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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT DISCUTE DES QUESTIONS RELATIVES À UN FUTUR TRAITÉ D'INTERDICTION DES MATIÈRES FISSILES

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement s'est réunie ce matin sous la présidence de l'Ambassadeur Pedro Oyarce du Chili pour discuter des questions relatives à un futur traité d'interdiction des matières fissiles à des fins d'armement. Les délégations de seize pays ont pris la parole durant cette séance au cours de laquelle l'Australie a rendu compte d'un événement parallèle organisé le mois dernier sur cette question et qui était au centre de la plupart des interventions.

Évoquant donc la série de réunions parallèles informelles d'experts tenues du 14 au 16 février dernier au Palais des Nations, à son initiative et à celle du Japon, et consacrée aux définitions des notions de « production », de « matières fissiles » et de « stocks » à inclure dans un futur traité d'interdiction des matières fissiles à des fins d'armement (FMCT, selon l'acronyme anglais), l'Australie a précisé que quarante-cinq Etats membres de la Conférence et dix États observateurs avaient participé à ces réunions qui, a-t-elle souligné, ne doivent en aucun cas être considérées comme une négociation, ni même comme une pré-négociation, mais plutôt comme une mesure d'information et d'instauration de la confiance.

De nombreuses délégations se sont félicitées de l'événement, estimant qu'il avait aussi permis de mieux appréhender les enjeux de la future négociation dans toute leur complexité. Plusieurs intervenants ont tenu à insister sur le caractère informel et sans conséquence juridique (pour la future négociation) de cet événement. D'autres ont souligné que ce type de discussion s'avérait particulièrement efficace et contribuait à préparer le terrain pour les négociations futures, qui ne sauraient se tenir que dans le cadre de la Conférence.

Plusieurs délégations ont présenté leurs positions quant à leurs définitions des « matières fissiles » entrant dans le champ d'application du futur traité, de la notion de « production » et de la notion de « vérification ». Afin d'assurer la viabilité du futur traité, il faut veiller à ce que les définitions retenues soient assez larges, de manière à ce que le traité ne puisse pas être contourné, sans pour autant faire entrer dans son champ d'application des activités qui ne concourent pas à l'objet du traité, a-t-il été souligné. Invoquant l'état d'avancement des techniques de certains États, le Pakistan a pour sa part préconisé un champ d'application très large.

La prochaine séance plénière de la Conférence se tiendra mardi prochain, 8 mars 2011, et sera consacrée à la prévention de la course aux armements dans l'espace extra-atmosphérique


Aperçu des déclarations

M. PEDRO OYARCE, Président de la Conférence du Désarmement, a indiqué ressentir au plan international un désir de progresser dans les domaines tant techniques que politiques pour parvenir à un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement. Il a donc proposé d'engager des discussions de fond sur les définitions, dans ce contexte, des notions de « matières fissiles » et de « production », ainsi que sur les modalités de vérification et la question des stocks existants de matières fissiles. Il a rappelé que le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies avait lui aussi présenté des suggestions pour permettre de relancer les discussions, y compris par le biais de discussions informelles et parallèles d'experts. Il a aussi souligné la possibilité d'annoncer des moratoires sur la production de matières fissiles en attendant la conclusion d'un traité et a attiré l'attention sur les préoccupations exprimées au sujet des risques d'utilisation de matières fissiles par des groupes non étatiques. Le Président de la Conférence a également rappelé que le Brésil avait proposé que soit négociée une convention générale sur les matières fissiles, qui serait accompagnée de deux protocoles relatifs respectivement à la production et aux stocks. Il a aussi mentionné l'existence du « compromis Shannon ». M. Oyarce a noté qu'il existait toujours des risques de répétition durant les négociations, mais a ajouté que répéter était parfois utile sur le plan politique.

M. PETER RICHARD WOOLCOTT (Australie) a rappelé que, du 14 au 16 février dernier, au Palais des nations, l'Australie et le Japon avaient organisé trois jours de réunions parallèles informelles d'experts - des « activités parallèles » - sur les définitions des notions de « production », de « matières fissiles » et de « stocks » à inclure dans un futur traité d'interdiction des matières fissiles à des fins d'armement. Il a précisé que 45 Etats membres de la Conférence et dix États observateurs avaient participé à ces réunions, dont le but, a-t-il précisé, était d'établir la confiance entre États. M. Woolcott a précisé qu'il ne s'agissait en aucun cas d'une négociation, ni même d'une pré-négociation. Lors de ces réunions, on n'a pas cherché de points d'accord, a-t-il souligné, ajoutant que les discussions avaient été tenues sans préjuger des positions nationales qui seraient présentées lors de futures négociations. Le représentant australien a précisé que les conclusions de la réunion seront présentées dans un rapport, qui sera un rapport personnel. Le but de cet événement parallèle n'était pas de déterminer les futures négociations sur un FMCT au sein de la Conférence, mais d'être utile à ces futures négociations, a-t-il insisté.

M. MYKOLA MAIMESKUL (Ukraine) a estimé que la négociation d'un traité d'interdiction des matières fissiles à des fins d'armement doit être une activité essentielle de la Conférence. Il est indispensable de trouver un compromis permettant à la Conférence de reprendre son travail de fond, a-t-il ajouté. Le désarmement et la non-prolifération nucléaires sont des préalables indispensables à l'instauration d'un monde plus sûr, a-t-il souligné, rappelant que les travaux de la Conférence doivent aussi permettre de promouvoir des utilisations pacifiques innovantes de l'énergie atomique. M. Maimeskul a par ailleurs rappelé la tenue à Kiev, le 19 avril prochain, d'un Sommet sur l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire, à l'occasion du 25e anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl ; il a souhaité que ce Sommet aboutisse à l'adoption d'une déclaration encourageant les utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire en fournissant un cadre de confiance et de coopération. Il a souligné que le Sommet de Kiev contribuera à la préparation du Sommet sur la sécurité nucléaire prévu en avril 2012 en République de Corée. Les représentants de haut niveau qui se sont adressés à la Conférence en début de semaine ont réaffirmé l'engagement politique de leurs pays à relancer les travaux de cette instance, a-t-il fait observer, avant d'inviter la Conférence à se mettre au travail.

M. WANG QUN (Chine) a affirmé que son pays avait toujours appuyé le démarrage rapide, au sein de la Conférence, de négociations sur un FMCT non discriminatoire et vérifiable. De telles négociations devraient avoir lieu au sein de la Conférence, sur une base intergouvernementale et transparente, a insisté M. Wang, avant de se féliciter de la déclaration faite en ce sens par le Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, M. Sergey Lavrov, avant-hier, devant la Conférence. Le représentant chinois a par ailleurs dit avoir écouté avec attention la présentation faite par le représentant de l'Australie sur les « événements parallèles » organisés récemment par l'Australie et le Japon en dehors de la Conférence. Il a indiqué avoir eu le sentiment, en écoutant cette présentation, que les discussions tenues lors de ses rencontres avaient vraiment porté sur des questions de fond ; mais puisque ces événements parallèles, pas plus que leurs conclusions, n'ont aucun statut au sein de la Conférence, de telles discussions seraient peut-être plus utiles et fondées si elles avaient lieu au sein de la Conférence, a-t-il fait observer.

M. AKIO SUDA (Japon) a remercié toutes les personnes qui ont participé aux « événements parallèles » tenus du 14 au 16 février au Palais des Nations et a estimé que ces réunions avaient permis aux participants d'avoir des échanges de vue techniques qui seront très utiles aux délégations. De telles discussions de fond pourraient contribuer grandement aux futures négociations sur un FMCT, a-t-il ajouté, avant de préciser que son pays et l'Australie avaient l'intention d'organiser d'autres manifestations du même ordre. Quant aux définitions à inclure dans le futur FMCT, thème de l'événement parallèle, elles devraient viser à donner au traité le champ le plus large possible, pour en accroître l'efficacité, sans pour autant avoir de conséquences négatives sur les utilisations civiles de l'énergie nucléaire. Il faut faire preuve d'un grand sens des réalités, a souligné M. Suda. Le Japon comprend les préoccupations de ceux qui estiment qu'une définition trop large des matières fissiles pourrait nuire à l'efficacité de la vérification (de l'application du traité) ; mais ce sont là des points à discuter de manière séparée dans le cadre des discussions sur la vérification, a estimé M. Suda. Sans FMCT, un scénario de désarmement nucléaire irréversible est inconcevable, a-t-il affirmé, soulignant qu'il faut aussi, d'ailleurs, veiller à rendre le FMCT le plus irréversible possible. Il faut entamer les négociations sur ce traité au plus tôt, a conclu le représentant japonais.

MME LAURA KENNEDY (États-Unis) a déclaré que le discours prononcé lundi dernier devant la Conférence par la Secrétaire d'Etat Hillary Clinton témoignait de l'engagement des États-Unis en faveur du désarmement nucléaire et en faveur de négociations au sein de la Conférence, « le forum logique pour cette négociation ». Mme Kennedy a salué l'initiative australo-japonaise relative à l'événement parallèle qui s'est tenu du14 au 16 février dernier et qu'elle a qualifié de « succès flagrant », estimant que toutes les délégations seraient intellectuellement mieux informées lorsque les négociations commenceront. De tels événements parallèles peuvent faciliter le travail de la Conférence, a estimé la représentante, qui a ajouté que son pays comptait organiser avec la Fédération de Russie et la Chine une activité parallèle sur l'espace extra-atmosphérique le mois prochain.

Pour les États-Unis, a poursuivi Mme Kennedy, la difficulté est de ne pas être trop restrictif dans la définition des « matières fissiles » entrant dans le champ d'application du futur FMCT, afin de ne pas donner l'occasion de contourner le traité, tout en veillant à ne pas non plus donner de définitions trop larges, afin de ne pas inclure dans le traité des activités qui ne sont pas liées à son objectif. Mme Kennedy a par ailleurs souhaité l'organisation d'un événement parallèle qui porterait sur la question de la vérification. Selon elle, l'objet du FMCT doit être d'interdire la production de matières fissiles pouvant servir à la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires, ce qui, du point de vue des États-Unis, correspond à la définition que l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) donne de l' « utilisation directe » d'un tel matériau. C'est une approche conservatoire qui correspond bien à l'objet du traité, a insisté la représentante, ajoutant qu'une telle approche inclut aussi les processus grâce auxquels les matériaux directement utilisables sont fabriqués, y compris le retraitement. Quant à l'approche des États-Unis en matière de vérification, elle serait fondée sur le contrôle des installations capables de produire des matières fissiles et sur le contrôle de toute matière fissile nouvellement produite. Ce système de vérification est en fait complémentaire de celui associé au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), a-t-elle ajouté, précisant qu'il ne s'agissait pas de prévoir des vérifications supplémentaires à celles prévues par le TNP pour les États non dotés de l'arme nucléaire qui sont parties au TNP. On peut certes concevoir un traité avec des exigences de vérification plus larges mais cela rendrait son application plus coûteuse, sans apporter de garanties de sécurité supplémentaires, a estimé la représentante. Mme Kennedy a conclu en réitérant que la Conférence était une instance de négociations essentielle, la seule de ce genre dans le monde ; c'est pourquoi les négociations sur un FMCT doivent y commencer sans plus tarder.

M. KWON HAERYONG (République de Corée), dont c'était la première intervention devant la Conférence, a constaté le sommeil dans lequel est tombée la Conférence, seule instance multilatérale de désarmement, et a dit éprouver des sentiments d'inquiétude et d'impatience. Il a assuré la présidence de la pleine coopération de sa délégation.

M. ZAMIR AKRAM (Pakistan) a constaté que, depuis plusieurs jours, on n'entend parler pratiquement que du FMCT au sein de la Conférence, au détriment de certains sujets critiques qui lui sont pourtant liés. On ne peut prétendre assurer la sécurité de certains États en sapant celle d'autres États et c'est d'ailleurs pour cela que la Conférence fonctionne sur la règle du consensus, a-t-il souligné. Il a fait observer que les conventions sur les armes chimiques et biologiques n'avaient été négociées et conclues que lorsque les grandes puissances nucléaires avaient disposé d'armes nucléaires en quantité suffisante pour que la détention d'armes chimiques et biologiques ne leur apparaisse plus nécessaire. Il en a été de même pour le Traité sur l'interdiction des essais nucléaires - que les grandes puissances nucléaires n'ont accepté qu'après avoir effectué suffisamment d'essais. Et il en est de même aujourd'hui pour le FMCT, a affirmé M. Akram. Ainsi, les grandes puissances nucléaires, après avoir constitué des stocks énormes de matières fissiles qui leur permettent de continuer à fabriquer en grand nombre des armes nucléaires, se disent désormais prêtes à négocier un FMCT qui ne concerne que la production future de matières fissiles et qui ne leur coûterait donc rien, a-t-il expliqué. Pour le Pakistan, seul un traité qui inclurait la destruction des stocks de matières fissiles existants serait efficace. En outre, le fait que le FMCT puisse ne pas concerner la production de certains radio-éléments – comme le neptunium 237 ou certains isotopes de l'américium – ni certaines qualités d'uranium amène à se demander si un tel traité contribuerait réellement à la non- prolifération. M. Akram a en effet affirmé que plusieurs pays avancés au plan technique avaient accumulé des quantités importantes d'américium et neptunium. Si ces matériaux restaient en dehors du champ d'application du futur FMCT, comme les grandes puissances le proposent actuellement, de tels États pourraient, tout en adhérant au traité, continuer de fabriquer des armes nucléaires, a-t-il expliqué. Le Pakistan a également toujours insisté sur l'inclusion du plutonium de « qualité réacteur » dans le futur FMCT, a insisté M. Akram, rappelant que tout uranium enrichi à plus de 20% pouvait servir rapidement à la fabrication d'armes nucléaires. De même, les réacteurs surgénérateurs utilisant du thorium devraient eux aussi être inclus dans le FMCT, car ils peuvent aussi permettre la production de matières fissiles destinées à la production d'armes, a-t-il encore ajouté.

La Conférence reste la seule instance permettant de discuter un FMCT, a déclaré M. Akram, affirmant que le Pakistan est prêt à participer à des discussions pour autant qu'elles se tiennent dans le cadre de cette instance. Le représentant pakistanais a regretté la tenue d'autres réunions (parallèles à la Conférence), tout en précisant qu'une telle tactique n'impressionnait pas son pays. Aucun pays n'est prêt à renoncer à ses intérêts majeurs de sécurité et le Pakistan pas plus qu'un autre, a souligné M. Akram. En attendant un accord sur un FMCT, la Conférence devrait commencer de négocier un accord sur le désarmement nucléaire ainsi qu'un traité portant sur les garanties négatives de sécurité, a-t-il estimé. Le Pakistan n'a pas participé à l'événement parallèle des 14 à 16 février dernier et le document distribué aujourd'hui par l'Australie relativement à cet événement n'a aucune valeur pour les travaux de la Conférence, a conclu M. Akram.

M. GIOVANNI MANFREDI (Italie) s'est félicité de l'événement parallèle organisé le mois dernier par le Japon et l'Australie. Grâce à de telles activités, a-t-il affirmé, on peu au moins discuter et jeter les bases de la future négociation d'un FMCT, qui est essentielle. Il sera essentiel, lors de la négociation de ce traité, de conserver à l'esprit deux aspects : la faisabilité et la crédibilité. La faisabilité englobe elle-même deux aspects : faisabilité en ce qui concerne la question des matières fissiles dont la production serait interdite et faisabilité en ce qui concerne la question de la vérification du respect du traité. En ce qui concerne la production, le FMCT devrait inclure dans son champ d'application les matières qui, actuellement ou à court terme, peuvent être utilisées pour fabriquer des armes nucléaires. Ainsi, de l'avis de l'Italie, des matériaux tels que le neptunium et l'américium peuvent théoriquement l'être mais, dans la réalité, leur utilisation éventuelle a suscité peu d'intérêt. Quant à la vérification, il faut la rendre possible sans coûts excessifs, a souligné M. Manfredi. Le représentant a par ailleurs estimé qu'il serait préférable que l'AIEA soit l'agence chargée des vérifications liées au FMCT puisqu'elle dispose des personnels, des compétences et de l'expérience nécessaires. Toute création d'un autre organe ferait perdre du temps et serait une solution plus coûteuse, a-t-il souligné. Au final, le FMCT devra être un instrument juridiquement sérieux, applicable et vérifiable au plan international, a conclu le représentant italien.

M. MARIUS GRINIUS (Canada) a jugé très utile l'activité parallèle organisée le mois dernier autour des définitions des principales notions associées à un futur FMCT. Cela a permis d'échanger des points de vue et d'exprimer des positions, a-t-il souligné, avant de se dire favorable à la tenue de nouvelles activités de ce type, que ce soit sur le FMCT ou sur n'importe quelle autre des quatre questions essentielles dont est saisie la Conférence. M. Grinius a rappelé que le Ministre des Affaires étrangères du Canada, M. Cannon, avait insisté au début de la semaine sur l'importance pour son pays d'un traité interdisant la production de matières fissiles à des fins de fabrication d'armes nucléaires ou d'autres dispositifs nucléaires explosifs. Il a rappelé, comme l'ont montré certains votes, ce n'est pas seulement la grande majorité des États membres de la Conférence qui souhaitent l'adoption de ce traité, mais aussi la quasi-totalité des États Membres de l'ONU. Le monde attend que l'on passe à l'action et que cessent les atermoiements, a-t-il déclaré. En outre, l'ouverture de négociations ne constituera qu'un tout premier pas, a-t-il rappelé. La récente activité parallèle organisée conjointement par l'Australie et le Japon a donné à chacun un aperçu de la complexité des négociations à venir : il faut régler une foule de détails techniques, institutionnels, juridiques et politiques complexes.

M. Grinius a indiqué que le Canada demanderait que la définition de «matières fissiles», aux fins du FMCT, renvoie aux «matières d'emploi direct non irradiées», conformément à la nomenclature actuelle de l'AIEA. Il a reconnu qu'il existait des arguments convaincants en faveur de l'incorporation du neptunium et, peut-être, de l'américium dans la liste ; mais, a-t-il aussitôt ajouté, les négociateurs devraient admettre que ces deux éléments ne posent pas les mêmes risques sur le plan de la prolifération. II restera à déterminer comment incorporer ensuite ces définitions dans un régime de vérification, a poursuivi le représentant canadien, avant de souligner qu'une définition trop large des matières visées par le traité imposerait un fardeau indû aux inspecteurs (chargés de la vérification) ainsi qu'aux États parties, sans procurer une sécurité réellement accrue en proportion. Nous devrions commencer par ce qui est «faisable», a estimé M. Grinius. Quant à la portée du FMCT, il a estimé que la question ne concernait pas seulement les stocks existants – question certes importante, complexe et controversée ; d'autres considérations importantes devaient aussi entrer en ligne de compte, a-t-il indiqué, citant la propulsion navale et le cycle du combustible nucléaire civil, notamment dans ses emplois industriels et médicaux. Les négociateurs devront faire preuve de souplesse et de créativité, a-t-il souligné. Enfin, en matière de vérification, le Canada estime qu'un FMCT doit s'appliquer sans discrimination à l'ensemble des États parties et se prêter à des vérifications multilatérales, sans pour autant alourdir le fardeau des Etats parties au TNP ayant conclu un accord de garanties. Quant à savoir qui devrait être chargé de la vérification, le Canada reconnaît à l'AIEA une « somme incomparable de connaissances » sur les questions nucléaires et de garanties, mais estime qu'on ne peut tenir son rôle comme acquis, d'autant que les ressources de l'AIEA suffisent à peine à ta tâche. Pendant que nous tardons à ouvrir les négociations, la production de matières fissiles à des fins de fabrication d'armes nucléaires se poursuit et plus nous attendons, plus le contexte de sécurité dans le monde risque de se détériorer, a souligné le représentant du Canada. L'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire est la prochaine étape logique vers un monde sans armes nucléaires, a-t-il conclu.

M. JÜRG LAUBER, (Suisse) s'est félicité de la tenue de « l'événement parallèle » organisé par l'Australie et le Japon le mois dernier, qu'il a jugé très utile car ayant permis de se faire une idée des différentes options de définitions qui seront présentées lors des négociations. La Suisse comprend que de nombreuses délégations jugent encore prématuré d'afficher des préférences nettes sur ces questions de définitions, de champ d'application ou de degré de vérification d'un futur FMCT. Cela montre à quel point la question des définitions et celle de la vérification sont liées aux questions essentielles des objectifs et du champ d'application du futur traité. Seules des négociations véritables permettront de créer la dynamique nécessaire à la résolution de questions aussi complexes, a affirmé M. Lauber.

L'événement parallèle organisé par le Japon et l'Australie a montré qu'avec de la volonté politique, la Conférence pouvait faire des progrès, a poursuivi le représentant suisse. Cet événement a aussi démontré qu'il n'était pas nécessaire de repousser les questions complexes du fait d'un blocage politique et qu'on pouvait les approcher de manière créative, a-t-il affirmé. Ces discussions ont en fait aidé à préparer le terrain pour les négociations futures, dont elles font le gros œuvre, a-t-il insisté. De plus, de telles réunions, organisées pendant plusieurs jours avec la participation d'experts sur un thème précis, constituent un format plus efficace que ce qui a été essayé dans le passé, a-t-il estimé. M. Lauber y a vu le signe de la nécessité de créer au sein de la Conférence des organes subsidiaires pour chacune des questions essentielles, si l'on veut progresser. Tout en rappelant que de tels événements parallèles ne se substituent pas aux négociations de la Conférence, il a indiqué que la Suisse était favorable à ce que d'autres événements de ce type soient organisés dans l'avenir et entend y jouer un rôle actif. La Suisse souhaite enfin une interaction régulière de la Conférence avec la société civile et se félicite donc de la réunion d'information que le Canada a prévu d'organiser avec des représentants de cette dernière à la fin de la séance.

M. AMANDEEP SINGH GILL (Inde) a rappelé que l'«événement parallèle» organisé le mois dernier ne constituait ni une négociation, ni une pré-négociation, mais visait à permettre une meilleure compréhension technique des problèmes soulevés et à instaurer la confiance. Le résumé de ces discussions ne peut être, comme cela a été dit, qu'un résumé personnel qui ne préjuge en aucune manière ni des négociations futures, ni des positions des différentes délégations. L'Inde appuie le démarrage de négociations sur un FMCT dans le cadre de la Conférence. Elle est en outre disposée à participer à des événements parallèles mais sans aucun préjudice quant au travail au sein de la Conférence. L'Inde ne saurait non plus être tenue par un document auquel elle n'aurait pas donné son plein accord, a souligné le représentant indien.

M. HELLMUT HOFFMANN (Allemagne) s'est félicité de la tenue de l'«événement parallèle» organisé le mois dernier, qui a permis d'éclairer des questions complexes. Un des avantages d'un tel événement réside dans son caractère informel, qui permet des débats plus ouverts et francs, donc plus fructueux, a-t-il fait observer. C'est bien évidemment au sein de la Conférence que la question d'un FMCT, comme les autres questions inscrites à l'ordre du jour, doit être abordée, a-t-il toutefois précisé. Pour ce qui est des définitions associées à un futur FMCT, le représentant allemand a suggéré de se fonder sur ce qui existe déjà à l'AIEA et qui fonctionne bien. Ce choix est à la fois technique et politique, car le choix d'une base différente remettrait en question le travail accompli par l'AIEA. M. Hoffmann a jugé légitime la position exprimée par le Pakistan s'agissant du champ d'application du traité, même si on ne la partage pas nécessairement. Il a fait observer que le contenu de cette déclaration (du Pakistan) laissait penser que l'on est déjà engagé dans des négociations sur le FMCT et a considéré ce fait comme un signe positif.

M. JO ADAMSON (Royaume-Uni) a rappelé que son pays s'est engagé dans un effort à long terme en vue d'un désarmement général et a pris des mesures concrètes en ce sens. La négociation d'un FMCT doit rester une priorité pour la communauté internationale ; c'est la prochaine étape logique vers un monde débarrassé des armes nucléaires, a-t-il poursuivi. Le Royaume-Uni est donc très favorable au lancement de négociation sur un FMCT au sein de la Conférence. M. Adamson a remercié l'Australie et le Japon pour avoir organisé l'«événement parallèle» du mois dernier, qu'il a jugé très utile. L'engagement du Royaume-Uni à de telles activités doit être interprété comme un désir de voir lancer les négociations sur un FMCT au sein de la Conférence, a-t-il précisé. Il a estimé que ceux qui n'étaient pas venus participer à de telles activités parallèles auraient pourtant des éléments utiles à y apporter et il les a donc invités à le faire, à l'avenir. Personne ne peut dire aujourd'hui sur quoi portera le FMCT puisque rien n'a encore été négocié, a souligné M. Adamson.

M. HAMZA KHELIF (Algérie) a déclaré qu'il fallait trouver le moyen d'éviter l'utilisation des énormes stocks d'armes nucléaires. Il a rappelé que les États dotés de l'arme nucléaire s'étaient engagés à accélérer l'adoption de mesures permettant d'aller vers le désarmement nucléaire. Il a demandé que les stocks d'armes nucléaires soient réduits, tout comme l'usage des armes nucléaires dans les doctrines de guerre. La Conférence est l'instance adaptée pour faire avancer toutes ces questions.

M. MOHAMMAD HASSAN DARYAEI (République islamique d'Iran) s'est dit favorable à un programme de travail concret et équilibré qui permette à la Conférence de lancer des négociations sur les quatre questions essentielles figurant à son ordre du jour. La République islamique d'Iran n'a pas d'objection quant au lancement de négociations sur un FMCT au sein de la Conférence, sous réserve que le futur traité contribue réellement au désarmement nucléaire, ce qui implique qu'il couvre les stocks de matières fissiles déjà produites par les États dotés d'armes nucléaires, faute de quoi un tel traité serait vain, a indiqué le représentant. Il a en outre déclaré que de nombreuses délégations n'avaient pas participé, ou pas participé activement, à l'activité parallèle organisée le mois dernier, laquelle n'a pu constituer ni une négociation ni une pré-négociation. Il faut éviter toute activité qui saperait le travail de la Conférence, a conclu le représentant iranien.

M. ARTURO HERNANDEZ BASAVE (Mexique) a remercié le Japon et l'Australie pour l'organisation de l'activité parallèle du mois dernier. Ce genre d'activité permet, d'une manière ou d'une autre, une discussion de fond sur un sujet de fond ; en l'occurrence, elle a permis de prendre conscience de la complexité de la future négociation (d'un FMCT), a-t-il estimé.

En fin de séance, le Président de la Conférence, M. OYARCE, a fait observer qu'une analyse précise des questions relatives à un FMCT prend forme grâce aux discussions politiques et techniques en cours. Il est clair qu'il faut passer à un nouveau stade et c'est ce à quoi s'attèle la présidence chilienne, a-t-il ajouté. La prochaine séance plénière de la Conférence sera consacrée à la prévention de la course aux armements dans l'espace extra-atmosphérique, a-t-il conclu.


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DC11/018F