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Examen de Malte au Comité des disparitions forcées : les experts relèvent que le crime de disparition forcée n’est pas défini de manière autonome dans le droit maltais et se penchent notamment sur la situation des migrants

Le Comité marque en outre la Journée internationale pour le droit à la vérité en ce qui concerne les violations flagrantes des droits de l’homme et pour la dignité des victimes
Le Comité des disparitions forcées a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial de Malte concernant l’application par ce pays de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Il a également marqué la Journée internationale pour le droit à la vérité en ce qui concerne les violations flagrantes des droits de l’homme et pour la dignité des victimes, célébrée chaque année le 24 mars, en entendant des déclarations de MM. Olivier de Frouville et Horacio Ravenna, respectivement Président et Vice-Président du Comité.
Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation maltaise venue soutenir le rapport de son pays, des experts ont relevé, s’agissant du cadre juridique d’application de la Convention, que le crime de disparition forcée n’était pas défini de manière autonome dans le droit maltais et que le pays ne disposait pas de législation qui garantisse explicitement le caractère non dérogatoire du droit d'être protégé contre les disparitions forcées. Il a par ailleurs été demandé si la loi maltaise en vigueur sanctionnait, comme le requiert l’article 2 de la Convention, le fait de soustraire délibérément une personne à la protection de la loi.
La lettre et l’esprit de la Convention veulent que les États se dotent d’un cadre juridique et réglementaire pour pouvoir prévenir et faire face à tout cas éventuel de disparition forcée, ont souligné plusieurs experts.
Une experte s’est dite préoccupée par certaines pratiques de Malte qui, a-t-elle souligné, entraînent un risque de disparition forcée de migrants et de victimes de la traite ; elle s’est inquiétée en particulier du renvoi de migrants vers la Libye, pays « qui ne peut être considéré comme un pays sûr ». Elle s’est également dite préoccupée par les retards apportés dans les opérations de sauvetage de migrants en mer. Selon le Comité européen pour la prévention de la torture du Conseil de l'Europe (CPT), les centres ouverts pour migrants à Malte manquent d'espace, de sorte que de nombreux demandeurs d'asile sont placés en détention au lieu de l’être en centres ouverts, a relevé l’experte avec préoccupation. Elle a en outre demandé pourquoi Malte ne disposait pas de registre centralisé couvrant tous les lieux de détention dans le pays.
D’autres questions des experts ont porté sur la protection des personnes qui dénoncent des faits ou participent aux enquêtes sur des disparitions forcées, ou encore sur la collaboration du Gouvernement avec les organisations de victimes ou les défenseurs des droits de l'homme qui travaillent sur les disparitions forcées. Il a été demandé à plusieurs reprises où en était le projet de création d’une institution nationale des droits de l'homme à Malte.
Présentant le rapport de son pays, Mme Fiorella Fenech Vella, du Bureau de l’Avocat de l’État de Malte, a notamment indiqué que Malte reconnaissait l'obligation positive des États d'enquêter sur les disparitions, de même que d'enquêter et de demander des comptes aux responsables de violations des droits de l'homme. Malte reconnaît, de plus, que les disparitions forcées constituent une violation continue des droits individuels. Le rapport illustre la manière dont Malte a intégré ces principes essentiels dans son cadre juridique, a expliqué Mme Fenech Vella.
Elle a ensuite tenu à souligner que Malte respectait pleinement l'article 17(3) de la Convention, qui prévoit que les registres officiels des personnes privées de liberté, quels que soient leur nature et leur lieu de détention, soient tenus par les autorités compétentes et mis à jour en tant que de besoin. Elle a aussi mentionné les travaux prioritaires qui sont en cours pour doter Malte d’une institution nationale des droits de l'homme indépendante et conforme aux Principes de Paris.
La délégation maltaise était également composée, entre autres, de M. Randolph De Battista, Représentant permanent de Malte auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants des Ministères maltais des affaires étrangères et du tourisme ; de la justice ; et de l’intérieur, de la sécurité et de l’emploi. Le Bureau du Procureur général de Malte était aussi représenté.
Au cours du dialogue, la délégation a notamment fait valoir que si la disparition forcée n’est certes pas érigée en crime autonome dans le Code pénal maltais, il n’en demeure pas moins que ce dernier incrimine déjà chacune des composantes du crime de disparition forcée.
La délégation a par ailleurs fait état de grands progrès en matière migratoire depuis plusieurs années, faisant en particulier valoir que plus de 29 000 migrants en danger avaient été sauvés par Malte. La gestion des migrations a été renforcée, avec en particulier la création de meilleures infrastructures pour l’accueil des migrants, a ajouté la délégation, avant d’affirmer que depuis 2021, il n’y a plus de problème de surpopulation dans les centres ouverts pour migrants à Malte.
Malte n’a jamais négligé les personnes en mer, conformément à ses obligations internationales, a d’autre part déclaré la délégation. Malte n’a pas procédé à des refoulements ou à des expulsions de migrants placés sous sa juridiction vers la Libye, a-t-elle en outre assuré, avant d’indiquer qu’un protocole d’accord entre les autorités libyennes et maltaises traite de la gestion des migrations dans la région. Chaque ordre d’expulsion d’un migrant peut faire l’objet d’un appel et toutes les activités de retour sont contrôlées par un service indépendant, a par ailleurs souligné la délégation.
La délégation a en outre insisté sur le fait que son pays n’avait jamais connu de disparition forcée.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de Malte et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 4 avril prochain.
Examen du rapport de Malte
Le Comité est saisi du rapport initial de Malte (CED/C/MLT/1) ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.
Présentation
Présentant le rapport de son pays, MME FIORELLA FENECH VELLA, du Bureau de l’Avocat de l’État de Malte, a notamment fait savoir que, depuis son indépendance en 1964, Malte considérait les disparitions forcées comme des actes inhumains dans la cadre des dispositions générales de la loi relatives aux crimes contre l'humanité. En particulier, la Constitution maltaise stipule que la détention ne peut avoir lieu que dans des conditions légales, tandis que la loi sur la Cour pénale internationale (chapitre 453 des lois de Malte) intègre dans la législation maltaise, y compris dans le Code pénal, les crimes internationaux tels que les disparitions forcées considérées comme crimes contre l'humanité.
Malte a ratifié plusieurs traités internationaux visant à prévenir les disparitions forcées et à protéger les droits de l'homme, a rappelé Mme Fenech Vella. Ainsi, en tant que membre du Conseil de l'Europe, Malte a-t-elle ratifié la Convention européenne des droits de l'homme, se soumettant à la juridiction de la Cour européenne des droits de l'homme.
Le pays a aussi accepté les procédures de communication prévues en vertu de la Convention contre la torture et de la Convention relative aux droits des personnes handicapées ; il applique des mécanismes similaires s’agissant de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées – laquelle fait l'objet d'un examen constant en référence à ses articles 31 et 32, a indiqué Mme Fenech Vella, assurant que Malte informerait le Comité de tout développement dans ce domaine.
Après avoir mentionné la stratégie nationale et le plan d'action adoptés par son pays pour lutter contre la traite des êtres humains (2024-2030), Mme Fenech Vella a indiqué qu’en 2024, Malte avait engagé deux poursuites pour traite des êtres humains, qui combinaient des accusations de traite des êtres humains et de blanchiment d'argent. Cette approche stratégique met en évidence l’engagement du pays à lutter non seulement contre les crimes eux-mêmes, mais aussi contre les soutiens financiers qui facilitent de telles activités, a-t-elle souligné.
Mme Fenech Vella a d’autre part indiqué que la Cour constitutionnelle maltaise pouvait accorder des mesures provisoires pour protéger les personnes en situation de risque urgent à Malte. Les victimes qui affirment que leurs droits ont été violés, y compris les héritiers de personnes victimes de disparitions forcées, ont le droit d'engager des poursuites judiciaires contre l'Avocat de l'État. À Malte, une personne ne peut être présumée décédée que si son absence dure depuis plus de dix ans sans interruption, a précisé Mme Fenech Vella.
Par ailleurs, a-t-elle poursuivi, la loi maltaise stipule que les fonctionnaires de l'État ne sont pas à l'abri des poursuites ; ainsi, tout fonctionnaire de l'État impliqué dans des disparitions forcées peut être tenu responsable. L'article 5 du Code pénal précise les personnes qui peuvent être poursuivies – en particulier, même le Président de Malte peut faire l'objet de poursuites judiciaires pour des actes commis en dehors du cadre de ses fonctions, a précisé Mme Fenech Vella, soulignant que cette disposition repose sur la reconnaissance du fait que la poursuite des crimes fondamentaux annule l'application de tout privilège ou immunité diplomatique.
Malte reconnaît en outre l'obligation positive des États d'enquêter sur les disparitions, de même que d'enquêter et de demander des comptes aux responsables de violations des droits de l'homme ; le pays reconnaît aussi que les disparitions forcées constituent une violation continue des droits individuels. Le rapport examiné aujourd’hui illustre la manière dont Malte a intégré ces principes essentiels dans son cadre juridique, a fait observer Mme Fenech Vella.
Elle a par ailleurs mentionné les travaux prioritaires qui sont en cours pour doter Malte d’une institution nationale des droits de l'homme indépendante et conforme aux Principes de Paris.
Mme Fenech Vella a enfin tenu à souligner que Malte respectait pleinement l'article 17(3) de la Convention, qui prévoit que les registres officiels des personnes privées de liberté, quels que soient leur nature et leur lieu de détention, sont tenus par les autorités compétentes et mis à jour en tant que de besoin.
Questions et observations des membres du Comité
Dans des questions d’ordre général, MME BARBARA LOCHBIHLER, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de Malte, a prié la délégation de dire où en était le projet de création d’une institution nationale des droits de l'homme. Elle s’est en outre enquise des raisons pour lesquelles Malte n'a pas envisagé jusqu'à présent d'accepter la compétence du Comité de recevoir des communications (plaintes) individuelles et interétatiques conformément aux articles 31 et 32 de la Convention. L’experte a par ailleurs voulu savoir pourquoi le Gouvernement n’avait pas consulté, en préparant le rapport, les organisations de victimes ou les défenseurs des droits de l'homme qui travaillent sur les disparitions forcées.
S’agissant de la prévention, Mme Lochbihler a demandé quels critères s’appliquaient pour évaluer le risque de disparition forcée avant une extradition vers un pays tiers. Elle s’est dite préoccupée par certaines pratiques de Malte qui, a-t-elle souligné, entraînent un risque de disparition forcée de migrants et de victimes de la traite ; elle s’est inquiétée en particulier du renvoi de migrants vers la Libye, pays « qui ne peut être considéré comme un pays sûr ». Elle s’est aussi dite préoccupée par les retards apportés dans les opérations de sauvetage de migrants en mer.
Selon le Comité européen pour la prévention de la torture du Conseil de l'Europe (CPT), les centres ouverts pour migrants à Malte manquent d'espace, de sorte que de nombreux demandeurs d'asile sont placés en détention au lieu de l’être en centres ouverts, a relevé l’experte avec préoccupation. Elle a demandé pourquoi Malte ne disposait pas de registre centralisé couvrant tous les lieux de détention dans le pays.
S’agissant du cadre juridique d’application de la Convention, M. FIDELIS KANYONGOLO, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de Malte , a rappelé que l'article premier de la Convention stipule sans ambiguïté qu'aucune circonstance exceptionnelle – y compris l'état de guerre ou la menace de guerre, l'instabilité politique intérieure ou tout autre état d'urgence – ne peut être invoquée pour justifier une disparition forcée. Or, a-t-il fait remarquer, Malte ne dispose pas de législation qui garantisse explicitement le caractère non dérogatoire du droit d'être protégé contre les disparitions forcées. Au contraire, l'article 4 du décret sur les pouvoirs d'urgence habilite le Président à prendre les règlements nécessaires, notamment en matière de sécurité publique, de santé et de défense de Malte, « sous réserve des dispositions de la Constitution ».
L’expert a ensuite demandé si, à Malte, les infractions d'enlèvement, d'arrestation, de détention ou d'emprisonnement illégaux, de même que d'extradition illégale et forcée, intégraient l'exigence de l'article 2 de la Convention selon laquelle, pour que le crime de disparition forcée soit commis, l'auteur présumé doit être agent de l’État ou avoir agi avec l'autorisation, l’appui ou l'acquiescement de l'État.
M. Kanyongolo a par ailleurs voulu savoir si Malte créerait une infraction autonome de disparition forcée, et si une agence gouvernementale autre que les forces de l’ordre avait été saisie de plaintes pour disparition forcée. Il a recommandé que des statistiques soient systématiquement collectées dans ce domaine.
D’autres questions de l’expert ont porté sur la compétence des tribunaux maltais pour juger des faits de disparition forcée commis hors du territoire maltais par des personnes résidant à Malte, lorsque cette disparition forcée ne constitue pas un crime contre l’humanité ; de même que sur la capacité des tribunaux militaires maltais d’enquêter sur des personnes accusées de disparition forcée.
M. Kanyongolo a ensuite rappelé que la protection des lanceurs d'alerte et des témoins était essentielle pour garantir que les informations sur les disparitions forcées soient signalées aux autorités compétentes sans crainte de mauvais traitements ou d'intimidation. Il a demandé quelles mesures protégeaient, à Malte, les personnes qui dénoncent des faits ou participent aux enquêtes sur des disparitions forcées.
M. Kanyongolo a par ailleurs demandé si la loi maltaise en vigueur sanctionnait, comme le requiert l’article 2 de la Convention, le fait de soustraire délibérément une personne à la protection de la loi.
Une autre experte membre du Comité a voulu savoir quelle procédure était appliquée à Malte en cas de disparition forcée, alors que ce crime n’est pas défini de manière autonome dans le droit national, comme le prévoit pourtant la Convention.
Plusieurs experts ont demandé quel rôle les organisations non gouvernementales (ONG) pouvaient jouer en matière de prévention des disparitions forcées. Il a en outre été demandé comment serait qualifiée et sanctionnée, sur le plan pénal, la complicité d’agents de l’État dans des faits de traite de personnes ou de migrants.
Rappelant que la Convention exige que l'extradition d'une personne soit refusée s'il y a des motifs sérieux de croire que cette personne risque d'être victime d'une disparition forcée, une experte a voulu savoir quels mécanismes et critères l’État maltais appliquait afin de respecter cette obligation.
Il a par ailleurs été demandé si le Gouvernement maltais, la société civile voire le pouvoir judiciaire pourraient prendre l’initiative de soumettre au Parlement un projet de loi portant création d’une institution nationale de droits de l’homme ; et s’il existait à Malte un registre national des personnes disparues de manière forcée ou non.
La lettre et l’esprit de la Convention veulent que les États se dotent d’un cadre juridique et réglementaire pour pouvoir prévenir toute disparition forcée et faire face à tout cas éventuel de disparition forcée, ont souligné plusieurs experts.
D’autres questions des experts ont porté sur le dispositif mis en place par Malte contre les adoptions illégales internationales ou encore sur les indemnités et réparations accordées, au titre de l’article 24 de la Convention, aux victimes de disparition forcée.
Réponses de la délégation
La disparition forcée n’est pas érigée en crime autonome dans le Code pénal maltais, mais ce dernier incrimine déjà chacune des composantes du crime de disparition forcée, a d’abord souligné la délégation.
La soustraction d’une personne à la protection de la loi, de même que la dissimulation du sort d’une personne sont incriminées par le Code pénal maltais au titre des obstacles à la réalisation des enquêtes, a-t-elle par la suite ajouté.
Elle a ensuite précisé qu’ aucun cas de disparition forcée n’était recensé dans les registres de Malte. Le pays dispose de mécanismes robustes pour détecter ce crime et pour le réprimer, de même que pour protéger les individus contre les arrestations illégales ou arbitraires et contre la détention au secret, a assuré la délégation.
Ainsi, les forces de l’ordre maltaises opèrent-elles dans un cadre de transparence et de responsabilité, a précisé la délégation. Elles traitent tous les cas suspects de disparition en priorité et avec le plus grand sérieux, des unités spéciales étant chargées des cas complexes. Une enquête peut être diligentée même en l’absence de plainte, les disparitions transnationales faisant l’objet d’enquêtes avec Interpol ou d’autres agences internationales d’application de la loi, si nécessaire, a-t-il été précisé. De plus, des mécanismes internes existent pour garantir que les enquêtes de police restent impartiales.
Toutes les arrestations par la police doivent suivre la même procédure d’enregistrement afin d’éviter toute détention secrète ou illégale, a souligné la délégation, avant de préciser que les policiers reçoivent des formations théoriques et pratiques à ce sujet. La licéité d’une arrestation ou d’un placement en détention peut être contestée devant la justice à tout moment, a ajouté la délégation.
Un registre écrit, physique, contient les noms de toutes les personnes arrêtées pour au moins six heures ; le registre est mis à jour conformément aux exigences de l’article 17 de la Convention, a d’autre part fait valoir la délégation. De plus, chaque personne arrêtée qui passe la nuit au commissariat est signalée au quartier général de la police. Un autre registre, centralisé, contient les noms de toutes les personnes entrées et sorties de lieux de détention.
L’agent témoin de comportements inacceptables par un collègue doit prendre des mesures pour y mettre fin et dénoncer les faits à l’un des mécanismes chargés de veiller, au sein de la police, à l’intégrité et au respect des normes de conduite, a aussi fait savoir la délégation.
Le Code pénal stipule que Malte peut juger des personnes résidant à Malte et auteurs de crimes contre l’humanité commis à Malte ou à l’étranger, y compris le crime de disparition forcée, de même que certains crimes prévus par le Code pénal militaire.
Malte n’a encore jamais fait appel à l’entraide judiciaire internationale pour des faits de disparition forcée ; cette entraide a cependant été demandée pour des faits d’enlèvements et de traite des êtres humains, a d’autre part indiqué la délégation.
La création d’une institution nationale de droits de l’homme conforme aux Principes de Paris est une priorité pour Malte, a déclaré la délégation. Elle a expliqué que l’examen du projet de loi sur cette question avait dans un premier temps été reporté, avant que la procédure d’adoption du texte ne soit relancée suite aux élections législatives de 2022.
Le Gouvernement est toujours disposé à travailler avec la société civile et à entendre ses avis, dans la mesure du possible, a par ailleurs assuré la délégation.
Il a été précisé que les accords d’extradition bilatéraux conclus entre Malte et des pays tiers ne mentionnaient pas explicitement le crime de disparition forcée. Si Malte doit extrader des personnes hors du Commonwealth, elle appliquera le principe de double incrimination, en vertu duquel le crime faisant l’objet de la demande devra être sanctionné à la fois par la loi maltaise et par la loi du pays tiers. Avec des pays de l’Union européenne, l’extradition serait possible au motif de traite des êtres humains ou d’enlèvement, a indiqué la délégation.
A ce stade du dialogue, une experte du Comité a fait remarquer que Malte ne pouvait invoquer ce principe de double incrimination dans les affaires d’extradition impliquant des disparitions forcées, puisque le pays n’a pas fait de la disparition forcée un crime autonome dans son droit pénal.
La délégation a ensuite précisé que la Constitution maltaise défendait un certain nombre des droits et dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme en matière de droits et libertés fondamentaux, y compris s’agissant de l’extradition – en particulier pour ce qui est de la garantie selon laquelle nul ne saurait être expulsé depuis Malte vers un pays où il existe un risque de préjudice irréparable tel que la disparition forcée, chaque décision d’extradition pouvant faire l’objet d’un recours. La délégation a cité des affaires où des justiciables devant être extradés ont fait appel, ont obtenu gain de cause devant les tribunaux maltais et ont pu rester à Malte.
La délégation a par ailleurs fait état de grands progrès en matière migratoire depuis plusieurs années, faisant en particulier valoir que plus de 29 000 migrants en danger avaient été sauvés par Malte, malgré la petite taille et les ressources limitées du pays. La gestion des migrations a été renforcée, avec en particulier la création de meilleures infrastructures pour l’accueil des migrants, a souligné la délégation.
Malte n’a jamais négligé les personnes en mer, conformément à ses obligations internationales, a insisté la délégation, soulignant que le pays garantit des débarquements dans les lieux les plus sûrs, mais n’est pas responsable de la conduite des opérations de secours en haute mer.
Malte n’a pas procédé à des refoulements ou à des expulsions de migrants placés sous sa juridiction vers la Libye, a d’autre part assuré la délégation, avant d’indiquer qu’un protocole d’accord entre les autorités libyennes et maltaises traite de la gestion des migrations dans la région.
Chaque ordre d’expulsion d’un migrant peut faire l’objet d’un appel et toutes les activités de retour sont contrôlées par un service indépendant, a ajouté la délégation.
Depuis 2021, il n’y a plus de problème de surpopulation dans les centres ouverts pour migrants à Malte, a-t-il par ailleurs été précisé. Le seul hôpital psychiatrique de Malte accueille uniquement des personnes ayant des troubles de santé mentale, a par ailleurs déclaré la délégation.
Les migrants qui font l’objet de procédures pénales bénéficient des mêmes garanties que les autres justiciables, y compris l’aide juridictionnelle gratuite et l’accès à des services d’interprétation, a ensuite souligné la délégation.
Toute plainte relative à la disparition de migrants lors d’opérations de sauvetage en mer donne lieu à une enquête de police, a-t-il par ailleurs été précisé.
Par rapport à sa population, Malte accueille aujourd’hui un grand nombre de personnes au bénéfice d’une protection internationale, a en outre tenu à souligner la délégation.
Tous les lieux de détention sont contrôlés par des organes de l’État institués conformément à la loi, a indiqué la délégation. Deux instances à Malte font office de mécanisme national de prévention (de la torture) au sens du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a-t-elle précisé.
Le Gouvernement est en train d’amender la loi sur la protection des lanceurs d’alerte afin de mieux protéger ces personnes, y compris contre le risque de disparition forcée, a d’autre part fait savoir la délégation.
La délégation a répondu à d’autres questions des experts portant sur la protection des victimes de traite des êtres humains, notamment sous l’angle de l’offre d’une aide juridique gratuite et d’une prise en charge médicale et sociale.
De manière générale, les victimes ont droit, à Malte, en vertu des directives européennes en vigueur, à un ensemble de mesures de protection et de soutien par l’État, de même qu’à des indemnisations, a souligné la délégation.
La délégation a par la suite précisé que la loi maltaise prévoyait la possibilité d’octroyer des indemnisations aux victimes de délits pénaux. Les héritiers d’une personne lésée peuvent aussi être considérées comme des victimes, a-t-elle ajouté.
Les agents de police maltais suivent des formations organisées par l’Agence de l'Union européenne pour la formation des services répressifs au sujet, notamment, de la recherche des personnes disparues, de l’identification des restes humains et de la traite des migrants, a-t-il été ajouté.
Les différents registres dont dispose Malte contiennent des informations sur les disparitions, mais pas explicitement sur les disparitions forcées, a d’autre part indiqué la délégation. Elle a tenu à rappeler qu’aucun cas de disparition forcée n’avait été signalé ni recensé à Malte.
A l’issue du dialogue, la délégation a insisté sur le fait que son pays n’avait jamais connu de disparition forcée.
Déclarations à l’occasion du 24 mars, Journée internationale pour le droit à la vérité en ce qui concerne les violations flagrantes des droits de l’homme et pour la dignité des victimes
S’exprimant, lundi 24 mars, en marge de l’examen du rapport présenté par Malte au titre de la Convention, M. HORACIO RAVENNA, Vice-Président du Comité, a rappelé que le 24 mars [Journée internationale pour le droit à la vérité en ce qui concerne les violations flagrantes des droits de l’homme et pour la dignité des victimes] était aussi jour de mémoire en Argentine : il marque en effet, en 2025, le quarante-neuvième anniversaire du coup d’État mené par les forces armées argentines, après d’autres coups d’État dans des pays tels que le Chili et l’Uruguay. Quasiment toute l’Amérique du Sud et centrale, a rappelé M. Ravenna, s’est ainsi retrouvée sous la férule de dictatures, rares étant, dans la région, les pays où trouver alors refuge. Nombre de personnes poursuivies pour leurs activités et engagements politiques, voire simplement parce qu’elles figuraient sur des listes d’activistes politiques, se sont retrouvées au Mexique et au Venezuela – pays ayant alors accueilli la majorité des personnes qui fuyaient leur pays – ou alors en Europe, a relaté l’expert.
Il fallait naturellement répondre à l’opération Condor qui, coordonnant alors toutes les dictatures de la région, leur permettait de capturer les personnes recherchées et de les extrader, puis de les faire disparaître ou de les éliminer, a poursuivi M. Ravenna. C’est dans ce contexte, marqué aussi par le machisme – nous étions dans les années 1970, a rappelé l’expert –, que sont apparues les Mères de la place de Mai qui ont incarné la lutte et en sont devenues le symbole.
Très rapidement, il s’est avéré nécessaire de disposer d’un instrument pour pouvoir évoquer les disparitions forcées – un crime qui n’existait pas alors en tant que tel ; les seuls outils à la disposition des organismes de droits de l’homme étaient des codes pénaux très anciens. La première expression publique de la nécessité de lutter contre les disparitions forcées a eu lieu en janvier 1981, dans le cadre d’un colloque tenu à Paris et pendant lequel des exilés et une poignée de délégués venus d’Argentine se sont réunis pour réfléchir à cette question.
À vrai dire, à cette époque, « imaginer une convention, internationale qui plus est, semblait être une pure folie, une option improbable et fort lointaine », a fait remarquer M. Ravenna. « Quoi qu’il en soit », a-t-il constaté avec satisfaction, « nous y sommes parvenus » : cela fait en effet dix-neuf ans que la Convention a été adoptée, quinze ans qu’elle est entrée en vigueur grâce aux vingt premières ratifications, et quatorze ans que le Comité travaille. « C’est pour cela que le Comité se rappelle, aujourd’hui, celles et ceux qui ne sont plus, et qu’il continue à nourrir la conscience collective des nouvelles générations afin que ce crime atroce soit relégué définitivement au passé », a conclu M. Ravenna.
M. OLIVIER DE FROUVILLE, Président du Comité, a souligné pour sa part qu’en ce jour célébrant le droit à la vérité, « nous avons besoin, dans ces temps particulièrement troublés, non seulement de la mémoire mais aussi de la vérité ». Il a rendu hommage au combat courageux des mères de personnes disparues qui faisaient face au pouvoir en revendiquant la vérité [en référence aux Mères de la place de Mai] – un combat grâce auquel le Comité est aujourd’hui là pour être au service des victimes de disparition forcée et des défenseurs des droits de l’homme.
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CED25.007F