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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DE L’AFRIQUE DU SUD

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport de l’Afrique du Sud sur les mesures prises par ce pays en application de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant ce rapport, M. John Jeffery, Ministre adjoint au Département de la justice et du développement constitutionnel de l’Afrique du Sud, a indiqué qu’après avoir ratifié la Convention en 1998, l’Afrique du Sud en avait repris les dispositions en 2013 dans sa Loi sur la prévention et la lutte contre la torture des personnes. La Loi affirme l’interdiction absolue de la torture, y compris en temps de guerre, et prévoit des sanctions proportionnelles à la gravité de ce crime; elle autorise les tribunaux à poursuivre des Sud-Africains ayant commis des actes de torture à l’étranger; dispose que le crime de torture est imprescriptible; et interdit de refouler une personne vers un pays où elle risquerait d’être victime de torture.

M. Jeffery a ensuite annoncé que l’Afrique du Sud s’apprêtait à déposer son instrument d’adhésion au Protocole facultatif se rapportant à la Convention, qui vise la création d’un mécanisme national de prévention de la torture. Enfin, M. Jeffery a rappelé que la torture avait été couramment utilisée par les autorités de l’apartheid et que la mort du militant Steve Biko avait donné l’élan de l’adoption de la Convention par les Nations Unies. Il a indiqué que l’État sud-africain, déterminé à traduire les auteurs des crimes commis pendant cette période, avait rouvert des enquêtes au sujet du décès en détention de plusieurs militants anti-apartheid, comme le Dr Aggett.

La délégation sud-africaine était également composée, entre autres, de Mme Nozipho Joyce Mxakato-Diseko, Représentante permanente de l’Afrique du Sud auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants des Ministères sud-africains de l’intérieur, de la justice, des relations et de la coopération internationales, de la condition féminine, du développement social et des services correctionnels. Étaient aussi représentés les services de police et pénitentiaires sud-africains.

La délégation a répondu aux questions des membres du Comité concernant, notamment, l’âge de la responsabilité pénale et les conditions de détention; la lutte contre les violences sexistes et domestiques et contre les violences à l’encontre des personnes LGBTI; la répression de la traite de personnes; les personnes atteintes d’albinisme; le traitement des migrants; ou encore le scandale des établissements psychiatriques de la province du Gauteng (affaire Esidimeni).

Les manifestations de xénophobie en Afrique du Sud relèvent de rapports de classes et de problèmes d’accès aux ressources, a d’autre part expliqué la délégation.

Le nouveau Parlement qui sera élu la semaine prochaine devra décider du retrait ou non de l’Afrique du Sud de la Cour pénale internationale (CPI), a par ailleurs déclaré la délégation. Pour l’heure, l’Afrique du Sud est membre à part entière droit de cette instance, a-t-elle ajouté, avant de constater que (jusqu’ici) cette Cour était saisie uniquement de cas impliquant des justiciables africains.

Mme Ana Racu, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de l’Afrique du Sud, a regretté que la Loi sur la prévention et la lutte contre la torture mentionnée par le chef de la délégation n’impose pas de peine minimale pour les faits de torture et qu’elle ne prévoie pas de réparation pour les victimes de ces faits. Constatant en outre que la violence xénophobe persiste en Afrique du Sud, elle s’est enquise des mesures prises par l’État pour prévenir les agressions contre les requérants d’asile et les réfugiés en Afrique du Sud. Mme Racu a ensuite regretté que les auteurs de violences sexuelles et sexistes, y compris de meurtres de femmes, soient trop peu condamnés. Elle s’est également alarmée des décès en garde à vue et autres décès dus à des actes de la police. Mme Racu a également fait part de ses préoccupations face aux violences commises en Afrique du Sud contre les personnes LGBTI, les personnes accusées de sorcellerie et les personnes atteintes d’albinisme.

Quant à Mme Essadia Belmir, également corapporteuse, elle a recommandé au pays de se doter d’un cadre pour évaluer l’efficacité de la formation aux droits de l’homme et à la prévention de la torture dispensée aux personnels policiers et pénitentiaires. Vu la fréquence des allégations de torture en Afrique du Sud, et l’impunité qui semble régner dans ce domaine dans un contexte de violence généralisée, il semble que les agents chargés de faire respecter la loi soient eux aussi tentés de recourir à la force, a-t-elle regretté.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l’Afrique du Sud et les rendra publiques à l'issue de la session, le 17 mai prochain.


Demain matin, à partir de 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport du Bénin (CAT/C/BEN/3).


Présentation du rapport

Le Comité était saisi du deuxième rapport périodique de l’Afrique du Sud (CAT/C/ZAF/2), couvrant la période de 2002 à 2013, ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter soumise par le Comité.

Présentant ce rapport, M. JOHN JEFFERY, Ministre adjoint au Département de la justice et du développement constitutionnel de l’Afrique du Sud, a indiqué qu’après avoir ratifié la Convention en 1998, l’Afrique du Sud en avait repris les dispositions en 2013 dans sa Loi sur la prévention et la lutte contre la torture des personnes, laquelle prévoit des sanctions proportionnelles à la gravité de ce crime, dont elle affirme l’interdiction absolue, y compris en temps de guerre. Cette Loi autorise les tribunaux à poursuivre des Sud-Africains ayant commis des actes de torture à l’étranger. Elle dispose en outre que le crime de torture est imprescriptible et interdit de refouler une personne vers un pays où elle risquerait d’être victime de torture.

Parallèlement, l’Afrique du Sud a créé une direction indépendante de contrôle des activités de la police, une démarche qui s’inscrit dans le contexte plus général de la volonté des autorités de créer une culture de la responsabilité au sein de cette institution, a poursuivi M. Jeffery.

Le Ministre adjoint a ensuite informé le Comité que la Cour constitutionnelle était actuellement saisie d’une demande de suppression de la loi de la disposition autorisant les parents à user de « châtiments corporels raisonnables » contre leurs enfants – les châtiments corporels étant par ailleurs déjà interdits à l’école depuis l’an 2000.

M. Jeffery a ensuite annoncé que l’Afrique du Sud s’apprêtait à déposer son instrument d’adhésion au Protocole facultatif se rapportant à la Convention, qui vise la création d’un mécanisme national de prévention de la torture. Le mécanisme que les autorités sont en train de mettre sur pied surveillera le traitement des personnes détenues en Afrique du Sud; il sera doté des ressources et de l’autonomie nécessaires à son fonctionnement, a précisé le Ministre adjoint.

Enfin, M. Jeffery a rappelé que la torture avait été couramment utilisée par les autorités de l’apartheid et que la mort du militant Steve Biko avait donné l’élan de l’adoption de la Convention par les Nations Unies. Il a indiqué que l’État sud-africain, déterminé à traduire les auteurs des crimes commis pendant cette période, avait rouvert des enquêtes au sujet du décès en détention de plusieurs militants anti-apartheid, comme le Dr Aggett.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME ANA RACU, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de l’Afrique du Sud, a regretté que la Loi sur la prévention et la lutte contre la torture mentionnée par le chef de la délégation n’impose pas de peine minimale pour les faits de torture et qu’elle ne prévoie pas de réparation pour les victimes de ces faits, hormis les requêtes pouvant être présentées en ce sens au civil. Ces lacunes dans la protection compromettent l’efficacité de l’application de la Convention, a déclaré Mme Racu, avant de faire observer que des organisations non gouvernementales (ONG) regrettent qu’aucun fonctionnaire n’ait été poursuivi en vertu de ce texte. L’accès à la justice est une caractéristique fondamentale de la réparation, a insisté Mme Racu. Aussi, a-t-elle demandé à la délégation de préciser en vertu de quelles normes ou lois des fonctionnaires de l’État ont déjà été poursuivis pour agression, meurtre ou torture.

Mme Racu a fait observer que l’Afrique du Sud avait annoncé, en 2016, son retrait du Statut de Rome de la Cour pénale internationale et l’abrogation subséquente des lois d’application y relatives. Ces mesures ont été vivement contestées par la société civile sud-africaine et la Haute Cour de justice a déclaré inconstitutionnelle, en février 2017, cette décision de retrait immédiat du Statut de Rome. Mme Racu a demandé à la délégation de dire quelle était la situation à l’heure actuelle en la matière.

La corapporteuse a posé d’autres questions portant sur l’autonomie et les moyens dont dispose la Commission nationale des droits de l’homme (SAHRC). Elle a voulu savoir, en particulier, si les recommandations formulées en novembre 2017 par l’Alliance mondiale des institutions nationales de droits de l’homme en vue de renforcer la SAHRC avaient été appliquées et avec quel effet.

S’agissant du mécanisme national de prévention qu’il est prévu de créer en Afrique du Sud, Mme Racu a voulu savoir comment serait assurée l’indépendance de cette institution et quel en serait le budget. En l’état actuel des choses, l’experte a relevé que, selon le rapport sur les droits de l’homme du Département d’État des États-Unis, les organisations qui souhaitent visiter les lieux de détention en Afrique du Sud doivent d’abord demander une autorisation préalable.

Mme Racu a par ailleurs voulu savoir si les cellules des commissariats de police sont soumises à la surveillance. Elle a en outre relevé que des ONG avaient fait part de leurs préoccupations face au manque d’indépendance des services judiciaires d’inspection des lieux de détention.

S’agissant des garanties procédurales, Mme Racu a posé plusieurs questions concernant, notamment, l’enregistrement audio des interrogatoires de détenus et l’accès des détenus à des services médicaux gratuits; elle s’est également enquise de l’indépendance des médecins affectés aux lieux de détention et aux commissariats. Mme Racu a aussi voulu savoir si ces médecins étaient formés à la détection des signes de torture. Elle a ensuite fait part des préoccupations du Comité relativement à des arrestations arbitraires de migrants porteurs ou non de documents en bonne et due forme.

Malgré de nombreuses dispositions progressistes prises en faveur du respect des droits des migrants en Afrique du Sud, a poursuivi Mme Racu, il demeure un certain nombre de lacunes dans les ressources et l’attention consacrées à la documentation et à l’élimination des actes de torture contre des ressortissants étrangers. Quant à la violence xénophobe, elle persiste en Afrique du Sud, a regretté la corapporteuse: entre janvier 2015 et janvier 2017, 66 personnes ont perdu la vie dans des incidents à caractère xénophobe. Mme Racu a prié la délégation de dire quelles mesures l’État prenait pour prévenir les agressions contre les requérants d’asile et les réfugiés.

Mme Racu a ensuite regretté que les auteurs de violences sexuelles et sexistes, y compris de meurtres de femmes, soient trop peu condamnés. Elle a demandé à la délégation de fournir des statistiques sur l’ampleur du problème de la violence domestique et sur le phénomène de la violence sexuelle contre des hommes. La corapporteuse a aussi regretté la persistance des mutilations génitales féminines en Afrique du Sud.

S’agissant de la répression de la traite de personnes, Mme Racu a jugé prioritaire que l’Afrique du Sud dispose de statistiques précises sur ce phénomène dû, en particulier, aux inégalités structurelles et à une forte demande en main-d’œuvre bon marché.

D’autres questions de Mme Racu ont porté sur les effectifs, les conditions de travail et la formation du personnel pénitentiaire.

L’experte s’est en outre alarmée qu’entre 2015 et 2016, selon l’inspection des services de police, quelque 216 personnes soient mortes en garde à vue et 366 du fait d’actes de policiers.

La corapporteuse a évoqué le scandale d’Esidimini, soit la mort de 143 personnes dans des structures psychiatriques de la province du Gauteng. Mme Racu a voulu savoir si le Gouvernement avait tiré les enseignements de cette tragédie en ce qui concerne les réformes à mener pour garantir une prise en charge vraiment professionnelle des personnes atteintes dans leur santé mentale.

Mme Racu a enfin fait part de ses préoccupations face aux violences commises en Afrique du Sud contre les personnes LGBTI, les personnes accusées de sorcellerie et les personnes atteintes d’albinisme.

La délégation ayant soutenu, pendant le débat, que certaines questions soulevées par Comité devraient être examinées par d’autres instances, Mme Racu a tenu à souligner que la Convention contenait des dispositions liées à d’autres instruments de droits de l’homme et que le Comité avait préparé des commentaires généraux destinés à préciser l’interprétation qu’entendait donner le Comité de certains articles de la Convention. Mme Racu a en outre rappelé que tous les droits de l’homme sont, par nature, universels, interdépendants et indivisibles.

D’autres questions de Mme Racu ont porté sur la protection des migrants mineurs non accompagnés; sur l’accès aux soins de santé pendant les gardes à vue; sur le renforcement des compétences professionnelles des gardiens de prison et l’amélioration de leurs conditions de travail; et sur l’indépendance des services d’inspection des prisons.

MME ESSADIA BELMIR, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de l’Afrique du Sud, a recommandé au pays de se doter d’un cadre pour évaluer l’efficacité de la formation aux droits de l’homme et à la prévention de la torture dispensée aux personnels policiers et pénitentiaires. Vu la fréquence des allégations de torture en Afrique du Sud, et vu l’impunité qui semble régner dans ce domaine dans un contexte de violence généralisée, il semble que les agents chargés de faire respecter la loi soient eux aussi tentés de recourir à la force, a-t-elle fait observer.

Mme Belmir s’est enquise des mesures prises pour que les interrogatoires de suspects se déroulent dans le respect des garanties procédurales. La mise à l’isolement de détenus a été abolie au profit d’un autre régime soumis à l’approbation d’un juge; mais les personnes intéressées sont rarement informées du fait qu’elles peuvent faire recours contre cette mesure disciplinaire, a ajouté la corapporteuse. Mme Belmir a ensuite relevé que la population carcérale est majoritairement composée de personnes non blanches (1% de Blancs et moins de 1% d’Asiatiques) et que certains signes semblaient attester d’une surpopulation carcérale en Afrique du Sud. L’experte a par ailleurs regretté que certains décès [considérés comme] naturels en détention soient en fait dus à un manque de soins. Elle a déploré d’une manière générale la violence qui règne dans les prisons sud-africaines.

Mme Belmir a fait observer que l’ambiguïté de certaines réponses de l’Afrique du Sud s’explique par le fait que loi de 2013 ne précise pas quels sont les éléments constitutifs de la torture et ne prévoit pas de réparations pour les victimes. Elle a recommandé de donner des instructions au parquet pour que des poursuites soient effectivement lancées contre les membres des forces de l’ordre accusés de violations des droits fondamentaux.

La corapporteuse a en outre insisté sur le fait que les preuves obtenues sous la torture ne sauraient être acceptées par les tribunaux. Elle a posé d’autres questions sur la situation des mineurs en détention; le traitement des migrants; le dédommagement des victimes de la torture; et la protection des défenseurs des droits de l’homme.

Mme Belmir a par la suite soulevé la question des décès pendant les interrogatoires de police et a recommandé que le problème de l’impunité des auteurs de violences policières soit traité de manière plus rigoureuse par les autorités sud-africaines.

D’autres membres du Comité ont soulevé des questions relatives aux agressions entre détenus dans les prisons sud-africaines; à la lutte contre la traite des personnes; à la durée du placement des détenus en isolement cellulaire; au contenu de la formation dispensée aux fonctionnaires chargés des personnes détenues; au respect du principe de non-refoulement et à la procédure de demande d’asile en Afrique du Sud.

Plusieurs experts ont insisté sur le fait que l’octroi de réparations aux victimes de la torture était une obligation fondamentale des États au titre de la Convention.

M. JENS MODVIG, Président du Comité, a souhaité en savoir davantage sur la collaboration entre les autorités sud-africaines et les ONG qui avaient été chargées du suivi psychiatrique des victimes du scandale d’Esidimini, mentionné par Mme Racu. Il a insisté sur l’importance que revêtent les contrôles lorsque l’État choisit de se décharger de certaines de ses responsabilités sur le secteur privé.

Un expert du Comité a par la suite recommandé que l’Afrique du Sud simplifie la procédure d’octroi de réparations aux victimes de torture.

Un autre expert a rappelé que l’isolement cellulaire (ou « ségrégation », selon la terminologie sud-africaine) prolongé dépassant 22 heures par jour et sans contact humain était interdit par les règles Nelson Mandela.

Réponses de la délégation

La délégation a rappelé que ce 1er mai marquait le trentième anniversaire de l’assassinat d’un militant émérite contre l’apartheid, David Webster, le 1er mai 1989. La lutte pour l’émancipation n’a pas été aisée et n’est pas terminée, malgré les progrès accomplis depuis vingt-cinq ans, a ajouté la délégation. L’Afrique du Sud est consciente du fait qu’il est toujours possible d’améliorer la situation et est pleinement engagée à respecter ses obligations, a-t-elle assuré.

Dans des remarques générales, la délégation a en outre indiqué entre autres choses, que les manifestations de xénophobie en Afrique du Sud relèvent de rapports de classes et de problèmes d’accès aux ressources. Elle a d’autre part regretté que les demandes d’informations sur les mutilations génitales féminines reposent uniquement sur des articles de presse et a fait observer que les tribunaux sud-africains ne sont saisis d’aucune plainte pour de tels faits.

La délégation a ensuite souligné que la libération conditionnelle de personnes condamnées à la prison à perpétuité ne peut intervenir avant que les personnes concernées aient accompli au moins 25 ans de réclusion.

L’Afrique du Sud a aboli la peine de mort en 1994 et l’a remplacée par des peines d’emprisonnement de longue durée, le maximum possible étant la réclusion à perpétuité, a rappelé la délégation, soulignant que cette mesure a évidemment eu une incidence sur le nombre de peines de prison à vie prononcées.

La responsabilité pénale en Afrique du Sud est fixée à 10 ans; mais les autorités ont pour but de porter cet âge à 14 ans, a d’autre part indiqué la délégation. Grâce aux mesures prises par les pouvoirs publics, le nombre de mineurs condamnés par la justice a reculé de 97% entre 2000 et 2017, a-t-elle fait valoir.

Une victime de torture n’a pas besoin de déposer une plainte pénale pour avoir le droit de demander des dédommagements, a aussi fait savoir la délégation; elle peut agir tant au pénal qu’au civil. La loi sud-africaine ne prévoit pas de procédure administrative en matière d’indemnisation, mais exige au contraire le lancement d’une procédure judiciaire.

S’agissant des questions relatives aux conditions de détention, la délégation a notamment expliqué que la sanction administrative de « ségrégation » est différente du placement à l’isolement; elle peut être infligée, pour une durée de deux mois au plus, à des détenus violents ou ayant tenté de s’évader. Toute sanction de cette nature peut faire l’objet d’un recours devant un « juge d’inspection » (inspecting judge). Le corps de ces juges chargés de l’inspection judiciaire des prisons est habilité à contrôler les lieux de détention, a ajouté la délégation. Ce régime carcéral dit de « ségrégation » ne constitue pas un régime d’isolement cellulaire, a insisté la délégation.

Tout décès en détention ou en garde à vue pour une cause indéterminée ou inconnue donne lieu à une enquête, a ensuite souligné la délégation; les médecins légistes peuvent exiger d’avoir accès au lieu de détention concerné, a-t-elle ajouté. La loi stipule que les personnes arrêtées et placées en garde à vue doivent pouvoir recevoir des traitements médicaux.

On a recensé 201 décès en garde à vue en 2017-2018, ce qui constitue une nette diminution par rapport aux années précédentes, a par la suite précisé la délégation. Chaque cas doit être signalé par la police au Ministère compétent, lequel ouvrira systématiquement une enquête, a-t-elle ajouté. Le règlement intérieur de la police contient des mesures de prévention des suicides de personnes détenues, qui sont une cause majeure de décès, a-t-elle en outre souligné.
L’Afrique du Sud n’a pas actuellement les moyens d’enregistrer systématiquement les interrogatoires de police, a par ailleurs expliqué la délégation.

La délégation a par la suite insisté sur le fait que l’Afrique du Sud allait ouvrir des enquêtes sur tous les décès en détention de personnes pendant la période de l’apartheid, la procédure choisie permettant aux familles des victimes de participer aux enquêtes.

Les violences dont les personnes LGBTI sont victimes en détention provisoire font l’objet d’enquêtes, a en outre assuré la délégation; des peines allant jusqu’à 15 ans de prison ont déjà été prononcées contre les auteurs de tels actes.

D’autre part, la délégation a indiqué que le Président de la République d’Afrique du Sud conduisait personnellement la lutte contre les violences sexistes. Les autorités mènent chaque année à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence envers les femmes (25 novembre) et de la Journée internationale des droits de l’homme (10 décembre) une vaste campagne de prévention de la violence sexiste. La délégation a aussi décrit le réseau de 206 refuges qui ont été ouverts à travers tout le pays à l’intention des victimes de la violence sexiste et sexuelle: il s’agit notamment des White Doors Safe Space of Hope (havres d’espoir dits des Portes blanches) et des Command Centers (centres de commandement) assurant une prise en charge professionnelle des victimes de traumatisme.

L’Afrique du Sud lutte également contre la violence domestique, a poursuivi la délégation. La police a aménagé plus d’un millier de salles spécialement dédiées à l’écoute des victimes. En outre, des campagnes de sensibilisation sont régulièrement menées dans les écoles, entre autres lieux. Des ordonnances de protection peuvent être demandées non seulement par les victimes directes de cette violence, mais aussi par toute personne ayant un intérêt au bien-être de la victime – parent, conseiller, enseignant ou travailleur social, par exemple. L’État s’est aussi doté d’un plan national de prévention et de lutte contre le féminicide.

La répression de la traite des personnes est une réalité en Afrique du Sud, les tribunaux sud-africains ayant prononcé des peines sévères contre les auteurs de tels faits, a par ailleurs fait valoir la délégation.

Une experte ayant voulu savoir si des enquêtes avaient été ouvertes ou non au sujet d’allégations de traite des êtres humains en Afrique du Sud figurant dans un rapport du Département d’État des États-Unis, la délégation a par ailleurs indiqué que l’Afrique du Sud n’entendait pas être évaluée à l’aune d’un rapport émanant d’un pays qui s’est retiré du Conseil des droits de l’homme. La délégation a toutefois précisé que plusieurs lourdes condamnations, allant jusqu’à la détention à perpétuité, avaient été prononcées pour des faits de traite de personnes. D’autre part, il est faux de dire, comme le font certains médias, que 35 000 enfants ont été victimes de la traite en Afrique du Sud, a assuré la délégation.

Le nouveau Parlement qui sera élu la semaine prochaine devra décider du départ ou non de l’Afrique du Sud de la Cour pénale internationale (CPI), a ensuite déclaré la délégation sud-africaine. Pour l’heure, l’Afrique du Sud est membre à part entière droit de cette instance, a-t-elle ajouté. La délégation a en outre jugé scandaleuse la décision des États-Unis d’interdire au Président de la CPI de se rendre sur le territoire des États-Unis. Elle a d’autre part constaté que cette Cour était saisie uniquement de cas impliquant des justiciables africains.

La délégation a par la suite fait observer que les autorités sud-africaines n’avaient pas donné suite à plusieurs demandes d’arrestation de différents dirigeants étrangers en visite en Afrique du Sud.

La délégation a par ailleurs indiqué que l’Afrique du Sud avait mis en place une stratégie de sensibilisation à la protection des personnes atteintes d’albinisme contre les crimes de haine. Tout acte de discrimination contre ces personnes est considéré, par la loi, comme un crime. Le Rapporteur spécial sur cette question viendra en Afrique du Sud pour y évaluer les progrès à réaliser dans ce domaine, a précisé la délégation.

En réponse aux questions soulevées par les experts au sujet de l’affaire Esidimeni, la délégation a assuré que le Gouvernement était conscient des erreurs qui ont été commises dans la supervision et la gestion des relations entre les pouvoirs publics et les organisations non gouvernementales auxquelles avait été confiée la prise en charge de patients en psychiatrie – erreurs ayant donné lieu à la commission de véritables atrocités.

La délégation a aussi fait savoir que deux policiers jugés pour des meurtres lors de manifestations verraient leur peine prononcée dans le courant du mois de mai.

Le traitement des migrants en Afrique du Sud est régi par la loi générale du pays, a par ailleurs indiqué la délégation. Les enfants immigrants ne peuvent pas être arrêtés, mais ils sont en revanche « interceptés » s’ils sont victimes de la traite, avant d’être remis à leurs parents ou rapatriés dans leur pays. Les demandes d’asile sont examinées dans le cadre d’une procédure rigoureuse en trois étapes et en cas de refus, les requérants déboutés sont soumis à la loi sur les migrations, a précisé la délégation. Les migrants détenus dans le centre de rapatriement de Lindela bénéficient de services de santé complets et de visites par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et par la Croix-Rouge sud-africaine, a ajouté la délégation.

L’Afrique du Sud ne renvoie personne dans un pays où sa vie risquerait d’être menacée, a également assuré la délégation. Ce principe de non-refoulement est entériné par la loi et par la jurisprudence des tribunaux sud-africains, a-t-elle précisé.

Les travailleurs migrants contribuent beaucoup à la prospérité et au développement de l’Afrique du Sud, a en outre souligné la délégation. Mais l’Afrique du Sud est régie par des lois et les personnes qui y contreviennent doivent faire l’objet de sanctions, a-t-elle ajouté.

La création du mécanisme national de prévention renforcera la capacité de l’Afrique du Sud à respecter les normes internationales, a en outre affirmé la délégation.

La délégation a indiqué qu’elle fournirait ultérieurement au Comité des renseignements sur la formation des fonctionnaires sud-africains.

La délégation a d’autre part précisé que la définition de la torture appliquée en Afrique du Sud était conforme à celle donnée par la Convention, notamment en ce qu’elle porte sur les actes de fonctionnaires ou de personnes agissant au nom de l’État.

L’Afrique du Sud est fermement convaincue de l’interdépendance de tous les droits de l’homme et est consciente du fait que certains problèmes relatifs aux droits de l’homme relèvent de plusieurs organes de traités, a ensuite indiqué la délégation. Elle a assuré qu’elle abordait avec le plus grand sérieux la préparation des rapports dus à ces organes et a recommandé que chacun des comités tiennent compte des réponses fournies par l’Afrique du Sud aux autres organes de traité. La délégation a insisté sur la lourde charge que constitue, pour l’Afrique du Sud, la présentation des rapports dus aux organes conventionnels.

Remarques de conclusion

M. JEFFERY a insisté sur la volonté des gouvernements sud-africains qui se sont succédé depuis vingt-cinq ans de démanteler l’héritage de l’apartheid et de défendre les droits de l’homme. La lutte contre la torture, un phénomène endémique sous l’ancien régime, fait partie des priorités en la matière et la création du mécanisme national de prévention devrait contribuer à la réalisation de cet objectif, a-t-il souligné.

M. MODVIG a estimé que le Comité était justifié à demander aux pays de donner des compléments d’information sur des questions importantes soulevées antérieurement par d’autres organes de traités, s’agissant par exemple des mesures prises pour éviter les mauvais traitements infligés à des personnes handicapées. En matière de droits de l’homme, les recoupements ne sont pas toujours des doublons, a insisté le Président du Comité.



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CAT/19/5F