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LE COMITÉ AUDITIONNE LA SOCIÉTÉ CIVILE AU SUJET DE LA SITUATION EN LETTONIE ET EN CHINE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a auditionné, ce matin, des représentants de la société civile au sujet de la mise en œuvre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale en Chine (y compris la Région administrative spéciale de Hong Kong) et en Lettonie, deux des quatre pays dont les rapports seront examinés cette semaine.

En ce qui concerne la Lettonie, l’attention a été attirée sur la situation des personnes non lettonnes, qui n’ont pas la nationalité lettone mais ne sont pas non plus considérées comme étrangères ni apatrides.

Pour ce qui est de la Chine, la discussion a porté sur la situation des minorités musulmane et tibétaine. A également été évoquée la situation des minorités et des travailleuses domestiques dans la RAS de Hong Kong.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Monténégro, qu'il achèvera demain matin.


Audition de la société civile

S’agissant de la Lettonie

Latvian Human Rights Committee a expliqué que la catégorie des non-Lettons qui n’ont pas de nationalité représente 11% de la population du pays. Ces personnes issues d’une minorité ethnique n’ont aucun droit civil; elles n’ont pas accès au service public, ni à certaines professions. Il semblerait que ce problème soit en train de disparaître car leur nombre diminue; cette diminution s’explique dans une certaine mesure par les politiques de naturalisation, mais aussi par l’émigration ou des décès. La communauté russophone représente 37% de la population de la Lettonie; or, le russe est considéré comme une langue étrangère dans ce pays. L’éducation dans les langues minoritaires devient de plus en plus compliquée en Lettonie; l’enseignement officiel doit se faire principalement en letton, a insisté l’ONG.

Dans le cadre du dialogue qui a suivi cette présentation, une experte du Comité a demandé, s’agissant des non-ressortissants, quel était leur statut juridique alors qu’ils ne sont pas considérés comme apatrides. Quelles sont leurs conditions de vie et depuis combien de temps résident-ils dans le pays ? Il a par ailleurs été demandé pourquoi les autorités lettones autorisaient chaque année des manifestations de vétérans nazis. Qu’en est-il en outre de l’utilisation des langues dans les écoles privées ?

Un autre expert a dénoncé le caractère discriminatoire de la loi sur la nationalité qui oblige les individus à prouver qu’ils sont lettons de souche pour obtenir la nationalité lettone. Cette disposition discriminatoire figure-t-elle toujours dans la législation lettone, a-t-il demandé ?

Un représentant de la société civile a expliqué qu’un non-ressortissant en Lettonie n’était considéré ni comme un apatride, ni comme un ressortissant letton, ni comme étranger; selon la cour constitutionnelle, il s’agit d’une nouvelle catégorie des personnes. Or, 43% de ces non-ressortissants sont nés à Lettonie et les autres y résident depuis l’ère soviétique. Les écoles privées avaient jusqu’à cette année la possibilité d’enseigner en langue étrangère; mais depuis 2018, elles sont dans l’obligation d’enseigner principalement en letton, comme les écoles publiques.

S’agissant de la Chine et de la RAS de Hong Kong

International Service for Human Rights a expliqué que la participation des organisations de la société civile a été limitée depuis le précédent examen de la Chine. C’est le résultat de politiques discriminatoires, a affirmé l’ONG. Il existe un certain nombre de preuves que des détentions sur la base de l’origine ethnique et de la religion se produisent dans la province du Xinjiang à l’encontre des populations ouïghoure et musulmane, a-t-elle poursuivi. Les personnes qui plaident pour l’autodétermination de la Région autonome du Tibet sont considérées comme des terroristes, a ajouté l’ONG. Les Tibétains doivent faire face à des restrictions à la liberté de circulation et ceux qui partent en voyage sont confrontés à des représailles lorsqu’ils reviennent chez eux. La Chine est le deuxième pays au monde avec le plus de journalistes emprisonnés, a ajouté l’ONG; or 44% des journalistes détenus y proviennent de groupes minoritaires.

Tibet Advocacy coalition Report China Review a expliqué que les nomades du Tibet se voient privés de leur terre et de leur culture. Ils sont considérés comme des terroristes et font face à des violences policières. Le Gouvernement chinois limite le travail des organisations de la société civile qui travaillent en langue tibétaine. Un défenseur de la langue tibétaine arrêté en 2016 fait actuellement l’objet d’une peine de cinq ans d’emprisonnement. La propagande chinoise vise à éliminer le mode de vie nomade et à le remplacer par le mode de vie chinois. Les bergers mongols font aussi l’objet de violences, a dénoncé l’ONG.

Happiness Realization Research Institute a dénoncé les discriminations raciales en Chine à l’encontre des minorités ethniques telles que les Ouïghours. La loi antiterroriste a abouti à ce que de nombreux musulmans ouïghours soient considérés comme des terroristes et soient victimes de graves violations des droits de l’homme. Des couples ouïghours sont envoyés dans des camps pour n’avoir pas respecté l’obligation qui leur était faite de renommer leurs enfants ayant reçu un nom musulman à la naissance.

International Campaign for Tibet a déploré que les Tibétains ne puissent pas défendre ni pratiquer leur religion ou leur culture. La propagande chinoise diffuse des discours racistes à l’encontre des Tibétains, en particulier depuis les manifestations de 2008. Les Tibétains sont régulièrement passés à tabac lorsqu’ils exercent leur religion; ils ne peuvent pas voyager à l’étranger et voient entraver leur liberté de circulation. L’ONG a en outre dénoncé la détention arbitraire de défenseurs de la culture tibétaine.

World Uyghur Congress a expliqué que la Chine a mis en place des camps d’endoctrinement et de concentration où sont détenus un million de membres de la communauté ouïghoure; il s’agit de personnes qui sont détenues dans des camps sans chef d’accusation et sans accès à une défense (juridique). De très nombreux Ouïghours sont en exil et vivent loin de leur famille; cette population vit de nombreuses discriminations au quotidien dans l’exercice de sa religion.

En ce qui concerne la RAS de Hong Kong, Justice and Peace Commission of the Hong Kong Catholic Diocese a expliqué que la RAS de Hong Kong était un point d’entrée pour moderniser la structure des droits de l’homme en Chine. Malheureusement, il y a une détérioration des droits de l’homme à Hong Kong, a déploré l’ONG, avant de lancer un appel afin que le Gouvernement (chinois) n’intervienne pas dans le principe « un pays, deux systèmes ». La Chine doit mettre en œuvre une institution nationale de droits de l’homme en conformité avec les Principes de Paris.

Center for Comparative and Public Law a dénoncé le manque d’indépendance, notamment au niveau budgétaire, de la Commission pour l’égalité des chances, jugeant cet organe inefficace. Le Gouvernement doit faire en sorte que cette institution nationale de droits de l'homme puisse être mise en conformité avec les Principes de Paris. En Chine, les membres des minorités n’ont pas accès à un interprète dans le domaine de la justice, a par ailleurs déploré l’ONG. Elle a demandé au Gouvernement chinois de prendre des mesures pratiques pour éliminer toutes les formes de discrimination raciale.

L’organisation a par ailleurs dénoncé la législation sur l’asile, faisant observer qu’en Chine, les demandeurs d’asile ne peuvent pas travailler et n’obtiennent aucune aide. Seules 0,8% des procédures (d’asile) aboutissent et les personnes déboutées risquent le refoulement; en général, l’aide juridictionnelle est refusée aux requérants. Le Gouvernement chinois ne doit pas sacrifier l’équité au nom de la rapidité de la procédure, a insisté l’ONG, avant de faire état d’allégations de mauvais traitements et de torture à l’encontre des demandeurs d’asile.

Hong Kong Ethnic Minority Student a dénoncé la discrimination raciale dans les écoles publiques de la RAS de Hong Kong dont sont victimes les membres des minorités ethniques. La majorité des élèves du primaire et du secondaire issus des minorités est concentrée dans trente des plus de mille écoles que compte Hong Kong et il n’y a pas de matériels pédagogiques à disposition pour les minorités.

Society for Cultural Integration a expliqué que les minorités se retrouvent dans un cycle de pauvreté et a dénoncé le racisme institutionnel à leur encontre, la couleur de peau constituant une entrave à l’accès à l’emploi et aux services publics, notamment.

Mission for Migrant Workers a souligné qu’il y avait dans la RAS de Hong Kong plus de 380 000 travailleuses migrantes qui travaillent sans protection sociale et font face à de nombreuses discriminations, sans parler des mauvais traitements dont elles sont victimes, ni du fait qu’elles n’ont pas droit à des congés de maternité.

Civil Human Rights Front a expliqué que pour éliminer le profilage racial, les forces de police devraient enregistrer l’ensemble des données relatives aux arrestations. Des enquêtes devraient en outre être menées sur les allégations de torture dans les centres de détention et de discrimination à l’encontre des minorités dans ces centres.

Hong Kong Unison a dénoncé les discriminations à l’encontre des minorités dans la RAS de Hong Kong, y compris les politiques discriminatoires qui empêchent, par exemple, les parents qui vivent sur le continent de venir voir leurs enfants qui se trouvent sur l’île.

Office of Dennis Kwok, Legislative Councillor and Hong Kong Human Rights Monitor, a demandé au Gouvernement de prendre au sérieux la question de la traite des êtres humains, notamment ce qui concerne le travail domestique. À Hong Kong, fait clairement défaut une législation dans ce domaine.

Dans le cadre du dialogue qui a suivi ces présentations, un membre du Comité a souhaité savoir quel était l’organisme qui, au niveau du Gouvernement, traite de la discrimination raciale au travail. S’agissant des Ouïghours, il a relevé qu’ils étaient victimes de la traite et de discrimination à l’emploi. L’expert s’est en outre enquis de la situation des organisations non gouvernementales et de la manière dont elles avaient été incluses dans le processus de rédaction du rapport. Cet expert s’est par ailleurs enquis des mesures prises par les autorités pour faire face aux discours et crimes de haine à l’encontre des minorités.

Une experte a demandé s’il existait une institution qui réalise un suivi des droits économiques, sociaux et culturels de la population en général et de la population ouïghoure en particulier. Elle par ailleurs souhaité savoir si les lois existantes couvrent les discriminations imputables à des entités privées.

Une autre experte a demandé davantage d’informations sur les cours d’histoire enseignés en Chine.

En réponse à ces questions, un représentant de la société civile a expliqué que des manifestants issus des minorités ont été enfermés dans des camps sans que leurs proches ne sachent où ils se trouvent. Un grand nombre de Tibétains vivent dans la pauvreté; un million de Tibétains ont été déracinés de leur terre et ne peuvent plus vivre de manière traditionnelle, a d’autre part souligné l’ONG, ajoutant qu’ils ne peuvent en outre s’insérer dans le marché du travail en raison, notamment, de leur méconnaissance de la langue.

Une autre représentante de la société civile a expliqué que la législation contre les discours et crimes de haine ne permettait pas de lutter concrètement contre ces phénomènes. La sinisation est un phénomène très répandu, a-t-elle par ailleurs fait observer, expliquant que les autorités encouragent l’installation de Chinois dans les régions où se trouvent les minorités. Les militants qui plaident en faveur des droits des minorités sont détenus dans des camps de rééducation, a-t-elle ajouté.

Une autre représentante de la société civile a fait état de nombreux obstacles empêchant les membres des minorités d’avoir accès à un enseignement dans leur langue dans la RAS de Hong Kong. Il est par ailleurs très difficile de prouver devant la justice l’existence d’une discrimination à l’emploi, car c’est sur la victime que pèse la charge de la preuve. D’autre part, les travailleurs domestiques migrants constituent une catégorie particulière car ils n’ont même pas de visa; ils font face à un grand nombre de difficultés, alors qu’ils doivent payer des taxes élevées aux agences qui leur procurent un emploi. Les travailleurs domestiques peuvent certes porter plaintes pour obtenir réparation (d’un préjudice subi), mais il n’existe aucune mesure de protection en leur faveur.

Un autre représentant d’ONG a expliqué qu’Hong Kong devait se doter d’une institution nationale des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris et a dénoncé le manque d’initiative de la Commission pour l’égalité des chances.

Un représentant de la société civile a dénoncé les actes racistes et discriminatoires à l’encontre des personnes d’ascendance africaine dans la RAS de Hong Kong.


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CERD18.12F