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Examen du Turkménistan au CAT : des améliorations dans les conditions de détention sont relevées, mais des préoccupations sont exprimées face à des allégations de disparitions forcées et de torture et autres mauvais traitements

Le Comité contre la torture (CAT, selon l’acronyme anglais) a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport présenté par le Turkménistan au titre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradant.
Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation turkmène venue soutenir ce rapport, un expert a fait observer que, quelle que soit la protection formellement prévue par la loi turkmène, il est régulièrement fait état, s’agissant du Turkménistan, de disparitions forcées, de personnes emprisonnées à tort mais qui restent enfermées, ainsi que d’un manque d’information sur le sort de victimes de disparition forcée. Les allégations de disparitions forcées s'accompagnent d'autres informations faisant état de tortures et de mauvais traitements, notamment de recours excessif à l'isolement cellulaire et d'autres conditions de détention particulièrement dures, a ajouté l’expert, avant de regretter l'absence d'enquêtes et de poursuites à l'encontre des responsables de ces actes.
Le Comité est informé que le Turkménistan reste fermé à toute supervision internationale, a par ailleurs souligné l’expert. Relevant que le Turkménistan avait adressé une invitation permanente aux procédures spéciales des Nations Unies en 2018, il a cependant fait observer qu’une seule demande de visite sur 18 avait finalement été acceptée – et encore, cette visite n’a-t-elle pas eu lieu, a-t-il regretté.
Ce même expert a d’autre part demandé des explications sur plusieurs affaires concernant des mauvais traitements infligés à des opposants au Gouvernement rapatriés de force au Turkménistan puis placés en détention et, dans certains cas, ayant depuis lors disparu.
Un autre membre du Comité a salué l’adoption par le Turkménistan de plans d’action nationaux en matière de droits de l’homme, ainsi que des mesures telles que l’installation de caméras dans les lieux de détention et dans les salles d’interrogatoire, ou encore les formations dispensées aux fonctionnaires en matière de prévention de la torture. Cet expert a par ailleurs fait état d’améliorations dans les conditions de détention au Turkménistan, mais a estimé que la situation était perfectible s’agissant en particulier de la détention provisoire. D’autre part, la surpopulation carcérale atteindrait un niveau catastrophique au Turkménistan, dans un contexte où le taux d’incarcération par rapport à la population est le quatrième plus élevé au monde, a-t-il observé. Des organisations non gouvernementales signalent des flambées de tuberculose, une pénurie d’antibiotiques et un manque de soins adéquats dans les prisons, a-t-il fait remarquer.
Cet expert a d’autre part fait état de placements à l’isolement pouvant atteindre trois mois, dans une obscurité totale et sans accès à l’eau et aux mesures d’hygiène. Selon les informations reçues par le Comité, a-t-il indiqué, les patients d’établissements psychiatriques subiraient des mauvais traitements de la part des personnels, sans que ne soient prises des mesures adéquates pour éviter la maltraitance.
Le Comité est préoccupé par le manque d'accès à des examens médicaux indépendants et gratuits pour les personnes qui affirment avoir été soumises à la torture, ainsi que par le risque de représailles contre les personnes qui allèguent avoir été victimes de torture ou de mauvais traitements, a ajouté l’expert.
Présentant le rapport de son pays, M. Vepa Hajiyev, Représentant permanent du Turkménistan auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué qu’à l’issue de l’examen du précédent rapport devant le Comité, le Gouvernement turkmène avait créé un groupe interinstitutions chargé d’analyser les recommandations du Comité et de préparer un plan d’action pour y donner effet, y compris par le biais de réformes juridiques. En ratifiant la Convention, a poursuivi le chef de la délégation turkmène, l’État a accepté son obligation d’interdire la torture et de traiter tout acte de torture comme un crime. Les forces de l’ordre et les institutions d’État mènent à cet égard un travail de prévention, a-t-il précisé. De plus, a été adopté en 2022 un nouveau Code pénal qui contient en particulier une définition de la torture conforme à l’article premier de la Convention. La loi turkmène interdit absolument la torture, comme le veut le droit international, a insisté le Représentant permanent.
Le renforcement du mécanisme national de protection des droits de l’homme (Médiateur) est une priorité de l’État et des mesures ont été prises pour améliorer ses capacités institutionnelles, a d’autre part fait savoir M. Hajiyev. Il a ensuite fait état de réformes en cours ayant pour but de moderniser le système judiciaire et d’améliorer la qualité de la justice. Conformément aux recommandations formulées dans les observations finales du Comité, des règlements internes régissant les conditions de détention ont été introduits dans les établissements relevant du Ministère de l'intérieur, a par ailleurs fait valoir M. Hajiyev. Il a en outre fait état de l’organisation de visites régulières de lieux de détention par le Médiateur et, dans un cas, par des diplomates étrangers. Les aveux obtenus sous la torture ne sont pas admis par les tribunaux turkmènes, a-t-il souligné.
La délégation turkmène était également composée de représentants de la Cour suprême et du Parquet du Turkménistan, de l’Institut de l’État, du droit et de la démocratie, de même que des Ministères des affaires étrangères, de la justice et de l’intérieur.
Au cours du dialogue, la délégation a affirmé que le Gouvernement avait pris des mesures efficaces pour empêcher la torture et les mauvais traitements sur l’ensemble du territoire. De même, a-t-elle ajouté, des mesures ont été prises pour améliorer les conditions de détention, y compris la réparation et la rénovation d’infrastructures pénitentiaires plus anciennes. Le nombre de détenus a baissé de plus de 4% en 2023 et de plus de 3% en 2024, a fait valoir la délégation, assurant que la surpopulation n’est pas un problème dans les prisons gérées par les autorités.
La délégation a par ailleurs indiqué que le Turkménistan présentait régulièrement aux parties concernées des informations concernant les personnes détenues, informations montrant qu’elles ne peuvent être considérées comme ayant disparu.
Cinq plaintes ont été reçues en 2024 relatives à des mauvais traitements en détention, a fait savoir la délégation. Les tribunaux ont étudié ces plaintes mais n’ont pu établir qu’elles correspondaient à des faits réels, a-t-elle indiqué. Le placement de détenus à l’isolement est une mesure exceptionnelle, a par ailleurs assuré la délégation. Il est interdit d’infliger des souffrances à une personne détenue, y compris en la plaçant à l’isolement dans l’obscurité, a-t-elle souligné.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Turkménistan et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 2 mai prochain.
Demain après-midi, à 15 heures, le Comité achèvera l’examen du rapport de l’Ukraine, entamé ce matin.
Examen du rapport du Turkménistan
Le Comité est saisi du troisième rapport périodique du Turkménistan (CAT/C/TKM/3), ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui lui avait été soumise par le Comité.
Présentation
Présentant le rapport de son pays, M. VEPA HAJIYEV, Représentant permanent du Turkménistan auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué qu’à l’issue de l’examen du précédent rapport devant le Comité, le Gouvernement turkmène avait créé un groupe interinstitutions chargé d’analyser les recommandations du Comité et de préparer un plan d’action pour y donner effet, y compris par le biais de réformes juridiques.
En ratifiant la Convention, a poursuivi le chef de la délégation turkmène, l’État a accepté son obligation d’interdire la torture et de traiter tout acte de torture comme un crime. Les forces de l’ordre et les institutions d’État mènent à cet égard un travail de prévention, a-t-il précisé. De plus, a été adopté en 2022 un nouveau Code pénal qui contient en particulier une définition de la torture conforme à l’article premier de la Convention. La loi turkmène interdit absolument la torture, comme le veut le droit international, a insisté le Représentant permanent.
Le renforcement du mécanisme national de protection des droits de l’homme (Médiateur) est une priorité de l’État et des mesures ont été prises pour améliorer ses capacités institutionnelles, a d’autre part fait savoir M. Hajiyev. Le Médiateur a récemment été accrédité par l’Alliance mondiale des institutions nationales de droits de l’homme au titre du statut B, des travaux étant en cours pour obtenir le statut A de pleine conformité aux Principes de Paris, a-t-il indiqué.
Le Représentant permanent a ensuite fait état de réformes en cours ayant pour but de moderniser le système judiciaire et d’améliorer la qualité de la justice. Il s’agit notamment de renforcer les compétences des agents du système judiciaire et d’améliorer les conditions matérielles dans les tribunaux, a-t-il précisé. D’autres initiatives en cours visent l’intégration des normes fondamentales internationales en matière de compétence et d’indépendance des juges, a-t-il ajouté, avant de mentionner plusieurs mesures concrètes destinées à améliorer l’accès à la justice, citant notamment l’enregistrement audio et vidéo des audiences et l’accès numérique aux ordonnances de la Cour suprême.
Ces dernières années, les avocats turkmènes ont porté assistance à quelque 530 détenus dans le cadre d’affaires impliquant des infractions à la Convention, a précisé le Représentant permanent. Toute violence suspectée à l’encontre d’un détenu donne lieu à l’ouverture d’une enquête, a-t-il assuré.
Conformément aux recommandations formulées dans les observations finales du Comité, des règlements internes régissant les conditions de détention ont été introduits dans les établissements relevant du Ministère de l'intérieur, a par ailleurs fait valoir M. Hajiyev. Ces règles couvrent l'ensemble des droits des personnes détenues et accusées, depuis les conditions de vie et les soins médicaux jusqu'au droit de passer des appels téléphoniques, de recevoir des visites, de se promener et de recevoir des colis.
M. Hajiyev a aussi fait état de l’organisation de visites régulières de lieux de détention par le Médiateur et, dans un cas, par des diplomates étrangers. Les aveux obtenus sous la torture ne sont pas admis par les tribunaux turkmènes, a-t-il en outre souligné.
M. Hajiyev a d’autre part précisé qu’entre 2019 et 2022, une enquête nationale avait été menée avec le Fonds des Nations Unies pour la population au sujet, notamment, de l’ampleur du problème de la violence domestique et sexiste au Turkménistan. L’enquête a abouti à des recommandations concrètes pour améliorer les données sur les violences sexistes et prévenir la violence domestique. Outre la création de mécanismes de protection, l’organisation de formations à l’intention des fonctionnaires et la sensibilisation de la population, ont ainsi été intégrées à la loi des définitions claires et des sanctions en cas de violence.
Le Représentant permanent a par ailleurs fait état d’une collaboration avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour l’organisation de formations aux normes internationales relatives aux comportements des forces de l’ordre et aux conditions de détention. Le dialogue avec le CICR se poursuit, notamment concernant la possibilité d'organiser des visites [du CICR] dans les lieux de détention et de reprendre les négociations en vue de finaliser un protocole d'accord, a fait savoir M. Hajiyev.
Questions et observations des membres du Comité
M. TODD BUCHWALD, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Turkménistan, a d’abord salué la volonté exprimée par le pays de respecter les droits humains.
Quelle que soit la protection formellement prévue par la loi turkmène, a ensuite relevé M. Buchwald, il est régulièrement fait état, s’agissant du Turkménistan, de disparitions forcées, de personnes emprisonnées à tort mais qui restent enfermées, ainsi que d’un manque d’information sur le sort de victimes de disparition forcée. Les allégations de disparitions forcées s'accompagnent d'autres informations faisant état de tortures et de mauvais traitements, notamment de recours excessif à l'isolement cellulaire et d'autres conditions de détention particulièrement dures, a souligné l’expert. Il a regretté l'absence d'enquêtes et de poursuites à l'encontre des responsables de ces actes, ce qui – a-t-il affirmé – contribue à une culture d'impunité.
M. Buchwald a par ailleurs relevé que, selon le rapport soumis par le pays, les tribunaux turkmènes n’ont enregistré aucune plainte pour torture ou mauvais traitements en détention : cette affirmation, a-t-il affirmé, pose la question de l’existence même au Turkménistan de mécanismes permettant de présenter de manière confidentielle des plaintes à une autorité indépendante en laquelle les victimes aient confiance, permettant ainsi de protéger les personnes qui formulent des allégations contre le risque de représailles.
S’agissant des garanties procédurales, l’accès à un avocat et à un médecin indépendant, y compris la réalisation d’un examen médical dans les 24 heures suivant la mise en détention, sont des garanties importantes pour prévenir les actes de torture, a rappelé l’expert. Il a demandé ce qu’il en était au Turkménistan de la garantie des justiciables d’être entendus dans les 48 heures par un magistrat indépendant, ainsi que de leur droit d’être informés rapidement, par oral et par écrit, des motifs de leur privation de liberté. M. Buchwald a demandé si le CICR avait accès aux lieux de détention au Turkménistan.
L’expert a d’autre part insisté sur l’importance de disposer d’une aide juridictionnelle gratuite, assurée par des avocats correctement formés et indépendants de l’État. Il s’est par ailleurs enquis des motifs autorisant la tenue de procès à huis-clos au Turkménistan.
Le Comité est informé que le Turkménistan reste fermé à toute supervision internationale, a poursuivi l’expert. Il a relevé que le Turkménistan avait adressé une invitation permanente aux procédures spéciales des Nations Unies en 2018 : cependant, une seule demande de visite sur 18 a finalement été acceptée – et encore, la visite n’a-t-elle pas eu lieu, a regretté l’expert.
M. Buchwald s’est en outre interrogé sur l’indépendance de l’institution du Médiateur, ainsi que sur sa capacité à recevoir des plaintes pour torture et mauvais traitements et à mener des enquêtes sur les faits.
Aucun demandeur d’asile n’a été admis au Turkménistan depuis 2005, a ensuite fait remarquer M. Buchwald. Il a voulu savoir dans quelle mesure le pays pourrait accueillir des réfugiés en provenance d’Afghanistan.
M. Buchwald a d’autre part demandé des explications sur plusieurs affaires concernant des mauvais traitements infligés à des opposants au Gouvernement rapatriés de force au Turkménistan puis placés en détention et, dans certains cas, ayant depuis lors disparu. Des personnes devant se rendre à Genève pour des entretiens avec des organes de droits de l’homme ont été empêchées de le faire par les autorités, a par ailleurs regretté l’expert.
M. Buchwald a estimé que l’adhésion au Protocole facultatif se rapportant à la Convention et la création subséquente d’un mécanisme national de prévention [de la torture] constitueraient une mesure importante pour protéger les droits des personnes détenues au Turkménistan.
M. Buchwald a par la suite fait état d’entretiens avec au moins 17 Turkmènes vivant à l'étranger dont il est ressorti que le Gouvernement refuserait de renouveler les passeports de ces personnes, les laissant sans papiers et confrontées à de nombreuses difficultés juridiques et économiques, afin de les contraindre à retourner au Turkménistan.
M. Buchwald a recommandé au Turkménistan d’améliorer sa capacité à compiler et analyser des données pour pouvoir s’attaquer, notamment, au problème de la surpopulation carcérale. Il a demandé quel obstacle s’opposait aux visites indépendantes du CICR dans les lieux de détention au Turkménistan.
M. HUAWEN LIU, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Turkménistan, a salué l’adoption par le Turkménistan de plans d’action nationaux en matière de droits de l’homme, ainsi que des mesures telles que l’installation de caméras dans les lieux de détention et dans les salles d’interrogatoire. Saluant par ailleurs les formations dispensées aux fonctionnaires en matière de prévention de la torture, M. Liu a encouragé le Turkménistan à appliquer une méthode claire permettant de mesurer l’efficacité de ces formations sur la réduction des cas signalés de mauvais traitements. Il a demandé si les formations tenaient compte du Protocole d’Istanbul (Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) révisé en 2022.
M. Liu a ensuite prié la délégation de dire combien de lieux de privation de liberté étaient équipés de systèmes d’enregistrement vidéo et si les justiciables avaient le droit de demander que leur interrogatoire soit enregistré.
L’expert a par ailleurs fait état d’améliorations dans les conditions de détention au Turkménistan, mais a estimé que la situation était perfectible s’agissant en particulier de la détention provisoire. D’autre part, la surpopulation carcérale atteindrait un niveau catastrophique au Turkménistan, dans un contexte où le taux d’incarcération par rapport à la population est le quatrième plus élevé au monde, a-t-il observé. Des organisations non gouvernementales signalent des flambées de tuberculose, une pénurie d’antibiotiques et un manque de soins adéquats dans les prisons, a-t-il fait remarquer.
M. Li a d’autre part fait état de placements à l’isolement pouvant atteindre trois mois, dans une obscurité totale et sans accès à l’eau et aux mesures d’hygiène. De plus, selon des informations, les personnes ainsi détenues doivent acheter leurs aliments et d’autres produits de base, a-t-il fait remarquer.
D’autres questions de l’expert ont porté sur la possibilité pour les détenus de recevoir des visites de leurs proches et de passer des appels téléphoniques. M. Liu a aussi demandé dans quelle mesure les entretiens des personnes placées en détention provisoire avec leurs avocats étaient confidentiels. Il a prié la délégation de donner des données ventilées au sujet de la violence en prison, y compris la violence entre détenus et les décès en prison, ainsi que sur les mesures disciplinaires infligées.
M. Liu a par ailleurs voulu savoir si l’utilisation de la force physique par les agents publics était encadrée par des critères précis.
L’expert s’est aussi interrogé sur les lois et procédures régissant le recours à la contention dans les établissements psychiatriques. Selon les informations reçues par le Comité, a-t-il indiqué, les patients de ces établissements subiraient des mauvais traitements de la part des personnels, sans que ne soient prises des mesures adéquates pour éviter la maltraitance.
Le Comité, a poursuivi M. Liu, est préoccupé par le manque d'accès à des examens médicaux indépendants et gratuits pour les personnes qui affirment avoir été soumises à la torture, ainsi que par le risque de représailles contre les personnes qui allèguent avoir été victimes de torture ou de mauvais traitements.
Le Comité a reçu des informations faisant état d'examens gynécologiques forcés pratiqués sur des lycéennes sans leur consentement ni celui de leurs parents, a par ailleurs souligné M. Liu.
M. Liu a par ailleurs fait observer que les restrictions imposées par le Turkménistan en matière d'avortement risquent de créer un environnement cruel, inhumain ou dégradant pour les femmes. Il a en outre rapporté des informations selon lesquelles les personnes qui, au Turkménistan, s'expriment ouvertement sur les questions liées à l'homosexualité risquent d'être arrêtées, torturées ou maltraitées.
Une autre experte membre du Comité a fait état de conditions de détention difficiles pour les mineurs en conflit avec la loi. Elle a demandé si les jeunes disposaient de mécanismes de plainte pour dénoncer des mauvais traitements.
Réponses de la délégation
La délégation a d’abord affirmé que le Gouvernement avait pris des mesures efficaces pour empêcher la torture et les mauvais traitements sur l’ensemble du territoire. De même, a-t-elle ajouté, des mesures ont été prises pour améliorer les conditions de détention, y compris la réparation et la rénovation d’infrastructures pénitentiaires plus anciennes.
Le nombre de détenus a baissé de plus de 4% en 2023 et de plus de 3% en 2024, a poursuivi la délégation. La surpopulation n’est pas un problème dans les prisons gérées par les autorités, le taux d’occupation atteignant 80%, a-t-elle souligné, avant d’ajouter que des peines de substitution à l’incarcération et des grâces présidentielles étaient prononcées.
Les détenus ont à leur disposition les produits de première nécessité dont ils ont besoin pour préserver leur santé, a d’autre part assuré la délégation, avant de préciser que ces produits étaient payés par l’État. Les normes d’alimentation ont été relevées, a-t-elle en outre fait valoir. L’aide médicale est dispensée aux détenus dans un hôpital public, si nécessaire, a également souligné la délégation. En cas d’épidémie en prison, les personnes malades sont isolées et bénéficient des traitements nécessaires, a-t-il indiqué.
Cinq plaintes ont été reçues en 2024 relatives à des mauvais traitements en détention, a fait savoir la délégation. Les tribunaux ont étudié ces plaintes mais n’ont pu établir qu’elles correspondaient à des faits réels, a-t-elle indiqué.
Le placement de détenus à l’isolement est une mesure exceptionnelle, a par la suite assuré la délégation. Il est interdit d’infliger des souffrances à une personne détenue, y compris en la plaçant à l’isolement dans l’obscurité, a-t-elle affirmé.
Les examens médicaux des détenus sont réalisés dans les prisons, le transfert vers des établissements médicaux spécialisés étant possible, a ajouté la délégation. Tout le matériel nécessaire est disponible en prison pour traiter les cas de tuberculose résistante aux médicaments, a-t-elle déclaré.
Un seul établissement accueille les mineurs devant être détenus. Il n’est rempli qu’à 22% et les filles mineures y sont détenues séparément des garçons, a précisé la délégation. Par ailleurs, a-t-elle ajouté, toutes les juridictions du Turkménistan ont ouvert des salles d’audience adaptées aux besoins de mineurs accusés ou témoins dans des procédures judiciaires.
La délégation a ensuite indiqué que le Turkménistan présentait régulièrement aux parties concernées des informations concernant les personnes détenues, informations montrant qu’elles ne peuvent être considérées comme ayant disparu. Les autorités ont récemment fourni des réponses au sujet d’une cinquantaine de demandes concernant la période courant depuis 2022.
Les personnes qui estiment avoir subi des mauvais traitements peuvent déposer plainte auprès des autorités compétentes, y compris auprès du Médiateur et d’une commission de contrôle comprenant notamment des représentants des autorités chargées des plaintes dans les centres de détention. Les services du Procureur procèdent en outre à des inspections régulières des centres de détention, a fait valoir la délégation.
Après vérification, par les autorités, d’allégations de mauvais traitements qui auraient été commis en raison de l’origine ethnique de la victime présumée, aucun fait n’a pu être établi, a d’autre part affirmé la délégation en réponse à d’autres questions posées par les membres du Comité. De même, rien n’a pu corroborer d’autres allégations concernant un refus de traitement médical dont aurait été victime une autre personne détenue, tandis que d’autres allégations encore selon lesquelles une personne aurait perdu la vie à la suite de tortures subies se sont, elles aussi, révélées fausses après enquête, a dit la délégation. Certaines allégations poursuivent des objectifs égoïstes, a-t-elle ajouté.
M. Buchwald [membre du Comité] s’étant interrogé sur les raisons de l’écart que l’on constate entre le nombre d’allégations de disparition forcée au Turkménistan – allégations qui, a-t-il précisé, émanent non seulement de particuliers mais aussi d’organes des droits de l’homme – et l’affirmation du pays selon laquelle toutes ces allégations sont fausses, la délégation a affirmé que certaines personnes considérées comme disparues par le Comité participent, en toute tranquillité, à des activités associatives.
Dans ce contexte, a indiqué la délégation, le Gouvernement turkmène entend améliorer la situation par le biais de la collaboration avec des instances internationales et d’autres pays afin, en particulier, de faire entendre son point de vue et de faire évoluer la perception de la situation. Le Turkménistan collabore pour ce faire avec des organisations telles que Human Rights Watch, ainsi qu’avec des experts judiciaires, pour savoir quoi faire – et à quelle étape – afin de se mettre en conformité s’agissant de cas individuels, a ajouté la délégation.
Le recours à la torture ou à tout autre comportement portant atteinte à la dignité humaine est interdit par la loi turkmène et toute violation de ce principe engage la responsabilité pénale de la personne concernée, a par la suite souligné la délégation.
Chaque personne accusée fait obligatoirement l’objet d’un examen médical au moment d’entrer en détention, en vue notamment de déterminer si cette personne a subi des mauvais traitements, a d’autre part assuré la délégation. De même, toute sortie ou tout transfert du lieu de détention donne lieu à un contrôle médical, a-t-elle ajouté.
Le Ministère de l’intérieur a organisé 2090 cours de formation à la prévention des mauvais traitements et, en 2023 et 2024, les règlements ont été complétés et modifiés afin de faciliter les enquêtes dans les centres de détention, a par ailleurs fait savoir la délégation.
Les fonctionnaires du Ministère de l’intérieur reçoivent des formations initiales et continues axées sur la prévention de la torture et des mauvais traitements, y compris la détection des signes de torture, de même que sur les normes minimales de traitement des personnes détenues, a par la suite insisté la délégation. En outre, a-t-elle ajouté, quelque 1020 juges et fonctionnaires de justice ont suivi des séminaires de formation continue portant, notamment, sur la prévention de la torture et sur les droits des mineurs face à la justice.
Le Médiateur peut accéder sans entraves et de manière inopinée à tous les centres de détention, y compris aux établissements pour femmes et pour mineurs, a-t-il été précisé. Il peut s’entretenir en privé avec les détenus, a insisté la délégation, avant de préciser que ses vérifications portent sur le respect des normes sanitaires et d’alimentation, ainsi que sur le respect des droits des détenus à recevoir des colis et des visites de leurs familles. Dans un certain nombre de cas, le Médiateur a constaté que la vétusté des locaux ne permettait pas de garantir le respect des normes de détention et il a émis des recommandations pour corriger la situation, a fait savoir la délégation.
Pour éviter tout mauvais traitement, des équipements techniques sont livrés dans les commissariats pour enregistrer les interrogatoires et ces enregistrements sont accessibles aux avocats, a ensuite indiqué la délégation. En outre, pour assurer l’équité des procédures judiciaires, quelque 94% des salles d’audience sont équipées de caméras vidéo, a-t-il été précisé. Les avocats ont le droit de demander et de consulter les enregistrements vidéo des interrogatoires de leurs clients par la police, a insisté la délégation.
Le Code de procédure pénale prévoit que toutes les procédures judiciaires sont publiques, sauf lorsque la sécurité de l’État est en jeu, a d’autre part indiqué la délégation en réponse à une question sur la tenue de procès à huis-clos .
Les preuves obtenues sous la torture ne sont pas admises par les tribunaux, a par ailleurs souligné la délégation.
Un expert du Comité ayant fait remarquer que le Turkménistan était le seul pays de la région à ne pas disposer de loi contre la violence domestique, la délégation a précisé que la loi garantissait désormais une protection égale des deux sexes contre toute violence au sein de la famille. L’enquête menée avec le Fonds des Nations Unies pour la population a montré qu’une femme sur huit dans le pays avait subi des violences de la part de son conjoint ou de son partenaire intime, a indiqué la délégation. Cette enquête a donné lieu à l’élaboration d’un plan pour mettre la loi du Turkménistan en conformité avec le droit international s’agissant de la protection des femmes contre la violence, et des activités de conscientisation sont menées auprès des femmes et des filles, a fait valoir la délégation. Il est également prévu de mettre en place des protocoles de prise en charge des victimes, à l’intention notamment des fonctionnaires de police et de santé. Ont en outre été ouverts un centre d’aide à la famille, qui fournit des services de santé et juridiques, ainsi que des lignes d’assistance téléphonique. L’adoption d’une loi autonome contre la violence domestique est à l’étude, a fait savoir la délégation.
S’agissant de la coopération du Turkménistan avec les procédures spéciales des Nations Unies, la délégation a fait savoir que le pays maintenait le contact avec le Groupe de travail sur les disparitions forcées et était prêt à reprendre le travail avec lui. Les autorités sont par ailleurs en train de fixer une date pour la visite de la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels. En outre, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a procédé à quatre visites de lieux de détention et les autorités turkmènes sont en train d’examiner de nouvelles demandes de visites, a indiqué la délégation.
Après que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) eut demandé aux États d’accueillir des réfugiés venant d’Afghanistan, le Turkménistan a offert son assistance matérielle au transfert de ces personnes vers d’autres pays. Il a aussi ouvert à trois reprises son territoire à des personnes fuyant les deux parties en Afghanistan. Quelque 150 Afghans ont reçu un permis de séjour en attendant les résultats de leur demande d’asile dans des pays tiers, a précisé la délégation.
La délégation a d’autre part assuré que les allégations selon lesquels les services consulaires turkmènes refuseraient de prolonger les passeports de Turkmènes vivant à l’étranger étaient fausses. Le passeport ne peut être renouvelé plus de deux fois, sauf circonstances exceptionnelles, a précisé la délégation. Le Gouvernement étudie la possibilité de simplifier la procédure de délivrance des passeports, a-t-il été précisé.
La délégation a également décrit la politique menée au Turkménistan contre la traite des êtres humains, notamment pour sanctionner les auteurs et pour prendre en charge les victimes de traite, dans le cadre du troisième plan d’action dans ce domaine. Les autorités mettent notamment l’accent sur le traitement des causes de la traite, sur l’adaptation de la loi nationale, sur la sensibilisation de la population et sur la coopération internationale, a-t-elle précisé.
Les autorités sont prêtes à mettre en place une culture du droit propice à la protection des droits de tout un chacun, a assuré la délégation. Une feuille de route a été rédigée relativement à une ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, a-t-elle fait savoir.
L’avortement est autorisé jusqu’à la cinquième semaine de grossesse, voire jusqu’à la vingtième semaine pour des raisons médicales ou sociales, a précisé la délégation.
Le dialogue entre la délégation et les membres du Comité a aussi porté sur la politique de neutralité du Turkménistan, ses mesures de lutte contre le terrorisme ou encore la collecte de données statistiques.
Les observations finales du Comité au terme de l’examen seront publiées sur le site Internet de l’Institut de l’État, du droit et de la démocratie, a indiqué la délégation. Elle a précisé que le Gouvernement accueillait positivement tout conseil du Comité sur la manière de remédier aux incohérences entre la loi turkmène et les dispositions de la Convention.
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Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.
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