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Ethiopie : 350.000 personnes en proie à la famine dont 30.000 enfants en danger de mort au Tigré (ONU)
« Sans accès humanitaire pour intensifier l’aide, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) estime que 33.000 enfants souffrant d’une sévère malnutrition dans ces zones extrêmement peu accessibles courent un grand risque de mourir », a déclaré à Genève, le porte-parole de l’UNICEF, James Elder, relevant que « le monde ne peut pas permettre que cela se produise ».
La Directrice générale de l’UNICEF, Henrietta Fore, a déclaré jeudi que « davantage de jeunes enfants et de bébés glissent dangereusement vers la maladie et la mort potentielle à cause de la malnutrition ».
L’agence onusienne prévoit que sur les 56.000 enfants du Tigré qui auront besoin cette année d’un traitement contre l’émaciation grave, 33.000 ne seront pas traités si l’accès sans entrave n’est pas garanti. Sinon, cela peut conduire à des niveaux extrêmement élevés de décès d’enfants de moins de cinq ans dans la situation actuelle où plus de 70% du système de santé ne fournit plus de services.
« Ne jouons pas avec la terminologie quand les gens meurent »
Cette nouvelle alerte de l’UNICEF intervient après que des agences humanitaires aient prévenu jeudi qu’au moins 4 millions de personnes sont confrontées à une faim sévère.
Selon l’analyse du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire, ce sont exactement 350.000 personnes, qui sont déjà confrontées à des conditions catastrophiques dans le Tigré. Il s’agit du nombre le plus élevé de personnes classées par le Cadre dans une catastrophe de phase 5 dans un seul pays au cours de la dernière décennie.
« Comme vous l’avez vu et entendu, les agences de l’ONU sont extrêmement préoccupées par la situation dans la région du Tigré où le risque de famine est imminent », a détaillé M. Elder. Ces populations sont en danger « à moins que l’aide alimentaire, l’aide aux moyens de subsistance et d’autres interventions vitales ne continuent d’être renforcées ».
Cela passe aussi par un « accès sans entrave » et une cessation des hostilités. Bien que « ce chiffre de 353.000 » n’atteint pas « le seuil nécessaire pour déclarer officiellement la famine », le porte-parole de l’UNICEF n’entend pas jouer avec une quelconque « terminologie lorsque des gens meurent ».
Une situation catastrophique similaire remonte à la famine de 2010-2011 en Somalie
Une situation d’autant plus préoccupante ce mois de juin reste une période critique. Car c’est le moment où la saison des semis de céréales se termine pour l’année.
« Lorsque j’étais au Tigré en mai dernier, j’ai vu la dévastation des cultures et du bétail. Et nous avons tiré la sonnette d’alarme pour que les gens puissent planter maintenant afin d’avoir de la nourriture plus tard dans l’année », a fait valoir M. Elder.
Les problèmes sont nombreux, mais la sécurité de l’accès reste la priorité, James Elder, porte-parole de l’UNICEF
Malheureusement, cela ne s’est pas produit. « Les problèmes sont nombreux, mais la sécurité de l’accès reste la priorité », a-t-il alerté une nouvelle fois. Le résultat est que la région éthiopienne du Tigré a « maintenant le plus grand nombre de personnes classées comme étant dans des conditions d’insécurité alimentaire catastrophique depuis une décennie, c’est-à-dire depuis la famine de 2010-2011 en Somalie ». Et ce scénario tant redouté risque « de provoquer la mort inutile de dizaines de milliers d’enfants ».
En attendant, l’agence onusienne augmente son aide nutritionnelle dans la région, en se concentrant sur le dépistage et le traitement des enfants souffrant d’émaciation grave. Depuis février, 250.000 enfants de moins de cinq ans ont subi un dépistage de l’émaciation et plus de 7.000 d’entre eux ont été admis pour être traités.
Le message clé de l’OMS est le suivant : « Accès, accès, accès »
De son côté, le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM) a rapidement mis en place une opération d’aide alimentaire d’urgence en déployant plus de 180 employés et en augmentant les distributions de nourriture pour atteindre 1,4 million de personnes.
S’exprimant depuis l’Éthiopie, Tommy Thompson, Coordinateur des urgences du PAM est également revenu sur les défis de l’accès au Tigré. « Il s’agit certes d’une crise de sécurité alimentaire, mais c’est surtout une crise d’accès et de protection qui nous empêche de faire le travail nécessaire », a-t-il expliqué.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est, elle aussi, inquiétée des effets dévastateurs du manque d’accès. « Le message clé est le suivant : Accès, accès, accès », a déclaré la porte-parole de l’OMS, Margaret Harris.
« Nous avons des équipes prêtes à intervenir, nous avons des cliniques mobiles qui fonctionnent en collaboration avec les partenaires et qui pourraient fournir des services de nutrition, de soins de santé, tous les services. Seules 40 ont pu être opérationnelles, soit les deux tiers de ce que nous avons. Nos équipes ont été refoulées par les belligérants », a-t-elle ajouté.
Une façon de rappeler les difficultés opérationnelles sur le terrain, A ce sujet, l’agence sanitaire mondiale de l’ONU décrit la situation comme une crise de santé publique.
« La malnutrition aiguë sévère, comme cela a été très clairement documenté, est une urgence de santé publique. Les enfants mal nourris sont plus susceptibles de contracter l’une des maladies infectieuses et d’en mourir, comme la pneumonie, la diarrhée, le paludisme et la rougeole », a fait valoir la Dre Harris, mettant également en garde contre la hausse inquiétante des infections à la Covid-19.
#Ethiopie: "Le pire peut encore être évité si nous agissons maintenant pour aider le Tigré", a déclaré @UNReliefChief en demandant instamment aux donateurs d'augmenter les financements & un accès libre afin de pouvoir intensifier la réponse humanitaire. pic.twitter.com/6LzX0QcKei
— ONU humanitaire (@UNOCHA_fr) June 11, 2021
Près de 2 millions de doses de vaccin anti-Covid administrées dont 78.000 au Tigré
Selon un décompte établi vendredi par l’OMS, l’Ethiopie recense plus de 273.678 cas confirmés de Covid-19 dont 4.231 décès. Au 10 juin 2021, un total de 1.901.363 doses de vaccin ont été administrées dans tout le pays.
Dans ce lot, plus 78.000 doses de vaccins ont été administrées dans la région du Tigré, dont 78 % dans la communauté, 4 % pour les personnes déplacées et 18 % parmi les agents de santé. « Ce chiffre inclut plus de 13.000 personnes vaccinées au cours de la semaine. Plus de la moitié des personnes vaccinées sont originaires de Mekele », a souligné le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) dans son dernier bulletin humanitaire.
Huit humanitaires tués
Outre l’accès, il est absolument nécessaire de financer davantage les opérations d’aide et de mettre fin aux hostilités dans la région, a réitéré M. Thompson, le Coordinateur des urgences du PAM, relevant le danger couru par les humanitaires lorsque l’accès leur est parfois garanti. « C’est un environnement incroyablement dangereux pour nous tous », a-t-il fait remarquer.
Jusqu’à présent, huit humanitaires ont été tués. « Chaque jour, nos équipes, et cela concerne le PAM, les ONG, les partenaires, tous ceux qui essaient d’opérer dans le nord, sont mis au défi », a affirmé M. Thompson, relevant que « les points de contrôle sont de plus en plus hostiles ». Et dans certains de ces points de contrôle, les bénéficiaires du PAM « se font piller les objets qui leur sont remis ».
« Nous nous trouvons dans une crise absolue au Tigré avec la situation qui y règne, une situation de sécurité alimentaire catastrophique pour laquelle les gens ont déjà commencé à mourir », a insisté le Coordinateur des urgences du PAM.
Finalement, pour toutes les agences humanitaires, trois éléments sont nécessaires pour empêcher la faim de faire des millions de morts au Tigré, a indiqué M. Thompson. Un cessez-le-feu, un accès sans entrave pour le PAM et ses partenaires à toutes les régions, et l’argent pour étendre leurs opérations afin de répondre au nombre croissant de personnes qui ont désespérément besoin d’une aide alimentaire d’urgence.