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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT DISCUTE DES QUESTIONS RELATIVES À UN TRAITÉ D’INTERDICTION DES MATIÈRES FISSILES

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement a entendu, aujourd’hui, une trentaine de délégations qui ont discuté des questions soulevées par un traité d’interdiction de la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire, exposant leurs points de vues et priorités au regard de l’éventuelle négociation d’un tel instrument.

Si la plupart des délégations ont réitéré leur engagement en faveur de l’objectif final d’un monde exempt d’armes nucléaires et ont convenu de la nécessité de tenir compte des intérêts de sécurité nationale de chacun des États membres, les questions de la portée d’un traité d’interdiction des matières fissiles et des définitions y relatives ont été maintes fois soulevées comme devant être éclaircies. Mais c’est surtout la problématique des stocks qui a nourri la plupart des interventions, nombre de pays insistant pour que les stocks existants de matières fissiles soient pris en compte dans le régime d’interdiction qu’instaurerait un tel traité. L’importance du mécanisme de vérification d’un tel traité a également été mise en exergue par de nombreuses délégations qui ont souligné qu’il en allait de la crédibilité de l’instrument envisagé.

La plupart des intervenants ont fait valoir qu’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire constituerait une mesure favorable à la fois au processus de désarmement global et à la non-prolifération. L’Iran a toutefois averti qu’elle n’accepterait jamais la transformation d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles en un instrument de non-prolifération. Ce pays a préconisé la création à titre prioritaire, au sein de la Conférence, d’un groupe de travail chargé du désarmement nucléaire. Le Pakistan a pour sa part indiqué que le problème des matières fissiles – tout comme celui de l’asymétrie des arsenaux – est au cœur de ses préoccupations en matière de sécurité. Les récentes politiques discriminatoires en matière d’armement risquent d’aggraver cette asymétrie des arsenaux, a ajouté le Pakistan, précisant qu’il n’a pas le désir d’empêcher la recherche d’un consensus international, mais qu’il reste néanmoins soumis à des contraintes sécuritaires découlant de violations de leurs obligations par des États tiers. À cet égard, l’Inde a indiqué ne pas être convaincue par l’idée selon laquelle des « asymétries » bloqueraient les négociations au sein de la Conférence.

La Hongrie, au nom de l’Union européenne, a estimé que des mesures d’instauration de la confiance pourraient être prises immédiatement, sans qu’il soit nécessaire d’attendre le lancement de négociations officielles et a, dans cette optique, appelé tous les Etats dotés de l’arme nucléaire à déclarer un moratoire sur la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire.

Au cours de cette discussion, qui s’est déroulée sur deux séances plénières jusqu’en fin d’après-midi, sont intervenus les pays ci-après : Australie, Hongrie (au nom de l’Union européenne), Royaume-Uni, Brésil, Turquie, Etats-Unis, Japon, Argentine, République arabe syrienne, Pays-Bas, Canada, Algérie, Colombie, Pérou, Allemagne, Nouvelle-Zélande, République de Corée, Autriche, Iran, Afrique du Sud, Pakistan, Italie, Inde, Chine, Suisse, Fédération de Russie, Chili, Égypte.

La prochaine séance plénière de la Conférence se tiendra mardi prochain, 8 février 2011, à 10 heures.

Aperçu des déclarations

M. PETER RICHARD WOOLCOTT (Australie) a fait observer que toute négociation sur un traité d’interdiction de la production de matières fissiles devra être précédée de débats approfondis autour de thèmes plus précis tels que la vérification, la portée, l’entrée en vigueur, les arrangements institutionnels et les modalités de règlement des litiges. De plus, les négociateurs devront régler la question des stocks préexistants, a-t-il souligné. Il faudra en outre s’accorder sur un certain nombre de définitions. S’agissant de la définition des matières fissiles, l’Australie estime que cette expression doit désigner les matériaux servant à la fabrication d’armes nucléaires. Il s’agit notamment de l’uranium 235 hautement enrichi et du plutonium. L’uranium 233 ne devrait pas être considéré comme un matériau propre à la fabrication d’armes nucléaires, contrairement au neptunium et à l’américium, deux matières qui devraient entrer dans le mandat d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles à des fins de fabrication d'armes nucléaires et d'autres dispositifs nucléaires explosifs, a précisé le représentant australien. S’agissant de la production, a poursuivi M. Woolcott, l’Australie estime critiques les procédures d’enrichissement d’uranium et de séparation, en vue du retraitement, du plutonium et de l’uranium 233. Par contre, le traité d’interdiction de la production de matières fissiles ne devrait pas interdire le retraitement à des fins civiles, pas plus que la production d’uranium enrichi à des fins civiles, a indiqué le représentant australien.

M. ANDRAS DEKANY (Hongrie, au nom de l’Union européenne) a rappelé que le 27 janvier dernier les Vingt-Sept avaient annoncé qu’ils accordaient la priorité au lancement immédiat, dans le cadre de la Conférence du désarmement, de négociations sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles. L’Union européenne estime que l’ouverture de telles discussions est « urgente et importante » pour le processus de désarmement et le renforcement de la non-prolifération. Les préoccupations en matière de sécurité nationale, certes légitimes, devraient être réglées dans le cadre du processus de négociation plutôt que d’être avancées comme des questions à régler au préalable, a poursuivi le représentant hongrois. Par ailleurs, l’Union européenne considère que des mesures d’instauration de la confiance peuvent être prises immédiatement, sans qu’il soit nécessaire d’attendre le lancement de négociations officielles. C’est la raison pour laquelle l’Union appelle tous les Etats dotés de l’arme nucléaire à déclarer un moratoire sur la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire. En conclusion, M. Dekany s’est félicité des propositions avancées par le Secrétaire général de l’ONU, soulignant qu’elles méritaient d’être débattues plus avant.

M. JOHN DUNCAN (Royaume-Uni) a affirmé que son pays était engagé en faveur de l’objectif à long terme d’un monde exempt d’armes nucléaires et en faveur d’un processus de désarmement multilatéral. Le Royaume-Uni considère comme une priorité la négociation d’un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire, en vue d’interdire de manière vérifiable la production future de telles matières à de telles fins. Un tel traité serait la prochaine étape logique sur la route menant à un monde exempt d’armes nucléaires ; il renforcerait en outre la non-prolifération, a-t-il estimé. Le Royaume-Uni réitère son ferme engagement en faveur du lancement de négociations sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles dans le cadre de la Conférence du désarmement. Cette dernière est en effet le meilleur et unique cadre pour négocier un tel instrument avec tous les acteurs nucléaires clefs. Par ailleurs, de l’avis du Royaume-Uni, le programme de travail de 2009 de la Conférence demeure la base pour fonder un accord sur un programme de travail pour 2011. La force de la Conférence réside dans le respect qu’elle témoigne à l’égard des intérêts de sécurité nationale de chacun de ses membres, la règle du consensus offrant une protection à cet égard, a poursuivi le représentant britannique. Toutefois, comme l’a souligné le Secrétaire général de l’ONU, cela s’accompagne d’une responsabilité envers la communauté internationale à laquelle la Conférence doit montrer sa volonté de progresser. Or, « nous sommes tous conscients de la frustration grandissante de la communauté internationale face à l’inertie de la Conférence du désarmement », a souligné M. Duncan. Aussi, le Royaume-Uni appelle-t-il les membres de la Conférence à s’engager de manière constructive afin de parvenir à une entente sur les questions clefs. De ce point de vue, un échec risquerait d’encourager des Etats à rechercher des alternatives à la Conférence du désarmement, a mis en garde M. Duncan.

M. LUIZ FILIPE DE MACEDO SOARES (Brésil) a déclaré que certaines déclarations ne sont pas très convaincantes quand elles insistent gravement sur une supposée paralysie de la Conférence du désarmement et réclament la « reprise » de ses travaux. S’il n’y a certes guère lieu de se réjouir du bilan de la Conférence, il n’empêche que les négociations s’y poursuivent bel et bien en vue d’apporter une réponse politique aux nombreux engagements formels pris envers la paix et le désarmement, a-t-il souligné. La Conférence, victime par ailleurs d’abus procéduraux dans l’examen de l’ordre du jour, ne saurait être accusée de tous les maux. L’une des raisons de ses échecs tient aux tentatives à tendance colonialiste de certains États de limiter le mandat d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles, de dicter les ordres du jour et d’empêcher certains États de se prémunir contre les États dotés de l’arme nucléaire. La notion de dissuasion, encore utilisée aujourd’hui, était pertinente dans les années de la guerre froide ; mais de nos jours, la dissuasion renvoie moins au maintien d’un équilibre stabilisateur qu’à une simple affirmation de puissance, a poursuivi le représentant brésilien. Les armes nucléaires étant illégales et immorales, leur possession l’est aussi, a-t-il insisté. Chaque État, responsable de la sécurité de ses citoyens et de ses ressources, s’estime malheureusement en droit de posséder des armes nucléaires, a-t-il fait observer. Il faut en outre déplorer que certains États décident en connaissance de cause de se placer sous la protection de puissances nucléaires. Il est difficile dans ces conditions de croire aux déclarations de certains États relatives au désarmement. Dans ce contexte, l’annonce de la signature d’un accord entre deux grandes puissances nucléaires semble synonyme moins d’un effort en vue du désarmement que de l’organisation de la gestion des stocks d’armes nucléaires.

M. OGUZ DEMIRALP (Turquie) a souligné que la position de son pays sur les questions débattues ce matin était bien connue et a apporté l’appui de sa délégation à la déclaration faite par la Hongrie au nom de l’Union européenne. La Turquie est opposée à la production de toute arme de destruction massive et elle est, de ce point de vue, favorable à la mise au point d’instruments internationaux universellement contraignants. La Turquie est également favorable à l’instauration de zones exemptes d’armes nucléaires, y compris au Proche-Orient. La Turquie considère que la Conférence du désarmement a toujours sa pertinence, notamment dans le contexte de la négociation d’un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire. De telles discussions devraient être complètes et non discriminatoires, ce qui signifie qu’elles devraient aussi concerner les stocks accumulés. Techniquement, il s’agit d’une question très complexe, a reconnu M. Demiralp, saluant la contribution de l’Australie à ce débat.

M. WALTER REID (États-Unis) a annoncé que son pays et la Fédération de Russie allaient procéder, ces prochains jours, à l’échange des instruments de ratification du nouveau traité START qui les liera en vue de la réduction des armes nucléaires. Les États-Unis sont très fiers d’avoir lancé et mené à bien une initiative bilatérale dont les effets exemplaires se feront sentir au niveau multilatéral, a-t-il déclaré.

M. JEFFREY EBERHARDT, Directeur du Bureau de contrôle et de vérification des armements des États-Unis, a souligné qu’un traité « cut-off » sur les matières fissiles limiterait la quantité de matière fissile disponible à des fins d’armement nucléaire et atteindrait cet objectif en interdisant toute nouvelle production de matières fissiles à de telles fins à compter de son entrée en vigueur. « Une telle limitation sert nos objectifs communs de désarmement et de la non-prolifération », a-t-il ajouté. Il est admis depuis longtemps qu’un tel instrument serait une étape fondamentale sur le chemin d’un monde exempt d’armes nucléaires, a-t-il poursuivi. La nécessité d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles a été soulignée par plusieurs Conférences d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) – notamment la dernière en date, au mois de mai 2010 – et était au cœur du discours prononcé par le Président Obama, à Prague, en 2009. Attirant l’attention sur les nombreuses mesures d’ores et déjà prises par les Etats-Unis, de leur propre chef et aussi avec la Fédération de Russie et d’autres, M. Eberhardt a jugé regrettable et frustrant qu’il n’ait pas été possible de prendre les mesures multilatérales essentielles de plafonnement des stocks d’armement. Un tel plafonnement est nécessaire si l’on veut donner une base solide à des réductions nucléaires plus poussées. M. Eberhard a fait observer que même si la Conférence n’est pas encore prête à entamer des négociations formelles autour d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles, il lui serait très utile néanmoins d’aborder un certain nombre d’aspects techniques y relatifs. Il faudrait ainsi définir avec précision les termes « fissile » et « installation de production » (de matières fissiles), de même que de circonscrire certains usages militaires et civils légitimes des matières fissiles. Les discussions techniques approfondies sur toutes ces questions jetteront les bases de négociations futures au sein de la Conférence du désarmement, de la même manière que le mandat de négociation autour des armes chimiques fut précédé, en son temps, par de très longues réflexions et négociations d’ordre pratique, a rappelé l’expert.

M. AKIO SUDA (Japon) a déclaré avoir écouté attentivement ses collègues mardi matin et noté qu’en dépit de différences sur les questions de sécurité nationale et régionale, tous autant qu’ils étaient s’étaient déclaré favorables au désarmement nucléaire. Il a rappelé que son pays était engagé depuis longtemps en faveur de l’élimination totale des armes nucléaires. Toutefois, a-t-il ajouté, tout le monde convient que cela ne peut se faire du jour au lendemain ou par une simple convention. Un processus cumulatif de mesures pratiques et concrètes s’impose à cet égard, a-t-il poursuivi. Il est clair, comme l’indique le préambule du Traité sur la non-prolifération nucléaire, que l’étape la plus urgente de ce processus est la cessation de la fabrication d’armes nucléaires. Le Japon ne peut donc imaginer que l’on puisse se diriger vers un monde exempt d’armes nucléaires sans interdire en premier lieu la production de matières fissiles à des fins d’armement. Cette question a désormais suffisamment mûri pour que l’on puisse entamer des négociations officielles, a estimé M. Suda. Passant en revue les questions centrales liées à la négociation d’un tel instrument, il a souligné qu’il convient en premier lieu d’en définir les obligations de base, en précisant ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas. La première de ces obligations porterait sur l’interdiction de la production (de matières fissiles à des fins d’armement) à partir de la date de l’entrée en vigueur du traité, ce qui impliquerait la fermeture des unités de production. Cette mesure devrait être irréversible et l’éventualité de la réouverture desdites unités devrait être interdite par le traité. Celui-ci devrait en outre interdire l’assistance apportée par un État à un autre État pour la production de matières fissiles. Le traité devrait aussi interdire le transfert de matières fissiles d’un pays à un autre. M. Suda a également posé le problème de la définition desdites « matières fissiles », avant d’aborder la question de la nécessaire vérification. Il a enfin abordé le problème des stocks, estimant qu’ils étaient de trois catégories : ceux destinés à l’armement nucléaire, ceux détenus à des fins non explosives pour des armements classiques et enfin ceux considérés comme excédentaires aux exigences militaires. M. Suda a conclu en soulignant qu’il était grand temps de démarrer des négociations.

M. HECTOR RAÚL PELEAZ (Argentine) a déclaré que tout traité d’interdiction de la production de matières fissiles devra être un instrument de prévention de la prolifération nucléaire de même que de promotion du désarmement complet et général. Le traité devra en outre être précédé de la définition des « matières fissiles ». Le traité devra en outre exclure de son mandat, de manière très claire, les activités et les matériaux nucléaires appartenant au cycle de production de combustibles à des fins civiles. Le représentant argentin a par ailleurs insisté sur la nécessité pour le traité de prévoir une interdiction de la « production future ». L’Argentine est également sensible à la question des « stocks ». L’Argentine estime que le traité devra prévoir un mécanisme de vérification crédible, qui assure un équilibre entre la limitation et les coûts. L’Argentine estime enfin que le régime de vérification ne devrait pas imposer de nouvelles obligations aux États non dotés de l’arme nucléaire qui sont déjà membres du TNP.

M. FAYSAL KHABBAZ HAMOUI (République arabe syrienne) a déclaré que son pays était de plus en plus convaincu de l’utilité de la Conférence du désarmement, « en dépit des critiques, des doutes et de certaines insinuations ». La question principale qui est posée est celle de la volonté politique de chacun, de certaines puissances en particulier, a-t-il ajouté. Personne ne peut nier l’importance de négocier un traité d'interdiction de la production de matières fissiles, a-t-il reconnu. Il est néanmoins étrange, a-t-il poursuivi, que soient laissés de côté les autres « piliers » ou encore la question de l’élimination des stocks de matières fissiles. Au Proche-Orient, un État développe des armes nucléaires sans aucun contrôle de l’AIEA, tout en menaçant ses voisins. De l’avis de la Syrie, un mécanisme international s’imposerait pour vérifier les stocks détenus par cet État. Des négociations en faveur du désarmement nucléaire doivent s’ouvrir, tout en prenant en considération les intérêts légitimes de chacun. Si la question des matières fissiles est effectivement importante, il est fondamental de ne pas négliger les autres aspects de la problématique du désarmement nucléaire, a conclu le représentant syrien.

M. PAUL VAN DEN IJSSEL (Pays-Bas) a déclaré que son pays attache la plus grande importance à la ratification rapide d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles, qui servirait les intérêts de la communauté internationale au sens large, dans la perspective aussi bien du désarmement nucléaire que de la non-prolifération. Il n’y aucune raison de repousser le début des négociations au sujet du Traité, a estimé M. van den Ijssel, ce sujet étant à l’ordre du jour depuis vingt ans. Les Pays-Bas estiment que le « mandat Shannon » constitue un bon point de départ pour les négociations et se déclarent souples quant à la prise en compte ou non des stocks préexistants de matières fissiles de qualité militaire. Les Pays-Bas insistent sur l’importance de la transparence du futur instrument et des modalités de vérification de sa mise en œuvre. Les mécanismes de sauvegarde de l’AIEA doivent jouer un rôle à cet égard, a estimé le représentant néerlandais. Le traité devra prévoir l’interdiction non seulement de la production, mais aussi du transfert, de l’acquisition et de l’aide à l’acquisition de matières fissiles.

M. GEOFF GARTSHORE (Canada) a déclaré que son pays accordait la plus grande importance à l’ouverture de négociations sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles. Il a rappelé les diverses initiatives du Canada à ce sujet. Ce pays estime que les négociations devraient tenir compte de trois éléments liés les uns aux autres : la portée du traité, les définitions qu’il renfermerait et, enfin, la vérification de son application. Face à la question des stocks existants, qui demeure « difficile et litigieuse », le Canada a formulé un certains nombres de propositions, a rappelé M. Gartshore. Pour ce qui est des définitions des termes « matières fissiles » et « production » desdites matières, celles-ci dépendront des décisions prises concernant la portée et la vérification, a-t-il souligné, précisant que le Canada est à cet égard partisan de l’adoption de la terminologie pertinente de l’AIEA. Le représentant canadien a reconnu que les défis à venir ne seraient « pas faciles à affronter » ; « mais en faisant preuve d’ingéniosité et de volonté politique, nous pourrons sûrement arriver à un point d’entente pour cette prochaine étape critique », à savoir la négociation d’un traité d'interdiction de la production de matières fissiles, a-t-il déclaré.

M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie) a indiqué que l’Algérie est favorable à l’ouverture des négociations sur un traité d’interdiction des matières fissiles destinées à la fabrication d’armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires, conformément au rapport Shannon CD/1299 de 1995 et au mandat qu’il contient. « Nous souhaitons engager cette négociation dans le cadre de la décision CD/1864 ou de toute initiative consensuelle s’inscrivant dans la même logique, dans la perspective de parvenir, à terme, à des négociations sur le désarmement nucléaire qui demeurent la première priorité de la Conférence », a-t-il déclaré. Le traité recherché devrait permettre de mettre en place une norme juridique contraignante, non discriminatoire et imposable à tous les États, a-t-il poursuivi. Le traité est censé, également, interdire les détournements vers les utilisations interdites des matières fissiles civiles ou de celles récupérées dans le cadre de mesures de réduction des arsenaux nucléaires, a également souligné M. Jazaïry. S’agissant de la portée du traité, l’Algérie est d’avis que les matières fissiles concernées par l’interdiction devraient englober toutes les matières pouvant être utilisées à des fins prohibées ; toutefois, les matières fissiles destinées à des fins pacifiques telles que celles servant comme combustible nucléaire ou pour les propulseurs des navires devraient être écartées de son champ d’application. Par ailleurs, de l’avis de l’Algérie, le traité recherché devrait répondre à des objectifs tant de désarmement nucléaire que de non-prolifération et s’inscrire dans un processus aboutissant à l’élimination complète des armes nucléaires. « Dans le cadre des négociations de cet instrument, nous ne devrions pas nous contenter d’interdire la production future », a précisé M. Jazaïry. « Il importe d’aborder les stocks des matières en question, comme le permet le rapport Shannon », a-t-il insisté. Pour être crédible, a-t-il ajouté, le traité devrait être assorti d’un régime de vérification efficace. On ne saurait limiter le champ du régime de vérification aux seules installations militaires, a-t-il à cet égard estimé, préconisant que le traité soit doté d’un régime de garanties qui s’applique à l’ensemble des matières, activités et installations nucléaires, civiles ou militaires. Malgré l’incapacité de la Conférence à adopter son programme de travail, il y a unanimité sur la vérification du traité et un courant de pensée largement favorable à une prise en compte de la problématique des stocks, prélude à une évolution positive des esprits, voire à une convergence, a poursuivi le représentant algérien. Associée au Traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires, dont l’Algérie souhaite l’entrée en vigueur rapide, la conclusion d’un tel traité permettrait de renforcer le régime de non-prolifération, a souligné M. Jazaïry, ajoutant que « la progression des négociations sur ce traité doit aussi permettre simultanément le passage au stade de la négociation d’instruments multilatéraux relatifs aux autres questions clefs que sont le désarmement nucléaire, les garanties négatives de sécurité et la prévention d’une course aux armements dans l’espace ». Le recours à des cadres parallèles pour discuter de cette question serait contre-productif, a-t-il conclu.

MME ALICIA ARANGO OLMOS (Colombie) a déclaré que les armes nucléaires comme armes de défense renvoient à une conception totalement obsolète de la sécurité, ce qui justifie que la Conférence adopte rapidement des mesures en faveur du désarmement nucléaire, en particulier un traité d’interdiction de la production de matières fissiles. La Colombie engage les États dotés de l’arme nucléaire à œuvrer sérieusement en vue du désarmement universel et intégral. Elle appelle dans ce contexte à un renforcement du rôle de surveillance de l’Agence internationale de l’énergie atomique et demande aux États qui ne l’ont pas encore fait de ratifier le régime de sauvegarde de l’Agence et les Protocoles y relatifs. La Colombie rappelle en outre l’importance de l’instauration de mesures de confiance et de la dénucléarisation de certaines régions. La Colombie insiste enfin sur le risque d’utilisation d’armes nucléaires par des organisations terroristes. Le fait d’éliminer la menace nucléaire permettrait à la communauté internationale de se consacrer aux grands problèmes qui affligent l’humanité : la pauvreté, la faim et la maladie, a conclu la représentante colombienne.

M. FERNANDO ROJAS (Pérou) a noté que le Secrétaire général de l’ONU avait été très clair en avertissant du danger que courait la Conférence dans son existence même, si ses membres n’étaient pas capables de la mettre en branle. Depuis une quinzaine d’années, au cours desquelles les participants n’ont pu élaborer un programme de travail, certaines dispositions ont néanmoins été prises pour jeter les bases d’un processus. Le Pérou appelle les pays concernés, afin de débloquer les choses, à renoncer à un certain nombre de préalables qu’ils invoquent sous couvert de sécurité nationale. Dans quelques semaines, le Pérou aura l’honneur d’accueillir une conférence régionale intitulée « Paix, sécurité et développement en Amérique latine », au cours de laquelle seront lancées diverses initiatives en faveur du désarmement et de la limitation des armements. Le continent latino-américain a toujours été à l’avant-garde du désarmement, a conclu M. Rojas.

M. HELLMUT HOFFMANN (Allemagne) a constaté que la Conférence du désarmement est aujourd’hui confrontée à la situation suivante: un seul État membre, le Pakistan, résiste ouvertement à l’ouverture de négociations internationales autour d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles du fait de ses préoccupations relatives à certains aspects de la coopération dans le domaine du nucléaire civil. Le représentant du Pakistan a ainsi fait valoir, lors d’une précédente séance, la position de son Gouvernement selon lequel le traité aggraverait, au détriment ce pays, l’asymétrie régionale en matière de stocks de matières fissiles, a rappelé M. Hoffmann. Le représentant allemand a en outre dit avoir pris note de l’observation du Pakistan selon laquelle un traité sur cette question devrait garantir la réduction des stocks de matières fissiles et interdire leur production future, deux objectifs qui sont, d’après le Pakistan, ceux d’une majorité de la communauté internationale. Si le point de vue du Pakistan était juste, ne vaudrait-il pas la peine de le soumettre précisément à la négociation, a demandé M. Hoffmann, sachant que le mandat Shannon n’interdit pas aux délégations de soulever ces questions. Quoi qu’il en soit, l’Allemagne se réjouit des débats à venir au sujet des principales dispositions d’un traité relatif aux matières fissiles. Elle estime qu’un tel instrument devra interdire « l’utilisation directe » des matières fissiles pour la production d’armes nucléaires, compte tenu des définitions de l’AIEA, de même que leur transfert. Quant au problème des stocks, il faudra le régler par une approche équilibrée, en toute transparence.

M. DELL HIGGIE (Nouvelle-Zélande) a rappelé que son pays n’a jamais cessé d’appuyer le lancement de négociations sur un traité relatif aux matières fissiles et de penser qu’un tel accord apporterait une importante contribution tant à la non-prolifération qu’au désarmement nucléaire. Appréhender ce traité comme instaurant un régime, ou un cadre, pourrait permettre de réduire voire de surmonter les divergences d’opinions qui persistent, par exemple, au sujet de la question de l’inclusion des stocks existants de matières fissiles, a-t-il ajouté. Il a rappelé que le Panel international sur les matières fissiles était clairement d’avis qu’une information précise sur la production et les stocks d’uranium et de plutonium hautement enrichis est une condition préalable nécessaire pour progresser sur le désarmement nucléaire. Le Panel estime que les stocks actuels de matières fissiles sont plus importants que ce qu’exige le soutien aux arsenaux nucléaires d’aujourd’hui et qu’il serait possible pour les États dotés d’armes nucléaires de déclarer comme excédentaires, du point de vue de l’usage militaire, des quantités significatives de matières fissiles. Un traité qui interdirait la production future de matières fissiles et imposerait en même temps des obligations du point de vue de la divulgation, de la réduction et de l’élimination des stocks militaires existants de manière vérifiable serait certainement le meilleur résultat que l’on puisse attendre des négociations, a poursuivi le représentant néo-zélandais. Un traité sur les matières fissiles n’est envisageable que s’il est appréhendé comme un cadre, ledit traité étant alors assorti de protocoles négociés au niveau multilatéral ou de déclarations unilatérales par les États pertinents ; ces autres instruments pourraient être négociés parallèlement aux négociations sur le traité lui-même ou après la conclusion du traité et, idéalement, ils seraient de nature contraignante. Mais quel que soit le rôle dévolu aux déclarations dans le régime global mis en place pour traiter des matières fissiles, le régime de vérification devra être en mesure d’établir une distinction entre les stocks détenus au moment de l’entrée en vigueur de l’interdiction de production et les stocks produits illégalement après cette date, a souligné le représentant néo-zélandais.

M. KAM WOON-AN (République de Corée) a rappelé que depuis plusieurs années, la Conférence a engagé des discussions sur un traité d’interdiction des matières fissiles mais que, malheureusement, aucun progrès substantiel n’a été réalisé sur cette importante question en raison de différences de positions sur des questions essentielles découlant de divergences au sujet des préoccupations sécuritaires individuelles. « Pour autant, il me semble qu’aucune délégation dans cette salle ne contesterait la nécessité d’entreprendre des négociations sur le traité d’interdiction des matières fissiles lui-même », a-t-il déclaré. À ce stade, a-t-il poursuivi, la tâche qui incombe à la Conférence est de rechercher les moyens de rassembler harmonieusement les différents intérêts nationaux de sécurité. Pour sa part, a-t-il souligné, la République de Corée continue d’accorder une haute priorité au lancement, le plus tôt possible, de négociations sur un traité d’interdiction des matières fissiles. Le représentant a par ailleurs rappelé que « la semaine dernière, le Secrétaire général de l’ONU a conseillé à la Conférence d’engager un processus informel avant que nous nous mettions d’accord sur des négociations officielles sur un traité d’interdiction des matières fissiles au sein de la Conférence ». Aussi, le représentant de la République de Corée a-t-il indiqué apprécier l’initiative de la présidence de la Conférence de tenir la présente discussion et a exprimé l’espoir que ce débat soit suivi de discussions plus thématiques davantage centrées sur des questions plus techniques, ce qui contribuerait à instaurer la confiance et faciliterait le processus officiel.

M. ALEXANDER MARSCHIK (Autriche) a rappelé que les avantages d’un traité d'interdiction de la production de matières fissiles avaient fait l’objet de nombreux débats, y compris dans cette enceinte. L’Autriche considère la mise au point d’un tel instrument juridique comme essentielle pour la sécurité à long terme. En outre, la Conférence du désarmement étant toujours en quête d’un rôle, elle pourrait ainsi redémarrer sur un bon pied en traitant le problème posé par les matières fissiles. Dans le contexte d’un tel traité, la question de la vérification est cruciale pour parvenir à un mécanisme fiable ; à cet égard, l’Autriche juge fondamental de tirer parti de l’expérience de l’AIEA. Le représentant autrichien a conclu en rappelant qu’un traité d'interdiction de la production de matières fissiles serait un atout pour limiter la prolifération nucléaire et constituerait une étape importante vers l’objectif consistant à débarrasser le monde de l’arme atomique.

M. MOHAMMAD REZA SAJJADI (Iran) a souligné que les débats en plénière à la Conférence montrent que, pour tous les États non dotés d’armes nucléaires, les armes nucléaires, illégales, illégitimes et inhumaines, constituent une menace grave pour l’espèce humaine. En ce qui les concerne, les membres du Mouvement des pays non alignés ont insisté à maintes reprises sur les dangers inhérents aux armes nucléaires en termes de paix et de sécurité et ont demandé l’adoption de mesures immédiates, au niveau international, en vue de l’élimination de ces dangers. L’Iran estime que la Conférence du désarmement doit agir de manière urgente en vue de l’élimination complète des armes nucléaires dans un délai convenu. L’Iran préconise à cet égard la création à titre prioritaire, au sein de la Conférence, d’un groupe de travail chargé du désarmement nucléaire. La négociation autour de cette question doit conduire à l’interdiction définitive de la production et de la possession de telles armes et prévoir des mesures en vue de leur destruction. Par ailleurs, l’Iran n’acceptera jamais la transformation d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles en un instrument de non-prolifération, a averti le représentant iranien. Non discriminatoire, complet et vérifiable, un tel traité devra régir les stocks existants tout comme la production actuelle et future de matières fissiles destinées à la production d’armes nucléaires.

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a rappelé que son pays avait toujours milité contre les « positions maximalistes » qui n’avaient permis à la Conférence de progresser sur aucun point de son ordre du jour. L’Afrique du Sud est favorable depuis longtemps à une démarche systématique et progressive visant à parvenir à l’objectif d’un monde exempt d’armes nucléaires. C’est la raison pour laquelle la délégation sud-africaine soutient pleinement l’idée du lancement de négociations sur un traité qui interdirait la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire. En revanche, l’Afrique du Sud ne souscrit pas au point de vue exprimé par certaines délégations selon lequel un tel traité serait le seul sujet mûr pour être négocié. Etant donné la nature de la Conférence du désarmement en tant qu’enceinte de négociation, cette instance est capable de négocier sur toute question figurant à son ordre du jour, ce qui n’empêche pas l’Afrique du Sud de reconnaître que la mise au point de tout arrangement international juridiquement contraignant dans un proche avenir est plus probable sur certaines questions que sur d’autres. La négociation d’un traité d'interdiction de la production de matières fissiles ne saurait être reportée plus avant, a ajouté le représentant sud-africain. La majorité des questions en suspens ne peuvent être réglées qu’à une seule condition : que l’on négocie véritablement. En tant que premier pays ayant développé puis éliminé complètement ses propres armes nucléaires, l’Afrique du Sud est consciente de la complexité de parvenir à un traité – un traité qui, en tout état de cause, doit être le produit de négociations multilatérales de désarmement.

M. ZAMIR AKRAM (Pakistan) a déclaré que son pays accorde la plus grande priorité à la négociation autour du traité d’interdiction de la production de matières fissiles. Le problème des matières fissiles – tout comme celui de l’asymétrie des arsenaux – est en effet au cœur des préoccupations du Pakistan en matière de sécurité. Les récentes politiques discriminatoires en matière d’armement risquent d’aggraver cette asymétrie des arsenaux, a-t-il poursuivi. Ces préoccupations expliquent la position du Pakistan, qui estime que le traité ne tient pas compte d’aspects pourtant déterminants, a-t-il souligné. Ainsi, la définition des « matières fissiles » devrait-elle tenir compte non seulement de l’uranium hautement enrichi mais aussi des autres matières, comme le neptunium, qui peuvent désormais être utilisées dans la fabrication d’armes. D’autre part, l’existence d’énormes stocks chez les deux principales puissances nucléaires crée une situation où une éventuelle interdiction de la production n’empêcherait pas ces puissances de continuer à produire de nouvelles armes nucléaires. Cette question doit être traitée de manière directe, a déclaré le représentant pakistanais. Le traité devra tenir compte des stocks existants de matières fissiles, en vue d’une réduction des asymétries, a-t-il insisté. De ce point de vue, les mesures volontaires et bilatérales sont insuffisantes, a-t-il ajouté. Le Pakistan propose que la Conférence du désarmement cherche un accord sur la réduction des stocks de matières fissiles et l’interdiction de leur production future, a-t-il indiqué. Un tel accord devra en outre être vérifiable de manière indépendante, sur le modèle du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, les modalités de l’AIEA étant insuffisantes à cet égard. Plusieurs pays au sein de la Conférence du désarmement sont favorables à un tel accord, a affirmé le représentant pakistanais. Le Pakistan n’a pas le désir d’empêcher la recherche d’un consensus international, a-t-il assuré : il reste cependant soumis à des contraintes sécuritaires découlant de violations de leurs obligations par des États tiers, a-t-il expliqué.

M. GIOVANNI MANFREDI (Italie) a souligné qu’un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire était une priorité pour son pays, en tant qu’instrument de désarmement et de non-prolifération. Puisque l’on en parle depuis 1995, la Conférence devrait se concentrer sur chacun des sujets sous-jacents à la question, à commencer par la définition des « matières fissiles », a-t-il poursuivi. Par le passé, au moins trois définitions ont été proposées – par les États-Unis, la Fédération de Russie et la Suisse. Les Statuts de l’AIEA offrant aussi une telle définition, il existe une base de départ solide dans le choix d’une définition qui n’handicape pas l’utilisation pacifique de l’énergie atomique, a souligné M. Manfredi. L’autre point, essentiel lui aussi, concerne la vérification, a-t-il ajouté. En outre, les installations de production (de matières fissiles) soulèvent la question soit de leur démantèlement, soit de leur reconversion - si tant est que celle-ci soit possible. Enfin, le dernier point, qui concerne les stocks, est la pierre d’achoppement auquel le projet de traité peut se heurter, a indiqué le représentant italien. Les avis sont en effet très partagés entre les partisans d’un traité « cut-off » et ceux favorables à un traité réglant aussi la question des stocks existants, a-t-il précisé. Il est temps de se mettre au travail, a-t-il conclu.

M. HAMID ALI RAO (Inde) a rappelé que son pays a compté parmi les premiers promoteurs d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles. L’Inde attache une grande importance au rôle de la Conférence du désarmement en tant que seule instance multilatérale de négociation dans le domaine du désarmement. Il est essentiel que tous les pays concernés par un traité d’interdiction de la production de matières fissiles participent aux négociations à ce sujet. L’Inde, elle-même puissance nucléaire, est prête à assumer ses responsabilités à cet égard. Ce pays estime que l’un des aspects les plus importants d’un futur traité d’interdiction de la production de matières fissiles résidera dans son caractère vérifiable en toute transparence. D’autre part, l’Inde n’est pas convaincue par l’idée selon laquelle des « asymétries » bloqueraient les négociations au sein de la Conférence du désarmement. L’Inde a toujours participé de manière ouverte aux discussions et débats au sein de cette instance. En outre, les discussions de la Conférence relatives à son programme de travail ne préjugent pas du contenu des débats de fond qui devront intervenir dans le cadre de la négociation d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles.

M. WANG QUN (Chine) a émis le voeu, en cette journée de nouvel an chinois, que des progrès soient accomplis au sein de la Conférence. Il a rappelé que son pays a apporté son soutien à nombre de résolutions et initiatives en faveur de la conclusion d’un traité d’interdiction des matières fissiles à des fins d’armement nucléaire. En tant que seule instance multilatérale de négociation dans le domaine du désarmement, la Conférence est l’enceinte appropriée pour négocier un tel traité qui soit susceptible de rallier tous les Etats membres, a-t-il ajouté. Si l’on ne peut toujours pas se mettre d’accord sur un programme de travail, il est essentiel que les débats se poursuivent de manière informelle sur la question des matières fissiles, a-t-il en outre estimé.

M. reto wollenmann (Suisse) a déclaré que son pays attache une grande importance à la négociation d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles pour la fabrication d’armes nucléaires et d’autres dispositifs explosifs nucléaires. C’est pour cette raison que la Suisse a soutenu, l’an dernier, la publication d’un ouvrage de référence sur le traitement de cette thématique par la Conférence du désarmement, de même qu’elle a financé trois séminaires sur divers aspects d’un possible futur traité. Pour la Suisse, la négociation du traité constituerait, avec le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, la troisième pierre angulaire d’un système multilatéral de désarmement et de non-prolifération nucléaires. L’instrument permettrait de réduire la discrimination issue du TNP, qui crée un écart entre les États dotés d’armes nucléaires et les autres. S’agissant du contenu de l’instrument, la Suisse estime qu’il devrait prévenir la prolifération tant verticale qu’horizontale et qu’il devrait couvrir, même partiellement, la question des stocks de matières fissiles. Ce n’est qu’à ce titre que l’instrument sera en mesure de remplir le double objectif de non-prolifération et de désarmement qui doit être le sien. Le traité devrait aussi interdire la production future de matières fissiles à des fins explosives et être effectivement vérifiable.

M. VLADIMIR NOVOKHATSKIY (Fédération de Russie) a rappelé que son pays était favorable à l’élaboration d’un traité d’interdiction des matières fissiles à des fins d’armement nucléaire. En ce qui la concerne, la Fédération de Russie a mis un terme depuis de nombreuses années à la fabrication d’armes à partir de matières fissiles telles que l’uranium. En vue d’un traité tel que susmentionné, il convient en premier lieu de se mettre d’accord sur la question essentielle de la définition des « matières fissiles », en s’appuyant notamment sur les travaux les plus récents de l’AIEA dans ce domaine. Ce nouvel instrument international devrait permettre d’interdire de manière absolue la fabrication de matières fissiles, ainsi que leur transfert vers des États tiers. La Fédération de Russie estime que la vérification devra s’appuyer sur l’AIEA, dans le cadre d’un mandat exclusif pour se faire. Par ailleurs, les négociations relatives à un tel traité doivent se tenir dans le cadre de la Conférence et impliquer tous les États dotés d’armes nucléaires, a affirmé le représentant russe, excluant toute autre éventualité de ce point de vue.

M. PEDRO OYARCE (Chili) s’est félicité de la dynamique qui semble à l’oeuvre au sein de la Conférence en vue de l’adoption d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire. De l’avis du Chili, l’imposition d’un moratoire sur la production de matières fissiles, comme l’ont proposé l’Australie et d’autres délégations, constituerait un pas politiquement intéressant en tant que mesure de confiance. L’adoption d’un traité contribuerait de manière très importante à la sécurité des matières fissiles ; cela garantirait davantage la transparence et imposerait des plafonds concrets aux arsenaux nucléaires. Le Chili estime que la négociation autour du traité devra porter sur l’identification (définition) des matières fissiles pouvant servir à la fabrication d’armes nucléaires. Par ailleurs, les problèmes de vérification issus de l’apparition de nouvelles matières fissiles devraient faire l’objet d’autres négociations, de même que les aspects liés à la gestion des stocks de matières fissiles, y compris les stocks inconnus. L’aboutissement des négociations dépendra aussi de circonstances extérieures à la Conférence du désarmement, a fait observer le représentant chilien. La réflexion de la Conférence sur les aspects techniques d’un tel traité d’interdiction de la production de matières fissiles doit se poursuivre avec l’aide d’experts, a-t-il conclu.


Droit de réponse

MME JO ADAMSON (Royaume-Uni) s’est félicitée du fait que la Conférence entre enfin dans le vif du sujet et qu’elle utilise son budget pour ce qui justifie son existence. Elle a dit intervenir avec regret en réaction à l’intervention de l’Ambassadeur du Brésil et, malgré toute l’estime que l’assemblée porte à ce dernier, a tenu à souligner que les résultats de la Conférence d’examen du TNP présentent un certain nombre de plans d’action concrets auxquels tous les Etats devraient s’associer. La diplomatie est l’art du possible, a-t-elle conclu.

M. MOHAMED HATEM EL-ATAWY (Égypte) a souhaité rappeler que les plans d’action qu’a évoqués la représentante du Royaume-Uni incluent le désarmement nucléaire, avec les deux autres piliers du TNP, et que les résultats de la Conférence d’examen comportent des recommandations visant la création au Moyen-Orient d’une zone exempte d’armes nucléaires.

MME JO ADAMSON (Royaume-Uni) a assuré son homologue égyptien que l’aspect qu’il a mentionné ne sera pas négligé.

Enfin, le Président de la Conférence, l’Ambassadeur Marius Grinius du Canada, a informé les membres de la Conférence que des experts du Stockholm International Peace Research Institute et de l’Institut de recherche des Nations Unies sur le désarmement (UNIDIR) leur feraient des présentations lundi 7 février 2011.

Cette annonce du Président a suscité un long échange informel au cours duquel de nombreuses délégations sont intervenues pour demander qu’il leur soit précisé si cet événement parallèle annoncé par la présidence faisait partie intégrante des travaux de la Conférence, faute de quoi le Président, en annonçant un événement à venir en marge de la Conférence se ferait alors, en quelque sorte, le porte-parole implicite du groupe de pays organisateurs dudit événement.


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DC11/006E