Fil d'Ariane
Le Conseil des droits de l’homme est alerté sur la crise mondiale de l’eau, dont les causes sont à rechercher dans des failles structurelles du modèle de développement actuel
La crise mondiale de l’eau génère une vague croissante de conflits socio-environnementaux dans le monde entier, mais aussi des conflits parfois utilisés et manipulés pour justifier des guerres entre peuples et nations. Les causes profondes de cette crise se trouvent dans la confluence de deux grandes failles structurelles du modèle de développement actuel : l’insoutenabilité des écosystèmes aquatiques provoquée par l’homme ; ainsi que la pauvreté, l’inégalité et la discrimination résultant de l’ordre socioéconomique dominant. C’est ce qu’a expliqué ce matin au Conseil des droits de l’homme le nouveau Rapporteur spécial sur les droits de l'homme à l'eau potable et à l'assainissement, M. Pedro Arrojo-Agudo.
Le Rapporteur spécial a souligné que « la crise mondiale de l'eau sur la Planète de l'Eau, la Planète Bleue » - une crise « aussi grave que paradoxale » - se caractérise par l’existence de 2,2 milliards de personnes sans accès garanti à l'eau potable et de 4,2 milliards de personnes ne disposant pas d’assainissement.
Trois facteurs aggravent aujourd’hui cette crise mondiale, a poursuivi le Rapporteur spécial : la marchandisation et la financiarisation de l’eau ; le changement climatique ; et la pandémie de COVID-19, qui a aggravé les inégalités. M. Arrojo-Agudo a présenté les trois objectifs qui marqueront
son mandat : promouvoir la gouvernance démocratique de l’eau et de l’assainissement ; restaurer la durabilité des écosystèmes aquatiques pour garantir les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement pour les plus pauvres ; et promouvoir l’eau comme clé de la collaboration et de la paix. Plusieurs délégations** ont ensuite engagé le dialogue avec M. Arrojo-Agudo.
Ce matin, de très nombreuses organisations non gouvernementales* ont en outre pris la parole pour clore le débat général sur les rapports et mises à jour présentées lundi par la Haute-Commissaire aux droits de l’homme.
Les pays suivants ont en outre exercé leur droit de réponse à l’issue de ce débat général : Iraq, Zimbabwe, Turkménistan, Maroc, Venezuela, Inde, États-Unis, République populaire démocratique de Corée, Turquie, Cambodge, Chine, Cuba, Arménie, Algérie, Colombie, Pakistan, Syrie et Azerbaïdjan.
Cet après-midi, à partir de 15 heures, le Conseil poursuivra le débat avec M. Arrojo-Agudo, avant d’examiner le rapport du Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l'exercice des droits de l'homme.
Fin du débat général sur les rapports et mises à jour de la Haute-Commissaire aux droits de l’homme
Aperçu du débat
S’agissant de l’Afghanistan, il a été déploré que le cabinet nouvellement annoncé ne comprenne aucune femme. En outre, la nomination au poste de ministre de l'intérieur d’une personnalité issue d’un réseau terroriste est un signe alarmant, a mis en garde une ONG. Les représailles des Taliban contre d’anciens fonctionnaires, le déni des droits des femmes, de même que la persécution de défenseurs des droits de l'homme et des journalistes, ont aussi été jugés très préoccupants.
Plusieurs intervenants ont regretté que le Conseil n’ait su, lors de sa récente session extraordinaire consacrée à l’Afghanistan, adopter une réponse crédible à la situation. Ils ont plaidé pour la création, par le Conseil, d'un mécanisme indépendant capable d’enquêter sur les violations graves du droit international des droits de l'homme et du droit humanitaire en Afghanistan. La Haute-Commissaire a été priée de tenir compte, dans ses rapports, de la situation des minorités religieuses.
Plusieurs orateurs ont par ailleurs condamné les attaques menées contre les peuples autochtones par des colons armés au Nicaragua – la dernière en date, le 23 août, ayant entraîné la mort d’au moins neuf autochtones miskito et mayangna. D’autres intervenants ont dénoncé les persécutions politiques qui s’abattent sur le Nicaragua, parallèlement à la suspension de l’État de droit. Il a été recommandé que le Conseil crée un mécanisme de documentation et de responsabilité pour donner une voix aux victimes.
S’agissant du Venezuela, une organisation non gouvernementale (ONG) a déploré les persécutions, la criminalisation et les menaces qui s’intensifient à l'encontre des organisations et des défenseurs des droits humains, dans le cadre d’un schéma de persécution contre les différentes forme d’expression de la société civile organisée vénézuélienne. D’autres intervenants ont, pour leur part, jugé essentiel que les États qui ont imposé des mesures coercitives à l'encontre du Venezuela lèvent leurs sanctions, comme l’a recommandé la Haute-Commissaire.
Les membres du Conseil ont en outre été appelés à œuvrer à la levée de l'interdiction des vols à destination et en provenance de l'aéroport international de Sanaa, au Yémen, afin que l'aide humanitaire puisse parvenir à celles et ceux qui en ont besoin. A par ailleurs été critiqué ce qui a été qualifié de silence du Groupe d’éminents experts internationaux et régionaux sur le Yémen au sujet des violences commises par les houthistes. D’autres ONG ont appelé le Conseil à renouveler le mandat du Groupe d'éminents experts et à créer un mécanisme d'enquête international sur tous les crimes commis au Yémen.
S’agissant de Sri Lanka, des ONG ont demandé au Gouvernement qu’il abroge la loi sur le terrorisme, laquelle autorise le maintien en détention de personnes qui critiquent le pouvoir en place. D’autre part, le processus de sélection des membres du Bureau des personnes disparues a été qualifié de peu transparent. Enfin, la Haute-Commissaire et le Conseil ont été priés de se pencher sur les circonstances de l’attentat commis à Pâques 2019 contre une église et de contribuer à ce que justice soit rendue. L’intolérance religieuse, de même que des violences contre des chrétiens perpétrées par des membres de forces de sécurité, ont été condamnées.
Des intervenants ont d’autre part regretté que le Conseil n’ait pas entendu l'appel de la Haute-Commissaire en faveur de la création d'une commission d'enquête sur la situation dans le « Cachemire occupé par l'Inde ».
Des préoccupations ont également été exprimées concernant la situation des droits de l'homme dans la partie anglophone du Cameroun depuis 2017. La crise, qui découle d'un conflit sociopolitique divisant les parties française et anglaise du pays, se caractérise par de nombreuses attaques contre la population civile dans la région anglophone, a-t-il été rappelé.
La Haute-Commissaire a été priée de respecter les engagements pris lors du Sommet humanitaire mondial de 2016 s’agissant de la situation au Sahara occidental.
Des organisations ont par ailleurs mis en avant les réussites de la Chine dans les domaines de l’éducation et de la formation professionnelle. Il a en outre été recommandé de créer un système général de protection sociale pour protéger les personnes les plus touchées par la crise en Haïti.
D’autre part, une ONG a condamné le coup d'État militaire perpétré en Guinée le 5 septembre dernier. D’autres préoccupations ont été exprimées s’agissant du respect des droits de l’homme au Cambodge, au Tchad, dans la Région administrative spéciale de Hong-Kong (Chine), en Tanzanie et au Liban.
Des organisations non gouvernementales ont estimé qu’au vu de l’urgence climatique, le Conseil ne pouvait plus se contenter d’échanger simplement des vues sur l’opportunité de créer, à la présente session, un mandat de rapporteur spécial sur le changement climatique et les droits de l’homme. Le Conseil a été appelé à faire en sorte que les acteurs étatiques et non étatiques qui attaquent et tuent les défenseurs des droits de l’homme liés au climat répondent de leurs actes.
La gestion de la pandémie de la COVID-19 par la Grande-Bretagne, la France et les États-Unis a été critiquée. La répartition inégale des vaccins dans le monde a été condamnée.
Plusieurs organisations ont déploré que le Haut-Commissariat n’ait pas publié la liste des activités organisées dans le cadre du vingtième anniversaire de la Conférence de Durban et concernant l’application de la Déclaration et du Programme d’action de Durban.
Enfin, un intervenant a indiqué que le grand public reprochait souvent aux Nations Unies de ne pas dialoguer de manière équitable avec la société civile. Il a recommandé que le Haut-Commissariat dissipe les malentendus en donnant des statistiques sur le nombre d'organisations qu’il a rencontrées. A par ailleurs été demandée davantage de transparence dans le financement des procédures spéciales du Conseil.
*Liste des intervenants : United Nations Association of China,International Harm Reduction Association (IHRA),Human Rights Watch, Earthjustice,International Youth and Student Movement for the UN,China NGO Network for International Exchanges (CNIE), OIPMA,Organisation for Defending Victims of Violence, Beijing Crafts Council, International Movement Against All Forms of Discrimination and Racism (IMADR) , Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights,Center for International Environmental Law (CIEL), Franciscans International, Association américaine de juristes, Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, Comité International pour le Respect et l'Application de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (CIRAC), Peace Brigades International, VIVAT International, Synergie féminine pour la paix et le développement durable, Caritas Internationalis (International Confederation of Catholic Charities) , Commission internationale de juristes, Réseau International des Droits Humains (RIDH), Right Livelihood Award Foundation, Institut international pour les droits et le développement, Amnesty International, Service international pour les droits de l'homme, Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement, Congrès du monde islamique, Partners For Transparency, Association d'Entraide Médicale Guinée, Zéro Pauvre Afrique, CIVICUS - Alliance mondiale pour la participation des citoyens, iuventum e.V., Rencontre Africaine pour la défense des droits de l'homme, Organisation mondiale contre la torture, Fédération internationale des ligues de droits de l’homme,East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project, World Evangelical Alliance, Solidarité Suisse-Guinée, International Federation for the Protection of the Rights of Ethnic , Religious, Linguistic & Other Minorities, Institut du Caire pour les études sur les droits de l’homme, Soka Gakkai International,Associazione Comunita Papa Giovanni XXIII, Sikh Human Rights Group, Lawyers' Rights Watch Canada, Comité consultatif mondial de la Société des amis,FIAN International e.V., Maat for Peace,Development and Human Rights Association, United Nations Watch, Fundación Latinoamericana por los Derechos Humanos y el Desarrollo Social , The Next Century Foundation, Centre pour la justice et le droit international, African Green Foundation International, Conseil mondial de la paix et Centre européen pour le droit et la justice.
Dialogue avec le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement
Présentation du rapport
Le Conseil des droits de l’homme est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement, intitulé « Plan et vision pour le mandat (2020 à 2023) » (A/HRC/48/50), ainsi que de son rapport sur « le partenariat avec les organisations » (A/HRC/48/50/Add.1, à paraître en français).
M. PEDRO ARROJO-AGUDO, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement, a indiqué qu’il présentait son premier rapport sur la planification et sa vision des trois premières années de son mandat, de 2020 à 2023. Il a ajouté qu’il présentait un rapport complémentaire sur la façon dont il souhaitait collaborer avec les organisations internationales et régionales.
M. Arrojo-Agudo a souligné que « la crise mondiale de l'eau sur la Planète de l'Eau, la Planète Bleue » - une crise « aussi grave que paradoxale » - se caractérise par l’existence de 2,2 milliards de personnes sans accès garanti à l'eau potable et de 4,2 milliards de personnes ne disposant pas d’assainissement.
Le Rapporteur spécial a poursuivi en expliquant que la crise mondiale de l’eau génère non seulement une vague croissante de conflits socio-environnementaux dans le monde entier, menée par ceux qui souffrent directement de la crise sur leurs territoires, mais aussi des conflits qui sont parfois utilisés et manipulés pour justifier des guerres entre peuples et nations.
M. Arrojo-Agudo a expliqué que les causes profondes de cette crise mondiale de l’eau se trouvent dans la confluence de deux grandes failles structurelles du modèle de développement actuel : l’insoutenabilité des écosystèmes aquatiques, provoquée par l’homme, qui fait passer l’eau « de la clé de la vie à un terrible vecteur de maladie et de mort » ; et la pauvreté, l’inégalité et la discrimination résultant de l’ordre socioéconomique dominant.
À l'exception des territoires arides et semi-arides qui pourraient devenir inhabitables dans les prochaines décennies en raison du changement climatique en cours, et où la pénurie d'eau est le facteur clé, la plupart des 2,2 milliards de personnes sans accès garanti à l'eau potable ne sont pas à proprement parler des personnes qui ont soif sans que de l’eau ne soit présente dans leur milieu de vie, mais, pour la plupart, des personnes appauvries qui vivent à côté de rivières et autres sources aquifères polluées, a fait observer le Rapporteur spécial.
Trois facteurs aggravent aujourd’hui cette crise mondiale, a-t-il ajouté: la marchandisation et la financiarisation de l’eau ; le changement climatique ; et la pandémie de COVID-19, qui a aggravé les inégalités.
Dans ce contexte, M. Arrojo-Agudo a présenté trois objectifs clés qui marqueront les grandes lignes de son travail en tant que Rapporteur spécial : promouvoir la gouvernance démocratique de l’eau et de l’assainissement ; faire la paix avec nos rivières et restaurer la durabilité des écosystèmes aquatiques comme clé pour garantir les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement pour les plus pauvres ; et promouvoir l’eau comme clé de la collaboration et de la paix.
S’agissant de son rapport sur le partenariat avec les organisations, le Rapporteur spécial a indiqué avoir décidé de faire de l’engagement avec le tissu institutionnel « si complexe et si riche » du système des Nations unies une priorité.
Aperçu du débat
Il n'y a rien de plus essentiel à la vie sur terre que l'eau ; pourtant, dans des endroits de plus en plus nombreux, l'eau est en état de crise aiguë, a fait observer une délégation. La pénurie croissante [d’eau] prive des millions de personnes de leurs droits d'avoir accès à l'eau et à des installations sanitaires, et met en péril la paix et la stabilité ; ces dernières années, l'eau a été un facteur majeur dans de nombreux conflits ouverts, ont souligné plusieurs délégations.
Les délégations ont regretté l’impact des changements climatiques sur l’accès à l’eau et à l’assainissement et ont appelé le monde à prendre des mesures responsables.
Une délégation a rappelé que les grands projets doivent respecter le droit international, s’agissant notamment de l’utilisation de l’eau lorsqu’ils ont un impact transfrontières.
L’accès à l’eau et à l’assainissement est primordial pour lutter contre la diffusion de la COVID-19 et constitue un levier indispensable pour l’amélioration de la santé publique et pour la réduction de la pauvreté et des inégalités, ont souligné plusieurs délégations. Le respect du droit d’accès à l’eau et à l’assainissement contribue au respect d’autres droits, a-t-il été indiqué.
Un groupe de pays a demandé à la communauté internationale de redoubler d’efforts afin de préserver les écosystèmes.
Encore trop de personnes dans le monde sont malades ou décèdent en raison d’une mauvaise qualité de l’eau, ont regretté plusieurs délégations.
*Liste des intervenants : Egypte (au nom du groupe des Etats arabes), Union européenne, Organisation de coopération islamique, Egypte (au nom d’un groupe de pays), Allemagne, Djibouti, Etat de Palestine, France, Ordre souverain de Malte, et Suisse.
HRC21.110F