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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT DÉBAT DES PROPOSITIONS DE PROGRAMME DE TRAVAIL DONT ELLE EST SAISIE

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement s'est penchée, ce matin, sur plusieurs propositions de programme de travail dont elle est saisie, en particulier de la part de la Fédération de Russie et du Royaume-Uni. La proposition de la Fédération de Russie vise l'élaboration, par la Conférence, d'un instrument juridique international pour la répression du terrorisme chimique, alors que celle du Royaume-Uni vise la création d'un groupe de travail et l'instauration d'un programme de travail connexe pour la durée de la session de 2016 avec pour mandat de recommander des mesures efficaces en matière de désarmement nucléaire.

Après avoir présenté ses condoléances à la population de la Turquie suite aux actes terroristes qui ont frappé Ankara, la Fédération de Russie a fourni des précisions supplémentaires sur les raisons qui l'ont poussée à soumettre à la Conférence son projet visant l'élaboration d'une convention internationale pour la répression du terrorisme chimique. La Fédération de Russie a notamment affirmé que l'État islamique étant près d'acquérir la capacité de fabriquer ses propres agents chimiques, il se posera tôt ou tard un risque important de prolifération transfrontalière. La communauté internationale doit donc être en mesure d'agir sur la base d'un instrument international, lequel fait encore défaut, dans la mesure où les traités et conventions actuels ne s'appliquent pas au problème spécifique de la possession et de la prolifération d'armes chimiques par des groupes terroristes agissant dans un territoire déterminé. L'élaboration d'un nouvel instrument est donc nécessaire, a insisté la délégation russe.

Ces explications de la Fédération de Russie ont donné lieu à un bref débat. Certaines délégations ont estimé que la proposition russe devrait être basée sur une définition précise de la lacune juridique à combler et précédée d'une analyse juridique longue et approfondie. Il a été affirmé que l'instrument proposé par la Fédération de Russie pourrait faire double emploi avec des instruments déjà en vigueur et que la question du terrorisme chimique pourrait tout aussi bien faire l'objet d'un protocole additionnel à la Convention sur l'interdiction des armes chimiques. Ont également été commentées les propositions de programme de travail soumises à la Conférence du désarmement par le Royaume-Uni (document CD/2055) et par le Nigéria (document CD/WP.594). Rappelons qu'au début de la session de 2016, la présidence nigériane de la Conférence avait soumis un projet de décision visant l'établissement de quatre groupes de travail chargés de mener des discussions sur chacune des quatre questions essentielles inscrites à l'ordre du jour de la Conférence (points 1 à 4 de l'ordre du jour).

Ce matin, les délégations des pays suivants ont fait des déclarations: Algérie, Canada, Suisse, Fédération de Russie, Italie, Turquie et Royaume-Uni.

L'Ambassadeur de la République de Corée a annoncé son départ de la Conférence du désarmement et l'arrivée prochaine de son successeur.

En début de séance, la Conférence a accepté la demande de participation à ses travaux en tant qu'observateur présentée par l'État plurinational de Bolivie.


La prochaine séance publique de la Conférence se tiendra jeudi prochain, 17 mars, à 10 heures.


Aperçu des déclarations

L'Algérie s'est dite fermement attachée au désarmement nucléaire. Elle a exhorté les États dotés d'armes nucléaires à respecter les obligations formelles prévues par le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires concernant «l'obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant du désarmement nucléaire sous un contrôle international strict et efficace», ainsi que celles afférentes à la création d'une zone exempte d'armes nucléaires au Moyen-Orient à l'instar, par exemple, de la zone établie en Afrique par le biais du Traité de Pelindaba, auquel l'Algérie est partie. L'Algérie a par ailleurs jugé important que la Conférence prenne en charge les revendications légitimes de sécurité des États non dotés d'armes nucléaires en matière de garanties négatives de sécurité, dans le cadre d'un instrument juridique international ayant force obligatoire et interdisant de manière claire et crédible l'emploi ou la menace d'emploi d'armes nucléaires contre les États non dotés de telles armes.

L'Algérie s'est d'autre part félicitée de la dynamique ayant caractérisé les travaux de la Conférence du désarmement en ce début de session et de la créativité des propositions soumises au titre du programme de travail. S'agissant de la proposition du Nigéria, l'Algérie estime qu'elle présente l'avantage de traiter de manière complète et équilibrée les quatre questions de fond inscrites à l'ordre du jour. L'Algérie a indiqué accueillir aussi avec intérêt la proposition de la Fédération de Russie qui traduit de bonnes intentions visant le lancement de négociations sur un instrument multilatéral pour la répression du terrorisme chimique.

Le Canada a fait observer que l'instrument proposé par la Fédération de Russie risque de faire double emploi avec d'autres initiatives internationales. Le terrorisme chimique pourrait faire l'objet d'un protocole additionnel à la Convention sur l'interdiction des armes chimiques, a suggéré le Canada.

La Suisse a déclaré que la multiplication des projets de programme de travail démontrait la volonté des membres de la Conférence du désarmement d'aller de l'avant: la Conférence doit maintenant tirer parti de cette dynamique. S'agissant de la proposition russe, de nombreux éléments doivent être clarifiés: par exemple, quelle lacune juridique s'agit-il de combler avec l'instrument proposé? En outre, la Conférence du désarmement est-elle l'instance appropriée pour négocier un tel instrument, s'est interrogée la délégation suisse? La Suisse juge opportun d'adopter sans plus tarder un programme de travail axé sur les quatre priorités de la Conférence, tout en commençant des consultations approfondies sur la proposition de la Fédération de Russie. La Suisse estime que la proposition de programme de travail du Royaume-Uni est la plus à même de débloquer les travaux de la Conférence.

La Fédération de Russie a remercié les délégations qui ont soutenu sa proposition consistant à élaborer une convention internationale pour la répression du terrorisme chimique. Cette initiative est d'actualité, a souligné la Fédération de Russie, comme en témoigne la maîtrise par l'État islamique de toxiques industriels qui lui donnera la capacité de fabriquer ses propres agents chimiques et donc de susciter, tôt ou tard, un risque de prolifération transfrontalière. Le terrorisme chimique est donc une réalité qui nécessite une réaction sur la base d'un nouvel instrument international, a insisté la délégation russe.

La Fédération de Russie a fait observer qu'il n'existait en effet pas de normes du droit coutumier interdisant explicitement le recours aux armes chimiques par des acteurs non étatiques, ni faisant de cet acte un crime international. Le droit international humanitaire, de par sa nature, ne s'applique qu'en cas de conflit armé; quant au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, il n'a pas été ratifié par près de 70 États parties à la Convention sur l'interdiction des armes chimiques. Un instrument important est la résolution 1540 du Conseil de sécurité: interdisant le déplacement illégal d'armes chimiques et de leurs vecteurs, elle ne concerne pas la situation actuelle, marquée par l'acquisition d'armes chimiques par les terroristes dans les territoires qu'ils contrôlent. Enfin, l'inclusion d'une disposition sur le terrorisme chimique dans la Convention sur l'interdiction des armes chimiques serait aléatoire puisque cet instrument est très difficile à amender, a fait observer la Fédération de Russie. Telles sont les raisons qui, parmi d'autres, justifient l'élaboration d'un nouvel instrument, a-t-elle indiqué. Il existe de fait d'autres instances internationales pouvant se charger d'élaborer cet instrument, a-t-elle admis; mais le choix de la Conférence du désarmement est pertinent, puisque son mandat initial ne concerne pas uniquement le désarmement et s'étend à la sécurité internationale en général. La proposition russe concerne de fait le désarmement, la non-prolifération et la lutte contre le terrorisme, a insisté la délégation russe. Enfin, l'élaboration d'un tel instrument aurait des effets salutaires sur les travaux de la Conférence du désarmement, en incitant ses membres à coopérer autour d'un projet fédérateur, a-t-elle fait valoir.

L'Italie a déclaré soutenir les différents projets de programme de travail présentés par plusieurs pays, estimant que le projet du Royaume-Uni était le plus pragmatique et le plus ouvert à la participation de la société civile. Le projet de la Fédération de Russie a l'avantage de répondre à une préoccupation très forte dans la communauté internationale: c'est pourquoi l'Italie est ouverte à des discussions à ce sujet.

La Turquie a remercié les délégations qui lui ont présenté leurs condoléances après les attentats terroristes qui ont frappé Ankara. Elle a ajouté qu'elle étudiait très attentivement la proposition de la Fédération de Russie.

Le Royaume-Uni a observé que les explications données par la Fédération de Russie montraient bien la complexité et la longueur – plusieurs mois peut-être – de l'analyse juridique qui devrait être menée en préalable à la rédaction de l'instrument proposé. Le Royaume-Uni a fait observer que sa propre proposition de programme de travail était ouverte et autorisait la création d'un nouveau groupe de travail sur n'importe quel thème choisi par les États membres.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

DC16/013F