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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT TIENT PLUSIEURS DÉBATS INTERACTIFS SUR DIVERSES QUESTIONS INTÉRESSANT SON ORDRE DU JOUR

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement a tenu ce matin et en début d'après-midi plusieurs débats interactifs portant sur : la Conférence sur l'impact humanitaire des armes nucléaires, réunie à Vienne le mois dernier ; un projet de convention-type concernant les armes nucléaires ; un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire (FMCT) ; le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) ; et la prévention d'une course aux armements dans l'espace.

L'Autriche a rendu compte des résultats de la troisième Conférence sur l'impact humanitaire des armes nucléaires, qui s'est tenue à Vienne les 8 et 9 décembre 2014, précisant que lesdits résultats seraient publiés en tant que document officiel de la Conférence du désarmement. L'existence même des armes nucléaires pose des questionnements moraux qui dépassent les débats juridiques et soulignent le caractère irresponsable des arguments en faveur du maintien de ces armes, a souligné l'Autriche. Quant au Costa Rica, il a indiqué que, depuis 2013, la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes appelait à la rédaction d'un instrument international contraignant relatif à l'interdiction des armes nucléaires. Tout en se disant consciente de l'impact catastrophique qu'aurait l'utilisation des armes nucléaires, l'Inde estime pour sa part que la Conférence du désarmement est la seule instance multilatérale de négociation sur les armes nucléaires. L'Australie, le Bélarus, le Chili, le Mexique et le Brésil ont également pris part au débat sur cette question.

Pour sa part, le Costa Rica a rappelé avoir déposé, avec la Malaisie, en 2007, une proposition de convention-type interdisant le développement, la production, le stockage et l'emploi ou la menace d'emploi d'armes nucléaires et imposant la destruction des stocks de matières fissiles et de vecteurs. Lors du débat, des délégations ont soutenu l'idée d'un débat à la Conférence du désarmement autour d'une convention interdisant complètement les armes nucléaires. Le Royaume-Uni a pour sa part attiré l'attention sur les progrès enregistrés dans la réduction des armes nucléaires. Ce dernier pays ayant invoqué la stabilité et la sécurité que peuvent apporter les armes nucléaires, l'Algérie a affirmé que si tel était le cas, il faudrait alors « les distribuer largement et leur accorder le prix Nobel de la paix ». Le Brésil et l'Inde sont également intervenus dans ce débat.

Enfin, la France a estimé qu'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire (FMCT) constituait la prochaine étape logique sur la voie du désarmement, en permettant l'adoption d'une approche quantitative des arsenaux nucléaires. L'obligation centrale d'un FMCT doit être l'arrêt des installations de production de matières fissiles pour la fabrication d'armes, a souligné la France, avant de saluer le travail considérable et inégalé mené par le Groupe de travail d'experts gouvernementaux sur un FMCT. Dans le cadre du débat sur un tel traité, l'Espagne a comparé l'adoption d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à « la coupure de l'arrivée d'eau en cas d'inondation » : une étape préalable indispensable. Mais le Pakistan a indiqué ne pouvoir adhérer à un traité qui ne porterait que sur la production future de matières fissiles et exclurait les stocks que possèdent certains pays. L'Algérie a déclaré que la prise en compte des stocks était « une question de principe ». De l'avis des États-Unis, la vérification (associée à un FMCT) ne devrait porter que sur les matières fissiles nouvellement produites, les stocks devant – selon eux – être soumis à des mesures de contrôle volontaire. Le Bélarus, l'Inde, le Chili, l'Australie, le Canada et le Royaume-Uni ont également pris part à ce débat.

L'Allemagne et l'Irlande ont fait des déclarations dans le cadre du débat interactif portant sur le TNP, dont la neuvième Conférence d'examen doit se tenir à New York du 27 avril au 22 mai prochain.

La Fédération de Russie, la Chine, le Bélarus, le Kazakhstan et le Brésil sont, eux, intervenus dans le cadre du débat interactif portant sur la prévention d'une course aux armements dans l'espace. Il a été rappelé qu'un projet sino-russe de traité sur le non-déploiement d'armes dans l'espace a été soumis à la Conférence du désarmement.

Afin que la Conférence s'acquitte de son mandat comme le lui a demandé le Secrétaire général de l'ONU la semaine dernière, la Finlande a appelé les membres de cette instance à explorer toutes les manières d'entamer le débat de fond, y compris en aménageant le Règlement intérieur de la Conférence.

Ce matin, la Conférence du désarmement a par ailleurs accepté la demande de participation à ses travaux en tant qu'État observateur émanant de la Thaïlande. Elle a en outre entendu un discours d'adieu de l'Ambassadrice Elissa Golberg du Canada, qui quitte la Conférence.


La Conférence du désarmement tiendra demain matin, à 10 heures, une séance plénière au cours de laquelle elle devrait se prononcer sur le projet de programme de travail qui lui a été soumis hier matin par son Président.


Échanges de vues sur l'avancement des travaux au titre des points à l'ordre du jour

Dans un discours d'adieu, l'Ambassadrice ELISSA GOLBERG du Canada, a félicité le Président de la Conférence du désarmement pour sa proposition de programme de travail soumise hier aux membres de cette instance. Si la Conférence ne remplit pas le rôle pour lequel elle a été créée, il est naturel de chercher à l'adapter afin qu'elle fonctionne efficacement, a-t-elle ensuite déclaré, soulignant que le Canada avait recommandé d'apporter des aménagements aux méthodes de travail de la Conférence. S'il est convaincu du potentiel de la Conférence, le Canada tient à souligner que cette conviction n'équivaut pas à un soutien inconditionnel. Le Canada estime en particulier que les membres de la Conférence devraient se départir de leur conviction selon laquelle ils ont toujours raison contre leurs pairs, afin que s'ouvre la possibilité d'un véritable dialogue. La Représentante permanente du Canada a indiqué avoir constaté, lors de sa présidence du Groupe de travail d'experts gouvernementaux sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles, une ouverture au dialogue sans commune mesure avec ce qui se passe à la Conférence du désarmement et dont cette dernière devrait s'inspirer pour aborder son travail de fond. Enfin, le Canada estime que la Conférence du désarmement devrait aborder rapidement la négociation sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles. Le « mandat Shannon » qui pourrait encadrer la discussion sur cette question n'est certes pas parfait mais, quoi qu'en disent certains, il constitue – de l'avis du Canada – une bonne base de départ.

Conférence de Vienne sur l'impact humanitaire des armes nucléaires

L'Autriche a fait observer que le déficit de crédibilité de la Conférence en matière de désarmement nucléaire risque d'avoir pour conséquence la prolifération nucléaire. Il devient donc nécessaire que le débat déborde du seul cercle des experts pour intégrer désormais la société civile et le grand public, a souligné le pays. Aussi, l'Autriche a-t-elle informé la Conférence du désarmement des résultats de la Conférence de Vienne sur l'impact humanitaire des armes nucléaires – tenue les 8 et 9 décembre dernier – qui faisait suite aux deux précédentes conférences sur ce thème tenues à Oslo et à Nayarit et dont les résultats ont été transmis au Secrétariat de la Conférence du désarmement et seront publiés comme document officiel de cette instance. Les participants à la Conférence de Vienne - au nombre desquels, outre 158 Etats et de nombreux représentants de la société civile, figuraient le pape François, le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies et le mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge - ont notamment conclu de leurs débats que l'impact humanitaire d'une détonation d'armes nucléaires serait beaucoup plus complexe que prévu. Aucune institution internationale ne peut et, vraisemblablement, ne pourra jamais remédier aux conséquences humanitaires à court et long termes d'une explosion nucléaire, a insisté l'Autriche. L'existence même des armes nucléaires pose donc des questionnements moraux qui dépassent les débats juridiques et soulignent le caractère irresponsable des arguments en faveur du maintien de ces armes, a-t-elle souligné. La prochaine Conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (NDLR : qui se tiendra à New York au mois d'avril prochain) devrait être l'occasion de réaliser des progrès tangibles sur la voie du désarmement, a conclu l'Autriche.

Le Président de la Conférence, l'Ambassadeur JORGE LOMÓNACO du Mexique, s'est dit favorable à la prise en compte des résultats des trois Conférences sur l'impact humanitaire des armes nucléaires qui se sont tenues à Oslo, Nayarit et Vienne.

Pour l'Australie, le succès de la Conférence de Vienne tient d'abord au très grand nombre d'États qui y étaient représentés.

Le Bélarus a indiqué appuyer l'ouverture des négociations prévues par le programme de travail dont le projet a été présenté hier par la présidence mexicaine de la Conférence. Que prévoit de faire l'Autriche en cas d'incapacité à atteindre un consensus lors de la prochaine Conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, a par ailleurs demandé le Bélarus ?

L'Inde a indiqué avoir participé aux trois conférences de Vienne, Oslo et Nayarit sur l'impact humanitaire des armes nucléaires et s'est dite consciente de l'impact catastrophique de l'utilisation de ces armes. Pour autant, l'Inde estime que la Conférence du désarmement est la seule instance multilatérale de négociation sur les armes nucléaires. L'Inde a indiqué ne pas comprendre pourquoi certains États qui sont à la pointe du débat sur l'impact humanitaire des armes nucléaires n'ont pas appuyé la résolution demandant à la Conférence du désarmement de se saisir de la question.

Le Costa Rica a rappelé que, depuis 2013, la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) appelait à la rédaction d'un instrument international contraignant relatif à l'interdiction des armes nucléaires. La CELAC tient en ce moment même une conférence régionale qui adoptera une résolution sur la question importante de l'impact humanitaire des armes nucléaires, a précisé le Costa Rica. Le Chili a alors précisé que, par ce projet de résolution, les membres de la CELAC avaliseront la déclaration adoptée à l'issue de la Conférence de Vienne sur l'impact humanitaire des armes nucléaires. Le Mexique, par la voix du Président de la Conférence, s'est alors félicité de l'engagement des pays d'Amérique latine et des Caraïbes. À son tour, le Brésil a dit appuyer sans réserve les résultats de la Conférence de Vienne tels que présentés par l'Autriche. Le Brésil s'interroge par ailleurs sur la possibilité d'intégrer au programme de travail de la Conférence du désarmement un débat sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires.

Concluant cette partie du débat, l'Autriche a précisé avoir l'intention de soulever la question de l'impact humanitaire des armes nucléaires à l'occasion de la neuvième Conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, au mois d'avril prochain. Si les experts affirment que les conséquences humanitaires d'une explosion nucléaire seraient bien pires que prévu et si, comme cela a été montré, notamment à Vienne, l'existence et la possession mêmes des armes nucléaires posent problème, alors le politique devra bien admettre qu'il n'est plus possible d'envisager les armes nucléaires de la même manière qu'auparavant et qu'il faut progresser dans le désarmement nucléaire, a souligné l'Autriche.

Projet de convention-type sur les armes nucléaires déposé par le Costa Rica et la Malaisie

Le Costa Rica a indiqué avoir déposé, avec la Malaisie en 2007, une proposition de convention-type sur les armes nucléaires afin de contribuer à leur élimination. En 2008, le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies avait déclaré que ce texte était un bon point de départ pour un débat. La convention-type interdit le développement, la production, le stockage et l'emploi ou la menace d'emploi des armes nucléaires, a rappelé le Costa Rica, ajoutant qu'elle prévoit également la destruction des stocks de matières fissiles et des vecteurs d'armes nucléaires. La convention-type organise la destruction des armes nucléaires selon un calendrier en cinq étapes et prévoit un régime de vérification ainsi que des mesures de protection des personnes qui dénoncent des violations du traité, a précisé le Costa Rica. Des mécanismes de consultation et d'enquête sont également prévus, la Cour internationale de justice pouvant être saisie en cas de litige. La convention-type n'interdit pas l'énergie nucléaire civile, a souligné le Costa Rica. Enfin, un protocole facultatif à cette convention-type prévoirait des mesures d'assistance aux États qui souhaitent se défaire de leurs armes nucléaires, a ajouté le pays.

Le Brésil a déclaré avoir toujours soutenu l'idée d'un débat à la Conférence du désarmement autour d'une convention portant interdiction complète des armes nucléaires. Le principe d'un instrument exhaustif en la matière n'est pas irréaliste, contrairement à ce que certains prétendent : personne n'avait jamais pensé que le mur de Berlin pourrait tomber, a souligné le Brésil. Le pays a indiqué se vouloir résolument optimiste.

L'Inde a dit approuver plusieurs principes fondamentaux contenus dans la convention-type sur les armes nucléaires, notamment les principes de non-discrimination, de vérification et d'universalité. Du point de vue de l'Inde, la Conférence du désarmement serait l'institution légitime pour négocier une telle convention. La communauté internationale pourrait, parallèlement, tirer parti de l'élan ainsi créé pour prendre les mesures nécessaires à l'interdiction de l'utilisation des armes nucléaires.

Le Royaume-Uni a fait observer que le problème de l'impact humanitaire des armes nucléaires ne se pose pas pour la première fois, puisqu'il est mentionné dans le préambule du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. À ceux qui demandent que soient interdites les armes nucléaires, le Royaume-Uni répond qu'ils ne tiennent pas compte de la stabilité et de la sécurité que peuvent apporter ces armes. Le Royaume-Uni travaille à créer les conditions pour que les armes nucléaires ne soient plus nécessaires ; mais en attendant, de l'avis de ce pays, il convient de maintenir un minimum crédible de dissuasion nucléaire. En outre, le Royaume-Uni plaide pour des réductions graduelles des arsenaux nucléaires et précisément, ses sous-marins nucléaires ne portent désormais plus qu'une quarantaine de têtes nucléaires. Les progrès dans la réduction des armes nucléaires sont donc bien réels, a insisté le Royaume-Uni.

L'Algérie a souligné que le débat sur l'élimination des armes nucléaires n'a rien de neuf, puisque la toute première résolution de l'Assemblée générale – laquelle se tenait alors à Londres – portait précisément sur l'interdiction des armes nucléaires compte tenu de leur potentiel destructeur. Dire que ces armes ne posent problème que si elles ne sont « pas sécurisées » n'est pas conforme au bon sens, a déclaré l'Algérie. La délégation algérienne a indiqué ne pas comprendre les arguments relatifs à la « stabilité stratégique » qu'assureraient les armes nucléaires : si c'était le cas, il faudrait alors les distribuer largement et leur accorder le prix Nobel de la paix. Ces armes constituent tout simplement une menace pour l'humanité, a conclu l'Algérie.

Concluant cette partie du débat, le Costa Rica a déclaré que le moment était parfaitement choisi pour engager un processus de négociation multilatérale sur le désarmement nucléaire qui soit fondé sur les innovations technologiques de ces 70 dernières années et les réflexions éthiques qui l'accompagnent.

Traité d'interdiction de la production de matières fissiles

La France a rappelé que la négociation sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire (FMCT) était un engagement ancien de la communauté internationale. Cette négociation répond à l'impératif d'œuvrer à un monde plus sûr pour tous et de créer les conditions pour un monde sans armes nucléaires, a-t-elle affirmé, ajoutant que le traité d'interdiction complète des essais nucléaires vise quant à lui à freiner le développement de nouveaux types d'armement. Le FMCT représente la prochaine étape logique sur la voie du désarmement, en permettant l'adoption d'une approche quantitative des arsenaux nucléaires. Le FMCT a vocation à être un traité universel, a insisté la France.

La France estime que l'obligation centrale d'un FMCT doit être l'arrêt des installations de production de matières fissiles pour la fabrication d'armes. Les matières couvertes par un futur traité doivent être en cohérence avec ses objectifs, a-t-elle ajouté, précisant que le traité devrait couvrir les seules matières fissiles non irradiées susceptibles d'être utilisées directement dans la fabrication d'armes nucléaires, conformément aux définitions de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), à l'exclusion des usages civils et militaires non explosifs (propulsion par exemple). La notion d'irréversibilité est centrale pour un traité d'interdiction de la production de matières fissiles, a souligné la France. Pour être efficaces, les mesures doivent être suivies du démantèlement ou de la reconversion des installations de production, a-t-elle précisé. La France a indiqué avoir organisé plusieurs visites de ses propres installations pour des représentants de plus d'une quarantaine d'États membres de la Conférence du désarmement. La mise en œuvre d'un FMCT est indissociable de la création d'un régime de vérification dans lequel l'AIEA jouerait un rôle à jouer, a par ailleurs souligné la France. La négociation de cet instrument par la Conférence du désarmement n'aura de sens que si elle inclut l'ensemble des pays possédant des armes nucléaires, a-t-elle fait observer. Le fait que le sujet du FMCT ait pu être inscrit dans le programme d'activités de la Conférence du désarmement est positif, a relevé la délégation française. La France constate avec satisfaction que le Groupe de travail d'experts gouvernementaux sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles a accompli un travail considérable et inégalé. La négociation d'un FMCP est à portée de main, a conclu la France.

Pour les États-Unis, la négociation d'un FMCT est un préalable indispensable au désarmement nucléaire proprement dit. Les États-Unis apprécient les discussions au sein du Groupe de travail d'experts gouvernementaux sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles et estiment qu'aucun obstacle technique ne s'oppose désormais à l'ouverture des négociations. Ils relèvent qu'il existe des usages légitimes des matières fissiles dont un FMCT doit tenir compte. Les États-Unis pensent que la vérification devrait être axée sur la production des installations spécialisées et réalisée avec le concours de l'AIEA. De l'avis des États-Unis, la vérification ne devrait porter que sur les matières fissiles nouvellement produites, les stocks devant être soumis à des mesures de contrôle volontaire, sur le modèle des arrangements pris par les États-Unis et la Fédération de Russie.

Le Bélarus a salué les progrès importants réalisés, depuis dix ans, concernant le champ d'application potentielle du traité d'interdiction des matières fissiles. Le Bélarus propose la rédaction d'un document de travail décrivant les différentes approches concernant l'intégration ou non, dans le traité, des différentes catégories de matières fissiles et des stocks existants.

L'Inde s'est félicitée de l'inclusion dans le projet de programme de travail soumis hier à la Conférence du désarmement d'une possible négociation d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles. Tous les pays devraient participer à cette négociation à la recherche d'un résultat fructueux, a déclaré l'Inde, rappelant qu'elle participe aux travaux du Groupe de travail d'experts gouvernementaux sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles. L'Inde tient néanmoins à insister sur le rôle central de la Conférence du désarmement dans la négociation proprement dite. L'imposition progressive de restrictions à l'utilisation des armes nucléaires pourrait contribuer à délégitimer ces armes et préluder à leur élimination, comme cela a été le cas pour les armes bactériologiques, a fait observer la délégation indienne. Il est difficile de comprendre pourquoi certains pays sont réticents à envisager une limitation quelconque de l'utilisation des armes nucléaires tout en plaidant pour la limitation de leur possession, s'est étonnée l'Inde.

L'Espagne a comparé l'adoption d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à la coupure de l'arrivée d'eau en cas d'inondation : une étape préalable indispensable. L'Espagne a souligné que le caractère complexe du débat qui s'annonce exige des États qu'ils fassent preuve d'imagination, de souplesse et de créativité.

Le Chili a fait observer que la capacité destructrice des armes nucléaires contredit la notion même de stabilité (qu'apporteraient prétendument ces armes). Le Chili, qui est favorable à une négociation sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles, préconise également une négociation sur l'interdiction complète des armes nucléaires.

Le Pakistan a indiqué ne pouvoir adhérer à un traité qui ne porterait que sur la production future de matières fissiles et exclurait les stocks desdites matières que possèdent certains pays. Le traité dont il est ici question devrait tenir compte des asymétries existantes dans ce domaine, bien commodes pour certains États qui en bénéficient et qui n'auraient à renoncer à rien, contrairement au Pakistan. La négociation pourra commencer d'autant plus tôt que cette réalité sera dûment prise en compte, a indiqué le Pakistan. Mais le blocage sur cet aspect ne doit pas bloquer l'ensemble des travaux de la Conférence du désarmement. Le Pakistan est ainsi prêt à commencer à négocier un traité sur l'interdiction de la militarisation de l'espace, par exemple. Le Pakistan regrette que des sujets importants soient discutés au sein d'un organe non représentatif tel que le Groupe de travail d'experts gouvernementaux sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles.

L'Australie a souligné, au contraire, la « véritable chance » que représente la discussion technique très approfondie au sein dudit Groupe de travail. Le Canada et le Royaume-Uni ont observé qu'une écrasante majorité (168) des États Membres de l'Assemblée générale avaient validé la résolution créant le mandat de ce Groupe de travail. Le Bélarus a pour sa part estimé que la discussion dans le cadre d'un Groupe de travail bénéficiant de l'apport de 25 pays seulement est trop limitative. De plus, dans une situation de crise financière mondiale, il n'est pas nécessaire de fragmenter les ressources financières disponibles, a ajouté le Bélarus.

L'Algérie a fait observer que le débat sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles remontait au moins à 1953, date d'un discours du Président Eisenhower. Quoi qu'il en soit, pour être efficace, un tel traité devrait porter également sur les stocks de matières fissiles, a insisté l'Algérie : la question des stocks est une affaire de principe.

Concluant cette partie du débat, la France a affirmé que la question d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles était prête à être débattue. Elle a jugé intéressante l'idée de recenser les positions des délégations à ce sujet sous une forme claire, estimant que cela permettrait de constater à quel point les positions se sont affinées depuis le dernier exercice du même genre. La difficile question des stocks de matières fissiles soulève d'autres questions plus complexes, a poursuivi la France : prise en compte des productions passées à caractère civil et des productions militaires transférées au cycle nucléaire civil, sort des armes non opérationnelles « sur étagère », entre autres. Face à un problème complexe et concret, il est toujours utile de chercher des moyens de dépasser les points de clivage, a souligné la délégation française. La France rappelle que le cœur d'un FMCT est bien l'interdiction (de matières fissiles à des fins de production d'armes nucléaires), accompagnée d'un régime de vérification efficace portant, essentiellement, sur les installations d'enrichissement et de retraitement et sur la recherche d'installations de production non déclarées.

Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires

L'Allemagne a déclaré que le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) repose sur le principe que la guerre nucléaire ne doit pas avoir lieu, les États dotés de l'arme nucléaire devant s'engager à accélérer les progrès concrets en vue du désarmement nucléaire. Il est nécessaire de réduire systématiquement toutes les armes nucléaires détenues par tous les États concernés, a souligné l'Allemagne, ajoutant que les efforts bilatéraux des États-Unis et de la Fédération de Russie dans ce domaine doivent être prolongés par des mesures conformes aux principes de transparence et d'irréversibilité. Les États doivent, d'autre part, tout mettre en œuvre pour réduire le risque d'explosion nucléaire, a poursuivi l'Allemagne, avant de plaider – au-delà des réductions d'armes nucléaires opérées depuis le pic de 1986 – pour des mesures concrètes visant à éliminer les armes nucléaires.

L'Allemagne demande par ailleurs à tous les États de renoncer aux essais nucléaires et, le cas échéant, de donner explicitement des assurances négatives de sécurité (aux Etats non dotés d'armes nucléaires). D'autre part, il est dans l'intérêt de tous les peuples de sécuriser les activités dans l'espace extra-atmosphérique : c'est pourquoi l'Allemagne recommande l'adoption de mesures de confiance et d'un code international de conduite dans ce domaine. Enfin, s'agissant de la Conférence de Vienne sur l'impact humanitaire des armes nucléaires, l'Allemagne s'interroge sur l'opportunité de délégitimer ces armes ou de les mettre hors la loi sans la collaboration des États détenteurs de ces armes.

L'Irlande a déclaré que l'année 2014 avait été marquée par plusieurs progrès en matière de désarmement et de contrôle des armements, parmi lesquels figurent l'entrée en vigueur du Traité sur le commerce des armes et la Conférence d'examen de la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel. Ces progrès montrent, d'une part, que la communauté internationale peut collaborer de manière constructive, mais révèlent, de l'autre, qu'elle semble incapable de collaborer au sein de la Conférence du désarmement. C'est pourquoi – comme le relevait le Secrétaire général la semaine dernière – les gouvernements et la société civile cherchent désormais à progresser sur la voie du désarmement hors de l'enceinte de la Conférence.

Une chose est claire, a souligné l'Irlande : les armes nucléaires constituent une menace pour la survie de l'humanité. Cette constatation était aussi celle des rédacteurs du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, raison pour laquelle l'article VI dudit Traité fait obligation aux États de « poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires et au désarmement nucléaire ». L'Irlande a rappelé qu'elle avait présenté dans le cadre de la Conférence d'examen du TNP, en tant que coordonnatrice de la Coalition pour le nouvel agenda (Afrique du Sud, Brésil, Égypte, Irlande, Mexique et Nouvelle-Zélande), un document de travail visant à encourager la discussion sur les « mesures efficaces » mentionnées à l'article VI. Ce document retrace l'historique des tentatives avortées de négocier un cadre de désarmement multilatéral depuis 1995. Il reprend l'évolution des initiatives humanitaires en faveur d'un monde sans arme nucléaire, pour conclure que l'obtention de ce résultat passe par un instrument juridique international. L'Irlande est convaincue que les débats sur le désarmement nucléaire sont depuis trop longtemps dominés par des conceptions étroites associées à la sécurité des États, plutôt que par les répercussions pour l'humanité entière de l'incapacité d'éliminer concrètement les armes nucléaires.

Prévention d'une course aux armements dans l'espace

La Fédération de Russie a déclaré que la Conférence du désarmement devait rester le forum par excellence pour le désarmement multilatéral – une préoccupation particulièrement importante étant donné l'insatisfaction résultant de l'inaction de la Conférence. Mais cette situation ne doit pas faire oublier que le désarmement dépend de l'obtention d'un consensus tenant compte des intérêts de tous les États, a souligné la Fédération de Russie, avant de rappeler qu'il importe que les membres de la Conférence du désarmement se mettent d'accord sur le programme de travail de cette instance. Une bonne base de départ pourrait être un accord au titre du point 3 de l'ordre du jour (relatif à la prévention d'une course aux armements dans l'espace), concernant le non-déploiement d'armes dans l'espace. Des garanties à cet égard, inspirées du projet de traité sur cette question présenté par la Chine et la Fédération de Russie, permettraient de créer les conditions nécessaires aux progrès dans les autres aspects du désarmement. Le Secrétaire général des Nations Unies a confirmé que cette question devait être traitée par la Conférence. Faute de système de prévention au niveau mondial, le risque existe d'une course aux armements dans l'espace préjudiciable à l'ensemble de l'humanité, a mis en garde la Fédération de Russie. Elle s'est par ailleurs dite tout à fait disposée à entamer des négociations sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles et a exprimé l'espoir que la présente session permette de revitaliser la Conférence dans ses efforts pour la paix et la stabilité internationales.

La Chine a souligné que la prévention d'une course aux armements dans l'espace était dans l'intérêt de tous les pays. C'est pourquoi la Chine a collaboré récemment avec la Fédération de Russie pour mettre à jour le projet de traité qu'elles ont rédigé en commun.

De l'avis du Bélarus, c'est la question de la prévention de la militarisation de l'espace qui pose actuellement le moins de problème au sein de la Conférence du désarmement. Le processus d'accord à ce propos serait rapide, moyennant l'existence d'une volonté politique des États, a affirmé le pays. Le Kazakhstan a quant à lui souligné que la Conférence disposait déjà d'au moins deux projets de traité bien avancés, propices à un débat et à des décisions fructueux : ceux présentés par le Costa Rica (concernant une convention-type sur les armes nucléaires) d'une part, et par la Fédération de Russie et la Chine (concernant le non-déploiement d'armes dans l'espace), de l'autre. Le Brésil a indiqué ne pas voir d'obstacle à la négociation d'un traité sur la militarisation de l'espace extra-atmosphérique ; un organe serait chargé, en parallèle, de la question du désarmement nucléaire, qui inclurait par nécessité la question d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles.

Tout dépendra de l'adoption, demain, du projet de programme de travail, a alors souligné le Président de la Conférence.

En fin de séance, la Finlande a pris la parole pour rappeler que le Secrétaire général avait demandé à la Conférence de s'acquitter de son mandat. Aussi, la Finlande appelle-t-elle les membres de cette instance à explorer à cette fin toutes les manières d'entamer le débat de fond, y compris en aménageant le Règlement intérieur de la Conférence. La Finlande estime que les travaux du Groupe d'experts gouvernementaux sur un FMCT contribueront de manière utile aux activités de la Conférence, étant entendu que les débats ne sauraient se substituer indéfiniment aux négociations.


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DC15.004F