Aller au contenu principal

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES AUDITIONNE LA SOCIÉTÉ CIVILE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a auditionné, cet après-midi, des représentants de la société civile au sujet de la mise en œuvre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dans les quatre pays dont les rapports seront examinés cette semaine, à savoir la République démocratique du Congo, l’Autriche, le Cabo Verde et le Guyana.

S'agissant de la République démocratique du Congo, les organisations de la société civile ont fait part de leurs préoccupations s’agissant, notamment, de la prolifération des armes légères et de petit calibre et de ses répercussions sur les violences de genre ; des violences sexuelles basées sur le genre ; et de l’impact de l’exploitation minière et industrielle sur les droits des femmes.

En ce qui concerne l’Autriche, des inquiétudes ont été exprimées au sujet des interventions chirurgicales menées sur des enfants nés intersexes, ainsi qu’au sujet des restrictions de grande ampleur dans l’accès à l’avortement qui seraient actuellement envisagées par le nouveau Gouvernement.

Pour ce qui est de Cabo Verde, les organisations non gouvernementales (ONG) ont notamment évoqué la violence basée sur le genre, la réglementation du travail domestique, la prévalence du VIH/sida chez les femmes et les difficultés d’insertion des femmes handicapées.

Enfin, une ONG du Guyana a mis en avant les problèmes rencontrés par les femmes autochtones rurales, sous l’angle en particulier des droits fonciers.


Demain matin, à partir de 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de la République démocratique du Congo (CEDAW/C/COD/8).


Audition d'organisations non gouvernementales

S’agissant de la République démocratique du Congo,

Synergie pour la CEDEF a regretté que la politique nationale pour l’égalité entre les sexes en République démocratique du Congo ne bénéficie pas de fonds pour sa réalisation. L’organisation a recommandé qu’un travail de fond soit mené sur les causes profondes de la traite des personnes et a plaidé pour l’amélioration de la situation des femmes qui défendent les droits de la personne. L’ONG a également plaidé pour que les femmes de la République démocratique du Congo aient accès à un avortement sûr, moyennant réduction des obstacles qui s’y opposent encore.

La Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté a déclaré que la prolifération des armes légères et de petit calibre avait de graves répercussions sur les violences de genre. Elle a plaidé pour la ratification par la République démocratique du Congo du Traité sur le commerce des armes. L’ONG a en outre regretté que malgré l’adoption d’un plan d’action conforme à la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, la participation des femmes au processus de paix reste insuffisante.

Maat for Peace, Development and Human Rights a déclaré qu’entre janvier et août 2018, au moins 893 femmes et filles ont été victimes de violences sexuelles de la part de groupes armés – y compris de la part des Raia Mutomboki, a précisé l’ONG, appelant à une enquête approfondie à ce sujet. L’ONG a aussi regretté que le Code pénal ne criminalise pas explicitement le viol conjugal. Elle a enfin souligné que le droit à l’éducation des femmes et des filles n’était pas respecté dans le pays.

Solidarité féminine pour la paix et le développement intégral (SOFEPADI) a recommandé que le Gouvernement de la République démocratique du Congo renforce les mesures adoptées et poursuive les auteurs s’agissant des violences sexuelles en République démocratique du Congo, afin que l’impunité cesse à cet égard. L’ONG a notamment dénoncé le viol collectif d’une jeune fille par sept jeunes hommes fils de politiciens. L’ONG a souligné que le manque d’infrastructure de base aggrave la vulnérabilité des femmes et des filles face aux violences sexuelles. Elle a plaidé pour que le Gouvernement criminalise la violence domestique et conjugale.

Le Centre d’aide juridique et judiciaire a déploré l’impact de l’exploitation minière et industrielle sur les droits des femmes, dénonçant notamment les déplacements qui affectent durement les femmes rurales, lesquelles assurent la plupart des travaux agricoles. Dans les mines, les femmes assument des tâches subalternes particulièrement toxiques ; autour des mines artisanales, les femmes souffrent de pathologies dermatologiques et respiratoires, a souligné l’ONG. Elle a aussi condamné les violences basées sur le genre dont les femmes et les filles sont victimes.

Les Organisations des peuples pygmées en République démocratique du Congo ont déploré le manque d’attention accordée par le Gouvernement aux femmes autochtones pygmées dans la mise en œuvre des programmes liés, notamment, à la santé et à l’éducation. Les femmes autochtones pygmées sont les premières victimes des conflits fonciers avec leurs voisins bantous, a fait remarquer l’ONG. Les enfants autochtones ne bénéficient pas, quant à eux, des services de base tels que la vaccination.

UMANDE a souligné que les droits des femmes renvoient aussi aux droits des travailleuses du sexe et a prié le Comité de recommander à ce titre à la République démocratique du Congo d’arrêter l’opération Ujana, de lutter contre l’impunité dont bénéficient la police, l’armée et les services de sécurité et d’organiser un dialogue national afin d’adopter une législation pour la protection des droits des travailleuses du sexe.

La Commission nationale des droits de l’homme de la République démocratique du Congo a encouragé le Gouvernement à adhérer au Protocole facultatif se rapportant à la Convention, ainsi qu’à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Elle a en outre recommandé que le Gouvernement applique effectivement la Stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre de 2018 et qu’il garantisse le financement du Comité interministériel et du Conseil national du genre et de la parité.

Après ces présentations, les membres du Comité ont posé des questions sur la structure par sexe de la propriété foncière ; sur l’accès au crédit par les femmes congolaises ; ou encore sur la participation des nombreuses ONG congolaises à la politique du Gouvernement en matière de développement durable.

Les représentants de la société civile ont expliqué que les femmes n’étant pas en mesure d’offrir des garanties, elles n’ont pas accès au crédit. La propriété des terres autochtones est toujours communautaire, ce qui complique l’accès aux titres fonciers, a-t-il en outre été souligné.

La Commission nationale des droits de l'homme a quant à elle insisté pour avoir un libre accès à l’information dans ses enquêtes sur les violations des droits humains des femmes et des peuples autochtones, notamment. Elle a en outre rappelé que la loi lui donnait mandat de vérifier que les lois adoptées sont bien conformes aux droits de l’homme. La Commission a ensuite indiqué qu’elle envisageait de lancer un programme pour améliorer la qualité des statistiques produites en République démocratique du Congo.

S’agissant de l’Autriche

Klagsverband a fait savoir que des restrictions de grande ampleur dans l’accès à l’avortement étaient en train d’être envisagées en Autriche par le nouveau Gouvernement ; la règle des trois mois (trois premiers mois de la grossesse durant lesquels l’avortement peut être pratiqué) ne semble même pas garantie dans ce pays et les autorités ont interdit la participation d’intervenants extérieurs à l’école aux cours d’éducation sexuelle. L’ONG a d’autre part regretté que les autorités autrichiennes n’aient pas écouté les nombreuses demandes qui leur ont été faites s’agissant de la protection des femmes contre la violence. L’ONG a également critiqué les mesures prises par le Gouvernement qui nuisent à l’emploi des femmes et risquent de les plonger dans la pauvreté.

StopIGM a déploré que les enfants nés intersexes en Autriche, dotés d’organes génitaux « ambigus », soient toujours soumis à des interventions chirurgicales génitales superflues, y compris l’amputation partielle du clitoris, des procédures de stérilisation et des expérimentations humaines, sur la base des stéréotypes sociétaux et culturels sur ce qui constitue un corps masculin ou féminin acceptable. Pourtant, a dit l’ONG, la Cour constitutionnelle autrichienne a explicitement reconnu en 2018 que le fait d’être intersexe constitue une « variation » et non « un développement pathologique » et a conclu que le fait que les familles craignent la stigmatisation ne saurait en aucun cas justifier de telles interventions.

S’agissant de Cabo Verde

La Coalition des femmes de Cabo Verde a salué l’adoption et la mise en œuvre en cours du plan national d’assistance, qui constitue une avancée majeure dans les politiques en faveur de l’égalité entre les sexes. Mais la Coalition est préoccupée par la violence basée sur le genre ; considérant en effet que plus de 90% des victimes de la violence basée sur le genre sont des femmes, l’ONG a demandé au Gouvernement de l’archipel d’intensifier les efforts visant à mettre en œuvre la législation relative à cette forme de violence. L’organisation a aussi demandé au Gouvernement de procéder à l’approbation de la réglementation associée à la loi sur le travail domestique, trop longtemps reportée.

S’agissant de la santé, l’ONG a par ailleurs regretté que le taux de prévalence du VIH/sida soit plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Elle a demandé au Gouvernement caboverdien de réaliser une étude sur ce problème et de créer des conditions de traitement durables pour ces femmes. La Coalition a enfin invité le Gouvernement à prendre des mesures d’inclusion et d’insertion en faveur des femmes handicapées ; à accorder plus d’attention aux droits humains et à la liberté des femmes LBTI ; à adopter des lois criminalisant les attitudes discriminatoires et à réviser le Code civil.

Suite à ces présentations, les membres du Comité ont posé des questions sur les obstacles à la participation des femmes à la vie politique et sur la participation des ONG à l’application de la Convention.

Les ONG ont répondu que 17 femmes étaient députées sur 72 parlementaires et ont précisé que seules trois femmes étaient ministres au sein du Gouvernement actuel. Les organisations intéressées par ce problème (de la participation des femmes au niveau politique) participent à la préparation de la nouvelle loi sur la parité, qui prévoit notamment un quota minimum de 40% des sièges pour chacun des deux sexes.

S’agissant du Guyana

Le South Rupununi District Council a fait remarquer que les peuples autochtones vivent depuis longtemps dans l’insécurité relative aux droits fonciers. Cette insécurité frappe le plus durement les femmes rurales, qui font vivre leurs familles avec le produit de la terre, a souligné l’ONG. L’insécurité foncière a aussi pour effet que les activités minières sur les terres traditionnelles se déploient sans l’accord des peuples autochtones concernés, a-t-elle ajouté, précisant que ces activités entraînent une pollution des eaux au mercure qui affecte particulièrement les femmes autochtones. L’ONG a aussi dénoncé les violences sexuelles dont ces femmes sont victimes et le manque de services de soutien disponibles dans les villages.

Suite à cette présentation, une experte du Comité a voulu savoir si les peuples autochtones avaient toujours accès à la propriété collective de leurs terres. Elle s’est en outre enquise de la situation des femmes autochtones réfugiées venues du Venezuela. Une autre experte a souhaité en savoir davantage sur les obstacles matériels auxquels se heurtent les femmes dans l’accès aux services bancaires. D’autres questions ont porté sur la prise en charge de la santé mentale des jeunes filles migrantes – dont on sait que bon nombre se suicident, a-t-il été souligné.

L’ONG a précisé que les peuples autochtones détiennent des titres collectifs sur leurs territoires de pêche et de chasse.

Les organisations non gouvernementales ont indiqué qu’elles fourniraient ultérieurement des réponses complémentaires par écrit aux questions des expertes.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CEDAW19.019F