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Le Conseil des droits de l’homme tient une table ronde de haut niveau sur l’action multisectorielle de prévention et de lutte contre les mutilations génitales féminines
Le Conseil des droits de l’homme a tenu ce matin une table ronde de haut niveau sur l’action multisectorielle de prévention et de lutte, y compris au niveau mondial, contre les mutilations génitales féminines. À cette occasion, une des panélistes, Mme Natalia Kanem, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), a expliqué que les mutilations génitales féminines sont fondées sur une multiplicité de facteurs sociaux, culturels et économiques, sur une discrimination intersectionnelle et sur des stéréotypes sexistes négatifs.
Des déclarations liminaires ont auparavant été prononcées par Mme Michelle Bachelet, Haute-Commissaire aux droits de l’homme ; par Mme Hélène Marie Laurence Ilboudo, Ministre de la femme, de la solidarité nationale, de la famille et de l'action humanitaire du Burkina Faso, au nom de M. Roch Marc Christian Kaboré, Président du Burkina Faso ; ainsi que par Mme Anna Widegren, Directrice de End FGM European Network et modératrice du débat.
Mme Bachelet a regretté que 20 millions de filles supplémentaires risquent de ne jamais retourner à l'école secondaire en raison de la pandémie de COVID-19 alors que « nous savons tous que l'éducation secondaire réduit les mutilations génitales féminines ». Mme Ilboudo a, elle aussi, prévenu que le contexte actuel marqué par la pandémie expose davantage les filles et les femmes au risque de la pratique des mutilations génitales, surtout si la tendance actuelle de la stagnation ou de la diminution des engagements financiers en faveur de la lutte se perpétue. Mme Widegren a précisé que l’on comptait, en Europe seulement, plus de 600 000 survivantes des mutilations génitales féminines, ainsi que 190 000 autres filles et femmes qui risquent de subir cette pratique néfaste dans 17 pays de ce même continent.
Outre Mme Kanem, sont intervenus en tant que panélistes : Mme Amira Elfadil Mohammed Elfadil, Commissaire aux affaires sociales de la Commission de l’Union Africaine, ainsi que M. Bahrul Fuad, Commissaire à la Commission nationale sur les violences contre les femmes (Komnas Perempuan) d’Indonésie.
M. Elfadil a notamment attiré l’attention sur le lancement de l’Initiative Saleema de l’Union africaine sur les mutilations génitales féminines. M. Fuad a quant à lui expliqué que la pratique des mutilations génitales féminines est très répandue en Indonésie, où plus de la moitié des cas se produisent avant que la fille n’atteigne l’âge de 4 mois.
Suite à ces présentations, de nombreuses délégations* ont pris part au débat.
Ce matin, le Conseil a par ailleurs entendu la nouvelle Rapporteuse spéciale sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, Mme Tlaleng Mofokeng, présenter son premier rapport ainsi que le rapport de son prédécesseur, M. Dainius Pūras, sur la visite qu’il avait effectuée aux Fidji. Mme Mofokeng a exposé ses priorités stratégiques et sa vision pour son mandat, précisant qu’elle se concentrerait sur les thèmes prioritaires suivants : santé mondiale dans le contexte de la pandémie COVID-19 ; sexualité, violence fondée sur le genre et féminicide ; droits en matière de santé sexuelle et génésique, avec un accent sur la non-discrimination dans ce domaine ; interventions numériques et télésanté ; racisme et droit à la santé ; équité en matière de santé ; et élimination du cancer du col de l’utérus grâce à l’accès au vaccin contre le papillomavirus.
De nombreuses délégations** ont pris part au dialogue avec la Rapporteuse spéciale. Les Fidji ont fait une déclaration en tant que pays concerné.
Cet après-midi à 15 heures, le Conseil poursuivra son dialogue, entamé hier, avec le Rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable, avant d’entamer un nouveau dialogue avec le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants.
Table ronde de haut niveau sur l’action multisectorielle de prévention et de lutte, y compris au niveau mondial, contre les mutilations génitales féminines
Remarques liminaires
MME MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a d’abord indiqué que les mutilations génitales féminines constituent une grave violation des droits de l'homme qui touche les femmes et les filles partout dans le monde. Avant la COVID-19, plus de 200 millions de filles et de femmes vivant aujourd'hui avaient subi des mutilations génitales féminines et au moins quatre millions de filles étaient menacées chaque année, a-t-elle indiqué. On estime maintenant que 20 millions de filles supplémentaires risquent de ne jamais retourner à l'école secondaire – « et nous savons tous que l'éducation secondaire réduit les mutilations génitales féminines », a rappelé la Haute-Commissaire.
Des efforts ont certes été déployés pour prévenir et éliminer les mutilations génitales féminines dans de nombreux pays, comme le prévoit la cible 3 de l'Objectif de développement durable n°5. Cependant, même avant la COVID-19, les progrès pour éliminer cette pratique d'ici à 2030 étaient déjà trop lents, a souligné Mme Bachelet.
Il est besoin de stratégies innovantes et plus efficaces contre cette pratique préjudiciable, a déclaré la Haute-Commissaire. Il faut d’abord renforcer les partenariats, en donnant la priorité à une approche multipartite et multidisciplinaire impliquant, avant tout, les filles et les femmes elles-mêmes. Il faut ensuite intégrer la prévention des mutilations génitales féminines en impliquant les chefs traditionnels et religieux, et dialoguer avec les communautés pour trouver collectivement des moyens de respecter leurs valeurs, sans causer de préjudice ni bafouer les droits fondamentaux des femmes et des filles.
De bonnes pratiques sont observées dans de nombreux pays, a poursuivi la Haute-Commissaire, citant les exemples de la République-Unie de Tanzanie ou encore du Burkina Faso, dont le plan d’action réunit treize ministères, des groupes de femmes, des chefs religieux et communautaires, ainsi que des responsables de l'application des lois et des magistrats, pour superviser la mise en œuvre de la loi visant à éradiquer les mutilations génitales féminines.
La coopération internationale étant essentielle, Mme Bachelet a salué la déclaration et le plan d'action interministériels régionaux adoptés en 2019 par l'Éthiopie, le Kenya, la Somalie, la République-Unie de Tanzanie et l'Ouganda pour lutter contre les mutilations génitales féminines en Afrique de l'Est.
Mme Hélène Marie Laurence Ilboudo, Ministre de la femme, de la solidarité nationale, de la famille et de l'action humanitaire du Burkina Faso , au nom de M. Roch Marc Christian Kaboré, Président du Burkina Faso, a souligné que les mutilations génitales féminines (MGF) violent les droits humains fondamentaux des femmes et des filles car elles les privent de leur intégrité physique et mentale, de leurs droits sexuels et reproductifs, de leur droit à une autonomie corporelle, de leur droit à une existence exempte de violences et de discrimination, et dans le pire des cas, de leur droit à la vie.
Pour accélérer la fin de cette pratique néfaste, l’Assemblée générale du Conseil des droits de l’homme a adopté en juillet 2020, sous le leadership du Burkina Faso, la résolution 44/16 intitulée « Prévention, riposte globale et multisectorialité des mutilations génitales féminines », qui consacre la nécessité de l’interdiction mondiale de ces mutilations en ce qu’elles constituent une grave violation des droits des femmes, a rappelé la Ministre.
La Ministre a poursuivi en déclarant que malgré les avancées encourageantes, il est important de souligner que selon l’OMS, plus de 200 millions de femmes et de jeunes filles ont malheureusement déjà subi des mutilations génitales, et plus de 50 millions de filles de moins de 15 ans risquent d’être soumises à cette pratique préjudiciable et irréversible d'ici 2030 si la communauté internationale n’agit pas fortement aujourd'hui. Il est donc plus que nécessaire d’agir avec détermination à tous les niveaux, et en parfaite synergie d’actions, pour mettre fin aux mutilations génitales féminines afin d’atteindre l’objectif de la tolérance zéro d’ici à 2030.
Le contexte actuel marqué par la pandémie de la COVID-19 expose davantage les filles et les femmes au risque de la pratique des mutilations génitales, surtout si la tendance actuelle de la stagnation ou de la diminution des engagements financiers en faveur de la lutte se perpétue.
C’est pourquoi Mme Ilboudo a invité l’ensemble des Etats à faire de la lutte contre les mutilations génitales féminines une préoccupation majeure et plus particulièrement en inscrivant les actions de lutte contre ces pratiques au rang de priorités dans les projets et programmes nationaux de développement.
Enfin, Mme Ilboudo a lancé un appel solennel à l’ensemble des acteurs que sont les États, les dirigeants, les partenaires techniques et financiers, ainsi que les acteurs du monde communautaire, afin qu’ils se conforment aux prescriptions de la résolution 44/16 adoptée par la Conseil des droits de l’homme le 17 juillet 2020, en s’engageant dans la mobilisation de ressources financières suffisantes, en les affectant à la prévention et à l’élimination des mutilations génitales féminines et en prenant des initiatives globales interorganisationnelles visant à promouvoir la participation des personnes concernées en synergie d’actions coordonnées et complémentaires pour atteindre l’objectif de tolérance zéro face aux MGF d’ici 2030.
Modératrice du débat, MME ANNA WIDEGREN, Directrice de End FGM European Network, a précisé que l’on comptait, en Europe seulement, plus de 600 000 survivantes des mutilations génitales féminines, ainsi que 190 000 autres filles et femmes qui risquent de subir cette pratique néfaste dans 17 pays de ce même continent. Ces chiffres s'ajoutent aux quelque 200 millions de femmes et de filles touchées par les MGF dans plus de 90 pays, a-t-elle souligné.
Mme Widegren a insisté sur l’importance d’harmoniser les politiques nationales afin de garantir une approche globale des mutilations génitales féminines dans tous les États européens. Elle a indiqué que, dans l’expérience du réseau qu’elle dirige, l’élimination des mutilations génitales féminines et le soutien aux survivantes passent par la création de plates-formes pour coordonner le travail entre les organismes gouvernementaux, la société civile, les professionnels et, surtout, les communautés touchées.
Également nécessaire, l’adoption de politiques intégrées de lutte contre la violence fondée sur le genre découle du quatrième pilier de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul), a ajouté Mme Widegren.
Exposés des panélistes
MME NATALIA KANEM, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), a d’abord remercié – au nom du Programme conjoint FNUAP/UNICEF pour l'élimination des mutilations génitales féminines – le Burkina Faso et le Groupe africain d’avoir présenté la résolution 44/16 (2020) du Conseil sur l'élimination des mutilations génitales féminines (MGF), un texte qui aborde les MGF comme une violation des droits humains et une forme de violence sexiste.
On constate des progrès, même inégaux, dans le déclin général des mutilations génitales féminines en Afrique, surtout au Burkina Faso, en Égypte, en Éthiopie, au Kenya, au Libéria, en République-Unie de Tanzanie et au Togo, a observé Mme Kanem. Malgré cela, le nombre absolu de filles à risque continue d'augmenter avec la croissance démographique, a-t-elle souligné. De plus, la pandémie de COVID-19 entraînant la fermeture des écoles et l'interruption des programmes, 2 millions de cas supplémentaires de mutilations génitales féminines pourraient se produire au cours de la prochaine décennie, a mis en garde la Directrice exécutive du FNUAP.
Les mutilations génitales féminines sont fondées sur une multiplicité de facteurs sociaux, culturels et économiques, sur une discrimination intersectionnelle et sur des stéréotypes sexistes négatifs, a poursuivi Mme Kanem. Pour s'attaquer à cet ensemble de problèmes, il faut que la volonté politique se traduise par une réponse multisectorielle qui rassemble l'ensemble du gouvernement et de la société. Il faut également renforcer les mécanismes de reddition de comptes à tous les niveaux. Les investissements dans ces domaines portent leurs fruits, a constaté avec satisfaction Mme Kanem.
Pourtant, pour mettre fin à cette pratique profondément enracinée, il faut bien plus que l'application de la loi, a ajouté la Directrice exécutive. Il faut un effort concerté pour mobiliser les acteurs de l'éducation, de la santé, de la protection sociale, de la justice, de l'information publique, de la planification du développement, des finances, de l'égalité des sexes et d'autres secteurs. À cet égard, a indiqué Mme Kanem, le renforcement des acteurs sociaux en tant qu'agents de changement est une priorité fondamentale pour le FNUAP.
MME AMIRA ELFADIL MOHAMMED ELFADIL, Commissaire aux affaires sociales de la Commission de l’Union africaine, a indiqué que l’élimination des mutilations génitales féminines demeure un domaine d’activité important pour la Commission qui, en 2019, a lancé l’Initiative Saleema de l’Union africaine sur les mutilations génitales féminines pour la mobilisation des ressources continentales, l’action, le suivi, l’établissement de rapports et la responsabilisation.
La décision 737 de 2019 de l’Assemblée de l’Union africaine a demandé à la Commission de mettre en œuvre un cadre de responsabilisation en matière de pratiques nuisibles, facilitant ainsi le suivi et la communication d’informations à grande échelle, a ensuite rappelé Mme Elfadil. La Commission élabore actuellement ces orientations techniques et juridiques importantes à l’intention des États membres.
Mme Elfadil a dès lors appelé tous les États membres de l’Union africaine à renforcer l’établissement de rapports et à se montrer responsables devant les organes régionaux des droits de l’homme, ainsi qu’à respecter les normes et pratiques convenues, en fournissant des informations, preuves à l’appui, sur les progrès réalisés dans les pays et les communautés les plus touchés par les MGF.
M. Bahrul Fuad, Commissaire à la Commission nationale sur la violence à l’égard des femmes (Komnas Perempuan) de l’Indonésie, a indiqué que la pratique des mutilations génitales féminines est très répandue en Indonésie, plus de la moitié des cas se produisant avant que la fille n’atteigne l’âge de 4 mois. Les MGF sont considérées comme une exigence religieuse et un rite de passage, a-t-il expliqué, avant d’ajouter que la médicalisation (de cette pratique) a entraîné des dommages plus importants pour les filles en raison de l’utilisation de techniques chirurgicales plus invasives.
La Commission nationale sur la violence à l’égard des femmes a été fondée en 1998 en tant qu’institution indépendante chargée de défendre les droits des femmes et des filles en Indonésie conformément aux critères généraux énoncés dans les Principes de Paris, a poursuivi M. Fuad. Les études de la Commission ont été parmi les premières à mettre en évidence l’impact dévastateur des MGF sur les filles en Indonésie, a-t-il souligné, faisant état d’une étude qui atteste que les filles ont subi un traumatisme prolongé suite à l’expérience des MGF. En réponse aux conclusions de ces études, a-t-il indiqué, la Commission a établi un dialogue et des partenariats stratégiques avec les chefs religieux et traditionnels et a renforcé les capacités des ministères pour leur permettre de mieux comprendre quels sont les moteurs des pratiques de MGF. La Commission a également mis en place un consortium de plaidoyer composé de chefs religieux, d’universitaires et d’organisations de la société civile, suite à quoi le Ministère de l’autonomisation des femmes et de la protection de l’enfance a élaboré des directives de plaidoyer pour l’élimination des MGF ciblant les jeunes, les chefs religieux et les familles en Indonésie, a indiqué M. Fuad.
Aperçu du débat
Comme toutes les autres pratiques préjudiciables, les mutilations génitales féminines constituent une violation des droits humains et une forme de violence à l’égard des femmes et des filles, a-t-il été souligné. Ces pratiques préjudiciables, principalement motivées par l’inégalité entre les sexes et par des normes sociales discriminatoires, compromettent l’exercice des droits humains des femmes et des filles et de leurs libertés fondamentales.
Plusieurs initiatives régionales africaines de lutte contre les mutilations génitales féminines ont été évoquées ce matin, notamment la priorité 6.1.2 de l'Agenda 2063 de l’Union africaine ; l’adoption du cadre de redevabilité de « l’Initiative Saleema » ; l'appel à l'action de Ouagadougou de 2019 ; et l'appel à l'action du Caire de 2019 pour l'élimination du mariage des enfants et des MGF en Afrique.
Malgré les efforts, la pratique des mutilation génitales féminines persiste dans toutes les régions du monde, notamment dans le contexte de la pandémie de la COVID-19 qui risque de compromettre la mobilisation mondiale et qui pourrait entraîner deux millions de cas supplémentaires de mutilations génitales féminines d'ici à 2030, a-t-il été relevé.
Une organisation non gouvernementale (ONG) a souligné que le problème était d’autant plus difficile à résoudre que les auteurs de MGF sont souvent des mères, des grands-mères ou d'autres membres aimants de l’entourage familial. Une délégation a préconisé une approche communicative sur les conséquences néfastes de cette pratique, en tant que catalyseur de campagnes de sensibilisation destinées aux communautés se livrant à cette pratique et qui font preuve de résistance socioculturelle. Un autre intervenant a affirmé qu’il fallait informer les filles de leur droit de décider de ce qui arrive à leur corps, et informer les garçons quant aux implications des mutilations génitales sur la santé et le bien-être des filles et des femmes.
Toutefois, la sensibilisation aux conséquences néfastes des MGF sur la santé ne suffira pas à mettre fin à cette pratique, a insisté un groupe de pays. De plus, si cette sensibilisation se fait de manière maladroite, elle risque de favoriser la médicalisation des MGF, tant du côté de la demande que de l'offre. Or, rien ne prouve que la médicalisation des MGF réduise les complications immédiates ou à long terme associées à cette pratique – sans compter que la médicalisation constitue elle-même un obstacle à l’élimination des MGF, a-t-il été relevé.
Contre la médicalisation des MGF, il a été recommandé, entre autres mesures, d’intégrer des enseignements sur la prévention des MGF et la gestion de leurs complications dans les programmes d'éducation et de formation ; il a également été recommandé de créer des réseaux entre les associations professionnelles, les syndicats de prestataires de services de santé et les chefs religieux pour faire comprendre que les MGF ne sont pas une pratique religieuse. La criminalisation de toutes les formes d'incitation aux MGF a aussi été préconisée.
Il a également été jugé nécessaire d'agir sur les causes systémiques et structurelles des MGF, tout en impliquant les autorités nationales, la société civile et les acteurs locaux dans les stratégies de prévention et de réponse. La fourniture de services de santé adéquats, notamment en matière de santé mentale, sexuelle et reproductive, ainsi que la formation des professionnels de la santé ont été considérées comme très importantes.
Enfin, a été recommandée l’adoption de stratégies de prévention traitant des normes sociales, des rôles et des stéréotypes liés au genre, ainsi que des relations de pouvoir inégales entre les hommes et les femmes et de la discrimination à l'égard des femmes et des filles.
*Ont participé au débat : Ghana, Égypte, Portugal (au nom d’un groupe de pays), Cameroun (au nom du Groupe africain), Égypte (au nom d’un groupe de 134 pays), Norvège (au nom des pays baltes et nordiques), Égypte (au nom du Groupe arabe), Belgique (au nom des pays francophones), Union européenne, Mauritanie, Iraq, Angola, Fédération internationale pour la planification familiale, Defense for Children International, Arrow, Sénégal, Italie, Kenya, Afrique du Sud, Autriche, Soudan, ONU Femmes, Niger, République-Unie de Tanzanie, Monaco, Suisse, Namibie, Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme et Genève pour les droits de l’homme.
Remarques de conclusion
Mme Monica Ferro, Directrice du Bureau du FNUAP à Genève, a déclaré que les normes sociales pouvaient être déconstruites et que, pour cela, il fallait aller à la rencontre des leaders religieux. Il faut travailler ensemble dans ce domaine, y compris avec le secteur de la santé et toutes les parties prenantes. Depuis 20 ans, de nombreux pays ont adopté des lois qui répriment les MGF et découragent ces pratiques, s’est réjouie Mme Ferro. Mais les lois ne suffisent pas, il faut une collaboration intersectorielle entre ministères et départements pour les appliquer sur le terrain. Les normes sociales ne changeront que si cela est encouragé de l’intérieur de la société. Il faut ajouter la reddition de comptes à la protection juridique, à l’instar de ce qu’a prévu l’Union africaine, a ajouté Mme Ferro.
M. Fuad a rappelé qu’en Indonésie, la Commission nationale sur la violence à l’égard des femmes, dont il est membre, collabore avec différents secteurs, les ministères s’étant notamment dotés d’un comité pluridisciplinaire qui a mis en place un module d’éducation aux questions liées aux MGF dans les écoles. La solution à ces questions passe par un effort multisectoriel, a-t-il conclu.
MME SORAYA ADDI, représentante de l’Union Africaine, a expliqué qu’il existait différents programmes au sein de l’Union africaine pour lutter contre les MGF. L’ensemble de ces programmes s’inscrit dans le cadre de partenariats visant à mobiliser les différents acteurs sur ces questions. Les ambassadeurs du programme « Saleema » sont des jeunes âgés de 18 à 35 ans qui représentent l’ensemble de la société africaine et qui jettent des ponts avec l’Union africaine en recueillant les bonnes pratiques en matière de lutte contre les MGF.
Dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible
Le Conseil est saisi du rapport de la nouvelle Rapporteuse spéciale sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible (A/HRC/47/28 et Add.1 relatif à la visite aux Fidji effectuée par le précédent titulaire du mandat).
Présentation du rapport
MME TLALENG MOFOKENG, nouvelle Rapporteuse spéciale sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, a d’abord présenté le rapport rendant compte de la visite effectuée aux Fidji par le précédent titulaire du mandat, M. Dainius Pūras, fin 2019. Dans son rapport, l’ancien Rapporteur spécial constate que les Fidji ont une forte volonté politique de réaliser le droit à la santé, qu'elles ont modernisé leurs soins ambulatoires et hospitaliers, investi dans les infrastructures, augmenté les salaires des médecins et lancé des partenariats public-privé dans le secteur de la santé.
Les Fidji s'efforcent également d'accroître leurs capacités en matière de santé maternelle, constate l’ancien Rapporteur spécial. En l’état, les avortements non médicalisés sont une cause majeure de mortalité et de morbidité maternelles, tout comme les cancers du sein et du col de l'utérus. La violence à l'égard des femmes, des filles et des personnes LGBTIQ est élevée dans l’archipel, relève en outre M. Pūras. Les appels à l'abrogation des lois criminalisant les travailleurs du sexe n'ont pas abouti, note-t-il par ailleurs. Des efforts supplémentaires devront également être déployés en matière de soins de santé pour le diabète – une personne sur trois étant diabétique aux Fidji – et pour améliorer les installations de soins de santé.
Présentant ensuite son propre rapport, Mme Mofokeng a indiqué qu’il expose ses priorités stratégiques et sa vision pour son mandat. À travers le prisme de l'intersectionnalité, la Rapporteuse spéciale entend aborder la manière dont les oppressions et les discriminations multiples se croisent et déterminent la jouissance du droit à la santé.
La Rapporteuse spéciale examinera en particulier comment le racisme et la « colonialité » affectent la jouissance du droit à la santé – la « colonialité » étant comprise comme l'héritage vivant du colonialisme dans les ordres sociaux et les systèmes de connaissances qui ont créé des hiérarchies raciales, favorisant une discrimination sociale qui a survécu au colonialisme formel. En tant que femme noire ayant grandi à l'époque de l'apartheid en Afrique du Sud, l’experte a indiqué qu’elle s'efforcerait de s’acquitter de son mandat en appliquant les principes d'anticolonialisme, d'antiracisme et de non-discrimination dans son approche du droit à la santé.
Au cours de son mandat, Mme Mofokeng se concentrera sur les thèmes prioritaires suivants : santé mondiale dans le contexte de la pandémie de COVID-19 ; sexualité, violence fondée sur le genre et féminicide ; droits en matière de santé sexuelle et génésique, avec un accent sur la non-discrimination dans ce domaine ; interventions numériques et télésanté ; racisme et droit à la santé ; équité en matière de santé ; et élimination du cancer du col de l’utérus grâce à l’accès au vaccin contre le papillomavirus.
Face à la pandémie de COVID-19, les pays riches bénéficient d'un accès préférentiel aux vaccins, les populations du Sud étant laissées pour compte, a d’autre part regretté l’experte. Elle a appelé les acteurs de la santé au niveau mondial à approuver des dérogations temporaires aux droits de propriété intellectuelle pour permettre aux pays à revenus faibles ou intermédiaires d'accéder aux connaissances scientifiques et aux vaccins.
Pays concerné
Les Fidji se sont félicitées des recommandations du précédent Rapporteur spécial et ont rappelé que le pays possède dans sa Constitution un chapitre solide et progressiste qui reconnaît le droit à la santé pour tous les Fidjiens. Les Fidji poursuivent en outre la réforme des systèmes de financement de la santé dans le cadre de leur engagement en faveur de la couverture sanitaire universelle pour tous les Fidjiens.
Sept des dix premiers pays ayant les taux de diabète les plus élevés au monde se trouvent dans le Pacifique, a poursuivi la délégation fidjienne, précisant que le diabète représente 22% de tous les décès liés aux maladies non transmissibles aux Fidji. Le cancer reste l’une des maladies non transmissibles les plus répandues aux Fidji, comme dans le monde, a en outre rappelé la délégation, faisant état de nouvelles initiatives prises dans ce domaine, comme la création de bases de données statistiques ou le développement d’installations pour le dépistage et les traitements.
La pandémie de COVID-19 a exacerbé les inégalités existantes et les défis socioéconomiques, a poursuivi la délégation. Les petits États insulaires en développement sont entrés dans la pandémie de COVID-19 avec des systèmes de santé affaiblis par la lutte persistante contre la crise sanitaire induite par le changement climatique, a-t-elle rappelé. Les Fidji prennent des mesures proactives pour faire face au changement climatique, lequel a un impact sur le droit de tous les Fidjiens de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, a conclu la délégation.
Aperçu du débat
La réalisation du droit à la santé physique et mentale est directement liée à la réalisation des autres droits de l'homme, a fait observer un groupe de pays. Lorsqu’on se fixe pour objectif de « ne laisser personne de côté », il faut comprendre que le point de départ n'est pas le même pour tous : aussi, l'égalité réelle en matière de santé devrait-elle être une priorité pour tous les États. La pandémie de COVID-19 nous a appris que l'inégalité est l'ennemi de la santé publique, a-t-il été observé. Dans le contexte d'une pandémie, cela signifie également que l'accès aux vaccins et aux produits médicaux ne doit pas être le privilège de quelques pays.
La violence à l'égard des femmes étant un problème de santé mondial, une délégation s’est félicitée qu'il s'agisse d'une question considérée comme prioritaire dans le cadre du mandat de la Rapporteuse spéciale.
Une délégation a souligné que la capacité de toutes les femmes et filles à prendre des décisions concernant leur santé sexuelle et génésique et à avoir accès aux informations dont elles ont besoin pour prendre des décisions saines joue un rôle essentiel dans la pleine et égale jouissance de tous les droits de l'homme. La Rapporteuse spéciale a été priée de dire si, en examinant ces questions, elle entendait intégrer non seulement l'autonomie individuelle mais aussi les approches centrées sur la famille, qui sont importantes pour de nombreux États.
D’autres intervenants se sont dits heureux d'apprendre que, dans le cadre de son travail, la Rapporteuse spéciale examinerait l'impact du racisme sur le droit à la santé, avec une attention particulière accordée aux groupes vulnérables.
Un groupe d’États a dit attendre avec intérêt les recommandations de la Rapporteuse spéciale sur la manière d’ouvrir l’accès aux diagnostics, traitements, médicaments et vaccins – conditions de la réalisation du droit à la santé.
Plusieurs intervenants ont appelé à un renouvellement des efforts en vue de la couverture sanitaire universelle. Des pays ont fait part des mesures qu’ils ont prises pour donner effet au droit à la santé, y compris en introduisant des systèmes d’assurance maladie et en soutenant la recherche sur la santé des personnes transgenres et intersexes.
Il a été dit que la Rapporteuse spéciale devait utiliser les ressources à sa disposition pour traiter de préoccupations universelles et ayant un rapport direct avec la santé, et qu’elle devait en outre employer la terminologie reconnue par les Nations Unies.
Mme Mofokeng a en outre été priée de traiter également de la santé mentale.
**Ont participé au débat : Paraguay (au nom d’un groupe de pays), Estonie (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Brésil (au nom d’un groupe de pays), Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), France, Cuba, Viet Nam, Équateur, Indonésie, Libye, Portugal, Ordre souverain de Malte, Chine, République de Corée, Costa Rica, Émirats arabes unis, Sénégal, Bahreïn, Iraq, Arménie, Togo, Syrie et Burkina Faso.
Ce dialogue reprendra demain matin à 10 heures.
HRC21.067F