique, on ne trouvait malheureusement que peu d'informations s'agissant de la mise en œuvre concrète de la Convention. Un expert a dit mesurer l'importance des changements intervenus dans le pays depuis l'adoption de la nouvelle constitution de 1999. Prenant acte des informations selon lesquelles la Commission des droits de l'homme était inactive, un expert a demandé à la délégation de bien vouloir fournir des informations complémentaires à cet égard, en particulier s'agissant la question de savoir si elle est inactive en raison d'un double emploi avec le Défenseur du peuple ou d'autres instances comparables.

Plusieurs experts ont souligné que l'article 4 de la Convention imposait l'adoption de mesures spécifiques par le Venezuela pour incriminer la diffusion d'idées racistes. Ils ont demandé à la délégation des informations plus complètes sur les textes spécifiques du Code pénal permettant d'assurer le respect de cet article, rappelant à cet égard que le Comité avait toujours estimé que des mesures constitutionnelles n'étaient pas suffisantes.

Un expert a demandé à la délégation de fournir davantage d'informations sur les mesures particulières visant les membres des populations autochtones en matière d'administration de la justice, afin de mieux comprendre en quoi de telles mesures leur étaient effectivement favorables.

Un expert a fait état du rapport d'Amnesty International selon lesquelles le conflit en Colombie provoquait d'importants mouvements de civils. Il est dit que la situation de ces réfugiés reste précaire, malgré les dispositions favorables de la nouvelle constitution. La délégation pourrait-elle fournir des informations complémentaires sur cette question?

Un expert a en outre demandé à la délégation de bien vouloir fournir des statistiques et des exemples relatifs aux poursuites, jugements et réparations en matière de discrimination raciale. Le rapport fournit deux exemples mais cela ne suffit pas à l'information. Des statistiques plus complètes et des exemples plus nombreux seraient les bienvenus. Un membre du Comité s'est demandé si les particuliers victimes de discrimination raciale pouvaient intenter des recours devant le Défenseur du peuple. En outre, on a demandé à la délégation de préciser si les tribunaux pouvaient appliquer directement des dispositions du Pacte. Par ailleurs qu'entend-on par éducation pluriculturelle ou multiculturelle, s'est demandé un expert ?


Renseignements complémentaires fournis par la délégation du Venezuela

Fournissant des renseignements complémentaires aux membres du Comité, la délégation du Venezuela a précisé que la population du pays, qui s'élève à 24 631 900 habitants, se caractérise par la diversité culturelle et ethnique; elle comprend 67% de Métis, 21% de Blancs, 10% de personnes d'ascendance africaine et 2% d'autochtones.

La délégation a par ailleurs déclaré que l'ancien principe d'intégration des minorités à la société majoritaire avait pris fin avec la nouvelle constitution de 1999. L'article 100 de la Constitution consacre le principe de l'interculturalité. Alors que le multiculturalisme signifie la coexistence des diverses cultures, l'interculturalité signifie pour sa part l'échange entre les cultures et la rencontre des peuples fondée sur le dialogue et le respect.

La délégation a précisé que le droit à la non-discrimination doit être compris comme l'obligation pour les pouvoirs publics de traiter de manière égale les personnes qui se trouvent dans des situations de fait analogues ou similaires. Toutefois, cela n'empêche pas le recours à la discrimination positive par le législateur, pourvu que les différences de traitement ne soient pas arbitraires, soient justifiées par la situation réelle des individus ou des groupes visés, correspondent à un objectif précis et soient proportionnées au regard du but à atteindre.

La délégation est revenue sur la question du défenseur du peuple en précisant qu'il était la principale institution chargée de s'assurer que les droits garantis par la Constitution sont effectivement protégés. Il peut faire des recommandations aux organes pertinents de l'État. Il est également compétent pour connaître de plaintes émanant de particuliers s'estimant victimes de discrimination raciale. En 2004, a précisé la délégation, le défenseur du peuple a été saisi, notamment, de 40 plaintes émanant de membres de la population autochtone. Onze cas concernaient la reconnaissance de leur existence, 15 le droit collectif à la terre, quatre concernaient le droit à la santé et enfin, 10 concernaient le droit à préserver et promouvoir leurs pratiques économiques. La délégation a souligné qu'à la suite de l'adoption de la nouvelle constitution, la plupart des compétences de la Commission nationale des droits de l'homme établie en 1996 ont été transmises au Défenseur du peuple et au département des droits de l'homme du Ministère de l'intérieur et de la justice. Aujourd'hui, la Commission nationale des droits de l'homme a donc cessé de fonctionner. Toutefois, on étudie actuellement la possibilité de restructurer la Commission nationale des droits de l'homme en un organe consultatif du pouvoir exécutif.

La délégation a précisé qu'en vertu de l'article 23 de la Constitution, les traités, pactes et conventions internationales relatifs aux droits de l'homme ont rang constitutionnel en droit interne et peuvent être appliqués directement par les tribunaux et les pouvoirs publics.

La délégation a reconnu qu'il n'existe pas à l'heure actuelle au Venezuela de loi pénale sanctionnant de manière spécifique les actes de discrimination raciale, conformément aux dispositions de l'article 4 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Toutefois, la délégation a indiqué qu'un projet de loi est actuellement à l'étude devant l'Assemblée nationale.

La délégation a par ailleurs indiqué que le Gouvernement du Venezuela mettait en œuvre un certain nombre d'actions destinées à reconnaître les communautés d'ascendance africaine. Il s'agit d'identifier leurs besoins et de répondre à leurs demandes par des politiques favorables. Dans ce contexte, la délégation a précisé que le 10 mai était désormais Journée nationale des personnes d'ascendance africaine.

La délégation a par ailleurs informé le Comité de l'existence d'une procédure en amparo, prévue à l'article 27 de la Constitution. Ce recours peut être exercé par tous les citoyens s'estimant victimes de violations de leurs droits de l'homme. Le recours en amparo (recours en protection) est une procédure brève, rapide, gratuite et pouvant être exercée sans aucune formalité.


Observations préliminaires

Prenant la parole en fin de séance, M. Alexei Avtonomov, Rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Venezuela, s'est félicité du dialogue intéressant et intense noué avec la délégation; un dialogue qui a permis de parvenir à une bien meilleure compréhension de la situation dans le pays, a-t-il souligné.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CRD05022F