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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LES RAPPORTS SUR LA SITUATION DES DÉFENSEURS DES DROITS DE L'HOMME ET SUR LA TORTURE

Compte rendu de séance
Les rapports thématiques des Rapporteurs spéciaux chargés de ces questions portent leur attention sur les personnes en déplacement, notamment les migrants

Le Conseil des droits de l'homme a été saisi, à la mi-journée, de rapports sur la situation des défenseurs des droits de l'homme et sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Conseil a entendu plusieurs représentants de pays* et d'organisations non gouvernementales** dans le cadre d'un débat interactif avec les deux titulaires de mandats.

Le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, M. Michel Forst, a rendu hommage aux défenseurs des droits de l'homme assassinés au cours de ces derniers mois, ajoutant que ces morts auraient pu être évitées si les États respectaient leurs engagements à protéger les défenseurs des droits de l'homme. Il a précisé avoir reçu, dans le cadre de l'examen des situations urgentes, 210 communications concernant 79 États et portant sur la situation de 547 personnes, dont 130 femmes. Il a noté avec satisfaction que le taux de réponse des États a augmenté de 12% sur la seule période considérée par le rapport, bon indicateur, selon lui, du niveau d'engagement des États. Son rapport thématique porte cette année sur la situation globale des personnes qui œuvrent pour la défense des droits de toutes les personnes en déplacement. Dans une époque actuelle souvent décrite comme un « âge des migrations » et alors que des réponses non respectueuse des droits de l'homme ne sont pas toujours apportées, ces défenseurs doivent souvent affronter un environnement hostile. Les attaques contre les juges, avocats, universitaires, lanceurs d'alerte, organisations, fonctionnaires de l'État ou particuliers qui défendent les personnes en déplacement ne sont pas toujours des actes isolés, a insisté le Rapporteur spécial, se déclarant en outre choqué par la manière dont certains pays de l'Union européenne commencent à criminaliser les défenseurs des droits de l'homme qui travaillent dans le domaine de la migration.

L'Australie et le Mexique ont pris la parole en tant que pays concernés par les rapports du Rapporteur spécial sur les missions effectuées dans ces deux pays. Les commissions nationales des droits de l'homme des deux pays ont également pris la parole.

Les mauvais traitements dans le contexte de la migration, notamment irrégulière, était le sujet du rapport thématique du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, M. Nils Melzer, qui a tenu à prévenir que ses conclusions ne sauraient rendre justice à l'ampleur des souffrances et abus infligés à ces personnes au quotidien aux quatre coins du monde. À cet égard, il n'a pas hésité à évoquer une « tragédie aux proportions effrayantes », qui concernerait 7 millions de personnes, et qui n'est pas le fait de catastrophes naturelles irréversibles mais bien le fait des hommes, et «sponsorisée par l'État». Ce sont les État, a-t-il dit, qui créent les conditions de réception cruelles, inhumaines et dégradantes, y compris de détention systématique et continue, délibérément conçue pour aucun autre motif que celui d'effrayer les migrants pour qu'ils s'en aillent. Le Rapporteur spécial a par ailleurs rendu compte de missions qu'il a effectuées en Serbie et au Kosovo, ainsi qu'en Turquie.

La Turquie a fait une déclaration en tant que pays concerné par le rapport sur la mission effectuée par le Rapporteur spécial dans le pays.


Le Conseil des droits de l'homme sera saisi, dans le cadre de la séance de fin d'après-midi, de rapports sur les droits culturels et sur la promotion et la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste.


Présentation de rapports

Rapport sur la situation des défenseurs des droits de l'homme

Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'homme (A/HRC/37/51 et A/HRC/37/51/Add.1), ainsi que des rapports sur les missions qu'il a effectuées au Mexique (A/HRC/37/51/Add.2 à paraître en français) et en Australie (A/HRC/37/51/Add.3 à paraître en français).

M. MICHEL FORST, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, a d'abord eu une pensée pour les défenseurs des droits de l'homme assassinés au cours de ces derniers mois. Il a notamment cité les cas de Godfrey Luena de Tanzanie, Lando Moreno des Philippines, d'Ofelia Espinoza de López de la Colombie, de Yameen Rasheed des Maldives, et de Gamal Sorour d'Égypte, avant d'ajouter que la liste est longue et qu'il ne peut nommer toutes les victimes. Ces morts auraient pu être évitées si les États respectaient leurs engagements à protéger les défense3urs des droits de l'homme, a-t-il dit.

Le Rapporteur spécial a ensuite indiqué que son rapport faisait État de 210 communications concernant 79 États et portant sur la situation de 547 personnes, dont 130 femmes. Il note avec satisfaction que le taux de réponse des États a augmenté de 12% sur la seule période considérée par le rapport. Ce chiffre est un bon indicateur du niveau d'engagement des États, s'est-il réjoui, ajoutant que l'année 2017 avait été un succès en matière de coopération des États avec son mandat. En ce qui le concerne, il s'engage à développer de nouvelles méthodologies pour mieux traiter les situations urgentes portées à son attention.

M. Forst a ensuite déclaré que son rapport thématique portait sur la situation globale des personnes qui œuvrent pour la défense des droits de toutes les personnes en déplacement. Ces défenseurs peuvent être des juges, des avocats, des universitaires, des lanceurs d'alerte, des organisations, des fonctionnaires de l'État ou des particuliers. Dans une époque actuelle souvent décrite comme un « âge des migrations » et alors que des répondes non respectueuse des droits de l'homme ne sont pas toujours apportées, ces défenseurs doivent souvent affronter un environnement hostile. Les attaques contre ces personnes ne sont pas toujours des actes isolés, a insisté le Rapporteur spécial, se déclarant choqué par la manière dont certains pays de l'Union européenne commencent à criminaliser les défenseurs des droits de l'homme qui travaillent dans le domaine de la migration. Cette tendance touche aussi les migrants défenseurs des droits de l'homme eux-mêmes, alors qu'ils sont déjà sujet à une grande vulnérabilité.

Dans ce contexte, le rapport souligne à la fois l'importance d'incorporer les droits de l'homme dans les questions portant sur les défenseurs et la responsabilité première des États de protéger ce groupe de personnes, notamment de ne pas criminaliser leurs activités. Le rapport plaide aussi pour que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) établisse des principes directeurs en matière de protection internationale dans lesquels serait consacré le droit des personnes en déplacement à promouvoir et à protéger leurs propres droits et ceux d'autrui. Le Rapporteur spécial est disposé à aider à cette fin, a-t-il proposé.

M. Forst a remercié l'Australie et le Mexique d'avoir accepté de le recevoir. Il remercie également le Honduras, pays dans lequel il devrait se rendre au cours du premier semestre de cette année. Il est en outre en discussion avec la République démocratique du Congo, l'Arabie saoudite, la République de Moldova et le Pérou pour de futures visites. Dans le contexte du vingtième anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l'homme, ces visites seraient perçues comme une reconnaissance importante par ces pays du rôle des défenseurs des droits des personnes en déplacement.

S'agissant de sa mission au Mexique, M. Forst a dit avoir constaté que le nombre de cas officiels et non officiels de violence à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme montre que le pays est devenu l'un des plus dangereux pour les défenseurs des droits de l'homme et les journalistes. Il y a quelques jours seulement, la journaliste Pamela Montenegro a été tuée à Acapulco, de même que Guadalupe Campanur, une dirigeante autochtone, à Michoacán. Pour inverser cette tendance dangereuse, l'impunité absolue qui prévaut doit cesser, a dit le Rapporteur spécial, avant de se féliciter des initiatives prises par le Gouvernement mexicain pour contrer ces attaques, notamment un mécanisme national de protection. Mais un tel outil ne peut pas apporter toutes les solutions, si les causes profondes ne sont pas correctement abordées, a-t-il prévenu.

En ce qui concerne l'Australie, il constate que la société civile y est soumise à une énorme pression, à cause d'une forte hostilité du Gouvernement contre les défenseurs des droits de l'homme. Selon la société civile et les journalistes, l'Australie a adopté des législations régressives étouffant les libertés telles que l'expression, la réunion pacifique et l'association. Les lois adoptées dans les domaines de l'immigration, de la sécurité nationale et des manifestations restreignent les activités de la société civile et réduisent leur influence, a-t-il dit, avant d'appeler le gouvernement à renverser cette tendance.

Pays et institutions nationales concernés

L'Australie a salué la présentation du Rapporteur spécial et a pris note de sa visite en Australie en 2016, précisant qu'entre octobre 2016 et mars 2017, cinq rapporteurs avaient visité son pays. L'examen du bilan présenté par le Rapporteur spécial a permis d'identifier les domaines où la situation pourrait encore être améliorée. Ayant reçu le rapport le 25 février 2018, la délégation a disposé de peu de temps pour préparer sa réponse. Elle a ensuite rappelé que son pays avait une société civile diverse et dynamique, avec une population de 24 millions de personnes, qui englobe 600 000 communautés et 54 000 organisations caritatives qui échangent des idées librement. Le Gouvernement australien a réalisé régulièrement des consultations informelles et formelles et ce, à intervalles réguliers. L'an passé, la société civile a été consultée sur diverses questions, notamment la mise en œuvre de sa politique migratoire. Mais le représentant a expliqué que toutes les recommandations fournies par la société civile ne pouvaient pas nécessairement être mises en œuvre et que son gouvernement continuait à travailler sur les moyens le plus efficace de le faire. Enfin, le Gouvernement et le Conseil des droits de l'homme travaillent main dans la main pour que les aborigènes et les autochtones aient voix au chapitre. La bonne gouvernance, l'État de droit et des institutions fortes sont le socle d'une société inclusive.

Le Commission des droits de l'homme de l'Australie a indiqué que son rôle était d'identifier la situation des droits de l'homme en Australie et de fournir au Gouvernement d'Australie des informations et ce, en partenariat avec les associations des défenseurs des droits de l'homme australiens. Nous travaillons également avec des membres vulnérables de la communauté, a-t-il ajouté. Depuis la dernière visite du Rapporteur spécial, la Commission a relevé un certain nombre d'évolutions positives, notamment l'introduction par le Gouvernement d'amendements visant à réduire la portée des dispositions relatives au secret dans l'Australian Border Force Act de 2015 (loi sur les frontières) qui restreignait la capacité des défenseurs des droits de l'homme a signalé les abus potentiels dans les centres de détention.

Le Mexique a signalé que le Rapporteur a pu constater la volonté de l'État mexicain d'honorer ses obligations en matière des droits de l'homme. Le Mexique fait face à des défis concernant la protection des personnes qui défendent les droits de l'homme, a reconnu la délégation. Au cours de ces dernières années le Mexique a renforcé le cadre juridique et institutionnel avec le concours des organisations de la société civile. Le mécanisme de protection des défenseurs des droits de l'homme et des journalistes a permis de protéger ces groupes de personnes. Le Mexique s'oppose à toutes violations des droits de l'homme à l'encontre des Défenseurs des droits de l'homme et tout action qui pourrait empêcher leur travail. Le Mexique se félicite de l'approche constructive de la visite et qui s'illustre dans le rapport. Le Mexique apporte une attention particulière au respect du droit à la vie ou à la santé notamment pour les personnes déplacées. Elles doivent en outre avoir accès à la justice.

La Commission nationale des droits de l'homme du Mexique a expliqué que les recommandations du Rapporteur spécial étaient une contribution essentielle afin de protéger les droits des défenseurs des droits de l'homme. Ces recommandations doivent pouvoir être mises en œuvre. Il faut que les citoyens voient leurs droits promus et respectés. Il faut renforcer les droits des défenseurs des droits de l'homme dans la mesure où elles sont réalisables. La Commission a attiré l'attention sur les mesures de protection des défenseurs des droits de l'homme doivent être appliqués au Mexique et dans tous les pays ou leurs droits sont violés.

Rapport sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Le Conseil est également saisi du rapport sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (A/HRC/37/50 - à paraître en français), ainsi que de son rapport sur la mission qu'il a effectuée en Turquie (A/HRC/37/50/Add.1). Le Conseil dispose également des réponses de la Turquie à ce rapport
( A/HRC/37/50/Add.2 - à paraître en français ).

M. NILS MELZER, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a expliqué qu'il avait adressé, cette année, 152 communications concernant des particuliers exposés à la torture ou aux mauvais traitements et que, dans certains cas, ses lettres ont eu des résultats positifs pour les victimes. Il a précisé que, du fait du grand nombre de requêtes soumises à son bureau, il aurait besoin d'un autre fonctionnaire pour s'acquitter de sa tâche.

M. Melzer a dit sa gratitude aux Gouvernements de l'Argentine, de la Serbie, du Kosovo, de la Libye, de l'Espagne et de l'Ukraine pour leur invitation respective. Il a précisé que sur la base d'une évaluation personnelle sur la sécurité, il avait décidé d'annuler sa visite en Libye. Il a rendu compte de la visite qu'il a effectuée en Serbie et au Kosovo du 13 au 24 novembre (des observations préliminaires sur cette visite sont disponibles; le rapport complet sera présenté au Conseil des droits de l'homme en mars 2019). En règle générale, le système de prisons de ces deux pays est exempt de mauvais traitement et des investissements conséquents ont été consentis, et continuent de l'être, aux fins d'améliorer les conditions de détention. En revanche, le Rapporteur spécial a été saisi de nombreuses allégations relatives aux procédures juridiques inefficaces, ou à une détention provisoire inutile ou excessive, ainsi qu'à des mauvais traitements fréquents au cours d'interrogatoires policiers, principalement pour extorquer des confessions pour des délits liés au narcotrafic, au terrorisme et à la criminalité organisée.

Quant à la visite en Turquie, qu'il a effectuée du 28 novembre au 2 décembre 2016, elle lui a permis de confirmer l'engagement des autorités en faveur d'une politique tolérance zéro sur la torture, mais de constater à la fois une disparité entre la politique officielle et la réalité sur le terrain. Il a en particulier reçu de très nombreuses allégations de torture et de mauvais traitement dont auraient été victimes des partisans, ou des personnes soupçonnées de l'être, de la tentative de coup d'État. Ces allégations ont cessé quelques semaines plus tard une fois que les détenus ont été admis dans le système pénitentiaire régulier, pour augmenter à nouveau particulièrement au cours des derniers mois. Il a noté, pour le déplorer, que la torture et les mauvais traitements demeurent une constante de la garde à vue et des interrogatoires en rapport avec la violence dans le sud-est du pays. M. Melzer a admis que la Turquie était confrontée à des défis complexes en matière de sécurité à divers niveaux; il n'en a pas moins directement partagé sa profonde inquiétude avec le Gouvernement turc, et demeure ouvert à un dialogue constructif à ce propos.

Le Rapporteur spécial a ensuite commenté certains aspects de son rapport thématique sur la torture et les mauvais traitements dans le contexte de la migration pour la préparation duquel il a conduit des consultations d'experts du monde entier sur la prévalence de ces abus dans le contexte de la migration irrégulière. Il a déclaré, d'emblée, que ses conclusions ne sauraient rendre justice à l'ampleur des souffrances et abus infligés à ces personnes au quotidien aux quatre coins du monde. Selon une étude récente, la prévalence confirmée de victimes de la torture parmi les migrants irréguliers peut atteindre jusqu'à 76%, la moyenne générale se situant à 27%. En extrapolant, on arrive à 7 millions de victimes de la torture, qui risque de ne représenter que la pointe de l'iceberg.

M. Melzer a affirmé qu'il ne s'agissait pas ici d'une sorte de catastrophe naturelle irrépressible mais bien d'une « tragédie aux proportions effrayantes » de la main de l'homme et sponsorisée par l'État qui se déroule directement sous nos yeux. Il a poursuivi en insistant sur la responsabilité des États à bien des égards, qu'il a détaillés, car ce sont les États qui créent les conditions de réception cruelles, inhumaines et dégradantes, y compris de détention systématique et continue, délibérément conçue pour aucun autre motif que celui d'effrayer les migrants pour qu'ils s'en aillent. Allant plus loin, le Rapporteur spécial a déclaré que tant que l'on permet la poursuite de la tragédie de la migration irrégulière et sa durée, il n'y aura aucune raison pour quiconque de célébrer le soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. À cet égard, il a renvoyé au caractère « inhérent » des droits des migrants, qui font aussi partie de la famille humaine.

La migration est une tendance mondiale qui va perdurer, a auguré le Rapporteur spécial. Si une telle tendance s'est convertie en tragédie, si nous sommes à présent confrontés à des tensions politiques et à une escalade des crises humanitaires aux proportions mondiales, cela n'est pas en raison des mouvements de population mais plutôt de notre manque de réponse humaniste et de notre incapacité à assumer notre responsabilité collective pour garantir une bonne gouvernance en harmonie avec les droits de l'homme, la non-discrimination et l'égalité, a conclu M. Melzer. Il est grand temps que tous, États, organisations internationales, société civile et particuliers, respectent les engagements qui ont été pris dans la Déclaration universelle. Il faut que cesse cette intolérable tragédie, au nom de l'humanité, a-t-il enfin plaidé.

Pays concerné

La Turquie a fait État de sa coopération constructive avec les organes des droits de l'homme des Nations Unies, comme en témoigne l'invitation qu'elle a lancée au Rapporteur spécial en 2016, quelques mois après la tentative de coup d'État. La Turquie a adhéré à l'ensemble des instruments internationaux de prévention de la torture et de mauvais traitements, a indiqué la délégation, précisant également que son pays appliquait une politique de « tolérance zéro » contre les délits de torture depuis 2003. La Turquie n'a pas renoncé à se doter d'un mécanisme de prévention de la torture, malgré les conditions de sécurité délicates actuelles – notamment les attentats commis par le PKK depuis 2015 et la tentative de coup d'État, qui a entraîné de nombreux morts et blessés. Dans ce contexte, la Turquie entend appliquer l'État d'urgence dans le plein respect de l'État de droit et de ses obligations internationales. C'est ainsi que tout acte de torture commis par un agent de l'État est dûment poursuivi, a assuré la Turquie.

La Turquie a regretté que le rapport de M. Melzer ne rende pas compte de la gravité de la menace terroriste à laquelle les autorités sont confrontées. D'autre part, certaines allégations reprises par le Rapporteur spécial émanent d'un nombre limité de personnes, voire de sources inconnues dont on peut craindre qu'elles ne soient proches de milieux terroristes, a averti la délégation turque. Plus généralement, la Turquie est préoccupée par le fait que certains titulaires de mandat fassent des commentaires ne reflétant pas la réalité de la situation en Turquie. Elle n'en continuera pas moins de collaborer avec les procédures spéciales, a assuré la délégation.

Débat interactif

Certaines délégations, notamment l'Ouganda, ont souligné la complémentarité des rôles des deux rapporteurs spéciaux sur la torture et sur les défenseurs des droits de l'homme.

S'agissant de la situation des défenseurs des droits de l'homme, l'Australie, au nom d'un groupe de pays, a estimé que le rapport de M. Forst tombait à point nommé dans le contexte des négociations autour d'un « pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières ». L'importance de la protection des militants des droits de l'homme ne saurait être exagérée, étant donné la vulnérabilité des personnes en déplacement, a ajouté l'Australie. Elle a demandé au Rapporteur spécial quelles mesures pourraient être envisagées pour mieux protéger les défenseurs des droits de l'homme des migrants, une question également posée par l'Union européenne, pour qui l'occasion du vingtième anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l'homme devrait être l'occasion d'avancer sur le sujet.

La Norvège a appelé, elle aussi, à tirer profit de l'anniversaire de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l'homme pour parvenir à une définition claire de ce qu'est « un migrant » du point de vue du droit international. Dans ce domaine, si les gouvernements ne sont pas tenus de suivre toujours les voies de la société civile, ils doivent cependant en tenir compte, a souligné la Norvège.

L'Allemagne s'est interrogée sur les moyens de donner davantage de liberté d'action aux défenseurs des droits de l'homme. La Finlande a dit avoir commandé une étude sur cette question, dont les résultats seront intégrés à ses politiques à venir. Mais, pour l'heure, la Finlande souhaite savoir comment intégrer les jeunes dans ces processus.
Quoiqu'il en soit, il revient aux États de protéger les défenseurs des droits de l'homme des migrants et de souligner leur rôle dans les deux pactes qu'il est envisagé d'adopter en 2018 sur les migrants et sur les réfugiés, a dit le Monténégro. Pour sa part, la Colombie, dans le but de protéger les défenseurs des droits de l'homme et les leaders sociaux, a créé des mécanismes spécifiques appuyés par la société civile, par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme et par la Croix Rouge, qui ont apporté des résultats « significatifs » en un temps record.

Le Brésil a relevé en particulier que le phénomène migratoire a trop souvent été utilisé pour susciter la méfiance envers les nouveaux arrivants et des attitudes xénophobes. Il s'est aussi inquiété de la démarche basée sur la sécurisation plutôt que sur les droits de l'homme. La Belgique a souligné l'importance de la protection des droits des personnes les plus vulnérables, estimant que le rôle des États est de condamner toute forme de discrimination. Elle a demandé au Rapporteur spécial ce qu'il recommande pour améliorer la situation spécifique des femmes militantes des droits de l'homme. Pour sa part, le Danemark a demandé quel est le problème le plus fondamental auquel sont confrontés les défenseurs des droits des personnes en déplacement.

Le Canada a indiqué que la protection des défenseurs des droits de l'homme était une priorité nationale et a demandé au Rapporteur spécial quels étaient les problèmes spécifiques des femmes qui défendent ces droits et sont également en déplacement. L'Espagne a également estimé que le droit des défenseurs est essentiel et a indiqué qu'elle s'était dotée d'un mécanisme d'accueil des défenseurs en situation de risque.

Les Philippines ont dit garantir les droits de l'homme et les libertés fondamentales et ont considéré que les négociations sur le « pacte mondial pour des migrations sûres » seront une occasion unique de mettre en avant les droits des défenseurs des droits de l'homme.

Bahreïn a insisté sur l'obligation des États de respecter les droits des migrants à ne pas être exposés à la torture ni aux traitements inhumains. La délégation a mis en avant les progrès exemplaires de son pays dans ce domaine, notamment la création d'un commissariat aux droits des personnes détenues.

Le Pakistan a attiré attention sur le rôle des migrants dans l'édification des pays et a condamné tout acte dégradant à leur encontre. Le Paraguay a dénoncé la criminalisation des défenseurs des droits des migrants et de la migration irrégulière en général. Elle a regretté que de nombreux États sanctionnent la migration irrégulière au plan pénal et non administratif, une attitude qui contrevient aux droits de l'homme des migrants et de leurs défenseurs. La délégation a demandé au Rapporteur spécial de dire s'il avait connaissance d'expériences réussies d'intégration des migrants dans l'espace de la société civile. Le Togo a demandé au Rapporteur spécial de dire quelles mesures particulières il recommandait aux États pour prendre en compte la spécificité des défenseurs des droits de l'homme des personnes en déplacement.

La Côte d'Ivoire a, elle aussi, noté avec regret la situation difficile de ceux qui font preuve de solidarité envers les personnes en déplacement. Elle a jugé déplorable que les défenseurs des personnes en déplacement subissent des restrictions sans précédent, ainsi que des menaces et des violences. La Côte d'Ivoire a rappelé que la crédibilité des défenseurs des droits de l'homme dépendait de leur capacité d'être objectifs et impartiaux.

Le Honduras a prié le Rapporteur spécial de dire quelle image il pouvait se faire, sur la base des communications dont il est saisi, de l'impact de la criminalité organisée sur la traite des personnes.

Les États-Unis se sont dits très préoccupés par la persistance des actes d'intimidation et des représailles contre les défenseurs des droits de l'homme qui coopèrent avec les Nations Unies et leurs mécanismes de droits de l'homme. La délégation a prié le Rapporteur spécial de continuer de faire rapport sur ces faits.

La République tchèque s'est dite d'accord avec M. Forst pour constater que le rétrécissement de l'espace dévolu à la société civile dans un certain nombre de pays constituait un obstacle de taille à l'action des organisations concernées. Les violations des droits de l'homme qui ciblent la société civile entraînent elles aussi de nombreux déplacements de populations, a observé la République tchèque, estimant qu'il fallait s'attaquer à ce problème. La France a relevé l'importance de protéger les défenseurs des personnes en déplacement qui se trouvent souvent en situation de marginalité et qui dépendent tout particulièrement des défenseurs pour faire connaître leurs préoccupations. Elle a souligné à cet égard que les autorités françaises travaillent étroitement avec les associations de défense des droits des migrants.

Singapour a regretté que le Rapporteur spécial ait considéré que la Loi sur l'ordre public à Singapour est un exemple de restriction de la liberté d'expression. La délégation a expliqué que la loi, adoptée en 2017, avait pour but, d'une part, de garantir l'ordre public contre des attaques terroristes en mettant en place des mesures de sécurité adéquates; et, d'autre part, d'empêcher que Singapour ne devienne une plate-forme permettant à des entités étrangères de poursuivre des activités politiques. Du point de vue de la Chine, tout le monde est égal devant la loi et nul ne peut se cacher derrière le statut de défenseur des droits de l'homme pour la bafouer. Le Soudan a confirmé le respect dans le pays des groupes œuvrant pour le respect des droits de l'homme mais s'est inquiété de la tendance à créer de nouvelles catégories de défenseurs des droits de l'homme.

La Fédération de Russie a estimé que le rapport sur les défenseurs des droits de l'homme s'éloignait du mandat qui lui est assigné et faisait doublon avec le travail d'autres mécanismes du Conseil, demandant s'il était judicieux de prolonger ce mandat. Elle a aussi attiré l'attention sur la publication sans son accord de sa réponse à une des questions du Rapporteur dans le rapport. La Fédération de Russie a également relevé que la fragmentation du système judiciaire de certains pays entraîne des problèmes tels que l'absence de droit à un procès équitable. L'Égypte a souligné que le Rapporteur devait s'assurer de la fiabilité de ses sources. Le pays n'est pas satisfait que dans le rapport du Rapporteur soient fait mention de cas dont la justice égyptienne est encore saisie.

L'Iraq a relevé qu'elle avait créé l'union des défenseurs des droits de l'homme en Iraq et qu'elle est composée d'académiciens et de militants qui œuvrent à faire connaître et à défendre le travail des défenseurs des droits de l'homme.

La Venezuela a affirmé que les autorités appuyaient le travail des personnes qui travaillent à la défense des droits de l'homme. Le Costa Rica a déploré que les défenseurs des droits de l'homme se retrouvent contraints à quitter leur pays, car elles sont soumises à des pressions. Le Costa Rica réitère l'initiative des Pays-Bas qui consiste à relocaliser les défenseurs des droits de l'homme dans un autre pays pour une période de trois à six mois. Pourquoi les défenseurs des droits de l'homme sont-ils moins visibles que d'autres, mais plus exposés à la stigmatisation ? La Géorgie a rappelé que les personnes en déplacement étaient vulnérables. La Géorgie a fait part de ses inquiétudes concernant les personnes qui ont été déplacés de force, notamment Géorgiens qui ont été privé de leur droit à rentrer chez eux. Comment protéger les personnes déplacées de force et ceux qui les défendent ? Les Pays-Bas ont rappelé l'initiative qui consiste à soustraire les défenseurs des droits de l'homme de leur pays, notamment en permettant un déménagement temporaire. Les Pays-Bas ont salué la décision du Costa Rica et de la Géorgie d'avoir rejoint cette initiative.

La Lituanie a attiré l'attention sur le fait que les défenseurs des droits de l'homme agissaient dans un environnement de plus en plus hostile. De quelle façon concrète et pratique la voix des défenseurs des droits de l'homme peut-elle être mieux prise en compte ? Le Royaume-Uni a indiqué avoir récemment mis à jour ses directives sur le travail avec les défenseurs des droits de l'homme afin de mieux guider sa diplomatie pour les aider. Il a demandé au Rapporteur quelles actions les États pouvaient entreprendre en cette année du vingtième anniversaire de la Déclaration universelle des défenseurs des droits de l'homme pour mieux les soutenir. L'Irlande a toujours soutenu la société civile car elle joue un rôle prépondérant dans la protection des droits de l'homme. Alarmée par le fait qu'elle n'ait quasiment plus d'espace pour intervenir, elle a demandé au Rapporteur comment renforcer le rôle des défenseurs des droits de l'homme dans un environnement de plus en plus hostile à leur travail. L'Arménie s'est inquiétée des cas d'intimidation et de harcèlement des défenseurs des droits de l'homme, des journalistes et des blogueurs qui ne font qu'exprimer une opinion différente de celle de leur gouvernement, ou qui révèlent des cas de corruption ou d'abus de pouvoir.

L'Équateur a rappelé que ses dispositions constitutionnelles lui permettaient d'enquêter, de juger et de condamner toute personne qui attente aux droits des défenseurs des droits de l'homme. Il maintient un registre des organisations qui aident les personnes en déplacement afin de promouvoir la participation dans l'élaboration de politiques publiques inclusives.

Parmi les organisations non gouvernementales et institutions nationales des droits de l'homme, l'Alliance globale des institutions nationales des droits de l'homme a expliqué que le monde entier connaissait des violations des droits de l'homme des migrants. Les défenseurs des droits de l'homme n'ont pas accès aux personnes déplacées. Les Défenseurs sont en outre victimes de discours de haine. Deux pactes mondiaux sont en négociations concernant les personnes en déplacement. Un mécanisme de suivi de ces Pactes sera indispensable pour veiller à leur mise en œuvre. Les mécanismes internes de protection et de recours juridique doivent être accessibles aux personnes en déplacement, a déclaré l'Alliance.
Helsinki Foundation for Human Rights a déclaré que dix ans après les grandes manifestations sur le Plateau du Tibet, les autorités chinoises ont institué des politiques ne permettant aucune critique qui font que tout individu qui plaide pour les droits de l'homme est systématiquement victime de disparitions forcée, arrestation et détention arbitraire. Asian Legal Resource Centre a relevé que la torture et le mauvais traitement sont des pratiques utilisées par un État pour museler toute voix dissidente comme au Bangladesh, au Pakistan, à Sri Lanka Lanka, aux Philippines, au Myanmar, entre autres, où rien n'est fait pour y mettre fin. Les défenseurs des droits de l'homme ne bénéficient d'aucun mécanisme de soutien dans beaucoup d'États asiatiques, a affirmé le représentant.

Action de Carême a déclaré que la pénalisation des défenseurs des droits de l'homme est encore courante au Guatemala et au Honduras. Ceux-ci font l'objet de menaces, d'atteintes à leur intégrité physique et sont souvent l'objet de procédures pénales qui ne font que renforcer la stigmatisation dont ils sont déjà victimes. La représentante a appelé à cesser immédiatement toutes ces pratiques que rien ne saurait justifier. La Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos, Asociación Civil, s'est inquiétée de la campagne de décrédibilisation des autorités mexicaines contre les défenseurs des droits de l'homme, et exhorté à la mise en œuvre des recommandations de M. Forst à cet égard. En outre, plus de 1800 actes de torture ont été commis par la police mais aucun remède, ni peine n'a été prononcé.

Service international pour les droits de l'homme s'est intéressé aux droits des personnes en déplacement et s'est inquiété de l'absence de réponse aux agressions contre les défenseurs des droits de l'homme des migrants. L'oratrice a également demandé quelles étaient les pratiques recommandées pour permettre aux défenseurs des droits de l'homme de faire leur travail sans être inquiétés. Elle a voulu savoir si le Rapporteur spécial envisageait un rapport sur l'impunité.

La Fédération internationale de l'action des chrétiens pour l'abolition de la torture (FIACAT) a dénoncé l'arrestation de l'ancien comptable de l'ACAT Burundi en 2017 maintenu en détention malgré des irrégularités flagrantes. Le Conseil doit suivre ce procès et doit exiger le respect du droit à un procès équitable. La FIACAT est par ailleurs Inquiète par la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo.

Le Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement a indiqué que les défenseurs des droits de l’homme ne pouvaient pas toujours aller ailleurs pour être protégés et qu’ils étaient souvent ciblés à cause de leur travail. En 2017, 24 cas de défenseurs des droits de l’homme ont perdu la vie à cause de leur travail et 23 ont été l’objet d’enlèvements et de disparitions.

Human Rights Law Centre a dénoncé le manque de lien entre la déclaration de l’Australie faite dans cette enceinte et la situation dans le pays. Le Gouvernement australien a introduit une nouvelle série de mesures qui étouffera la voix publique des groupes de la société civile, qui créera de nouveaux délits de secret et d’espionnage et qui imposera des peines de prison radicalement accrues aux lanceurs d’alerte et à ceux qui travaillent avec eux.

La Commission internationale de juristes a dénoncé les nombreuses attaques contre les avocats qui se poursuivent notamment en Chine, mais également en Azerbaïdjan ou au Kazakhstan. En Turquie, ces arrestations, ces procès, ces radiations, ainsi que les changements législatifs ont un effet dissuasif sur le travail des avocats et compromettent l’accès à une assistance juridique efficace et indépendante pour protéger les droits de l’homme.

La Federatie Van Netherlandse Verenigingen Tot Integratie Van Homoseksualiteit - Coc Nederland, a estimé que le principe de ne laisser personne de côté faisait clairement partie de la conceptualisation des défis et des risques auxquels sont confrontés les défenseurs des droits de l’homme dans le monde entier. Cela arrive aussi bien dans les pays qui violent les droits des défenseurs que dans les pays où ces défenseurs cherchent refuge et protection. Le COC a indiqué que c’était le cas notamment de défenseurs des droitsde l’homme de groupes vulnérables, tels que les LGBTI, qui font face à des risques accrus de violence.

En ce qui concerne les questions relatives à la torture, l'Union européenne a dit qu'un certain nombre de points soulevés dans le rapport de M. Melzer méritaient d'être approfondis et analysés plus avant, notamment le lien établi entre la torture et les politiques migratoires. Le Danemark a souligné que la lutte contre la torture demeurait pour lui une priorité indéfectible en matière de protection des droits de l'homme. Le Danemark s'est dit alarmé par les mauvais traitements que subissent les migrants, mais a estimé, comme l'Union européenne, que certaines conclusions du rapport à ce propos mériteraient un examen plus approfondi.

Le Togo, s'exprimant au nom du Groupe africain, a déploré que les migrants fassent l'objet non seulement de menaces mais également d'actes de torture. Selon le Haut Commissariat pour les réfugiés, entre 5% et 35% des réfugiés sont concernés. Le Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture rapporte, quant à lui, que deux tiers des personnes soutenues en 2017 sont des réfugiés et des migrants, a dit le représentant togolais, insistant sur le rôle important à jouer par les institutions nationales des droits de l'homme par leurs visites des lieux de détention et la formation des fonctionnaires en charge de l'application de la loi.

D'autres sources affirment que 27% de migrants arrivant en Europe ont été victimes de la torture, a ajouté la délégation de l'Allemagne, estimant que toutes les parties doivent s'engager à éliminer cette pratique. La République tchèque a demandé au Rapporteur spécial comment créer des synergies entre l'État et la société civile pour faire en sorte que les migrants soient protégés contre la torture et les mauvais traitements. Le Monténégro s'est prononcé en faveur de l'universalisation de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, pour en assurer l'éradication totale.

La Tunisie a recommandé d'adopter une approche humanitaire dans le traitement de la situation des migrants. Elle a jugé inacceptables la torture et les traitements inhumains dans les centres de rétention de migrants. La Tunisie a ajouté qu'il fallait s'attaquer aux causes du phénomène de migration, c'est-à-dire surtout à la pauvreté. Cuba a souligné que les mauvais traitements et la torture perpétrés sur les migrants doivent être unanimement condamnés. La protection des droits de l'homme des migrants ne devrait pas être minimisée. Il faut une coopération internationale efficace dans ce domaine. Cuba a rappelé la responsabilité internationale partagée dans ce domaine.

Les États-Unis ont appelé la Turquie à respecter ses obligations et ses engagements, à mener des enquêtes sur toutes les allégations crédibles de torture et de mauvais traitements, à traduire en justice les personnes responsables et à les sanctionner le cas échéant. Les États-Unis ont aussi demandé à la Turquie de lever l'État d'urgence, compte tenu des risques de mauvais traitements qu'il induit, et de s'engager à restaurer l'État de droit.

La Chine a assuré qu'elle faisait respecter l'État de droit sur son territoire et rappelé qu'elle s'était prononcée à de nombreuses reprises contre cette pratique répréhensible. Le Venezuela lutte contre la torture et les traitements inhumains et dégradants, interdits explicitement par la Constitution vénézuélienne, qui prévoit des sanctions. L'Iraq a aussi inscrit dans la Constitution l'interdiction de la torture. La loi sur les lieux de détention stipule que tous les détenus doivent être traités dans le respect des normes internationales. L'Iraq est par ailleurs partie à la Convention contre la torture, a rappelé la délégation.

L'Égypte soutient l'engagement sans équivoque de chaque État à proscrire et à empêcher tout acte de torture. L'Égypte condamne par ailleurs le trafic d'êtres humains dont sont victimes les migrants. La France reconnaît aussi la vulnérabilité des migrants face aux trafiquants d'êtres humains, faisant valoir qu'une initiative euro-africaine avait été lancée pour frapper les organisations criminelles qui agissent impunément en Afrique et sur les côtes européennes.

Le Mexique va continuer à mettre en place les actions visant à prévenir et empêcher les actes de torture. Le pays a par ailleurs adopté une loi générale pour prévenir et empêcher la torture. L'Australie a expliqué que le pays avait toujours été engagé dans la prévention de la torture. L'année dernière, le pays a ratifié le protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, ajoutant que tous les pays devraient appliquer le principe de non-refoulement.

L'Australie, la France et le Mexique ont estimé que le Pacte mondial sur les migrations devrait être l'occasion de mieux garantir la sécurité des personnes migrantes et le respect de leurs droits. Le Mexique a par ailleurs déclaré que la migration ne doit pas être vue comme un délit. Elle est inévitable et nécessaire pour les bénéfices sociaux qu'apportent les migrants aux pays d'accueil.

L'Ukraine a invité le Rapporteur spécial, lors de sa visite dans le pays, à prendre en compte l'agression contre son pays par la Russie et les hostilités dans le Donbass qui sont responsables de violations massives des droits fondamentaux y compris le droit de ne pas être soumis à la torture. Les mandataires russes continuent la pratique honteuse de torturer et d'administrer des mauvais traitements de manière illégale contre les citoyens ukrainiens. Les autorités ukrainiennes n'ont pas accès aux territoires occupés illégalement. Le Rapporteur spécial doit accorder toute l'attention nécessaire à ces exactions.

Les Maldives ont estimé que la torture – sous n'importe quelle forme et contre n'importe quel individu – n'était pas justifiée. La torture sape l'État de droit et entrave la justice et que cela continuera tant que la torture ne sera pas interdite.

La Thaïlande a dit accorder une grande importante à l'élimination de la torture, notamment celle liée à la migration. Le pays a régularisé un million de travailleurs migrants et cherché à garantir la protection de ceux qui sont les plus vulnérables, notamment en mettant fin à la détention des enfants migrants. Étant donné que l'une des formes d'abus envers la migration est commise par l'intermédiaire des médias, comment utiliser les médias sociaux pour prévenir ces abus ?

Le Soudan a demandé de se pencher sur la torture perpétrée par des groupes armés. De même, très préoccupée par le fait que les personnes en déplacement risquent de plus en plus d'être soumises à des actes de torture et à des traitements dégradants, l'Irlande a demandé au Rapporteur comment prévenir et enquêter sur de tels actes commis par des acteurs non étatiques.

Également préoccupée par les cas de torture contre des migrants et leur vulnérabilité aux mauvais traitements, l'Arménie a estimé que les États, les organisations internationales et la société civile devaient faire des efforts pour protéger les droits de l'homme et la dignité des migrants. Le Portugal a mis l'accent sur la vulnérabilité particulière des migrants souffrant de pathologies mentales et de déficits psychosociaux.

L'Afghanistan a indiqué que son nouveau code pénal criminalisait l'acte de torture, conformément aux normes internationales, et qu'il avait mis en place un mécanisme de prévention. Le Nigéria a réitéré sa condamnation de toutes les formes de torture et autres traitements inhumains et dégradants, comme il est stipulé dans sa Constitution, qui prévoit la protection de la dignité personnelle.

Le Royaume-Uni s'est félicité de l'idée de mécanismes nationaux de prévention et a demandé au Rapporteur quelles mesures il recommandait aux États pour les mettre en place. La Suisse lui a demandé quelle serait la mesure la plus importante que les États devraient prendre pour mieux protéger les migrants contre la torture et quels messages principaux il souhaiterait adresser aux États qui négocient le pacte mondial sur les migrations.

En ce qui concerne les organisations non gouvernementales, l’Organisation mondiale contre la torture - OMCT est préoccupée par les politiques de contrôle de certains États qui mettent à mal les activités de ces organisations. L'organisation est aussi préoccupée par les abus à l'encontre des personnes en déplacement, notamment au Mexique, en Espagne ou en France. Les défenseurs peuvent eux-aussi être amenés à être en déplacement s'ils sont persécutés, a souligné l'organisation. Conectas Direitos Humanos a expliqué que la migration était un droit de l'homme. Un nombre préoccupant de pays adoptent des législations qui restreignent les droits des personnes en déplacement. Dans certains pays, ils sont considérés comme des criminels, ce qui entraîne de nombreux cas de violations des droits de l'homme à leur encontre. Au Brésil, il est possible de priver de liberté des personnes en déplacement pour la seule raison qu'ils sont des migrants, a dénoncé l'organisation.

L’Association pour la prévention de la torture a souhaité rappeler aux États que la migration n'est pas un crime et que la détention ne devrait être utilisée qu'à titre exceptionnelle et en dernier recours. La détention pour les enfants migrants doit en outre cesser. Ils ne devraient jamais être placés en détention administrative. Les migrants ne devraient pas se voir affliger de sanctions pénales. L'organisation a enfin souligné que les retours forcés font augmenter le risque de torture et devraient être utilisés en dernier recours. Défense des enfants - international a expliqué qu'il fallait entériner l'étude mondiale sur les enfants privés de liberté. La privation de liberté est synonyme d'exclusion sociale, a souligné l'organisation. L'étude devra permettre de se pencher sur l'ampleur du phénomène. Le Conseil doit soutenir cette étude et y participer dans la mesure du possible.

La Fédération internationale de l'action des chrétiens pour l'abolition de la torture (FIACAT) a souligné que le simple fait de détenir des mineurs dans des centres de rétention est une atteinte à leurs droits tels que définis dans la Convention internationale des droits de l'enfant. La détention de mineurs est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant, à son développement social et psychologique. La FIACAT appelle le Conseil à renforcer sa collaboration avec les États afin de mettre un terme à cette pratique.

L’Article 19 - Centre international contre la censure a estimé qu’il y avait un manque de lien entre la politique déclarée et la situation en Turquie et qu’il fallait mettre fin à cette situation. Les conditions de détention en Turquie sont abusives et inadéquates. L’association a estimé que la situation des droits de l’homme en Turquie demandait un examen de près et immédiat.

Conclusions des rapporteurs spéciaux

M. MICHEL FORST, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, s'est réjoui du soutien exprimé par de nombreuses délégations à son mandat. Cependant, il regrette que la Fédération de Russie ait, au contraire, demandé la fin du mandat de Rapporteur spécial, alors que l'on célèbre le vingtième anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l'homme, ajoutant qu'il recevait de plus en plus de communications concernant ce pays. M. Forst est pour sa part disposé à apporter son assistance technique à la Fédération de Russie si cette dernière le souhaite, a-t-il dit.

Le Rapporteur spécial a également déclaré qu'il avait élaboré des propositions concernant la célébration du vingtième anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l'homme. Ces propositions reprennent des points de vue d'organisations de la société civile, a-t-il dit. M. Forst a également indiqué que son prochain rapport portera sur la situation de militants des droits de l'homme dans chaque pays. Il contiendra des propositions et recommandations sur la manière d'élargir l'espace de la société civile, dans le contexte où cet espace est de plus en plus réduit, y compris dans l'Union européenne, a-t-il conclu.

M. NIELS MELZER, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains et dégradants, a tenu à préciser que son rapport ne disait pas que les États ont l'intention de faire subir la torture aux migrants et réfugiés, mais que les politiques migratoires qu'ils adoptent peuvent entraîner des cas de torture et de mauvais traitements, a-t-il insisté. M. Melzer est également revenu sur la distinction entre migrants et réfugiés, expliquant qu'au regard de la torture ou du non-refoulement, cette différence importe peu, puisque l'interdiction de la torture est absolue et signifie que toute personne, quel que soit son statut, doit en être protégée.

Le Rapporteur spécial a également déclaré que les accords et garanties diplomatiques ne sont pas illicites au plan international. Mais de son point de vue, certains États font preuve de complaisance en choisissant d'y avoir recours ou non dans les cas de torture. Or l'interdiction de la torture a acquis le caractère de Jus cogens, et les États ne peuvent donc pas y déroger, a-t-il insisté. Par ailleurs, il s'est dit d'avis que la migration illégale ne doit plus être pénalisée. Mais si infraction il y a, les États doivent considérer de la traiter comme un cas de délit administratif et non pénal, et envisager des peines alternatives à la détention, y compris dans le pacte mondial pour des migrations qui se négocie à l'heure actuelle.

M. Melzer a aussi estimé que la crise migratoire actuelle avait un lien avec les objectifs de développement durable et la bonne gouvernance. Si les objectifs de développement ne sont pas atteints et une bonne gouvernance assurée, les flux migratoires ne pourront que se poursuivre, a-t-il résumé.

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* Délégations de pays ayant participé au débat interactif: Autriche, Union européenne, Togo (au nom du Groupe africain), Monténégro, Colombie, Allemagne, Finlande, Chine, Norvège, Brésil, Danemark, Pakistan, Belgique, Fédération de Russie, Canada, Tunisie, Espagne , Philippines, Paraguay, Tchéquie, Singapour, États-Unis, Côte d'Ivoire, Honduras, Togo, Bahreïn, Australie, Cuba, France, Égypte, Ukraine, Irak, Venezuela, Mexique, Maldives, Costa Rica, Lituanie, Thaïlande, Géorgie, Ouganda, Arménie, Suisse, Portugal, Soudan, Afghanistan, Nigéria, Royaume-Uni, Équateur et Irlande.

** Organisations non gouvernementales ayant participé au débat interactif: Alliance globale des institutions nationales des droits de l'homme, Organisation mondiale contre la torture – OMCT; Connectas Direitos Humanos; Association pour la prévention de la torture; Défense des enfants – international; Helsinki Foundation for Human Rights; Asian Legal Resource Centre; Action de Carême; Service international pour les droits de l'homme; Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos, Asociación Civil; Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement; Human Rights Law Centre; Commission internationale de juristes; Federatie Van Netherlandse Verenigingen Tot Integratie Van Homoseksualiteit - Coc Nederland; et l'Article 19 - Centre international contre la censure.


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HRC18/015F