Fil d'Ariane
Le Conseil dialogue avec les Rapporteurs spéciaux sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et sur les droits humains des migrants, ainsi qu’avec le Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales
Ce matin, le Conseil des droits de l’homme a achevé son dialogue, entamé hier, avec le Rapporteur spécial sur les droits humains des migrants, M. Gehad Madi, avant de tenir un dialogue avec le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, M. Morris Tidball-Binz, et d’engager son dialogue avec M. Robert McCorquodale, Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises.
Dans le cadre du dialogue entamé hier avec M. Madi, et auquel plusieurs délégations* ont pris part ce matin, il a notamment été relevé que, dans un contexte où, selon l’Organisation internationale pour les migrations, 81 millions de personnes en moyenne vivent dans un pays autre que celui de leur naissance, il importe de respecter les droits inhérents aux migrants en tant qu’êtres humains, indépendamment de leurs contributions à la société, et de lutter contre les discours de haine qui les visent.
Présentant son rapport, M. Tidball-Binz a souligné que l’un des enseignements importants tirés du mandat qu’il exerce depuis trois ansest que la protection effective du droit à la vie est indissociable de la capacité à enquêter de manière fiable sur tous les décès potentiellement injustifiés afin de garantir la vérité, la justice et la réparation. À cette fin, a-t-il ajouté, les normes promues par le mandat sont irremplaçables, en particulier les Principes des Nations Unies relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d'enquêter efficacement sur ces exécutions. La mise en œuvre de ces normes nécessite une diffusion et une promotion adéquates, ainsi qu'une formation et une mise en œuvre adaptées aux besoins locaux, a fait observer le Rapporteur spécial.
Le Rapporteur spécial a indiqué qu’au cours des trois prochaines années, il mènerait des études sur – entre autres – les morts illicites de personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, les droits des familles des victimes d'homicides illicites, ainsi que les risques et perspectives de l’intelligence artificielle pour la prévention et l'investigation des morts illicites. La question de la peine de mort continuera à occuper une part importante du travail, a-t-il ajouté.
M. Tidball-Binz a souligné que le rapport qu’il présente aujourd’hui au Conseil – et qui porte sur la nécessaire protection des dépouilles mortelles des victimes de morts illégales – analyse le respect et la protection dus aux morts sous l'angle du droit international, y compris du droit à la vie. Le devoir de respecter et de protéger les corps des victimes de morts illégales n'est pas une option mais une obligation en vertu du droit international, y compris pour ce qui est de l’obligation d'enquêter de manière fiable et efficace sur toutes les morts suspectes à des fins de vérité, de justice et de réparation, et de garantir le droit des proches à faire leur deuil, a souligné le Rapporteur spécial.
M. Tidball-Binz a ensuite rendu compte de la visite qu’il a effectuée au Honduras entre le 22 mai et le 2 juin 2023. Il a en outre présenté un document de séance mettant à jour les préoccupations de deux anciens titulaires du mandat au sujet des dangers que posent le développement, l'utilisation et la prolifération des armes létales autonomes pour le respect et la protection du droit à la vie, et contenant des recommandations en la matière.
Suite à ces présentations, le Honduras a fait une déclaration à titre de pays concerné avant que de nombreuses délégations** ne prennent part au dialogue avec le Rapporteur spécial. Pendant ce dialogue, il a notamment été rappelé que les États sont tenus d'enquêter sur toutes les exécutions potentiellement illégales dans le cadre de leur obligation de respecter le droit à la vie. Or, a-t-il été relevé, la dissimulation, la destruction ou la profanation des corps des victimes entravent ces enquêtes, ce qui favorise l'impunité des auteurs et viole les droits des familles des victimes. Le Rapporteur spécial a notamment été prié de suggérer quel serait le mécanisme le plus approprié pour conduire les efforts visant à harmoniser la protection des morts dans le droit international en élaborant des principes directeurs universellement applicables.
Présentant le rapport du Groupe de travail qu’il préside, M. McCorquodale a indiqué que ce rapport - intitulé « Investisseurs, questions d’environnement, de société et de gouvernance et droits de l’homme » - souligne la nécessité urgente pour les investisseurs de mettre en œuvre les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme des Nations Unies. Il insiste, en particulier, sur la manière dont les investisseurs peuvent appliquer les Principes directeurs dans leurs approches environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) et garantir que les considérations relatives aux droits de l'homme soient appliquées à tous ces critères.
M. McCorquodale a par ailleurs rendu compte des travaux du huitième Forum régional pour l'Amérique latine et les Caraïbes sur les entreprises et les droits de l'homme, qui s’est tenu au Chili en octobre dernier sur le thème « Construire des ponts entre les entreprises, les droits de l'homme et le droit à un environnement sain ». Il a également rendu compte de la visite effectuée par le Groupe de travail au Japon à l’été 2023.
Après une déclaration du Japon à titre de pays concerné, plusieurs délégations*** ont engagé le dialogue avec M. McCorquodale.
Cet après-midi, à partir de 15 heures, le Conseil achèvera son dialogue avec M. McCorquodale, avant d’engager son dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression.
Suite et fin du dialogue avec le Rapporteur spécial sur les droits humains des migrants
Aperçu du dialogue
Ce matin, il a notamment été relevé que, dans un contexte où, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 81 millions de personnes en moyenne vivent dans un pays autre que celui de leur naissance, il importe de respecter les droits inhérents aux migrants en tant qu’êtres humains, indépendamment de leurs contributions à la société, et de lutter contre les discours de haine qui les visent. Il a aussi été demandé que la gestion des migrations tienne compte des objectifs de développement socioéconomique de chaque État.
Il a par ailleurs été affirmé que le rapport de M. Madi présentait des lacunes concernant les problèmes auxquels sont confrontées les personnes LGBTQI, qui les empêchent de contribuer à la société.
Des préoccupations ont été exprimées s’agissant de la politique migratoire du Royaume-Uni, des conditions de vie des requérants d’asile dans ce pays, de la volonté des autorités de renvoyer des requérants d’asile au Rwanda et des déclarations diabolisant les migrants. Des violations des droits humains des migrants aux États-Unis et à la frontière avec le Mexique ont en outre été déplorées, y compris des détentions illégales et la séparation de familles. D’autres préoccupations ont été exprimées concernant ce qui a été qualifié de situation précaire des migrants dans les pays du Golfe.
Il a d’autre part été rappelé que les objecteurs de conscience peuvent prétendre au statut de réfugié s'ils risquent d'être persécutés dans leur propre pays.
* Liste des intervenants : Iraq, Afrique du Sud, El Salvador, Commission nationale indépendante des droits de l’homme du Burundi, Franciscans International, Friends World Committee for Consultation, Madre, CECIDE, PRATYEK, Associazione Comunità Papa Giovanni XXIII, Edmund Rice International Ltd., War Resisters International, Gulf Centre for Human Rights (GCHR) Ltd., et VIVAT International.
Réponses et remarques de conclusion du Rapporteur spécial
M. GEHAD MADI, Rapporteur spécial sur les droits humains des migrants, a insisté sur le fait que les accords bilatéraux en matière migratoire doivent préserver les droits humains des migrants, notamment en matière de travail. Il a recommandé que les États améliorent les couloirs de migrations et oeuvrent pour l’inclusion sociale des migrants, y compris dans le marché du travail.
Le Rapporteur spécial a ensuite insisté sur l’importance d’adopter et de faire respecter des lois contre la discrimination et contre les crimes de haine visant les migrants. Il a recommandé aux pays du Golfe de ratifier la Convention de l’Organisation internationale du Travail relative aux travailleuses et travailleurs domestiques.
M. Madi a enfin suggéré que le Conseil invite des migrants à expliquer leur parcours et à décrire leur vie, ce qui pourrait contribuer à changer l’image des migrants et de la migration.
Dialogue avec le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires
Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, intitulé « Protection des morts » (A/HRC/56/56), ainsi que d’un rapport de visite du titulaire du mandat au Honduras (Add.1, à paraître en français) et d’un document de séance consacré aux armes létales autonomes.
Présentation
Dans des remarques générales, M. MORRIS TIDBALL-BINZ, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a souligné que l’un des enseignements importants tirés du mandat qu’il exerce depuis trois ans est que la protection effective du droit à la vie est indissociable de la capacité à enquêter de manière fiable sur tous les décès potentiellement injustifiés afin de garantir la vérité, la justice et la réparation. À cette fin, a ajouté l’expert, les normes promues par le mandat sont irremplaçables, en particulier les Principes des Nations Unies relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d'enquêter efficacement sur ces exécutions.
La mise en œuvre de ces normes nécessite une diffusion et une promotion adéquates, ainsi qu'une formation et une mise en œuvre adaptées aux besoins locaux, a fait observer le Rapporteur spécial, indiquant que cela l’avait amené à effectuer des dizaines de visites techniques pour fournir des conseils, une formation et une assistance aux États, aux institutions et aux fonctionnaires, aux organisations de la société civile, aux institutions académiques, ainsi qu'aux victimes et à leurs familles. Ces activités, qui ont un effet direct et quantifiable et sont d'une utilité pratique pour les victimes, sont ainsi au cœur du mandat, a insisté M. Tidball-Binz.
Le Rapporteur spécial a indiqué qu’au cours des trois prochaines années, il mènerait des études sur – entre autres – les morts illicites de personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, les droits des familles des victimes d'homicides illicites, ainsi que les risques et perspectives de l’intelligence artificielle pour la prévention et l'investigation des morts illicites. La question de la peine de mort continuera à occuper une part importante du travail, y compris [sous l’angle de l’analyse de] sa compatibilité avec l'interdiction de la torture, à la lumière de l'évolution du droit international en matière de droits de l'homme et des récentes découvertes en médecine et en sciences médico-légales, qui suggèrent le contraire [à savoir une incompatibilité], a précisé le Rapporteur spécial.
Quant au rapport présenté ce jour, a poursuivi M. Tidball-Binz, il porte sur la nécessaire protection des dépouilles mortelles des victimes de morts illégales. Le respect et la protection dus aux morts y sont analysés sous l'angle du droit international, y compris du droit à la vie, afin de fournir des éléments juridiques et pratiques pour en faire une réalité. Le devoir de respecter et de protéger les corps des victimes de morts illégales n'est pas une option mais une obligation en vertu du droit international, y compris pour ce qui est de l’obligation d'enquêter de manière fiable et efficace sur toutes les morts suspectes à des fins de vérité, de justice et de réparation, et de garantir le droit des proches à faire leur deuil, a souligné le Rapporteur spécial.
Les recommandations du rapport appellent en particulier à une consolidation des principes directeurs et de la jurisprudence internationale toujours plus étoffée en la matière, afin de contribuer à la planification, à la conception et à la mise en œuvre de mesures destinées à protéger les morts en toutes circonstances et dans tous les contextes.
Concernant ensuite la visite qu’il a effectuée au Honduras entre le 22 mai et le 2 juin 2023, M. Tidball-Binz a indiqué qu’elle lui avait permis d'apprendre de première main les énormes défis dont a hérité le Gouvernement de la Présidente Xiomara Castro pour prévenir les exécutions illicites et enquêter à leur sujet, éviter l'impunité et répondre aux justes revendications des victimes, passées et présentes. Il a ajouté avoir observé des pratiques persistantes de violence institutionnelle, en particulier des violences policières dans le cadre de la lutte contre la criminalité, ainsi que des assassinats perpétrés par des groupes de pouvoir contre des leaders sociaux, autochtones, paysans et environnementaux. M. Tidball-Binz a estimé que l'impunité résultant des lacunes en termes d'efficacité des enquêtes et de la prévention de ces crimes au Honduras favorisait leur perpétuation et l'absence de protection des victimes. Ainsi, les enquêtes ne sont pas conformes aux normes internationales, telles que le Protocole du Minnesota (Révision du Manuel des Nations Unies sur la prévention des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et les moyens d’enquête sur ces exécutions), a fait observer M. Tidball-Binz. Il a toutefois tenu à souligner la grande réceptivité du Gouvernement hondurien à ses observations préliminaires et recommandations.
Enfin, le Rapporteur spécial a présenté un document de séance mettant à jour les préoccupations de deux anciens titulaires du mandat au sujet des dangers que posent le développement, l'utilisation et la prolifération des armes létales autonomes pour le respect et la protection du droit à la vie, et contenant des recommandations en la matière.
Pays concerné
Le Honduras a précisé qu’il sortait d’une période très sombre, marquée notamment par un coup d’État et la progression de la criminalité organisée. Dans ce contexte, où le Gouvernement s’attache à démilitariser la sécurité des citoyens, les autorités ont bien accueilli la visite du Rapporteur spécial, a souligné la délégation hondurienne. Les autorités admettent que les autorités chargées de l’action pénale ont manqué d’indépendance, raison pour laquelle elles se félicitent de la nomination de nouvelles personnes à la tête de la justice, a-t-elle ajouté.
La délégation du Honduras a mentionné un certain nombre d’initiatives destinées, notamment, à actualiser le manuel d’enquête pénale, à réformer la loi portant sur les registres de détenus et à publier un manuel destiné aux forces de police mettant l’accent notamment sur le respect du principe de proportionnalité. La délégation a également évoqué la création de bases de données ADN pour améliorer les enquêtes pénales. Les suggestions du rapport du Rapporteur spécial seront appliquées de manière progressive, a indiqué la délégation.
Aperçu du dialogue
Les États sont tenus d'enquêter sur toutes les exécutions potentiellement illégales dans le cadre de leur obligation de respecter le droit à la vie, a-t-il été rappelé ce matin. Or, la dissimulation, la destruction ou la profanation des corps des victimes entravent ces enquêtes, ce qui favorise l'impunité des auteurs et viole les droits des familles des victimes, a-t-il été souligné. Le respect des dépouilles n’est pas seulement une obligation morale ; c’est un engagement légal, a insisté une délégation.
Pour établir les responsabilités et faire respecter le droit à la vérité et les autres droits de l'homme, il est primordial d'enregistrer et d'identifier les victimes individuellement, a-t-il été précisé. À cet égard, le Rapporteur spécial a été prié de dire quelles procédures devraient être mises en place lorsque l'identification des victimes de mort illégale n'est pas possible au moment de l'enquête.
Le Rapporteur spécial a aussi été prié d’indiquer quel serait, selon lui, le mécanisme le plus approprié pour conduire les efforts visant à harmoniser la protection des morts dans le droit international en élaborant des principes directeurs universellement applicables et fondés sur les droits de l'homme.
Avec la prolifération des conflits armés, les migrations, les changements climatiques et la récurrence des catastrophes naturelles, la nécessité d'assurer une protection efficace des défunts devient plus urgente que jamais, a constaté un groupe de pays.
Des délégations ont décrit les mesures pratiques et juridiques prises par leurs pays pour protéger la dignité des victimes, de leurs dépouilles et de leurs familles, de même que pour identifier les dépouilles.
Les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, si elles sont perpétrées dans le cadre d'un conflit armé, peuvent constituer des crimes de guerre ; si elles font partie d'une pratique collective, elles peuvent également constituer des crimes contre l'humanité ou des actes de génocide, a-t-il par ailleurs été rappelé.
D’aucuns ont dénoncé ce matin des violations commises pendant des conflits actuels ou récents – y compris des disparitions forcées de personnes, des exécutions de prisonniers de guerre, la dissimulation de cadavres et la profanation de sépultures et de dépouilles –, ainsi que des exécutions extrajudiciaires et morts illicites dans plusieurs pays. Il a également été déploré que les « héritiers des nazis » aient pignon sur rue en Europe.
Le Rapporteur spécial a d’autre part été interrogé sur les méthodes que les titulaires de mandats au titre des procédures spéciales pourraient adopter pour documenter les crimes de guerre commis dans la bande de Gaza. Il a été regretté que le Rapporteur spécial « ignore le génocide en cours à Gaza ».
Pour sa part, une délégation a tenu à préciser que le droit international établissait sans équivoque qu'aucune obligation n'est imposée aux États de cesser de recourir au droit d'utiliser la peine de mort comme instrument de justice pénale, moyennant des procédures équitables.
** Liste des intervenants : Islande (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Costa Rica (au nom d’un groupe de pays), Ukraine (au nom d’un groupe de pays), Luxembourg (au nom d’un groupe de pays), Arménie, Israël, Égypte, France, Belgique, Algérie, Iraq, États-Unis, Colombie, République islamique d’Iran, Fédération de Russie, Pakistan, Côte d’Ivoire, Chine, Brésil, Togo, Cameroun, Cuba, Paraguay, Yémen, Afghanistan, République bolivarienne du Venezuela, Afrique du Sud, État de Palestine, Soudan, Burkina Faso, Malawi, Azerbaïdjan, Inde et Argentine.
La Commission parlementaire des droits de l’homme de l’Ukraine, la Commission indépendante des droits de l’homme de Palestine et les organisations non gouvernementales (ONG) suivantes ont aussi pris part au dialogue : Peace Brigades International, Conectas Direitos Humanos , Al-Haq – Law in the Service of Man, International Educational Development, Inc ., International Action for Peace & Sustainable Development, Law Council of Australia, Fédération internationale des ligues de droits de l’homme, Villages Unis (United Villages), Iraqi Development Organization et Congrès du monde islamique.
Réponses et remarques de conclusion du Rapporteur spécial
M. TIDBALL-BINZ a indiqué que ses propres travaux pouvaient aider les pays à mieux identifier les dépouilles. Il a cité en exemple les très grands progrès réalisés en Europe, depuis la Première Guerre mondiale, pour identifier les dépouilles non identifiées de soldats morts au combat. De nos jours, d’autres bonnes pratiques sont à signaler en Europe, en particulier en Ukraine, pour le traitement des dépouilles de soldats non identifiés. Et, toujours en Europe, mais aussi au Mexique, des initiatives positives sont prises pour le traitement des dépouilles de migrants décédés pendant leur parcours migratoire, en particulier l’interdiction de l’inhumation anonyme dans des fosses collectives, a ajouté le Rapporteur spécial.
M. Tidball-Binz a également relevé l’importance d’assurer concrètement un traitement digne des dépouilles de victimes de décès potentiellement illicites. Il a souligné que son rapport contient des recommandations concernant l’élaboration de principes directeurs destinés à compléter le Protocole du Minnesota - lequel, s’il est utile pour les enquêtes sur les décès illicites, ne traite pas de la question de la préservation des dépouilles, a fait observer le Rapporteur spécial.
Les États doivent coopérer aux efforts pour retrouver et préserver les dépouilles, a insisté M. Tidball-Binz. À cet égard, il a cité comme exemples la coopération menée pour déterminer, en Argentine, les raisons du décès du Président brésilien Goulart, de même qu’une autre initiative du Royaume-Uni et de l’Argentine destinée à identifier les restes de soldats morts pendant le conflit entre ces deux pays en 1982.
Dialogue avec le Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises
Le Conseil est saisi du rapport du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, intitulé « Investisseurs, questions d’environnement, de société et de gouvernance et droits de l’homme » (A/HRC/56/55). Il est également saisi du rapport sur la visite du Groupe de travail au Japon (A/HRC/56/55/Add.1).
Présentation
Présentant son rapport thématique, M. ROBERT MCCORQUODALE, Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, a indiqué qu’il souligne la nécessité urgente pour les investisseurs de mettre en œuvre les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, également connus sous le nom de Principes directeurs des Nations Unies.
Dans son exercice de bilan en 2021, le Groupe de travail a reconnu que l'un des principaux défis est que la plupart des acteurs financiers ne parviennent pas à relier les normes et processus relatifs aux droits de l'homme aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, et aux pratiques d'investissement, a poursuivi M. McCorquodale. Cela s'explique par le fait que le secteur ne comprend pas que les critères sociaux et de nombreux indicateurs environnementaux et de gouvernance reflètent les questions relatives aux droits de l'homme, a-t-il indiqué. Le Groupe de travail a donc cherché, par le biais du présent rapport, à sensibiliser à la responsabilité des investisseurs en matière de respect des droits de l'homme, à clarifier les responsabilités de base des investisseurs dans le cadre des Principes directeurs des Nations Unies et à formuler des recommandations sur la manière dont les investisseurs peuvent appliquer les Principes directeurs dans leurs approches ESG (Environnementale, Sociale et de Gouvernance) et de durabilité.
Le rapport souligne l'importance pour les États de créer des normes cohérentes et solides, notamment par le biais d'une combinaison intelligente de mesures, afin d'éviter d'isoler l'un des critères ESG [mentionnés ci-dessus] et afin de garantir que les considérations relatives aux droits de l'homme soient appliquées à tous ces critères.
Les investisseurs, quant à eux, doivent placer les risques pour les personnes et la planète au centre de leurs prises de décision afin de s'acquitter de leur responsabilité de respecter les droits de l'homme. Les investisseurs devraient également faciliter les voies de recours, y compris par l'exercice de l'effet de levier, lorsqu'elles sont directement liées à des incidences négatives sur les droits de l'homme.
S’agissant du rapport sur la visite du Groupe de travail au Japon, M. McCorquodale a salué les progrès importants réalisés par le Gouvernement japonais dans le domaine des entreprises et des droits de l'homme, notamment au travers de l'élaboration d'un plan d'action national sur les entreprises et les droits de l'homme et de la publication des Directives sur le respect des droits de l'homme dans les chaînes d'approvisionnement responsables.
Cependant, a poursuivi le Président du Groupe de travail, le Groupe s'est dit préoccupé par les défis systémiques en matière de droits de l'homme au Japon, s’agissant en particulier des normes sociales et de genre profondément ancrées et qui étaient particulièrement évidentes sur le lieu de travail, ou encore de la discrimination et du harcèlement subis par les femmes, les peuples autochtones, les Burakumin, les personnes handicapées, les travailleurs migrants et les personnes LGBTQI+, entre autres groupes. Ces préoccupations ne sont pas suffisamment prises en compte dans le cadre des initiatives de l'État et du secteur privé dans le domaine des entreprises et des droits de l'homme.
Il est essentiel de faire progresser la mise en œuvre des Principes directeurs des Nations Unies au Japon, non seulement pour consolider la réputation du pays en tant que chef de file dans la promotion des entreprises et des droits de l'homme aux niveaux régional et mondial, mais aussi pour améliorer les impacts positifs sur les droits de l'homme et la compétitivité des entreprises japonaises dans le pays et à l'étranger.
M. McCorquodale a ensuite rendu compte du huitième Forum régional pour l'Amérique latine et les Caraïbes sur les entreprises et les droits de l'homme, qui s'est tenu du 10 au 12 octobre 2023 à Santiago du Chili sur le thème « Construire des ponts entre les entreprises, les droits de l'homme et le droit à un environnement sain ». Il a notamment indiqué que ce Forum régional a été l'occasion de partager des expériences pratiques, de favoriser l'apprentissage par les pairs et de discuter des rôles distincts, mais complémentaires, du gouvernement, de la société civile et des entreprises dans l'identification, la prévention, l'atténuation et la résolution des effets néfastes des opérations commerciales sur les droits de l'homme et l'environnement.
Enfin, le Président du Groupe de travail a indiqué que le Forum 2023 sur les entreprises et les droits de l'homme, intitulé « Vers un changement effectif dans la mise en œuvre des obligations, des responsabilités et des recours » s'est penché sur les changements intervenus au cours des 12 années d'élaboration normative qui ont suivi la création des Principes directeurs des Nations Unies, y compris pour ce qui est des mesures prises par les États pour incorporer ces normes par le biais de règlements et de politiques, de la mesure dans laquelle les entreprises ont appliqué ces normes dans leurs pratiques tout au long de leurs activités, et de la question de savoir si les recours judiciaires et non judiciaires dans ce domaine sont plus disponibles et accessibles à ceux qui sont touchés.
Pays concerné
Le Japon a déclaré que son Gouvernement avait continué à promouvoir le respect des droits de l'homme dans les activités commerciales dans le cadre du Plan d'action national sur les entreprises et les droits de l'homme formulé en 2020.
Bien que le Gouvernement japonais ne soit pas d'accord avec tous les points soulevés dans le rapport du Groupe de travail, les autorités du pays estiment qu'il servira de référence pour les discussions futures. Compte tenu de ce rapport, le Gouvernement japonais continuera d'envisager des mesures en faveur des entreprises et des droits de l'homme, tout en accordant de l'importance au dialogue avec les différentes parties prenantes, a indiqué la délégation japonaise.
Pour garantir l'objectivité des conclusions du rapport et leur pleine prise en compte par les pays concernés et la communauté internationale, il serait souhaitable de procéder à davantage de vérification des conclusions, a ajouté la délégation. Elle a dit espérer que les activités futures du Groupe de travail refléteront une plus grande diversité d'opinions et seront menées de manière efficace et efficiente.
Aperçu du dialogue
Plusieurs délégations ont plaidé pour que les États se dotent d’un cadre en matière de finance durable qui intègre pleinement l'obligation pour les entreprises et les investisseurs de se conformer aux dispositions internationales en matière de droits de l'homme qui couvre également leurs activités à l'étranger.
A par ailleurs été soulignée l’obligation des entreprises de mener leurs activités en conformité non seulement avec les normes régissant les droits de l’homme, mais aussi avec celles relatives à la protection de l’environnement et à la bonne gouvernance.
Dans ce contexte, plusieurs délégations ont déploré que les sociétés transnationales soient devenues des acteurs majeurs dans les violations des droits humains et en particulier des droits économiques, sociaux et culturels. Une très grande partie des catastrophes ayant eu des conséquences dramatiques pour les êtres humains et l’environnement ont été causées par des sociétés transnationales ou avec leur concours déterminant, a fait observer une délégation.
Certains intervenants ont réaffirmé leur attachement à la mise en œuvre des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme – lesquels, a-t-il été rappelé, constituent le cadre de référence pour la prévention des atteintes aux droits de l’homme liées aux activités des entreprises.
Les décisions d’investissement et les modalités de fonctionnement des produits financiers captent de plus en plus l’attention et la vigilance du public quant à leur alignement avec la promotion d’un environnement propre, sain et durable et leur impact au niveau social, y compris en termes de bonne gouvernance, a constaté une délégation, avant de souligner que les critères environnementaux, les critères sociaux et les critères de gouvernance ne peuvent être séparés. L’État investisseur doit respecter, protéger et réaliser les droits humains, ont insisté plusieurs intervenants.
Les États ont été appelés à tout mettre en œuvre afin de prévenir les abus et autres violations, de mener une lutte sans relâche contre la corruption et l’impunité, de faciliter les recours judiciaires et non judiciaires pour les victimes et de s’assurer des réparations lorsque les violations sont établies. Pour ce faire, les États doivent veiller à renforcer leur système judiciaire par l’adoption de nouvelles lois et autres mécanismes efficaces de recours judiciaires, a souligné un intervenant.
D’aucuns ont plaidé pour une intensification de la coopération entre toutes les parties prenantes, y compris entre les organisations de la société civile, les chefs religieux et les associations de femmes, pour un résultat optimal en matière de promotion des droits de l’homme dans le contexte des activités des entreprises.
Plusieurs délégations ont par ailleurs apporté leur soutien à la négociation en cours à Genève d’un projet de traité sur les obligations des entreprises en matière de droits de l’homme, alors que d’autres ont estimé que ces négociations sur ce texte étaient prématurées.
Certains intervenants ont indiqué accueillir favorablement la recommandation du rapport du Groupe de travail de fournir des orientations pratiques aux acteurs du secteur financier sur l’application des Principes directeurs. Une difficulté pour appliquer les Principes directeurs des Nations Unies aux opérations financières a trait à la question de la disponibilité de données de qualité à la base des décisions d’investissement, a-t-il été souligné. Les données concernant l’impact des activités sur la réalisation des droits humains doivent être suffisantes, récentes, agrégées, comparables entre elles et partagées tout au long de la chaîne de valeur globale, a insisté une délégation.
*** Liste des intervenants : Union européenne, Gambie (au nom du groupe des États africains), Programme des Nations Unies pour le développement, Équateur, Irlande, Iran, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Népal, Égypte, Luxembourg, Indonésie, France, Belgique, Algérie, Honduras, Bangladesh, Iraq, États-Unis, Colombie, Fédération de Russie, Côte d’Ivoire, Chine, Panama, Brésil, Sénégal, Togo, Cameroun et Cuba.
Réponses du Groupe de travail
M. MCCORQUODALE a rappelé que les Principes directeurs des Nations Unies devaient s’appliquer à toutes les entreprises sans distinction et notamment aux entreprises actives dans le secteur financier. Les investisseurs ont l’obligation de faire en sorte que leurs actions ne mènent pas à des violations des droits humains, a-t-il insisté.
Le Président du Groupe de travail a par ailleurs souligné que figuraient dans son rapport une série de bonnes pratiques dont peuvent s’inspirer les États.
Il a fait observer que certaines entreprises communiquaient beaucoup sur le respect qu’elles auraient des droits de l’homme alors que la réalité serait bien différente. Il faut que ces entreprises mettent en œuvre les critères ESG, a-t-il plaidé.
Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.
Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.
HRC24.023F