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Comité des disparitions forcées : la définition de la disparition forcée figurant dans la législation pénale suisse n’est pas entièrement conforme à celle de la Convention

Compte rendu de séance

 

La définition de la disparition forcée qui figure dans la législation pénale suisse n’est pas entièrement conforme à celle figurant à l’article 2 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et devrait sans doute être modifiée. C’est ce qu’a estimé M. Olivier de Frouville, l’un des deux corapporteurs du Comité des disparitions forcées chargés d’examiner le rapport initial de la Suisse, alors que le Comité se penchait cette semaine sur les mesures prises par le pays en application de la Convention.

La définition qui est donnée par l’article 2 de la Convention est à la base de tout le système érigé par la Convention, a alors tenu à souligner le Président du Comité, M. Mohammed Ayat.

L’autre corapporteur désigné par le Comité pour examiner plus avant le rapport suisse, M. Moncef Baati, a estimé que la peine (minimale) d’un an que la loi suisse prévoit pour sanctionner la disparition forcée ne semblait pas proportionnée à la gravité de ce crime. Il a en outre fait part de préoccupations s’agissant de la procédure d’asile en Suisse, laquelle, a-t-il estimé, ne fournit pas toujours une protection suffisante et a conduit la Suisse à renvoyer des personnes vers leurs pays d’origine sans suffisamment vérifier les risques auxquels elles pouvaient y être exposées.

M. de Frouville s’est pour sa part notamment demandé pourquoi la Suisse avait choisi de soumettre à la juridiction militaire certaines infractions de disparition forcée – une chose que certains États parties excluent explicitement et que le Comité déconseille.

Présentant le rapport de son pays, Mme Corinne Cicéron Bühler, Directrice de la Direction du droit international public au Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse, a indiqué que l’application de la Convention en Suisse reposait, en particulier, sur un réseau décentralisé entre la Confédération et les cantons, réseau chargé d’assurer la recherche de personnes potentiellement victimes de disparition forcée.

Ainsi, en cas de soupçon, une demande d’information est déposée par une personne sans nouvelle d’un proche. Le cas échéant, l’office fédéral concerné contacte immédiatement les services cantonaux de coordination et fixe un délai de réponse maximum de six jours ouvrés pour la recherche au sein du réseau. Les services et personnes désignés dans le cadre du réseau ont un accès illimité aux lieux de détention et à tout endroit où il y aurait des raisons de supposer que se trouve une personne disparue, a précisé Mme Cicéron Bühler.

La cheffe de la délégation suisse a aussi indiqué que les proches des personnes victimes de disparition forcée sont considérés comme des victimes de ce crime, ce qui leur permet de bénéficier des droits procéduraux résultant de ce statut.

Sur le plan législatif, le crime de disparition forcée a été ajouté dans le code pénal suisse, la disparition forcée se poursuivant d’office. Mme Cicéron Bühler a ajouté qu’en l’état actuel des statistiques, aucun cas de disparition forcée au sens de la Convention n’avait été signalé en Suisse, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau cantonal.

M. de Frouville a salué le pragmatisme de la Suisse et estimé que le réseau décrit par la cheffe de la délégation était une solution originale qui pourrait servir de modèle pour d’autres pays fédéraux. Cependant, a regretté l’expert, le délai de réponse imparti aux cantons pour donner suite à une demande de recherche de personne est trop long : la norme devrait être de 24 heures, avec des modalités de prolongation en cas de nécessité, a-t-il recommandé.

Outre Mme Cicéron Bühler, la délégation suisse était composée de nombreux représentants de la Direction du droit international public (du DFAE), de l’Office fédéral de la justice, de l’Office fédéral de la police, du Secrétariat d’État aux migrations, de la justice militaire, du Ministère public de la Confédération et de la Mission permanente de la Suisse auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que d’un représentant de la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police.

Ont été particulièrement abordées durant le dialogue les questions liées à la définition et à la sanction du crime de disparition forcée, au fonctionnement du réseau de recherche, aux procédures d’asile et d’extradition et aux adoptions illégales (en Suisse) dans les années 1980 d’enfants venant de Sri Lanka.

 

Le Comité examinera, à partir de lundi prochain à 16 heures, le rapport complémentaire de la Colombie sur les mesures adoptées par le pays entre 2016 et 2019 pour appliquer les dispositions de la Convention.

 

Présentation du rapport

Le Comité était saisi du rapport initial de la Suisse (CED/C/CHE/1) ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter soumise par le Comité.

Présentant ce rapport, MME CORINNE CICÉRON BÜHLER, Directrice de la Direction du droit international public au Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse, a indiqué que l’application de la Convention en Suisse repose sur quatre piliers fondamentaux. Le premier pilier est celui des mesures légales prises explicitement en droit interne afin de mettre en œuvre la Convention. Ainsi, deux nouveaux textes législatifs sont entrés en vigueur en même temps que la Convention : la loi fédérale du 18 décembre 2015 relative à la Convention, ainsi que l’ordonnance du Conseil fédéral y relative. La loi fédérale règle la mise en œuvre de la Convention, notamment en définissant la notion de disparition forcée, en régissant l’obligation de tenir des dossiers ou encore en instituant un réseau d’échange d’information entre la Confédération et les cantons.

Toujours sur le plan législatif, le crime de disparition forcée a été ajouté dans le Code pénal suisse. Les nouvelles dispositions assurent, notamment, que les individus privés de liberté par l’État continuent de bénéficier (…) des garanties de procédure. En Suisse, l’infraction de disparition forcée se poursuit d’office, a précisé Mme Cicéron Bühler, avant d’ajouter qu’en l’état actuel des statistiques, aucun cas de disparition forcée au sens de la Convention n’avait été signalé dans le pays, que ce soit au niveau fédéral ou cantonal.

Le deuxième pilier répond à l’objectif de protection que poursuit la Convention, a poursuivi Mme Cicéron Bühler. À cet égard, la Suisse a créé un réseau décentralisé entre la Confédération et les cantons afin d’assurer la recherche de personnes potentiellement victimes de disparition forcée. En cas de soupçon, une demande d’information doit être déposée par une personne sans nouvelle d’un proche. Le cas échéant, l’office fédéral concerné contacte immédiatement les services cantonaux de coordination et fixe un délai de réponse maximum de six jours ouvrés pour la recherche au sein du réseau. Les services cantonaux vérifient alors dans les registres cantonaux ou en se renseignant directement auprès des autorités compétentes si la personne recherchée se trouve dans une institution.

À ce jour, sept demandes concernant une éventuelle disparition forcée ont été déposées par des proches via le réseau, a indiqué Mme Cicéron Bühler. Mais aucune de ces demandes ne remplissaient les conditions requises pour lancer une recherche au sein du réseau, a-t-elle précisé.

Le troisième pilier de l’application de la Convention en Suisse concerne l’accès aux lieux de privation de liberté, a complété Mme Cicéron Bühler. Pour effectuer des contrôles, certaines organisations – notamment la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) et le Sous-Comité des Nations Unies pour la prévention de la torture – peuvent accéder aux établissements de privation de liberté spontanément et sans préavis en vertu du droit fédéral. Quant aux services et personnes désignés dans le cadre du réseau déjà mentionné, ils ont un accès illimité aux lieux de détention et à tout endroit où il y aurait des raisons de supposer que se trouve une personne disparue, a fait savoir Mme Cicéron Bühler.

Le quatrième pilier est celui de la protection et des droits des victimes, a poursuivi la cheffe de la délégation suisse. Les proches sont aussi considérés comme des victimes de ce crime (de disparition forcée), ce qui leur permet de bénéficier des droits procéduraux résultant de ce statut. L’aide aux victimes d’une infraction de disparition forcée est régie par la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions (LAVI). Les prestations prévues par la loi suisse comprennent notamment des conseils et du soutien en matière médicale, juridique et psychologique, ainsi que le versement d’une éventuelle indemnisation ou réparation morale, a précisé Mme Cicéron Bühler. Le site Web des cantons destiné à fournir aux victimes des renseignements importants sur les prestations de soutien a été entièrement refait en mai 2019. En outre, un nouveau guide relatif à la fixation du montant de la réparation morale au sens de la loi a été publié en octobre 2019 ; pour la première fois, des fourchettes de montants ont été fixées pour les atteintes à l’intégrité psychique. Ces démarches ont permis d’apporter des améliorations pour les victimes, a souligné Mme Cicéron Bühler.

Enfin, sur le plan international, la Suisse lancera prochainement une collaboration dans le domaine de la lutte contre les disparitions forcées avec le Mexique, a indiqué la cheffe de la délégation. L’objectif consiste à renforcer les capacités mexicaines de recherche des personnes disparues, ce qui devrait se traduire par une augmentation du nombre de personnes identifiées et du nombre de responsables poursuivis en justice, a-t-elle déclaré.

Questions et observations des membres du Comité

M. MONCEF BAATI, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la Suisse, a souligné l’importance de ce premier dialogue avec la Suisse, qui constitue la base de la relation de coopération de l’État partie avec le Comité. Il a salué la reconnaissance par la Suisse de la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications (plaintes individuelles) et s’est en outre réjoui du lancement d’un processus de collaboration avec le Mexique [mentionné par la cheffe de la délégation suisse à la fin de sa déclaration de présentation du rapport].

L’expert a voulu savoir si la création annoncée d’une institution nationale des droits de l’homme en Suisse avait abouti. Il s’est ensuite interrogé sur la finalité de la double définition, administrative et pénale, de la disparition forcée en Suisse.

Relevant que la loi suisse permet de sanctionner la disparition forcée d’une peine d’un an de prison, M. Baati a estimé que cette peine ne semblait pas proportionnée à la gravité de ce crime.

M. Baati a par la suite fait remarquer que la Convention ne figurait pas dans la liste (remise par la Suisse) des instruments internationaux qui, comme la Convention contre la torture, font l’objet d’un enseignement pour les membres de l’armée suisse.

Le corapporteur a également fait part de préoccupations s’agissant de la procédure d’asile en Suisse, laquelle, a-t-il estimé, ne fournit pas toujours une protection suffisante et a conduit la Suisse à renvoyer des personnes vers leurs pays d’origine sans suffisamment vérifier les risques auxquels elles pouvaient y être exposées.

Le même expert a insisté sur la très grande importance qu’il y a à examiner sans délai tout signalement de disparition forcée et à s’assurer que nul n’est détenu de manière secrète.

M. Baati s'est enquis du processus par lequel les victimes pouvaient demander réparation, y compris morale. 

M. OLIVIER DE FROUVILLE, corapporteur pour l’examen du rapport de la Suisse, a dit apprécier l’engagement de la Suisse dans l’application de la Convention, dont témoignent l’adoption d’une loi et d’une ordonnance, ainsi que des modifications apportées sur les plans juridique et institutionnel. Il a aussi salué le pragmatisme de la Suisse et sa volonté de trouver des solutions pratiques et opérationnelles.

L’expert a demandé si l’institution nationale des droits de l’homme qu’il est prévu de créer aurait des compétences en matière de traitement de plaintes individuelles ainsi qu’en matière de surveillance du respect des droits de l’homme par les institutions (du pays) ; le fait que la Commission de politique extérieure du Conseil des États [chambre haute du Parlement] ait par exemple recommandé que l’institution (nationale des droits de l’homme) ne devait pas assumer de tâches de surveillance, suscite la préoccupation du Comité, a indiqué le corapporteur.

M. de Frouville a regretté que, d’une manière générale, la définition claire de la disparition forcée figurant à l’article 2 de la Convention fasse trop souvent l’objet de distorsions et de modifications au moment de sa transcription dans le droit national – y compris dans le cas de la Suisse dans le droit pénal militaire. En l’état, la définition de la disparition forcée figurant dans la loi pénale suisse n’est pas entièrement conforme à la Convention et devrait sans doute être modifiée, a-t-il estimé.

Il apparaît, en outre, que le droit suisse prévoit la responsabilité du supérieur hiérarchique militaire, y compris lorsque la disparition forcée n’est pas un crime contre l’humanité. En revanche, il n’y a pas de responsabilité prévue pour des supérieurs non militaires lorsque la disparition forcée n’est pas un crime contre l’humanité, a relevé M. de Frouville.

Le corapporteur a lui aussi insisté sur l’importance de sanctionner la disparition forcée d’une façon proportionnée à la gravité de ce crime.

M. de Frouville a par la suite demandé si d’autres institutions que l’institution nationale de droits de l’homme auraient un mandat de surveillance du respect des droits de l’homme par les autorités. Il s’est en outre demandé pourquoi la Suisse a choisi de soumettre à la juridiction militaire certaines infractions de disparition forcée, une chose que certains États parties excluent explicitement et que le Comité déconseille.

S’agissant de la procédure de recherche en cas de signalement d’une disparition forcée, le corapporteur a par ailleurs observé que la Suisse ne dispose pas de registre centralisé, mais a plutôt créé le réseau décrit par la cheffe de la délégation – une solution qui, selon lui, est originale, appropriée à la Suisse et pourrait servir de modèle pour d’autres pays fédéraux. Cependant, a regretté M. de Frouville, le délai de réponse imparti aux cantons pour donner suite à une demande de recherche de personne – à savoir six jours – est trop long : la norme devrait être de 24 heures, avec des modalités de prolongation en cas de nécessité, a recommandé M. de Frouville. Il a voulu savoir si les membres du réseau peuvent eux-mêmes actionner des mesures de contrainte, y compris des perquisitions pour accéder à des lieux privés où pourraient être retenues des victimes de disparition forcée.

M. de Frouville a aussi fait part de l’inquiétude du Comité face à la disparition de nombreux migrants mineurs non accompagnés hébergés dans des centres d’accueil en Suisse.

Le corapporteur a par ailleurs fait observer que la Commission nationale de prévention de la torture estimait elle-même ne pas disposer des ressources nécessaires pour remplir sa mission. Aussi, a-t-il voulu savoir si cette Commission pourrait être rattachée à l’institution nationale de droits de l’homme qu’il est prévu de créer en Suisse.

M. de Frouville a en outre regretté qu’une victime de disparition forcée à l’étranger ne puisse pas bénéficier des prestations au titre de la Loi sur l’aide aux victimes (LAVI).

Outre ces interventions des deux corapporteurs, les experts du Comité se sont longuement interrogés sur la définition de la disparition forcée qui figure dans le Code pénal suisse [art. 185 bis], notamment l’expression : « est puni d’une peine privative de liberté d’un an au moins quiconque, dans l’intention de soustraire une personne à la protection de la loi pendant une période prolongée (…) ». M. Baati a estimé que la mention d’une « période prolongée » dans cette définition pourrait être source de questionnement. M. de Frouville a quant à lui insisté sur la gravité de toute soustraction d’une personne à la protection de la loi, qu’elle qu’en soit la durée.

Pour le Président du Comité, M. MOHAMMED AYAT, la notion d’« intention » [de soustraire une personne à la protection de la loi] n’est pas conforme à l’article 2 de la Convention et ne doit pas être un élément constitutif de l’infraction. En effet, cette mention rend la charge de la preuve qui incombe aux autorités de poursuite plus ardue, ce qui ne va pas dans le sens de la protection des victimes, a relevé M. Ayat. La définition qui figure à l’article 2 est à la base de tout le système érigé par la Convention, a-t-il souligné.

La nécessité a par ailleurs été soulignée durant le dialogue de faire en sorte que toute personne susceptible d’être impliquée dans une disparition forcée ne soit pas en mesure de faire pression sur la procédure y relative.

D’autres questions des experts ont porté sur les suites données au rapport du Gouvernement intitulé « Faire la lumière sur les adoptions illégales en Suisse dans les années 1980 d’enfants venant de Sri Lanka ».

Réponses de la délégation

La délégation a d’abord souligné que le droit suisse donnait deux définitions de la disparition forcée, l’une administrative et l’autre pénale. La première concerne la recherche d’une personne dont les proches soupçonnent qu’elle est victime d’une disparition forcée (…) par le fait d’une autorité suisse. La définition contenue dans le Code pénal et dans le Code pénal militaire vise quant à elle la répression de l’auteur d’une disparition forcée et ne se limite pas à des cas imputables aux autorités suisses. Ces différentes définitions sont claires pour le juge pénal, a ajouté la délégation ; les travaux législatifs préalables ont en effet visé à assurer une cohérence entre elles afin qu’il n’y ait pas d’insécurité pour le juge pénal s’agissant des éléments constitutifs de l’infraction, a-t-elle précisé.

S’agissant de la mention d’« une période prolongée » qui figure dans le Code pénal suisse [art. 185 bis, selon lequel « est puni d’une peine privative de liberté d’un an au moins quiconque, dans l’intention de soustraire une personne à la protection de la loi pendant une période prolongée (…) »], la délégation a expliqué qu’elle doit être interprétée comme « toute période dépassant la durée prévue par les normes légales ». Lorsque la privation de liberté est d’emblée illégale, la soustraction à la protection de la loi est [considérée comme] réalisée dès le départ, a ajouté la délégation.

La délégation a ensuite affirmé que la définition de la disparition forcée fournie par la Convention était elle-même ambiguë, la mention de « soustraction à la protection de la loi » figurant à l’article 2 étant un point sur lequel, pendant l’élaboration de la Convention, les parties n’arrivaient pas à se mettre d’accord. L’ambiguïté a dû être levée par la Suisse au moment d’adapter son Code pénal, a indiqué la délégation.

En outre, des adaptations de la loi seront toujours possibles s’il s’avère que l’élément intentionnel [du crime de disparition forcée], critiqué par les experts du Comité, est trop difficile à prouver devant la justice, a indiqué la délégation.

Aucune procédure ni condamnation pour disparition forcée n’a été recensée à ce jour en Suisse, a par ailleurs rappelé la délégation.

La disparition forcée – en dehors de crimes contre l’humanité – est sanctionnée par une peine privative de liberté d’un an au moins à vingt ans au plus, soit des peines comparables à celles infligées pour d’autres crimes graves en Suisse, a d’autre part fait observer la délégation. Dans la pratique, la peine appliquée doit être motivée par le tribunal dans son jugement et peut faire l’objet d’un recours tant par le ministère public que par le prévenu.

L’auteur qui serait aussi reconnu coupable de la mort de la personne disparue verrait sa peine aggravée en application des règles sur le concours d’infractions : le cadre légal pour meurtre ou assassinat serait alors déterminant et la peine encore aggravée par le crime de disparition forcée, a ajouté la délégation, rappelant que la peine encourue pour assassinat est la privation de liberté pour dix ans au moins. Les règles sur le concours d’infractions s’appliqueraient aussi en cas de disparitions forcées multiples, a précisé la délégation.

Concernant l’institution nationale des droits de l’homme, il a été précisé qu’elle devrait être opérationnelle en 2023, en remplacement de l’actuel Centre suisse de compétence pour les droits humains. Cette institution de droit public respectera les Principes de Paris et sera par conséquent indépendante, a indiqué la délégation. Elle sera dotée d’un large mandat de protection et de promotion des droits de l’homme : information, recherche, éducation et sensibilisation aux droits de l’homme, échanges avec l’étranger, notamment.

Cette institution n’assumera pas de fonction de médiateur et n’aura pas de mandat de surveillance, a ajouté la délégation. Cependant, pour ce qui est de la surveillance, le contrôle juridique sur les violations des droits de l’homme est déjà assuré par les tribunaux suisses, voire par la Cour européenne des droits de l’homme et par les organes de traités tels que le Comité [des disparitions forcées], a fait valoir la délégation. De même, pour ce qui est du mandat de médiation, il n’a pas été jugé nécessaire d’introduire une structure nationale puisque la mise en œuvre des droits de l’homme relève dans une grande mesure déjà de la compétence des cantons et des communes, qui disposent pour certains de leur propre organe ou institution de médiation.

La délégation a par ailleurs indiqué que le budget original de la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) avait été calculé sur la base de vingt à trente visites annuelles dans des lieux de privation de liberté. Ce budget a été augmenté en même temps que l’élargissement du mandat de la CNPT et aujourd’hui, l’institution bénéficie d’un budget de presque un million de francs, dont elle dispose de manière autonome.

S’agissant de l’indépendance de la CNPT, il a été précisé que l’institution est rattachée administrativement au Département fédéral de justice et police, dont elle profite des ressources. Une expertise a montré que ce rattachement ne compromet pas l’indépendance de la CNPT. La délégation a en outre indiqué que, dans le contexte de la COVID-19, les visites de prison par la Commission avaient maintenant repris.

Le Conseil fédéral n’a pas jugé nécessaire que la Suisse déroge aux droits de l’homme pendant la pandémie de COVID-19, qu’il a seulement qualifiée de « situation extraordinaire », a d’autre part fait savoir la délégation, suite à une question de M. Baati.

La délégation a en outre indiqué qu’elle fournirait par écrit des informations complémentaires sur le projet de collaboration de la Suisse avec le Mexique et sur les questions relatives à la formation des militaires.

Interrogée sur l’ impartialité des enquêtes visant la police, la délégation suisse a indiqué que les règles de récusation peuvent être invoquées à tous les stades de la procédure en cas de soupçon. Les ministères publics des cantons se font un point d’honneur de ne pas donner l’impression de favoriser la police, ainsi que d’enquêter sur tout soupçon d’infraction pesant sur des membres de la police, a assuré la délégation.

S’agissant du réseau de recherche, la délégation a expliqué que les institutions qui en sont membres peuvent faire des recherches dans les lieux fermés ou semi-fermés, ainsi que des recherches illimitées dans tout autre lieu – dans une chambre d’hôtel, dans un bureau par exemple – où pourraient se trouver des personnes supposées disparues.

Pour renforcer encore ce mécanisme ainsi que l’indépendance de l’enquête, la victime de l’infraction pénale ainsi que ses proches – proches qui sont considérés en Suisse comme des victimes, au sens procédural, de la disparition forcée – peuvent se constituer parties plaignantes et participer ainsi à la procédure, a précisé la délégation. Elle a fourni d’autres précisions sur les mesures de sécurité prises pour assurer la confidentialité et la sécurité des communications entre les institutions membres du réseau.

La délégation suisse a par ailleurs indiqué prendre note de la recommandation de M. de Frouville visant à ramener de six jours à 24 heures le délai de réponse des cantons aux demandes émanant du réseau de recherche.

Des questions des experts ayant porté sur le principe de non-refoulement, la délégation a précisé que, dans le cadre d’une procédure d’extradition, le risque de disparition forcée dans le pays requérant peut être invoqué à n’importe quel stade de la procédure. La Suisse se base sur plusieurs sources pour se déterminer sur la situation dans le pays de destination. Elle peut, dans ce cadre, demander à l’État requérant de donner des garanties diplomatiques. Ces garanties, qui doivent être fournies par une autorité pouvant engager la responsabilité de l’État requérant, comme son ministère de la justice par exemple, impliquent notamment que l’État requérant s’engage à respecter les droits fondamentaux de la personne concernée, en particulier [pour ce qui concerne ici le Comité] l’interdiction de la disparition forcée. À ce jour, un seul cas a donné lieu à un non-respect de garanties diplomatiques, a indiqué la délégation.

La délégation a ensuite précisé que, depuis 2019, chaque requérant d’asile dispose d’une assistance juridique gratuite dès le début de la procédure. Le risque de disparition forcée est pris en compte dans l’analyse de la situation du pays d’origine du requérant, a-t-elle de nouveau souligné. Un refus d’octroi de l’asile peut faire l’objet d’un recours auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF), recours ayant un effet suspensif. Le cas est différent s’agissant de la « procédure de Dublin », dans laquelle le recours devant le TAF n’a pas d’effet suspensif automatique. S’agissant de cette dernière procédure (dite de Dublin), la Suisse a dû modifier, à la suite d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, sa manière de gérer le renvoi de familles vers l’Italie, a indiqué la délégation en réponse à une demande de M. Baati.

La délégation a aussi précisé que la Suisse était critique vis-à-vis des garanties diplomatiques dans le cadre de la procédure d’asile, car « cela reviendrait à adresser une demande à des persécuteurs potentiels et risquerait d’entraîner des garanties peu fiables ».

La Suisse admet à titre provisoire les personnes dont la demande d’asile est refusée mais qui ne peuvent être renvoyées, a par ailleurs indiqué la délégation.

La délégation a par ailleurs indiqué qu’une personne arrêtée est informée de son droit à un avocat dès sa première audition par la police ; lorsque la détention provisoire dépasse dix jours, la loi prévoit que le justiciable doit obligatoirement bénéficier des conseils d’un avocat.

S’agissant du problème des adoptions illégales [évoqué par un membre du Comité, voir plus haut], la délégation a fait observer que la publication du rapport du Gouvernement a entraîné de nouvelles recherches historiques sur d’autres pays d’origine des adoptions, une réforme du système actuel d’adoption internationale – y compris sous l’angle des sanctions pénales – ainsi que des démarches pour favoriser la recherche des origines des personnes adoptées. Un protocole d’accord avec Sri Lanka a été signé dans ce domaine, dix dossiers ayant déjà été transmis. On ne peut pas qualifier « en bloc » de disparitions forcées ces adoptions des années 1980 et 1990, même si l’on ne peut affirmer de manière catégorique qu’aucun cas individuel ne correspondrait à la définition [de la disparition forcée] figurant dans la Convention, a relevé la délégation.

La victime [de disparition forcée] et ses proches ont droit, sur leur demande, aux prestations de la LAVI (loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions), a d’autre part rappelé la délégation suisse. Ladite loi exige différents degrés de preuve, selon le niveau et la durée des prestations envisagées. La LAVI ne s’applique pas à des faits survenus à l’étranger au détriment d’une personne n’ayant pas de lien avec la Suisse. Cela s’explique par des raisons pratiques, car il est difficile de rassembler des preuves liées à des événements qui ont eu lieu à l'étranger, a indiqué la délégation. Une révision de la loi n’est pas à l’ordre du jour.

Remarques de conclusion

Concluant le dialogue avec le Comité, MME CICÉRON BÜHLER a déclaré qu’il avait permis de sensibiliser davantage les départements concernés. La cheffe de la délégation suisse a assuré le Comité de la détermination de son pays à lutter contre les disparitions forcées aux niveaux national et international. Sans pratique concrète – heureusement – de la disparition forcée, la Suisse a cherché des solutions pragmatiques adaptées à son système fédéral pour donner effet à la Convention, a-t-elle souligné.

S’agissant du fonctionnement du réseau de recherche, Mme Cicéron Bühler a expliqué que le délai de six jours, mentionné à plusieurs reprises pendant le débat, répond au souci de clarifier le plus rapidement possible le lieu de détention (d’une personne) tout en laissant aux cantons le temps nécessaire pour entreprendre les recherches à cette fin. Ce point sera pris en considération lors du prochain test en situation réelle du réseau, a assuré la cheffe de la délégation. Les proches ont le droit de faire appel des décisions du réseau, a-t-elle en outre indiqué.

La Suisse, qui prend très au sérieux le problème des anciennes adoptions illégales, soutient les personnes concernées dans la recherche de leurs origines et prend des mesures pour que ces faits ne se reproduisent pas, a par ailleurs déclaré Mme Cicéron Bühler. Elle a enfin indiqué que la Suisse coopérait avec le Mexique dans la formation de spécialistes de l’identification des victimes de disparition forcée.

 

CED21.002F