Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE DES RAPPORTS SUR LA DÉTENTION ARBITRAIRE ET SUR LA PROTECTION DES DROITS DANS LA LUTTE ANTITERRORISTE
Le Conseil des droits de l'homme a examiné, à la mi-journée, des rapports soumis par le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, M. Ben Emmerson, et par le Groupe de travail sur la détention arbitraire.
M. Emmerson a souligné que l'engagement de la communauté internationale à mettre fin à l'impunité est fondamentalement contraire au maintien d'une politique d'immunité de facto des fonctionnaires responsables d'actes de torture, de transfèrements extrajudiciaires et de placements en détention secrète, ainsi que de leurs supérieurs hiérarchiques et des responsables politiques qui autorisent de tels actes. Le moment est venu de traduire en justice les agents de l'État qui, en Europe, aux États-Unis et ailleurs, ont agi au sein du réseau international de violations systématiques des droits de l'homme mis en place pendant la présidence de George W. Bush. Toute tentative d'obstruction officielle risque de donner des arguments à tous ceux qui s'efforcent de recruter des candidats à l'extrémisme violent, a mis en garde le Rapporteur spécial.
Le Groupe de travail sur la détention arbitraire, dont le rapport a été présenté par l'un de ses membres, a adopté l'an dernier un texte sur la définition et le champ d'application de la privation arbitraire de liberté dans le droit international coutumier. Il conclut que l'interdiction de toutes les formes de privation arbitraire de liberté fait partie intégrante du droit international coutumier et que la privation arbitraire de liberté est en elle-même incompatible avec les principes des droits de l'homme. Le Groupe de travail avait adressé, au total, 104 appels urgents à 44 États au sujet de 606 personnes, dont 56 femmes. El Salvador a réagi au rapport du Groupe de travail sur la mission qu'il a effectuée dans le pays.
Les intervenants dans le cadre du débat interactif avec M. Emmerson ont rappelé que la lutte contre le terrorisme doit se faire dans le respect des droits de l'homme et du droit international. Des pays ayant pâti du terrorisme pendant de longues périodes, tels Sri Lanka et le Pakistan, ont vigoureusement condamné ce fléau sous toutes ses manifestations tout en jugeant extrêmement important que les États respectent la primauté du droit. Mentionnés dans le rapport comme ayant participé, avec les États-Unis et le Royaume-Uni, à des transfèrements extrajudiciaires de prisonniers dans le cadre de la lutte antiterroriste la Pologne, l'Estonie et la Roumanie ont fait état des enquêtes menées au plan national qui n'ont pas permis de confirmer les allégations.
De nombreuses délégations se sont félicitées de l'action du Groupe de travail sur la détention arbitraire, saluant en particulier l'adoption de sa «délibération» sur la définition et le champ d'application de la privation arbitraire de liberté dans le droit international coutumier, qui sera incontestablement une source d'information et d'interprétation pour les tribunaux nationaux et internationaux, alors que l'expérience de cette dernière décennie montre clairement qu'il ne faut pas relâcher l'attention sur la question de la détention arbitraire.
Les États suivants ont participé au débat interactif: France, Mexique, Cuba, Iraq, Venezuela, Pakistan (au nom de l'Organisation de la coopération islamique), Égypte, Iran, Royaume-Uni, Grèce, Gabon (au nom du Groupe africain), Bulgarie, Syrie, Chine, Pologne, République de Corée, Bélarus, Lituanie, Algérie, Costa Rica, Malaisie, Burundi, Suisse, États-Unis, Indonésie, Maroc, Sri Lanka, Roumanie, Norvège, Palestine, Pakistan, République populaire démocratique de Corée, Brésil, Fédération de Russie, Autriche, Libye et Panama, de même que l'Organisation de la coopération islamique et l'Union européenne. Plusieurs organisations non gouvernementales ont aussi fait des déclarations: American Civil Liberties Union, Reporters sans frontières, Open Society Institute, Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme, Conseil indien d'Amérique du Sud, Canners International Permanent Committee, Société pour les peuples menacés et la Fondation de la Maison des droits de l'homme.
Le Conseil des droits de l'homme poursuit ses travaux en fin d'après-midi pour examiner les rapports du Groupe de travail sur les disparitions forcées et du Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction.
Examen de rapports sur la détention arbitraire et sur les droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme
Présentation des rapports
M. MADS ANDENAS, membre du Groupe de travail sur la détention arbitraire, a souligné que le Groupe qui est la seule procédure spéciale du Conseil mandatée pour examiner les cas de privation arbitraire de liberté. Il interprète et met en œuvre les normes juridiques internationales sur la question; il est aussi chargé d'élaborer les directives et principes de base sur les recours et procédures sur le droit des personnes privées de liberté suite à une arrestation et une détention de porter son affaire devant un tribunal qui peut se prononcer sur le caractère légal ou non de cette détention. Pendant la période examinée, le Groupe de travail a effectué une visite en El Salvador et tenu ses trois sessions annuelles. N'étant pas un organe conventionnel des Nations Unies, le Groupe de travail se fonde sur le droit international coutumier dans l'essentiel de sa jurisprudence, par exemple lorsqu'un État n'a pas ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En novembre 2012, il a aussi lancé sa base de données en trois langues, qui est un outil utile pour les juristes et les universitaires.
M. Andenas a remercié le Gouvernement grec pour son accueil du 21 au 31 janvier 2013, ainsi que les Gouvernements de l'Azerbaïdjan, du Brésil, du Burkina Faso, de l'Inde, du Japon, de la Libye, du Maroc, de l'Espagne et des États-Unis pour leur invitation, de même que l'Argentine pour son invitation concernant une visite de suivi. Il a salué également le suivi et la réponse reçue concernant le Gouvernement de Malte.
Concernant les questions thématiques du Groupe de travail, il a indiqué que celui-ci avait mis la dernière main et adopté sa «délibération no.9» sur la définition et le champ d’application de la privation arbitraire de liberté dans le droit international coutumier, sur la base de l'examen de sa propre jurisprudence et de mécanismes internationaux et régionaux. Il conclut que l’interdiction de toutes les formes de privation arbitraire de liberté font partie intégrante du droit international coutumier et constituent une norme impérative (ou de jus cogens); la privation arbitraire de liberté est en elle-même incompatible avec les principes de la Charte et avec tous les instruments pertinents relatifs à la promotion et à la protection des droits de l'homme.
M. Andenas a souligné que le Groupe de travail traite spécifiquement de ce qui constitue une détention arbitraire et examiné un certain nombre de mesures arbitraires en mettant l'accent sur le droit à bénéficier d'une procédure de justice transparente et équitable. Les mesures de lutte contre le terrorisme doivent demeurer conformes aux normes du droit international, en particulier en ce qui concerne la mise en détention. Nul ne saurait être privé de liberté sans pouvoir avoir accès aux preuves à charge, a précisé M. Andenas. L'attention s'est en particulier portée sur la situation des migrants à cet égard. Le droit international reconnaît que la détention et autres privations de liberté physiques représente un crime contre l'humanité lorsque les droits des personnes concernées ne sont pas respectés. Il a appelé les États à honorer leurs obligations concernant la privation de liberté.
Le Groupe de travail a adressé, au total, 104 appels urgents à 44 États au sujet de 606 personnes, dont 56 femmes. Des États ont informé le Groupe de travail qu'ils avaient pris des mesures pour remédier à la situation de détenus: dans certains cas, les détenus ont été libérés, dans d'autres, le Groupe de travail a reçu l'assurance que les détenus concernés bénéficieraient des garanties d'un procès équitable.
Traitant de la mission du Groupe de travail en El Salvador, M. Andenas a indiqué que les membres du Groupe de travail ont rencontré plusieurs fonctionnaires publics et représentants de la société civile; il a noté que vingt ans après les accords de paix, toutes les composantes de la société salvadorienne sont conscientes de la nécessité du respect et de protection des droits de l'homme. Il a mentionné le problème croissant de la criminalité organisée, en particulier de la prolifération des maras (bandes de jeunes), tout en mettant l'accent sur le droit des détenus à un procès équitable. En effet, la police civile nationale a procédé à 49 000 arrestations en 2011 sans ordre judiciaire et, sur les 7 376 détenus sur une population carcérale totale de 25 411, se trouvaient en détention provisoire, et qu'un grand nombre parmi eux avait dépassé la limite légale de détention.
Le Groupe de travail a conclu que la détention arbitraire demeure un problème d'ampleur internationale et la Cour internationale de justice ainsi que d'autres organes des droits de l'homme ont souligné que les arguments de compétence de régimes autonomes de justice ne sauraient, en aucun cas, restreindre le droit des personnes en détention. L'expérience en matière d'arrestations arbitraires durant cette décennie de lutte contre le terrorisme et dans des situations d'occupation montre à quel point il importe de respecter l'état de droit et les droits de l'homme, comme d'appliquer les procédures en matière de détention.
Le rapport annuel du Groupe de travail sur les détentions arbitraires (A/HRC/22/44) rend compte de ses travaux en 2012, notamment dans le cadre de ses trois sessions annuelles et de la mission effectuée en El Salvador (actuellement disponible en espagnol seulement). Le document A/HRC/22/44/Add.1 fournit une liste d'hyperliens vers les avis adoptés par le Groupe de travail en novembre 2011, mai 2012, août 2012 et novembre 2012.
M. BEN EMMERSON, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a indiqué que le rapport de cette année porte sur des «Principes directeurs pour la responsabilisation des fonctionnaires publics coupables de violations systématiques ou graves des droits de l'homme commises dans le contexte des initiatives des États de lutte contre le terrorisme». Le Rapporteur spécial observe que la plupart des États concernés s'efforcent, depuis une dizaine d'années, de cacher leur participation aux crimes internationaux de la CIA sous la présidence de George W. Bush. Mais cette prudence n'est pas sans faille: grâce à la ténacité de quelques parlementaires, européens surtout, du Comité international de la Croix-Rouge et de plusieurs organisations non gouvernementales, les faits n'ont pas manqué de faire surface. Depuis quatre ans, le processus d'éclatement de la vérité prend de l'élan et les appels à la reddition des comptes atteindront bientôt une masse critique, a estimé l'expert.
Le rapport doit être placé dans son contexte politique et sécuritaire. La menace que font planer des groupes inspirés de la philosophie d'Al Qaida est aujourd'hui beaucoup plus diffuse, notamment au plan géographique, qu'elle ne l'était en 2001. C'est pourquoi il importe, pour saisir et répondre à cette menace, de disposer de connaissances locales et du soutien de la société civile dans la région du Moyen-Orient et du Maghreb. Autrement dit, il faut nouer des relations de confiance avec les personnes qui, dans cette région, sont les plus directement affectées par cette menace, et persuader la société civile islamique de l'engagement sincère de l'Occident à respecter les droits de l'homme et l'état de droit, conformément aux normes du droit international. Ces normes reposent sur deux piliers: le droit à la vérité et l'obligation de rendre des comptes.
Le Rapporteur spécial a souligné que l'engagement de la communauté internationale à mettre fin à l'impunité est fondamentalement contraire au maintien d'une politique d'immunité de facto des fonctionnaires responsables d'actes de torture, de transfèrements extrajudiciaires et de placements en détention secrète, ainsi que de leurs supérieurs hiérarchiques et des responsables politiques qui autorisent ces actes. Il devient difficile de gagner les esprits et les cœurs alors même que les crimes de la CIA sont présentés comme étant commis au nom de la démocratie et qu'un nombre toujours plus important de jugements et rapports officiels contiennent des détails choquants de violations systématiques de la dignité humaine commis sous la présidence de George W. Bush.
La nécessité urgente de parvenir à un consensus en faveur de politiques de lutte antiterroriste conformes aux principes moraux a donné un nouvel élan aux initiatives visant l'élimination de l'héritage de l'impunité, dont plusieurs sont engagées au niveau tant des Nations Unies que des États, comme par exemple l'Iraq, s'est félicité le Rapporteur spécial. Le moment est venu de traduire en justice les officiels qui, en Europe, aux États-Unis et ailleurs, ont agi au sein de ce réseau international de crimes et de violations systématiques des droits de l'homme. À ce stade, toute tentative d'obstruction officielle risque de donner des arguments à tous ceux qui s'efforcent de recruter des candidats à l'extrémisme violent. L'incapacité à affronter le passé engendre la conviction que les responsables des crimes bénéficient d'une tolérance ou d'une complicité officielles. C'est pourquoi la traduction des responsables en justice est la seule manière de tirer un trait sur le passé. Le Rapporteur spécial a appelé le Royaume-Uni et les États-Unis, en particulier, à saisir l'occasion du dialogue interactif d'aujourd'hui pour réagir sur la substance des recommandations contenues dans son rapport.
Le rapport annuel sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste paraîtra sous la cote A/HRC/22/52 (une version préliminaire est disponible en anglais).
Pays concerné
El Salvador a indiqué que le rapport du Groupe de travail sur la détention arbitraire s'agissant de la situation dans le pays sera une source d'inspiration tant le nouveau Gouvernement est déterminé à gommer toutes les injustices et à lutter en faveur de l'inclusion sociale. Elle a fait état d'obstacles qui continuent cependant à mettre à mal les efforts des pouvoirs publics mais assuré que les organes concernés s'efforcent d'examiner, scrupuleusement, le problème du surpeuplement des prisons et centres de détention. Au fil du temps, les Gouvernements successifs n'ont pu maîtriser les groupes criminels qui sévissent dans le pays. Une nouvelle politique de sécurité publique vise à une protection plus complète de la société et, en janvier 2011, le nouveau code de procédure pénale est entré en vigueur qui octroie au bureau du procureur général de la République le monopole de l'action pénale. El Salvador a en outre mis en place les structures nécessaires à la lutte contre le mal endémique que représentent les maras et autres bandes criminelles. Les recommandations du Groupe de travail s'inscrivent dans le cadre des accords de paix et les mesures nécessaires ont été prises pour améliorer l'unité judiciaire de lutte contre l'impunité et d'enquête sur les délits. Changer une structure et une mentalité autoritaire n'est pas chose facile, a reconnu la déléguée, assurant toutefois le Conseil de la volonté sans faille du Gouvernement salvadorien d'aller de l'avant.
Débat interactif sur la détention arbitraire
De nombreuses délégations se sont félicitées de l'action du Groupe de travail sur la détention arbitraire. Le Gabon, au nom du Groupe africain, a pris note de la Délibération n°9 du Groupe de travail sur la définition et le champ d'application de la privation arbitraire de la liberté dans le droit international coutumier. Pour le Groupe africain, la stricte application des normes internationales relatives à la privation de liberté ne sauraient souffrir d'aucune entorse. La Norvège, le Costa-Rica et la République de Corée se sont eux aussi félicités de la réflexion du groupe de travail sur la définition et la portée de la notion de privation de liberté arbitraire dans le droit international coutumier: cet exercice sera incontestablement une source d'information et d'interprétation pour les tribunaux nationaux et internationaux, alors que l'expérience de cette dernière décennie montre clairement qu'il ne faut pas relâcher l'attention sur la question de la détention arbitraire. Le Brésil s'est réjoui de la prochaine visite du Groupe de travail, le 16 mars. L'Union européenne s'est dite encore une fois préoccupée par l'absence de réponse aux appels urgents et communications du Groupe de travail par de trop nombreux États. L'Union européenne appelle les États qui ne coopèrent pas avec le Groupe de travail à répondre favorablement à ses appels et demandes de visites.
La France a salué le projet de rédaction d'un projet de Principes fondamentaux et de directives sur le recours et procédures relatifs au droit de quiconque se trouvant privé de sa liberté de saisir un juge, afin que celui-ci se prononce sur la légalité de la détention. C'est un outil qui permettra aux États de s'assurer que leur législation et surtout la mise en œuvre sont conformes à leur obligation de ne pas détenir arbitrairement des individus. Le Royaume-Uni a dit son soutien au mandat du Groupe de travail et a pris note de son rapport, qu'il va examiner de manière approfondie
Les délégations ont fait connaître les mesures prises par leurs pays pour prévenir la détention arbitraire et, plus généralement, pour améliorer les conditions de détention. La Grèce a assuré qu'elle mettra tout en œuvre pour donner suite à la visite récente du Groupe de travail et appliquer ses recommandations relatives aux conditions de détention. La Grèce est engagée à garantir des conditions de détention respectueuses de la dignité humaine, avec la collaboration des institutions européennes et internationales et des organisations non gouvernementales. Elle a créé, malgré ses difficultés financières et un service indépendant d'accueil des migrants, et mis en place un service d'assistance complète. Ces initiatives doivent se compléter de mesures prises avec les pays d'origine des migrations. La Chine a indiqué que sa Constitution interdit la détention arbitraire. Elle s'est dotée d'un plan d'action visant à sanctionner les représentants de l'État qui abusent de leurs pouvoirs dans ce domaine.
L'Indonésie a affirmé que la législation indonésienne garantissait le droit de ne pas être poursuivi de manière rétroactive. Toute personne qui s'estime détenue injustement peut contester devant un juge la légalité de sa détention. Il ne peut être fait appel de la décision du juge. Le Maroc a affirmé que plusieurs dispositions législatives marocaines garantissaient la protection contre les détentions arbitraires. Ces garanties seront renforcées dans le cadre de la réforme du système judiciaire. La Malaisie a souligné qu'elle avait entrepris des réformes législatives afin de mettre en place une démocratie mûre, moderne et fonctionnelle. Cela comprend l'abrogation de la loi de sécurité intérieure de 1960 et du décret d'urgence de 1969.
Plusieurs délégations ont évoqué les éventuelles mises en cause dont leur pays avait été la cible dans le rapport. Le Burundi a indiqué que sur trois cas de détention arbitraire dénoncés dans son pays, deux ont déjà été réglés par la libération des personnes en cause. La troisième personne évoquée dans le rapport est libre depuis aujourd'hui. Pour désengorger les prisons, le Gouvernement a procédé à des élargissements de détenus par des mesures de libération conditionnelle et de grâce présidentielle.
D'autres intervenants ont émis des critiques parfois fortes contre le Groupe de travail. Le Venezuela a ainsi déclaré que le Groupe de travail outrepasse son mandat et ment outrageusement en affirmant que l'ancienne juge María Lurdes Afiuni a été victime de représailles de la part des autorités. Il a invité le Groupe de travail à modifier son rapport afin qu'il reflète la vérité. Le Bélarus a regretté que le Groupe de travail se soit saisi du cas de M. Ales Bialiatski. Loin d'être un défenseur des droits de l'homme, M. Bialiatski a été condamné, au terme d'une enquête approfondie, pour une fraude fiscale avérée. Le Groupe de travail a donc faussement conclu et soutenu que cette personne a été détenue de manière arbitraire. Le Gouvernement du Bélarus ne se sentira donc pas tenu par les recommandations du Groupe de travail à ce sujet.
Les États-Unis ont dit ne pas voir de nécessité de réécrire ou de réinterpréter les articles 4 et 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ils ont appelé le Groupe de travail à se concentrer sur des cas et des circonstances spécifiques de détention arbitraire, plutôt que de résumer ou de reformuler les obligations juridiques des États.
Cuba a accusé les États-Unis de violer leurs propres lois par des pratiques de détention arbitraires et abusives, notamment l'emprisonnant illégal de cinq Cubains depuis plus de trente ans. La République de Corée est préoccupée par les conclusions du Groupe de travail concernant deux de ses ressortissants toujours détenus en République populaire démocratique de Corée. La République populaire démocratie de Corée a rejeté les n°4 et 7 du Groupe de travail, concernant des affaires qui n'ont rien à voir avec la détention arbitraire et qui s'inscrivent dans la droite ligne du complot ourdi contre elle.
L'État de Palestine a observé que la situation de Khader Adnan et Hana Shalabi, mentionnée par le Groupe de travail dans un avis rendu en 2012, est aussi celle d'environ 200 personnes placées en détention administrative en Israël, y compris Samer al Issazi, récemment arrêté sans motif et en grève de la faim intermittente. Le délégué a cité plusieurs autres cas de Palestiniens détenus, en particulier des jeunes manifestants ayant été soumis à la torture pour avoir jeté des pierres.
L'Autriche s'est demandé comment la communauté internationale pourra diffuser les principaux cadres que veut rédiger le Groupe de travail. Enfin le représentant du Panama a regretté que le Groupe de travail n'ait pas tenu compte des renseignements qu'il lui avait transmis au sujet de M. Angel de la Cruz Soto.
Le Conseil indien d'Amérique du Sud a condamné la détention arbitraire de représentants des peuples autochtones de l'Amérique pour des motifs liés à l'exercice de leur droit à l'autodétermination. Le Canners International Permanent Committee a demandé au Conseil et à la communauté internationale de ne pas laisser les talibans revenir au pouvoir en Afghanistan, au risque de les voir séquestrer à nouveau les femmes et les filles.
La Société pour les peuples menacés a demandé à la Chine de renoncer à placer les Tibétains dans des camps d'éducation forcée. La Fondation de la Maison des droits de l'homme a estimé que les autorités du Bélarus sont responsables de la dégradation de l'état de santé de M. Ales Bialiatski en prison. Elle a appelé les autorités à libérer M. Bialiatski sans conditions et à renoncer à leurs poursuites contre lui.
Débat interactif sur la lutte antiterroriste
Des pays ayant pâti du terrorisme pendant de longues périodes, tels Sri Lanka et le Pakistan, ont vigoureusement condamné ce fléau sous toutes ses manifestations et jugé extrêmement important que les États respectent la primauté du droit. Le Pakistan a en particulier exhorté les États à s'abstenir d'utiliser des drones pour des assassinats ciblés, et de pratiquer la détention arbitraire et l'isolement, parmi d'autres formes inacceptables de détention. La Fédération de Russie a jugé important de se pencher sur la légalité de l'utilisation de drones, en ce qu'elle constitue en fait une exécution extrajudiciaire de civils. Elle a demandé au Rapporteur spécial quelles mesures d'indemnisation de recours judiciaire peuvent être envisagées pour les victimes. Sri Lanka s'est félicité, pour sa part, d'avoir réussi à mettre en échec le terrorisme en débarrassant le pays tout entier de la peur. Sri Lanka a créé une «Commission de vérité et réconciliation» et fait preuve d'une attitude conciliante envers les anciens combattants. Il veille à la réinsertion des anciens enfants soldats.
L'Organisation de la coopération islamique s'est insurgée contre l'amalgame entre Islam et terrorisme, qui incite à l'islamophobie. La communauté internationale doit prendre des mesures efficaces pour contrecarrer l'incitation au fanatisme et à la xénophobie, et mener un travail de concertation afin d'éradiquer les causes du terrorisme.
Le Royaume-Uni a rappelé que son Ministre des affaires étrangères, M. William Hague, avait récemment souligné l'importance de la promotion et la protection des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme. S'agissant des recommandations concrètes du Rapporteur spécial, la délégation a précisé que la Commission Gibson - chargée de se pencher sur des accusations de complicité de torture visant les services de renseignement britanniques - attend, pour commencer ses travaux sur les lieux de détention secrète, que la police ait achevé ses propres investigations. Le Gouvernement est disposé à participer à un dialogue constructif avec la Commission Gibson, même s'il n'est pas d'accord avec tous les aspects de son mandat.
La Pologne a relevé qu'elle était citée dans le rapport de M. Emmerson comme l'un des lieux où ont été ouverts des lieux de détention secrets de la CIA. Ainsi que le recommande le Rapporteur spécial aux États, une enquête officielle sur cette question a été ouverte par le Procureur de Cracovie. Le principe de secret des enquêtes doit être respecté pour ne pas en compromettre le cours. La Lituanie a également procédé à des enquêtes approfondies au sujet des transferts et détention secrète. Si une enquête parlementaire a établi que les conditions avaient bel et bien existé permettant la détention illégale, rien ne prouve que cela se soit produit. Il n'est pas apparu qu'il s'imposait d'entreprendre des enquêtes supplémentaires, à moins que des faits nouveaux venaient à la connaissance des autorités lituaniennes. La Roumanie a rejeté les allégations de transfèrement illégal vers son pays de personnes coupables d'actes de terrorisme. Il a nié toute participation d'agences étrangères à ces transferts ou à la privation de liberté de personnes se trouvant sur le territoire roumain. Une enquête du Sénat a confirmé qu'il n'existe pas de centres de détention illégale en Roumanie, ni d'enregistrement de vols aériens civils ou militaires pour le transfèrement illégal de détenus.
La Syrie a remercié M. Emmerson d'avoir mis en lumière les crimes commis par les États-Unis sous la présidence de George W. Bush. Les allégations de tortures commises sur le sol syrien dans le cadre des activités illégales incriminées à ce titre sont fausses, a assuré la délégation. Elle a par ailleurs dénoncé les attentats terroristes commis à Damas récemment, qui ont fait des dizaines de victimes et sont tolérés par les pays protecteurs de terroristes, comme les États-Unis. La Syrie attend aussi avec intérêt l'étude du Rapporteur spécial sur l'utilisation de drones dans la lutte antiterroriste. Le représentant de l'Iraq a espéré que M. Emmerson se rendrait dans son pays pour le faire bénéficier de son expertise et réduire le problème terroriste en Iraq.
La Chine a déclaré s'être toujours opposée aux violations des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme, qui doit se faire dans le respect des droits de l'homme et de la souveraineté des États. La lutte antiterroriste passe également par une action pour l'amélioration des conditions économiques des populations, afin de couper le mal à sa racine. La Bulgarie a souscrit pleinement au postulat du Rapporteur spécial sur la nécessité du respect du droit international par les États dans la lutte contre le terrorisme. Les mesures d'assistance à la lutte antiterroriste basées sur le respect du droit méritent toute l'attention des États. L'action antiterroriste doit être concertée au niveau régional et international, dans le cadre de responsabilités clairement établies. Le Costa-Rica a rappelé que la Stratégie mondiale contre le terrorisme stipulait que les moyens de lutte contre le terrorisme devaient être compatibles avec les obligations contractées par l'État en vertu du droit international. La Malaisie considère que l'ONU demeure la meilleure enceinte pour diriger et coordonner l'action antiterroriste en accord avec la Charte et les principes universellement reconnus du droit international.
L'Algérie s'est dite convaincue que la lutte contre le terrorisme et la protection des droits de l'homme sont des objectifs complémentaires. Même si elle a nécessité le recours à la mise en œuvre de mesures exceptionnelles, la lutte contre le terrorisme en Algérie s'est toujours inscrite dans le cadre de la loi, dans le respect de la dignité humaine et conformément aux engagements internationaux du pays. Quant au droit à la vérité, il s'agit d'une «notion émergente» qui mérite d'être cernée davantage. Le Maroc fait de l'application stricte de la loi un principe intangible. Ainsi, les périodes de garde à vue sont-elles toujours respectées par la police judiciaire, un contrôle pointu étant effectué à cet effet par le parquet. Les autorités marocaines n'ont pas connaissance des faits relatés les concernant dans le rapport de M. Emmerson et qu'elles démentent avec force.
Le Gabon, au nom du Groupe africain, a observé que le terrorisme est une menace d'un nouveau genre pour les droits de l'homme. Le respect des obligations des États envers les victimes du terrorisme reste un défi majeur. Cela étant, le droit à la vérité, en l'état actuel des choses, ne saurait être considéré comme absolu: la question de la vérité est en effet encore en gestation sur le plan du droit international. Le Groupe africain observe aussi que le travail du Rapporteur spécial se réfère parfois à des sources d'information «peu habituelles» dans le travail des procédures spéciales. L'Union européenne a déclaré que la lutte contre l'impunité est une des priorités de son action en matière de droits de l'homme. De la même manière, en matière de contreterrorisme, les États membres doivent, si nécessaire, mener des enquêtes crédibles et indépendantes. M. Emmerson a été prié de décrire les «considérations de sécurité nationale» qu'il estime valides et légitimes.
Le Mexique a déploré la présentation tardive du rapport, ce qui limite la portée du débat d'aujourd'hui en raison du manque de temps pour une analyse plus poussée. Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, a estimé que la recommandation figurant au paragraphe 50 du rapport ne fait pas partie du mandat du Rapporteur spécial. Pour traiter d'une telle question, M. Emmerson devrait recevoir un mandat exprès du Conseil des droits de l'homme ou de l'Assemblée générale. L'Égypte a rappelé que les États ont maintes fois déjà émis des réserves sur cette question: en conséquence, elle a appelé le Conseil à ne pas donner suite à ce rapport.
L'Iran a déploré que la communauté internationale ne soit encore pas parvenue à placer un État devant ses responsabilités lorsqu'il recourt à la torture ou à des transferts illégaux de prisonniers. Ainsi, aucun représentant étatique des États-Unis n'a-t-il jamais répondu de tels actes, regrette l'Iran, qui a demandé au Rapporteur spécial ce que peut faire la communauté internationale pour que ce pays réponde de ses actes.
La Suisse a demandé au Rapporteur spécial de dire comment les États pourraient améliorer la mise en œuvre des recommandations de l'Étude conjointe sur les pratiques mondiales concernant le recours à la détention secrète dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, élaborée par l'ancien Rapporteur spécial, M. Martin Scheinin (A/HRC/13/42); et quelles mesures les États pourraient prendre, en plus de soutenir l'initiative de l'l'Équipe spéciale de lutte antiterroriste du Secrétaire général, pour renforcer le droit à la vérité et le droit de responsabilité dans la lutte antiterroriste. L'Indonésie a demandé au Rapporteur spécial de fournir des précisions sur la manière dont la quête de la vérité et du principe de responsabilité dans la lutte antiterroriste pouvait renforcer l'efficacité des efforts de l'État pour empêcher de nouvelles actions terroristes.
L'American Civil Liberties Union a déclaré que des preuves sur l'implication de responsables de l'Administration Bush dans des cas de torture sont disponibles, sans que ces derniers ne soient traduits en justice. Sans reddition de compte, les États-Unis rejoignent les pays qui violent les droits de l'homme et justifient ces crimes.
Reporters sans frontières a souhaité savoir si le Rapporteur spécial, en coopération avec d'autres titulaire de mandats, entend élaborer une définition claire de ce qu'est un acte de terrorisme. L'Open Society Institute a demandé au Congrès américain de rendre public son rapport sur les détentions secrètes et la torture. La Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme a dit appuyer les bonnes pratiques pour l'assistance aux victimes de la lutte antiterroristes. Le représentant a aussi appelé le Conseil à créer un Fonds volontaire à cet effet.
Conclusions
M. ANDENAS s'est félicité des commentaires des intervenants relatifs à la Délibération n°9 du Groupe de travail. L'intervention des États-Unis a été particulièrement utile à cet égard, l'expert du Groupe de travail se félicitant de la coopération de ce pays, qui devrait se poursuivre en toute hypothèse. Il a précisé que l'avis des États serait sollicité, en temps utile, au sujet du projet de principes de base et lignes directrices sur les recours ouverts à quiconque souhaiterait contester sa privation de liberté. M. Andenas a remercié les pays qui ont apporté des informations sur des libérations de détenus.
M. EMMERSON a affirmé que si les principes de responsabilité et de droit à la vérité avaient un sens, ils devraient s'appliquer à tous les États quel que soit leur importance respective. Les stratégies antiterroristes qui violent les droits de l'homme contribuent à perpétuer le terrorisme, a-t-il mis en garde. Le respect des principes fondamentaux de la liberté et de la responsabilité est nécessaire. Si les Occidentaux continuent de fermer les yeux sur les violations des droits de l'homme commises par des régimes amis, ils porteront un coup fatal à leur crédibilité auprès des opinions publiques. Le Rapporteur spécial a évoqué le cas du centre de détention de Guantánamo, dont les justifications juridiques sont absurdes et immorales, notamment en ce qui concerne l'obtention d'aveux sous la contrainte et le secret qui entoure les conditions de détention. L'invocation exagérée du secret d'État est une atteinte au droit à la vérité.
S'agissant des affirmations du rapport relatives à la Roumanie, au Maroc et à la Lituanie, le Rapporteur spécial a indiqué qu'elles sont fondées sur des informations concordantes en provenance du Conseil de l'Europe, notamment. Cette instance a souligné que les enquêtes qui ont été effectuées dans ces pays souffraient de carences. Il est inutile que les États concernés se bornent à répéter que des enquêtes ont été faites et qu'elles se sont révélées infructueuses, puisqu'il est avéré qu'elles étaient tout à fait insuffisantes.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
HRC/13/17F