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L’usage excessif de la force par la police lors de manifestations, la lutte contre la corruption et la lutte contre les violences faites aux femmes sont au cœur du dialogue de l’Arménie avec le Comité des droits de l’homme
Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique de l’Arménie sur la mise en œuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Dans le cadre du dialogue noué avec la délégation arménienne, un membre du Comité a regretté l'usage excessif de la force par la police lors de manifestations médiatisé à plusieurs reprises ces dernières années. D’autre part, a-t-il été indiqué, le Comité a reçu des allégations selon lesquelles le harcèlement, la violence et la discrimination à l'encontre des personnes LGBT sont toujours répandus en Arménie.
Plusieurs questions des experts du Comité ont porté sur la lutte contre la corruption. L’un d’entre eux a relevé que, dans un rapport daté de 2018, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) avait conclu que le conseil en charge de la lutte contre la corruption manquait de dynamisme pour s’attaquer de manière décisive à la corruption qui sévit dans l’administration publique.
Il a par ailleurs été relevé qu’il était difficile en Arménie de poursuivre en justice des faits de violence domestique, compte tenu des exigences élevées en matière de preuve. Pour ce qui est généralement des violences faites aux femmes, le faible nombre de plaintes révèle un manque de confiance des femmes dans la police et dans le système judiciaire, a-t-il été affirmé. En outre, a indiqué un expert, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles certaines institutions de l'État et certains groupes réactionnaires harcèlent les personnes travaillant dans le domaine de la santé et des droits sexuels et procréatifs. Plus de 5% des femmes âgées de 20 à 24 ans se sont mariées avant l’âge de 18 ans ; en outre, les mariages forcés et les enlèvements de mariées ne sont pas rares en Arménie, et ces pratiques affectent principalement les femmes et les filles de la communauté yézidie, a-t-il été observé.
Répondant aux questions des experts, la délégation arménienne a notamment indiqué que des enquêtes préliminaires ont été ouvertes s’agissant de l’utilisation abusive de la force par la police : l’ancien Premier Ministre et d’autres personnalités sont concernés, y compris un ancien chef de la police, a-t-elle fait savoir.
S’agissant de la lutte contre la corruption, la délégation a notamment indiqué que la stratégie en la matière, pour la période 2019-2022, était notamment basée sur la prévention, qui est confiée à une commission dotée des moyens d’action nécessaires ainsi qu’à un nouveau comité spécialisé intégrant des représentants de la société civile et employant trente enquêteurs.
La délégation arménienne a par ailleurs déclaré que le pays envisageait d’adopter la Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.
Présentant le rapport de son pays, Mme Kristinne Gregoryan, Première Vice-Ministre au Ministère de la justice de l’Arménie, a d’abord évoqué l’année « catastrophique » que vient de vivre le peuple arménien. Elle a ainsi dénoncé les attaques militaires perpétrées par l'Azerbaïdjan contre son pays, attaques qui ont mis la vie de 150 000 personnes du Haut-Karabakh/Artsakh sous une menace existentielle et contraint plus de 91 000 personnes à fuir leur foyer et à trouver refuge en Arménie, dont 88 % de femmes et d'enfants.
S’agissant ensuite de la COVID-19 et des bouleversements socioéconomiques qu’elle a entraînés, Mme Gregoryan a indiqué que, consciente que les mesures dérogatoires ne peuvent s'écarter des obligations énoncées par le Pacte que dans la mesure strictement requise par les exigences de la situation de santé publique, l'Arménie avait déposé en mars 2020 sa notification de dérogation temporelle aux articles 9 (droit à la liberté et à la sécurité), 12 (droit à la liberté de circulation) et 21 (droit de réunion pacifique) du Pacte. Ces dérogations ont été levées au début du mois de septembre 2020, a-t-elle ajouté.
Malgré ces difficultés, a poursuivi Mme Gregoryan, l’Arménie a enregistré de nombreux progrès : modification de la Constitution ; changements dans le domaine électoral ; réformes du système judiciaire ; adoption des nouveaux codes pénal et de procédure pénale.
Elle a enfin informé le Comité des dispositions prises pour criminaliser la violence domestique ainsi que la discrimination et les discours de haine.
Outre Mme Gregoryan et M. Nairi Petrossian, Représentant permanent adjoint de l’Arménie auprès des Nations Unies à Genève, la délégation arménienne était composée de représentants des services du Premier Ministre et des Ministères des affaires étrangères ; de la justice ; de la défense ; de la santé ; du travail et des affaires sociales. Elle comprenait également des représentants de l’administration territoriale et de l’infrastructure, ainsi que de la Commission électorale centrale, du Comité des enquêtes, des services du Procureur général, et de la Police.
Le Comité adoptera ultérieurement à huis clos ses observations finales sur le rapport de l’Arménie et les rendra publiques à l’issue de cette session, qui doit clore ses travaux le 5 novembre prochain.
Mercredi 20 octobre, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport du Botswana.
Examen du rapport de l’Arménie
Le Comité était saisi du troisième rapport périodique (CCPR/C/ARM/3) de l’Arménie, ainsi que des réponses du pays à une liste de questions posées par le Comité.
Présentation du rapport
Présentant le rapport de son pays, MME KRISTINNE GREGORYAN, Première Vice-Ministre au Ministère de la justice de l’Arménie, a d’abord évoqué l’année « catastrophique » que vient de vivre le peuple arménien. Elle a ainsi dénoncé les attaques militaires perpétrées par l'Azerbaïdjan contre son pays, attaques qui ont mis la vie de 150 000 personnes du Haut-Karabakh/Artsakh sous une menace existentielle et contraint plus de 91 000 personnes à fuir leur foyer et à trouver refuge en Arménie, dont 88 % de femmes et d'enfants. À cet égard, a-t-elle précisé, les priorités du Gouvernement sont de créer des mécanismes de soutien économique, social et psychosocial pour assurer le bien-être mental et physique de la population touchée, en particulier les groupes vulnérables tels que les enfants, les femmes, les personnes âgées et les personnes handicapées.
S’agissant ensuite de la COVID-19 et des bouleversements socioéconomiques qu’elle a entraînés, Mme Gregoryan a indiqué que, consciente que les mesures dérogatoires ne peuvent s'écarter des obligations énoncées par le Pacte [international relatif aux droits civils et politiques] que dans la mesure strictement requise par les exigences de la situation de santé publique, l'Arménie avait déposé en mars 2020 sa notification de dérogation temporelle aux articles 9 (droit à la liberté et à la sécurité), 12 (droit à la liberté de circulation) et 21 (droit de réunion pacifique) du Pacte. Ces dérogations ont été levées au début du mois de septembre 2020, a-t-elle ajouté.
Depuis le début de la pandémie, le Gouvernement arménien a pris vingt-cinq mesures-programmes pour en neutraliser les conséquences, a ensuite expliqué Mme Gregoryan. Elle a précisé que ces mesures ont notamment profité à quelque 8000 bénéficiaires du secteur agricole. D’autres mesures ont porté sur l'assistance sociale visant spécifiquement certains groupes socialement vulnérables, et au total, les mesures de soutien économique et social ont profité à plus de 85 000 personnes, a-t-elle indiqué.
Malgré ces difficultés, a poursuivi Mme Gregoryan, l’Arménie a enregistré de nombreux progrès. Au niveau constitutionnel d’abord, la Constitution a été modifiée en 2015 par référendum. Pour la première fois, la charte fondamentale consacre le droit d'une personne à l'immunité physique et mentale, l'interdiction des châtiments corporels, l'égalité des droits entre hommes et femmes, la protection des données personnelles ou encore l'obligation de réparer les dommages causés par l'État.
D’autres changements ont été apportés dans le domaine électoral, le Parlement ayant adopté des amendements visant à améliorer les élections locales et à démocratiser l'ensemble du cycle électoral, avec notamment des mesures pour améliorer la transparence du financement des campagnes. Le quota de représentation des femmes au Parlement a été porté à 30 % et les récentes élections parlementaires ont abouti à une représentation féminine de 34 % au Parlement, a fait valoir Mme Gregoryan.
Concernant la justice, a-t-elle poursuivi, des réformes permettent maintenant de mieux contrôler l'intégrité des juges, avec notamment la création en 2019 d’une instance de prévention de la corruption, qui est notamment chargée de vérifier les déclarations de revenus et d'intérêts de quelque 9000 fonctionnaires et membres de leur famille.
D’autre part, les nouveaux codes pénal et de procédure pénale adoptés en 2021 garantissent – entre autres – le passage d'une justice de type punitif à une justice réparatrice, l'élimination de la sous-culture criminelle et l’éradication de la corruption au sein du système pénitentiaire et de probation. Une peine alternative à l'emprisonnement, définie comme « restrictive de liberté », a aussi été introduite, appuyée notamment par l'utilisation des moyens électroniques de surveillance. Le délai de prescription pour le crime de torture a été supprimé, a également souligné Mme Gregoryan.
Elle a enfin informé le Comité des dispositions prises pour criminaliser la violence domestique ainsi que la discrimination et les discours de haine. Quant à la définition du viol, a-t-elle ajouté, elle a été étendue aux actes violents de nature sexuelle commis contre la volonté de la victime ou en ignorant sa volonté.
Questions et observations des membres du Comité
S’agissant d’abord du cadre général d’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, il a été demandé si des mesures seraient prises pour sensibiliser les juges, les procureurs, les avocats et les fonctionnaires de justice aux droits consacrés par cet instrument ; et si la possibilité de déposer plainte devant le Comité était connue des milieux professionnels concernés en Arménie, compte tenu du fait que seules trois affaires ont été portées à la connaissance du Comité depuis 1993, date à laquelle l’Arménie a ratifié le premier Protocole facultatif au Pacte instituant cette procédure de plainte.
La ratification par l’Arménie, en 2021, du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, qui vise l’abolition de la peine de mort, a été saluée par plusieurs experts du Comité.
Concernant la question de l’égalité entre les sexes, un membre du Comité a demandé si le personnel des médias recevait une formation concernant la lutte contre les stéréotypes discriminatoires et les attitudes patriarcales. D’autre part, a-t-il été indiqué, le Comité a reçu des allégations selon lesquelles le harcèlement, la violence et la discrimination à l'encontre des personnes LGBT sont toujours répandus en Arménie. Il a été regretté que le projet de loi sur l’égalité (2018) ne contienne pas une liste exhaustive des motifs de discrimination interdits – l'orientation sexuelle et l'identité de genre n’étant pas mentionnées – et ne prévoie pas d'interdire la discrimination dans la sphère privée, notamment dans une entreprise privée. Des éclaircissements ont en outre été demandés sur la manière dont l’Arménie entendait réprimer les discours de haine.
Il a par ailleurs été relevé que l'usage excessif de la force par la police lors de manifestations avait été médiatisé à plusieurs reprises ces dernières années. Aussi, un expert a-t-il demandé si des réparations avaient été accordées aux victimes de ces manifestations ; cet expert s’est en outre enquis de la formation des forces de l'ordre à l'utilisation des armes à feu et a souhaité savoir si l’Arménie avait l'intention de créer un mécanisme indépendant de responsabilisation des agents des forces de l'ordre concernant l'usage excessif de la force.
Quelles sont les dispositions légales ou les directives pratiques permettant à la police et aux autres agents des forces de l’ordre de prendre des mesures coercitives, y compris le recours à la force, afin de contrôler les rassemblements ou de les disperser, a-t-il été demandé ?
Pour ce qui concerne les garanties procédurales en faveur des personnes détenues, des questions ont porté sur le respect du droit de chaque justiciable de consulter un avocat, d’informer ses proches et de s’opposer à sa détention. La délégation a en outre été priée d’expliquer par quels moyens les autorités examinaient les plaintes déposées par des détenus affirmant avoir subi des mauvais traitements ou des actes de torture ; qu’en est-il des sanctions concernant de tels actes ?
D’autres questions ont porté sur les dispositions prises pour remédier aux mauvaises conditions de détention dans les prisons de Nubarashen, Vanadzor et Yerevan Kentron.
Plusieurs questions ont porté sur la lutte contre la corruption. Les efforts du pays dans ce domaine ont été salués, s’agissant notamment de la création d’un conseil pour la lutte contre ce phénomène et de l’adoption de la stratégie de lutte contre la corruption, assortie d’un plan d’action (2015-2018). Un expert a relevé que, dans un rapport daté de 2018, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) avait conclu que ce conseil manquait de dynamisme pour s’attaquer de manière décisive à la corruption qui sévit dans l’administration publique, notamment dans le pouvoir judiciaire, les douanes et les impôts. L’expert a demandé si des membres du Parlement avaient déjà fait l’objet d’une enquête pour des faits de corruption.
Le même expert a ajouté que le Comité lui-même, dans sa liste de questions, se disait préoccupé par les possibles conflits d'intérêts de certains membres de l'Assemblée nationale et par le manque de transparence dans la gestion des ressources naturelles, en particulier par des allégations de corruption concernant la mine d'or d'Amulsar. Les déclarations de patrimoine des parlementaires sont-elles accessibles au public, a-t-il été demandé?
Un expert a ensuite relevé des progrès dans la réponse de la police face à la violence faite aux femmes et à la violence domestique. Mais l’expert a aussi constaté que la loi n'érigeait pas en infraction pénale la violence domestique qui entraîne des blessures mineures. L’expert a aussi relevé qu’il était difficile en Arménie de poursuivre en justice des faits de violence domestique, compte tenu des exigences élevées en matière de preuve. Pour ce qui est généralement des violences faites aux femmes, le faible nombre de plaintes révèle un manque de confiance des femmes dans la police et dans le système judiciaire, a-t-il été affirmé. Combien de victimes de violences familiales sont-elles prises en charge en Arménie et quand le pays envisage-t-il d’adopter la Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, a-t-il été demandé ?
La délégation arménienne a d’autre part été priée de dire quelles mesures étaient prises pour sanctionner les agents de santé qui ne respectent pas l’interdiction des avortements motivés par le sexe du fœtus. En outre, a dit un expert, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles certaines institutions de l'État et certains groupes réactionnaires harcèlent les personnes travaillant dans le domaine de la santé et des droits sexuels et procréatifs. Enfin, a regretté cet expert, le Comité a été informé d’une absence générale d'éducation sexuelle complète en Arménie.
Plus de 5% des femmes âgées de 20 à 24 ans se sont mariées avant l’âge de 18 ans ; en outre, les mariages forcés et les enlèvements de mariées ne sont pas rares en Arménie, et ces pratiques affectent principalement les femmes et les filles de la communauté yézidie, a-t-il été observé. Aussi, la délégation a-t-elle été priée d’indiquer les mesures prises par l’État pour améliorer cette situation.
Interrogée sur la mort de soldats hors de situations de combat, la délégation a notamment été priée de dire quelles mesures étaient prises pour prévenir les suicides de soldats ainsi que les bizutages.
D’autres questions des experts ont porté sur l’indépendance du pouvoir judiciaire ; sur l’incrimination des châtiments corporels dans le cadre familial ; sur la lutte contre la traite de personnes ; sur l’efficacité du Ministère de la santé dans la conduite des inspections du travail depuis que l’Inspection du travail a été supprimée ; sur la protection contre l’apatridie ; sur les mesures prises pour permettre l’accès des personnes handicapées aux bureaux de vote ; ou encore sur le respect du droit à la vie privée au regard des mesures de surveillance électronique prises dans le contexte de la lutte contre la COVID-19.
Un membre du Comité a souhaité savoir quelles étaient les institutions où sont détenus des mineurs en conflit avec la loi et s’est enquis des formations dispensées aux fonctionnaires travaillant dans le domaine de la justice pour mineurs.
Un autre membre du Comité a souligné que le Comité était préoccupé par le nombre accru de poursuites en diffamation contre des journalistes et des médias et a souhaité en savoir davantage à ce sujet, s’agissant notamment des motifs et du cadre juridique de ces poursuites.
Un expert a demandé des informations sur la situation des réfugiés et de leurs familles qui ont fui l’Azerbaïdjan pour l’Arménie entre 1988 et 1992, et de décrire les mesures prises par l’État pour améliorer leurs conditions de logement et de vie.
Réponses de la délégation
Le Ministère de la justice et d’autres institutions de l’État organisent de nombreuses activités de sensibilisation au Pacte et au système des droits de l’homme en général, à l’intention du personnel judiciaire et policier, a fait valoir la délégation arménienne.
Le projet de loi sur l’égalité est toujours en discussion, a ensuite indiqué la délégation. Les autorités ont consulté plusieurs organismes internationaux et nationaux spécialisés afin d’aligner le texte sur les normes internationales, et la notion de discrimination a été définie sur la base de ces consultations, a-t-elle expliqué. Le projet de loi interdit toute forme de discrimination, a-t-elle assuré. La Constitution contient déjà une liste non exhaustive de motifs de discrimination interdits, la discrimination envers les LGBT étant interdite implicitement, sinon explicitement, a-t-il été précisé.
Le nouveau Code pénal incrimine les appels publics à la haine, à la violence, à la discrimination ou à l’intolérance envers une ou des personnes en fonction de leur origine nationale, de leur race ou de leur religion, de leurs vues politiques ou d’autres critères non spécifiés explicitement par le texte mais dont l’identité de genre fait partie, a insisté la délégation. Quelque 35 affaires ont été portées devant les tribunaux en vertu de cette disposition du Code pénal, dont un cas impliquant un membre de la communauté LGBT, a-t-elle précisé.
Le Ministère de la justice a aussi organisé une formation à la lutte contre la discrimination dans les médias. Des recommandations et des orientations ont été données sur la manière de représenter sans stéréotypes les femmes dans les médias et dans la publicité. Cette formation sera dorénavant organisée chaque année.
La question de la représentation des femmes dans la vie politique est très importante pour l’Arménie, a poursuivi la délégation. Le quota de 30% de femmes [fixé en la matière] est dépassé, puisque 34% des élus sont des femmes, tandis que quelque 950 municipalités sont dirigées par des femmes. D’autres quotas sont appliqués dans la police : par exemple, un quota de 30% de femmes pour les nouveaux recrutements. Grâce à des campagnes de sensibilisation, les autorités veulent inciter davantage de femmes à embrasser la carrière dans les forces de l’ordre.
La délégation a expliqué que la police doit avoir un comportement « tolérant » envers les manifestants pacifiques ; elle ne peut mettre un terme au rassemblement que lorsque l’intérêt public est remis en cause. En outre, il n’est pas nécessaire d’avoir une autorisation pour manifester; une simple notification suffit – et encore, cette notification n’est pas nécessaire pour les rassemblements de moins de 100 personnes, a précisé la délégation.
Des enquêtes préliminaires ont été ouvertes s’agissant de l’ utilisation abusive de la force par la police : l’ancien Premier Ministre et d’autres personnalités sont concernés, y compris un ancien chef de la police, a fait savoir la délégation. S’agissant des événements de juin 2015, a-t-elle ajouté, 37 personnes ont été condamnées, dont un capitaine de police et vingt représentants de médias. Le Gouvernement arménien a décidé en 2020 que les familles de victimes décédées recevraient des dédommagements financiers, a fait valoir la délégation.
Les policiers reçoivent quarante heures de formation à l’utilisation des armes à feu – armes dont la loi et les règlements encadrent les conditions d’engagement, notamment au travers du principe de proportionnalité ; a poursuivi la délégation.
D’autres mécanismes ont été adoptés en 2020 pour prévenir tout acte de torture ou tout traitement dégradant : certains locaux de police, notamment des salles d’interrogatoire, sont désormais observés par des caméras vidéo, dont tous les commissariats devraient être équipés d’ici à trois ans, a par ailleurs indiqué la délégation.
S’agissant des garanties procédurales, la délégation a déclaré que toute personne privée de liberté en Arménie avait le droit d’informer la personne de son choix de son lieu de détention. En outre, toute poursuite pénale est impossible aussi longtemps que la personne incriminée ne bénéficie pas des conseils d’un avocat. Les actes de torture sont imprescriptibles, a-t-il en outre été précisé.
En un an, près de cent « décès potentiellement illicites » ont été enregistrés au sein des forces armées et dans les prisons. Les autorités sont tenues de mener des enquêtes sur tous ces cas, a indiqué la délégation.
S’agissant du système pénitentiaire, la délégation a déclaré que dans le but d’améliorer les conditions des personnes détenues, différentes mesures ont été prises, parmi lesquelles la création de nouvelles structures hospitalières au sein des établissements pénitentiaires. Certaines prisons ont été rénovées afin d’assurer une meilleure prise en charge des détenus. D’autres mesures ont été prises pour améliorer la prise en charge des cas de violences à l’encontre des détenus, a ajouté la délégation, avant de préciser que trois cas sont aujourd’hui renvoyés devant les tribunaux. Un plan (2021-2022) adopté par le Ministère de la justice vise par ailleurs à mieux appréhender et prévenir les cas de suicide en prison. Le Gouvernement arménien s’est en outre engagé à assurer l’égalité d’accès à tous les services, y compris aux soins de santé, pour les détenus handicapés, à l’intention desquels sont également mis à disposition des livres audios ou écrits en braille.
En ce qui concerne la lutte contre la corruption, la délégation a indiqué que la stratégie en la matière, pour la période 2019-2022, était notamment basée sur la prévention, qui est confiée à une commission dotée des moyens d’action nécessaires ainsi qu’à un nouveau comité spécialisé intégrant des représentants de la société civile et employant trente enquêteurs. D’autre part, le Parlement a adopté en 2021 la loi portant création d’un tribunal contre la corruption, qui vient d’être validée par la Cour constitutionnelle. L’Arménie s’est ainsi dotée d’un cadre institutionnel neuf pour mieux lutte contre la corruption, a insisté la délégation.
S’agissant de la gestion du secteur minier, a d’autre part indiqué la délégation, le Ministère de la justice a introduit des réformes de grande ampleur qui assurent que les noms des véritables gagnants des procédures d’adjudication et des propriétaires sont effectivement connus. D’autre part, une enquête est en cours sur des allégations de corruption dans le cadre de l’octroi de l’autorisation d’exploitation de la mine d'or d'Amulsar, compte tenu des risques pour l’environnement qu’elle comporte.
La délégation a ensuite indiqué qu’une unité spécialisée avait été créée au sein du Gouvernement pour renforcer la capacité de lutte contre la violence familiale. Des formations sont dispensées, dans ce contexte, par des experts internationaux et arméniens ; une autre coopération internationale porte sur l’ouverture d’abris pour les personnes victimes de violence familiale, a précisé la délégation.
Le nouveau Code pénal élargit le champ des actes de violence, a d’autre part fait valoir la délégation: sont désormais incriminées toutes les formes de recours à la force, indépendamment du dommage subi ou non, et le fait que l’acte soit commis par un proche constitue une circonstance aggravante, a-t-elle précisé. Le nouveau Code inclut aussi une définition plus large du viol et des atteintes sexuelles, a-t-elle ajouté. Sont également érigés en infractions pénales les mariages précoces et les violences domestiques et familiales. Une unité spécialisée a été créée au sein de la police pour prendre en charge les questions de violence domestique et familiale, a par ailleurs indiqué la délégation. Si un nombre croissant de femmes fait confiance aux autorités concernées [pour prendre en charge ces questions], il reste d’importants progrès à faire dans ce domaine, a reconnu la délégation. La délégation arménienne a par ailleurs déclaré que le pays envisageait d’adopter la Convention d’Istanbul, sans pour autant pouvoir fournir de calendrier précis quant au processus de ratification.
L’« avortement sélectif », motivé par le sexe du fœtus, est interdit en Arménie, a en outre déclaré la délégation, avant d’indiquer que les obstétriciens reçoivent une formation sur cette question. Parallèlement, les autorités mènent des campagnes d’information et de sensibilisation sur la santé sexuelle et procréative.
La délégation a assuré que le Plan national d’action contre la traite de personnes permettait d’enregistrer des progrès dans la lutte contre ce phénomène en Arménie. Au cours de cette année, neuf affaires en la matière ont été instruites, dont trois font l’objet d’un procès devant les tribunaux, a fait valoir la délégation, soulignant qu’il s’agit là d’un progrès puisqu’en moyenne, le nombre de cas traités les années précédentes était de deux ou trois par an. Les examens par des médecins spécialisés pour les victimes de traite sont gratuits, a par ailleurs indiqué la délégation.
S’agissant des réfugiés et des demandeurs d’asile, la délégation a indiqué que le Code pénal prévoit que les ressortissants étrangers et les apatrides qui traversent la frontière (pour pénétrer en Arménie) sans les autorisations nécessaires, doivent - au passage de cette frontière - immédiatement s’adresser aux autorités et demander l’asile. Dans ce cas-là, ils seront libérés de toute responsabilité pénale pour avoir traversé sans autorisation la frontière de l’Etat.
La délégation a par ailleurs déclaré que le 21 novembre 2019, le Gouvernement a adopté un décret visant à régler la question des logements des réfugiés qui ont fui l’Azerbaïdjan, qui étaient jusqu’alors hébergés dans un logement temporaire et qui bénéficient désormais d’un programme prioritaire destiné à leur procurer un logement définitif. En outre, un processus de naturalisation est en cours qui permet à un grand nombre de ces réfugiés d’avoir accès à la citoyenneté arménienne, a ajouté la délégation.
La Cour constitutionnelle a annulé les normes qui portaient sur la religion des fonctionnaires, a d’autre part indiqué la délégation, avant d’ajouter que les fonctionnaires sont par ailleurs sensibilisés aux questions liées à la liberté de conscience et à la liberté religieuse. Les programmes scolaires ont eux aussi été adaptés à une approche plus inclusive et globale de la question de la religion.
Il n’y a pas de statistiques sur le nombre de personnes d’ascendance africaine en Arménie ; quoi qu’il en soit, ces personnes ont les mêmes droits que l’ensemble de la population, a ensuite souligné la délégation.
La stratégie de la réforme judiciaire engagée par le pays vise à renforcer la confiance de l’opinion publique dans le système judiciaire, a par ailleurs indiqué la délégation. La nouvelle législation sur la retraite des juges de la Cour suprême, sur laquelle s’est penchée la Commission de Venise (Commission européenne pour la démocratie par le droit du Conseil de l’Europe), sera bien mise en œuvre, a par ailleurs affirmé la délégation, avant de rappeler que les juges de la Cour constitutionnelle ont néanmoins fait savoir qu’ils n’entendaient pas recourir à la procédure de retraite anticipée qui leur est proposée dans ce contexte.
La révision de 2015 de la Constitution améliore l’indépendance du système judiciaire en créant des organes constitutionnels spécialisés, comme le Conseil supérieur de la magistrature, a poursuivi la délégation. Elle a en outre reconnu qu’il y avait toujours un problème de sous-représentation des femmes au sein de la justice.
Le Conseil de la justice pour mineurs est un organe rassemblant de multiples parties prenantes qui donne des orientations de politique à suivre et se penche sur des cas très précis ; il joue un rôle très concret de conseil dans la prise en charge de mineurs en conflit avec la loi. Ce Conseil gère aussi un centre de formation et de réinsertion pour ces mineurs. Différents centres de détention pour mineurs proposent ainsi des programmes de réinsertion et de formation en vue de la réintégration des jeunes dans la société.
Les relations sexuelles avec un mineur de moins de 16 ans sont considérées comme un délit aussi grave qu’un viol et sont passibles d’une peine de 3 à 5 ans d’emprisonnement, a d’autre part indiqué la délégation. Le fait que ce délit soit commis par un proche de l’enfant est considéré comme une circonstance aggravante, a-t-elle ajouté.
Des réformes législatives sont en cours d’examen dans le domaine de la lutte contre les châtiments corporels et contre l’exploitation sexuelle des enfants, a par ailleurs informé la délégation.
Les mesures prises dans le contexte de la lutte contre la pandémie de COVID-19, notamment la collecte de données, sont légales et approuvées par le Parlement, a d’autre part déclaré la délégation. Les données collectées dans ce contexte ont été uniquement utilisées pour localiser les personnes contaminées ; il n’y a eu aucune sanction décidée sur la base de ces données, a assuré la délégation. Toutes les données collectées ont été détruites suite à la modification de la loi et à la destruction de l’outil de collecte, a-t-elle ajouté.
La délégation a assuré avoir bien conscience de ce qu’il en est de la situation des droits de l’homme dans le pays et du fait que tout n’est pas parfait. Elle a ajouté que son objectif est de présenter l’ensemble des nombreuses mesures prises par l’Arménie pour améliorer la promotion et la protection des droits de l’homme dans le pays.
Remarques de conclusion
MME GREGORYAN a remercié le Comité pour ce dialogue « passionnant, intense et dynamique ». Les droits de l’homme sont un engagement du Gouvernement vis-à-vis du peuple arménien, a-t-elle souligné, assurant que l’Arménie allait intensifier ses efforts pour améliorer la pratique dans ce domaine maintenant qu’elle dispose de l’ensemble de l’arsenal législatif pour promouvoir et protéger les droits de l’homme dans le pays.
MME PHOTINI PAZARTZIS, Présidente du Comité, a déclaré que ce dialogue avait été constructif. Elle a relevé avec satisfaction la présence d’un nombre important de femmes dans la délégation arménienne. L’objectif de ce dialogue est de voir quelles sont les améliorations possibles dans l’Etat partie, a-t-elle rappelé. Elle a félicité l’Arménie pour son abolition de la peine de mort et sa réforme constitutionnelle de 2015, entre autres.
CCPR21.011F