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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TERMINE L'EXAMEN DU RAPPORT SUR L'ISLAMOPHOBIE ET ENTAME LE PROCESSUS D'ÉVALUATION DES MANDATS

Compte rendu de séance
Il se penche sur le mandat du Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction

Le Conseil des droits de l'homme a terminé cet après-midi l'examen du rapport sur les manifestations de la diffamation des religions et en particulier sur les incidences graves de l'islamophobie sur la jouissance de tous les droits, présenté par M. Doudou Diène, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée. Il a ensuite entamé le processus d'évaluation du mandat de Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction

Réagissant aux interventions qui ont été faites au cours de la journée, M. Diène a déclaré que le Conseil devrait favoriser l'application des normes et instruments internationaux permettant de lutter contre la diffamation des religions. Il a ajouté que le Conseil doit appeler les États membres à aller plus loin que la loi. La situation actuelle est très préoccupante, compte tenu de la théorisation de l'islamophobie à laquelle on assiste, a ajouté le Rapporteur spécial. L'enjeu de la relation complexe entre libertés d'expression et de religion doit être traité par tous les mécanismes des droits de l'homme.

Dans le cadre du dialogue interactif avec le Rapporteur spécial, le Conseil a entendu cet après-midi les délégations des pays suivants: Fédération de Russie, Inde, Arménie, Afrique du Sud, Djibouti, France, Norvège, Tunisie, Brésil, Bangladesh, Azerbaïdjan, République de Corée, Belgique, Algérie, Syrie, Philippines, Soudan, Union africaine, Lesotho, Indonésie, Pays-Bas, Maroc, Malaisie, Thaïlande, Iraq, Espagne, Pologne, Iran, Saint-Siège, Sénégal et Canada. Les représentants des organisations non gouvernementales suivantes ont également pris la parole: Foundation of Japanese Honorary Debts; Indian Council of South America et Association of World Citizens. Est également intervenu un représentant du Comité international de coordination des institutions nationales des droits de l'homme.

En fin de séance, le Conseil a entamé le processus d'examen, de rationalisation et d'amélioration des mandats en procédant à l'évaluation du mandat de Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction. Après que la détentrice actuelle du mandat, Mme Asma Jahangir, eut apporté des précisions sur ce mandat, le Conseil a entendu le Portugal au nom de l'Union européenne, le Pakistan au nom de l'Organisation de la Conférence islamique, le Canada, les Pays-Bas, la Fédération de Russie et la Suisse.

Le Conseil a également entendu, dans le cadre de l'évaluation des mandats, la Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur la détention arbitraire, Mme Leila Zerrougui, qui a notamment souligné que le Groupe de travail reste un des rares, sinon le seul, mécanisme international universel qui puisse visiter des lieux de détention pour s'enquérir non pas des conditions de détention mais de la légalité de la détention et du statut juridique des détenus.

En début de séance, le Vice-Ministre des affaires étrangères de la République de Serbie a fait une déclaration au titre de la promotion et la protection des droits de l'homme.


La prochaine réunion du Conseil se tiendra lundi 17 septembre à 10 heures. La réunion débutera par l'élection du président du Groupe de travail sur le droit au développement. Le Conseil reprendra ensuite le processus d'évaluation des mandats.


Déclaration du Vice-Ministre des affaires étrangères de la Serbie

M. FEODOR STARČEVIĆ, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Serbie, a – en tant que représentant du Président du Comité des ministres du Conseil de l'Europe – rappelé que le Sommet des chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l'Europe de 2005 avait réaffirmé que la mission centrale du Conseil de l'Europe était de protéger et de promouvoir les droits de l'homme, la démocratie et l'état de droit. Les droits de l'homme sont donc une activité phare du Conseil de l'Europe, a souligné M. Starčević. Il n'est donc pas surprenant que le Conseil de l'Europe nourrisse un grand intérêt pour les nombreuses activités de l'ONU dans ce domaine, en particulier celles du Conseil des droits de l'homme, a-t-il ajouté. La coopération entre l'ONU et le Conseil de l'Europe dans le domaine des droits de l'homme est en train de recevoir une attention accrue à Strasbourg, a fait savoir le Vice-Ministre des affaires étrangères de la Serbie. Il existe de nombreux domaines dans lesquels un échange fertile entre les deux organisations peut être mutuellement bénéfique, a-t-il insisté. Nous devrions joindre nos forces pour faire respecter les droits de l'homme dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, a-t-il notamment indiqué. Le besoin se fait sans cesse sentir d'une position ferme et sans compromis sur cette question, a-t-il insisté. Les directives du Conseil des droits de l'homme sur la lutte contre le terrorisme et les droits de l'homme, et les résultats de ses enquêtes sur les détentions secrètes et les transferts de détenus méritent non seulement de retenir l'attention au niveau mondial mais aussi de faire l'objet d'un suivi sérieux.

M. Starčević a par ailleurs insisté sur l'importance d'assurer que le nouveau mécanisme mis en place suite à l'entrée en vigueur du Protocole à la Convention des Nations Unies contre la torture, d'une part, et le Comité européen pour la prévention de la torture, de l'autre, se renforcent mutuellement. M. Starčević a en outre rappelé qu'une Convention du Conseil de l'Europe sur l'action contre le trafic d'êtres humains a été adoptée en 2005 et entrera bientôt en vigueur; dès le début, a-t-il souligné, cette nouvelle Convention a été considérée comme étant totalement complémentaire du Protocole de Palerme contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer. D'autre part, en mettant en œuvre son programme intitulé «Construire une Europe pour et avec les enfants», le Conseil de l'Europe collabore en partenariat avec les Nations Unies et avec le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF). Enfin, la principale réalisation du Conseil de l'Europe reste l'abolition effective de la peine de mort, aucune exécution n'ayant eu lieu dans les pays membres du Conseil depuis 1997, a fait valoir M. Starčević; les pays membres du Conseil de l'Europe soutiendront une résolution à l'Assemblée générale des Nations Unies appelant à un moratoire mondial sur les exécutions capitales, a-t-il indiqué. L'élan en faveur d'une coopération étroite entre l'ONU et le Conseil de l'Europe s'est accéléré au mois d'avril dernier lorsque la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Louise Arbour, s'est adressée à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe à Strasbourg et a tenu un échange de vues avec le Comité des ministres.


Suite du débat autour du rapport sur la diffamation des religions

M. ALEXEY GOLTYAEV (Fédération de Russie) a déclaré, à la suite du Rapporteur spécial, que la diffamation des religions et la rhétorique xénophobe sont largement utilisées pour orienter les débats politiques, y compris dans les pays qui se disent démocratiques. La diabolisation au nom d'intérêts politiques immédiats ne vise pas seulement les religions, mais aussi des groupes ethniques, avec pour triste conséquence des éruptions de violence. Cette question devrait être étudiée par les procédures spéciales du Conseil, a demandé le représentant russe.

M. MUNU MAHAWAR (Inde) a estimé que le rapport de M. Diène montre les limites inhérentes à l'analyse d'un thème aussi complexe qui s'inscrit dans le cadre de l'intolérance religieuse ou de l'abus de la liberté d'expression qui offense des groupes religieux. L'Inde estime que pour traiter du phénomène de la diffamation, le thème plus large de la liberté de religion doit être traité. L'Inde a dit regretter que le rapport ne prenne pas pleinement en compte ce sujet plus vaste. Une autre analyse de cette question devrait donc être effectuée avec la participation à la fois du Rapporteur spécial sur la liberté de religion et le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression. L'Inde encourage le Conseil à réfléchir à la relation entre la liberté d'expression et la liberté de religion. Le rapport de M. Diène fait référence aux castes en Inde. Cette référence n'est pas pertinente en ce qui concerne la question de la diffamation ou du racisme, a estimé le représentant indien.

MME HASMIK SIMONYAN (Arménie) a salué l'analyse approfondie de M. Diène ainsi que ses recommandations réalistes. L'Arménie estime que les discriminations basées sur les religions peuvent s'assimiler à des pratiques racistes. L'Arménie attache une grande importance au dialogue interreligieux et interculturel en tant que moyen de promotion des droits de l'homme pour tous. Elle estime en outre que ce problème a une dimension transversale et qu'il concerne directement d'autres mandats du Conseil. Enfin, l'Arménie prend note de l'opinion du Rapporteur spécial selon laquelle le fait de mettre l'accent sur l'islamophobie ne préjuge en rien d'une hiérarchie dans la discrimination des religions.

MME GLAUDINE MTSHALI (Afrique du Sud) s'est réjouie des recommandations contenues dans le rapport de M. Diène. Elle a réaffirmé que la Déclaration et le Programme d'action de Durban restent la base de l'élimination effective du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l'intolérance y associée. Elle a par ailleurs souligné que l'Afrique du Sud tient à exprimer sa grave préoccupation face aux incidents de diffamation des religions ainsi que face à la légitimation intellectuelle de l'islamophobie. Nous exprimons notre profonde préoccupation face aux tendances à stéréotyper de manière négative les religions ainsi que face à l'association abusive de l'islam avec les violations de droits de l'homme et le terrorisme. La pratique consistant à défendre la diffamation des religions en tant qu'exercice du droit à la liberté d'expression fait fi des restrictions énoncées dans les instruments pertinents de droits de l'homme qui, à l'instar du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, disposent que le droit à la liberté d'expression comporte des devoirs et responsabilités particuliers et peut donc être soumis à certaines restrictions, notamment en vue d'assurer le respect des droits et de la réputation d'autrui. L'Afrique du Sud appelle tous les pays à établir des garanties juridiques et constitutionnelles visant à protéger les individus contre les actes de haine et de discrimination. Il y a deux semaines, le Comité préparatoire de la Conférence d'examen de Durban a décidé par consensus que la Conférence d'examen de 2009 traiterait des manifestations contemporaines de racisme et de discrimination raciale.

M. AHMED MOHAMED ABRO (Djibouti) a déclaré que son pays partage l'analyse du Rapporteur spécial lorsqu'il identifie les tendances lourdes de recrudescence du phénomène du racisme et de la discrimination basée sur l'appartenance religieuse. Djibouti salue particulièrement l'entreprise de déconstruction que M. Diène effectue afin de nous aider à mieux comprendre la logique organisatrice de sens qui oppose sa cohérence et ses objectifs propres à ceux poursuivis par la communauté internationale. Djibouti partage les préoccupations et les questions relatives à l'application effective des dispositions contenues des instruments internationaux des droits de l'homme pertinents. C'est parce que nous sommes conscients que les questions longtemps sans réponse deviennent suspectes en tant que questions, que nous exhortons le Conseil à accorder à ce sujet l'attention urgente qu'il requiert, a conclu le représentant.

M. JEAN-BAPTISTE MATTÉI (France) a déclaré que son pays s'est effectivement doté d'un ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du co-développement, appellation exacte qui devrait être reproduite in extenso: en effet, les termes du rapport de M. Diène pourraient laisser croire que la création de ce ministère témoignerait d'une forme d'islamophobie. Cette appellation traduit la volonté d'avoir une approche globale de la question des migrations, en confiant à une même administration la conduite des différents volets de la politique française d'accueil des étrangers et de la maîtrise des flux migratoires. La France souhaite favoriser l'intégration et l'épanouissement des personnes immigrées quelle que soit leur origine, race ou religion tant que celles-ci respectent les droits et valeurs de la République. Le représentant a aussi rappelé que la France est un pays laïc, ce qui implique un devoir de neutralité pour ses institutions. Ainsi, la liberté de conscience et la liberté religieuse sont reconnues par les textes fondamentaux de la République. Toute personne est libre de pratiquer un culte et de se regrouper au sein d'associations culturelles, et de ne pas croire, de quitter une religion ou d'en changer. Enfin, la loi punit sévèrement les actes qui visent des personnes à raison de leur origine ou de leur religion, réelles ou supposées. Il en est ainsi des dégradations de biens privés comme les lieux de culte, et les autorités ont recommandé la plus grande fermeté aux procureurs face à ces actes, a conclu de le représentant français.

M. VEBJORN HEINES (Norvège) a rejeté, à l'instar du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, le concept de choc entre les civilisations et les religions. En effet, a-t-il souligné, ce ne sont pas les religions et les civilisations qui se rencontrent ou s'affrontent; ce sont les gens et ce sont les droits de ces gens qui sont violés. Les problèmes d'intolérance, d'exclusion de l'autre, de discrimination, de préjugés et de xénophobie ne sont pas nouveaux et ne se produisent pas seulement entre les religions, mais aussi au sein même des religions. La Norvège souscrit pleinement à la recommandation énoncée au paragraphe 74 du rapport de M. Diène selon laquelle le respect des droits de l'homme, y compris l'éradication des racines de la culture de racisme, de xénophobie et d'intolérance, constitue le pilier le plus solide de la sécurité nationale et de la démocratie. La Norvège est également d'avis que la promotion du dialogue est le principal outil pour promouvoir la tolérance. Du point de vue de la Norvège, il ne saurait y avoir de véritable liberté de religion sans liberté d'expression; ces deux libertés sont interdépendantes et il est erroné de les présenter d'emblée comme étant des droits en conflit.

M. SAMIR LABIDI (Tunisie) a souligné que le rapport de M. Diène revêt une importance particulière dans un contexte de tensions politiques, idéologiques et de lutte contre le terrorisme que, par ailleurs, la Tunisie condamne sous toutes ses formes et manifestations. S'agissant de l'islamophobie, il ne s'agit nullement de hiérarchiser la discrimination qui vise les différentes religions, force est de constater que le phénomène domine l'actualité et constitue une source de préoccupation majeure. La Tunisie considère que toute action discriminatoire, y compris l'islamophobie, trouve ses racines dans l'ignorance et l'inacceptation de l'autre, empêchant ainsi de vivre ensemble sereinement. C'est dans ce contexte que la Tunisie appelle encore une fois à la promotion de la tolérance et du dialogue entre les cultures et les religions.

M. SÉRGIO ABREU E LIMA FLORÊNCIO (Brésil) a rappelé que le Brésil, un pays multiculturel et multiethnique, plaide pour la coexistence pacifique entre toutes les religions. Le représentant a félicité le Rapporteur spécial pour la qualité de son rapport, qui permet d'avoir une vision plus large des difficultés auxquelles sont confrontées les différentes religions. Dans l'environnement actuel marqué par la diffamation des religions, l'analyse de M. Diène donne la possibilité d'examiner des moyens de dépasser cette tendance: suppression des hiérarchies entre religions, renoncement à l'établissement de priorités dans la lutte contre la diffamation des religions. Le représentant a souligné l'importance de la recommandation du Rapporteur spécial visant à favoriser le dialogue interactif entre les religions. La volonté politique est essentielle pour promouvoir l'harmonie entre les religions. Dans ce contexte, le Gouvernement du Brésil a, notamment, institué un secrétariat de la promotion de l'égalité raciale et organisé une conférence régionale pour le suivi des mesures préconisées par la Déclaration de Durban.

M. MUSTAFIZUR RAHMAN (Bangladesh) a affirmé que le nouveau rapport du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme témoigne de la grande compétence professionnelle et du son sens des responsabilités de M. Doudou Diène. Comme le souligne le Rapporteur spécial dans son rapport, la diffamation des religions ne peut être dissociée d'une réflexion approfondie sur la discrimination raciale et la xénophobie. Un certain nombre de partis politiques ont recours à la rhétorique de la peur et de l'exclusion en montrant du doigt les réfugiés et les immigrants, a souligné le représentant du Bangladesh. Aussi, a-t-il plaidé afin qu'il soit mis un terme aux appels à l'intolérance et à la haine dans le cadre de discours intellectuels. Le représentant a par ailleurs souligné que la liberté d'expression ne saurait être absolue et infinie et doit être exercée avec discernement.

M. MAMMAD TALIBOV (Azerbaïdjan) a relevé que le rapport de M. Diène identifie clairement des tendances alarmantes et dangereuses. L'Azerbaïdjan condamne toutes les formes de discrimination religieuse et toutes les formes d'intolérance s'y rapportant. L'augmentation générale de la diffamation des religions, et particulièrement l'islamophobie, est inquiétante. L'Azerbaïdjan est également gravement préoccupé par l'utilisation politique de la discrimination et de la xénophobie. La tendance à la diffamation des religions est en progression. Pour remédier à ces phénomènes, le dialogue interculturel est essentiel.

M. JAE-BOK CHANG (République de Corée) a souscrit à la recommandation du Rapporteur spécial d'adopter des approches variées dans la promotion du dialogue entre les cultures, religions et civilisations. L'escalade des conflits et les affrontements religieux risquent soit d'entraîner une indifférence du public à l'égard des religions, soit de susciter une culture antireligieuse. C'est pourquoi, a estimé le représentant, le Rapporteur spécial devrait s'intéresser de plus près au rôle des dirigeants religieux dans la lutte contre la diffamation des religions.

M. JOCHEM DE VYLDER (Belgique) a relevé que dans son rapport, le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme constate que dans certaines régions, et en particulier en Europe, les musulmans ont de plus en plus de difficulté à établir des lieux de culte et à observer leurs pratiques religieuses. Il a demandé au Rapporteur spécial s'il serait en mesure d'indiquer quelles sont les données objectives disponibles permettant d'avoir une vue d'ensemble de la situation au niveau mondial. Est-ce que vous disposez d'informations suffisantes, à la fois quantitatives et qualitatives, pour évaluer la situation dans d'autres régions du monde concernant toutes les religions, a demandé le représentant belge au Rapporteur spécial? S'agissant de la manifestation à Bruxelles à laquelle M. Diène a fait référence ce matin, la Belgique tient à préciser que «cette manifestation a été interdite et ne s'est donc pas déroulée comme prévue».

M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie) a déclaré qu'il y a quelques semaines plus d'une trentaine de représentants permanents à Genève ont célébré à la mairie d'Annecy, en France, le lancement de la Mosquée Émir Abdelkader après obtention du permis de construire. Depuis, un mouvement politique islamophobe, invoquant des prétextes urbanistiques, a obtenu par référé la suspension du permis de construire. L'Algérie a dit regretter que malgré la Déclaration et le Programme d'Action de Durban, les principaux objectifs en matière de lutte contre le racisme et la discrimination raciale n'aient pas encore été atteints. Les récentes vagues d'incitation à la haine raciale et religieuse et à la violence en Europe ont des relents de campagnes antisémites d'entre les deux guerres mondiales du siècle dernier. Les gouvernements doivent adopter, appliquer et faire respecter des lois appropriées pour endiguer cette montée raciste et islamophobe et prévenir tous les actes procédant du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l'intolérance qui y est associée. L'Algérie estime qu'il est important que le travail des cinq experts sur les lacunes juridiques en matière de protection contre le racisme s'inscrive dans le même sens que celui assigné à l'ensemble des mécanismes œuvrant dans ce contexte. Les cinq experts indépendants chargés de suivre l'application des dispositions de la Déclaration et du Programme d'Action de Durban et du Groupe antidiscrimination du Haut Commissariat ne semblent pas avoir suffisamment réfléchi aux lacunes de fond et de procédure en matière de protection qui sont devenues nécessaires depuis le 11 septembre 2001. L'Algérie insiste par ailleurs sur la nécessité d'assurer la mobilisation de fonds suffisants aux plans national, régional et international. Celle-ci demeure une condition sine qua non pour le succès du Programme d'Action de Durban en général et de la Conférence de révision de Durban en particulier.

M. ABDULMONEM ANNAN (Syrie) a remercié le Rapporteur spécial pour la manière très claire dont il a parlé de l'islamophobie. Le représentant syrien a aussi estimé qu'il faut faire preuve de volonté politique pour lutter contre ce phénomène, de même qu'il convient de favoriser le dialogue entre civilisations. L'analyse de M. Diène montre qu'il existe souvent des tentatives d'instrumentalisation du terrorisme à des fins islamophobes, pour vilipender les musulmans, comme on l'a vu dans le cas des caricatures publiées dans les médias occidentaux.

MME ERLINDA F. BASILIO (Philippines) a indiqué que son pays partageait la préoccupation exprimée par le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme selon laquelle la légitimation du racisme et de l'intolérance religieuse dans les programmes politiques peut constituer une sérieuse menace pour les droits de l'homme. À cet égard, les Philippines accordent un intérêt particulier à l'observation de M. Diène selon laquelle la solidarité entre les victimes de diffamation des religions et d'autres formes de discrimination peut constituer une force de nature à surmonter les tendances négatives de division et d'intolérance. Les gouvernements devraient mettre en place des partenariats avec les groupes religieux et ceux de la société civile ainsi qu'avec les médias, afin de mettre au point des mécanismes de promotion de la solidarité entre différents groupes religieux pour lutter contre le racisme et l'intolérance. Quels sont les éléments de droits de l'homme qui devraient être intégrés dans une initiative sur le dialogue entre les croyances, a par ailleurs demandé la représentante des Philippines au Rapporteur spécial? Insistant sur la nécessité d'assurer un équilibre entre liberté d'expression et liberté de religion, elle a par ailleurs affirmé qu'aucune religion ou race ne devrait se voir manquer de respect. Elle a souscrit au point de vue du Rapporteur spécial selon lequel l'incitation à la haine raciale ou religieuse est inacceptable.

MME RAHMA SALIH ELOBIED (Soudan) a félicité le Rapporteur spécial pour son objectivité sur la question de l'islamophobie. Il est nécessaire de combattre la diffamation des religions et la tolérance doit être renforcée, a estimé la représentante. Elle a salué les initiatives régionales et internationales visant à favoriser la tolérance religieuse. Mme Elobied s'est dite préoccupée par les pressions exercées sur des communautés religieuses afin de leur faire abandonner leurs terres et leurs foyers. Pour sa part, le Soudan a adopté des politiques visant à favoriser, à long terme, une meilleure compréhension entre les religions, la paix et la réconciliation nationale.

MME KHADIJA RACHIDA MASRI (Union africaine) a estimé que le Conseil n'a d'autre choix que de continuer à déplorer dans les termes les plus vigoureux les incidents rapportés par M. Diène et de soutenir l'excellent travail qu'il est en train de faire. À cet égard, l'Union africaine attire l'attention sur le paragraphe 46 de la résolution 61/149 de l'Assemblée générale des Nations Unies sur la lutte contre la diffamation des religions, qui demande d'accorder les ressources humaines et financières nécessaires au Rapporteur spécial pour l'accomplissement efficace et rapide de son mandat. Par ailleurs l'Union africaine est préoccupée par le fait même qu'après l'adoption de cette résolution, la diffamation des religions persiste et qu'elle est de plus en plus souvent utilisée pour d'autres objectifs. Notre devoir à tous réside dans la lutte contre les origines de ce fléau où les religions se trouvent prises en otage à des fins politiques voire même économiques, a dit la représentante.

M. LELOHANG MOQHALI (Lesotho) a souligné que les attaques terroristes du 11 septembre 2001 contre les États-Unis n'ont jamais été approuvées par le Gouvernement du Lesotho. Toutefois, le Gouvernement du Lesotho est préoccupé par ce qui a surgi après ces attaques, à savoir l'islamophobie. Pourquoi les musulmans devraient-ils souffrir des actes commis par une fraction de leur communauté ? Jette-t-on tout un sac de pommes de terre sous prétexte que l'on a trouvé dans ce sac une pomme de terre avariée ? Le représentant du Lesotho a par ailleurs souhaité connaître les commentaires du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme au sujet de l'affiche raciste apparue en Suisse montrant des moutons blancs expulsant un mouton noir. Enfin, le représentant du Lesotho a préconisé que le Conseil demande au Rapporteur spécial de faire rapport sur la christianophobie, tant il est vrai que les chrétiens eux non plus ne peuvent parfois pas jouir de leur liberté de religion.

M. BENNY SIAHAAN (Indonésie) a déploré que les médias dans certains pays contribuent à renforcer les stéréotypes. Les considérations éthiques et politiques ont un rôle important à jouer dans la lutte contre la discrimination raciale et religieuse, toutefois la dimension culturelle ne doit pas être passée sous silence. L'Indonésie aimerait savoir si M. Diène pense que le fait de légitimer l'hostilité et l'intolérance politique est la véritable raison de ce surcroît d'intolérance. Estime-t-il que l'on peut imposer une obligation aux États pour inverser la tendance?

M. ARJAN HAMBURGER (Pays-Bas) a exprimé ses réserves à l'égard d'une conclusion du rapport de M. Diène où le Rapporteur spécial impute au «sécularisme dogmatique» et à la séparation de l'Église et de l'État ayant cours dans les pays européens l'apparition d'une culture antireligieuse et d'intolérance contre toute les pratiques religieuses. Le représentant a déclaré ne reconnaître ni son pays, ni l'Europe dans une telle description. Il a fait état du grand nombre d'écoles confessionnelles existant aux Pays-Bas, où les élèves sont inscrits selon les désirs de leurs parents, une situation qui n'est pas unique en Europe. En outre, deux partis politiques fondés sur une croyance religieuse font actuellement partie du gouvernement de coalition.

M. MOHAMMED LOULICHKI (Maroc) a félicité M. Diène pour la manière lucide, équilibrée et percutante avec laquelle il continue de traiter une question d'actualité sensible, personne de pouvant nier le caractère actuel des manifestations de racisme et de discrimination visant les religions et en particulier l'islaM. Il faut mettre en échec la tendance à l'instrumentalisation politique et électoraliste de ces manifestations de racisme, a souligné le représentant marocain. Le Maroc, pour sa part, a fait de la garantie du libre exercice des religions un principe constitutionnel, a-t-il fait valoir. Il a indiqué avoir pris connaissance avec grand intérêt des recommandations contenues dans le rapport de M. Diène; s'il en est une sur laquelle il faut insister, a-t-il souligné, c'est celle visant à engager une réflexion plus approfondie au sujet des articles 18 à 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

M. IDHAM MUSA MOKTAR (Malaisie) a relevé que ce rapport est utile car il éclaire le Conseil sur un phénomène de plus en plus perturbant. La Malaisie a toujours fait preuve de sensibilité pour ce qui est des questions de sensibilité religieuse et raciale. Le représentant a déclaré que la référence à la Malaisie dans le rapport n'est pas exacte et n'est pas un reflet précis de la situation. Le Gouvernement permet la construction de lieux de culte et apporte même un appui financier. Toutefois, ces constructions doivent respecter l'aménagement du territoire. Le représentant a par ailleurs fait valoir que la Malaisie a mis en œuvre des mesures visant à surmonter le problème de la diffamation de la religion. Il a enfin estimé que les recommandations du Rapporteur spécial contribue efficacement à l'examen par le Conseil du problème de la diffamation des religions.

MME LADA PHUMAS (Thaïlande) a estimé que la lutte contre la diffamation des religions doit prendre en compte les causes profondes du phénomène. Dans le même temps, il convient de promouvoir la lutte contre toutes les formes de haines et de discrimination. Dans ce contexte, la représentante a demandé à M. Diène son opinion quant aux discriminations qui sont le fait des acteurs non-étatiques, un problème qui dépasse largement les conclusions du rapport. La représentante a indiqué que son propre pays est à majorité bouddhiste, et que des citoyens d'origines et de confessions très variées y cohabitent en paix. La tolérance religieuse et raciale est encouragée afin de promouvoir la prospérité et le bien-être de la nation en général.

M. OMER BERZINJI (Iraq) a exprimé l'espoir que le Conseil élabore une recommandation contraignante visant à bannir l'islamophobie. Les musulmans du monde entier souffrent de discrimination, a-t-il insisté. Des images sacrées pour les musulmans ont été bafouées et cela devrait être considéré comme un crime, a-t-il souligné. Il faut promouvoir une culture de tolérance et encourager la liberté d'expression et de religion, la liberté d'expression devant être au service du peuple et non le contraire, a poursuivi le représentant iraquien. La liberté d'opinion ne signifie pas qu'une personne puisse voir sa religion bafouée - ce genre de pratiques suscitant de profondes amertumes. N'y a-t-il pas d'autres moyens de s'exprimer que d'humilier la foi d'autrui, a demandé le représentant iraquien?

MME SILVIA ESCÓBAR (Espagne) a indiqué que la diversité sociale, politique et religieuse enrichit la vie des citoyens. L'Espagne rejette le concept de conflit de civilisations. La représentante a attiré l'attention sur l'initiative de l'Alliance des civilisations. Ce réseau entre les États et la société civile consiste à créer des liens en vue d'établir un dialogue entre les cultures et promouvoir la tolérance. Un autre objectif est de donner plus de visibilité au projet de coopération entre les civilisations. L'Alliance des civilisations tiendra sa première réunion annuelle en janvier prochain à Madrid, a rappelé la représentante espagnole.

M. ANDRZEJ MISZTAL (Pologne) a déclaré que son pays a toujours placé la tolérance culturelle et religieuse au cœur des ses valeurs sociales. Depuis le Moyen âge, la Pologne a été un refuge pour les victimes de persécutions religieuses. Aujourd'hui, la Constitution polonaise défend explicitement la liberté de conscience et de religion. En outre, l'incitation à la haine raciale ou religieuse est criminalisée par le Code pénal, avec à la clé des peines pouvant atteindre cinq ans de privation de liberté, a expliqué le représentant. Par ailleurs, il est vrai que la Pologne est confrontée, comme d'autres pays démocratiques, à des manifestations d'intolérance. Cela ne signifie pas que ces opinions sont celles de la majorité de la population polonaise, ni à plus forte raison celles du Gouvernement, a assuré le représentant.

M. A. ESHRAGH JAHROMI (Iran) a souligné que la recrudescence de la violence xénophobe et la création de partis politiques sur une base raciste et xénophobe constituent des tendances préoccupantes. La tendance accrue à la diffamation des religions sape la coexistence pacifique entre les religions, a-t-il ajouté. Le droit à la liberté d'expression n'est pas un droit absolu et ne devrait pas être utilisé pour inciter à la haine raciale, a poursuivi le représentant iranien. Il a notamment dénoncé le cas récent de caricatures diffamatrices en Suède. Il faudrait élaborer une convention pour lutter contre la diffamation des religions et l'avis du Rapporteur spécial à ce sujet serait le bienvenu, a ajouté le représentant iranien.

M. SILVANO TOMASI (Saint-Siège) a indiqué que la communauté internationale est confrontée à la tâche difficile de trouver un équilibre entre la liberté d'expression et la liberté de religion. Le développement de la protection et de la promotion de tous les droits fondamentaux montre que la liberté religieuse peut constituer une passerelle entre les différentes catégories de droits humains. Le fait de manifester une religion ne devrait pas limiter les droits civils, politiques, sociaux, économiques et culturels. Le Conseil doit se pencher sur le problème et doit lancer un appel pour éviter les cas de discrimination et de diffamation des religions. L'action internationale et l'initiative des États doivent servir de garants du libre exercice des religions.

M. ABDUL WAHAB HAIDARA (Sénégal) a constaté que des contacts sont pris au niveau institutionnel entre gouvernements et organisations politiques et qu'ils devraient être accompagnés par des initiatives sur le terrain avec l'implication de la société civile et des populations pour favoriser le respect de la diversité des cultures et des religions. C'est pourquoi le Sénégal soutient la promotion du dialogue interculturel et interreligieux qu'appellent de leurs vœux aussi bien le Rapporteur spécial M. Diène que le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction Mme Asma Jahangir. Le représentant a demandé à M. Diène s'il avait des suggestions quant au format qui conviendrait le mieux pour ce dialogue entre les cultures et les religions.

M. DANIEL ULMER (Canada) a souligné que l'intolérance religieuse est un grand motif de préoccupation pour tous. La diversité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse est un élément essentiel du travail de promotion et de protection des droits de l'homme réalisé par le Canada tant au plan national qu'à l'étranger. Le Canada demande à tous les pays de respecter la liberté de pensée, de conscience et de religion pour tous. Tous les États devraient aussi respecter le droit à la liberté d'expression, reconnu à l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et toute discussion sur cette question devrait inclure le Rapporteur spécial sur le droit à la liberté d'opinion et d'expression, a estimé le représentant canadien.

M. MICHEL FORST (Comité international de coordination des institutions nationales des droits de l'homme) a rappelé que les institutions nationales sont engagées depuis longtemps dans un combat contre le racisme et toutes les formes de discrimination. La diffamation des religions ne sert pas la cause de la liberté d'expression. Le représentant a estimé que le Rapporteur spécial sur la liberté d'expression devrait être invité à la Conférence de suivi de Durban. Il a par ailleurs souligné qu'il fallait mettre en place des plans nationaux de lutte contre le racisme et mettre au point des législations et des politiques claires et ambitieuses pour combattre ce qui n'est ni une opinion, ni une conviction, mais un délit qui doit être réprimé par le Code pénal. Le dialogue interculturel ou religieux doit commencer au plan national avant de se poursuivre sur le plan international.

M. WIKO W.K. LAMAIN (Foundation of Japanese Honorary Debts) est revenu sur le problème des «femmes de réconfort» hollandaises utilisées par l'armée japonaise lors de la deuxième guerre mondiale, observant que les critères de sélection de ces femmes étaient de nature raciste. Or le Japon n'a toujours pas rendu compte de ses actes, qui méritent de passer devant les tribunaux. Le Japon doit admettre les faits et accorder des compensations aux victimes, a demandé le représentant.

M. RONALD BARNES (Indian Council of South America) a souligné que les peuples autochtones ont souvent été victimes de discrimination religieuse. Il a par ailleurs rappelé que l'Église catholique avait été utilisée, par le biais des bulles papales, comme instrument idéologique visant à justifier la dépossession des autochtones de leurs territoires et de leur souveraineté voire à commettre un génocide contre ces populations. Le représentant a en outre souligné que les États-Unis continuent de nier l'exercice de droits légitimes à l'autodétermination. Le Conseil devrait donc élargir le mandat du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme afin de lui permettre de se pencher sur les cas persistants de négation du droit des autochtones à la terre et aux ressources.

MME GENEVIÈVE JOURDAN (Association of World Citizens) a rappelé que, ces derniers mois, dans l'entourage direct de cette enceinte, des affiches se sont mises à proliférer. Leur graphisme est tétanisant tant il évoque la propagande du fascisme montant des années 1930 et exprime la haine de l'étranger. Étant donné qu'il est estimé que la connaissance de la Convention contre le racisme et la discrimination raciale ne dépasserait pas 10 % parmi les populations européennes, il semblerait urgent et pertinent que gouvernements et populations se concertent pour en améliorer sa connaissance.

M. DOUDOU DIÈNE, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, a répondu aux questions et observations en remarquant la profondeur historique de l'intolérance religieuse et son inscription au plus profond des consciences. Le Conseil doit donc faire avancer l'application des normes et instruments internationaux, tout en tenant compte du contexte particulier de «paix froide» entre religions qui s'est instauré depuis le 11 septembre 2001. Les États doivent aller plus loin que la loi et s'attacher à agir sur les causes profondes de l'intolérance religieuse. En outre, la situation actuelle est de fait très préoccupante, compte tenu de la théorisation de l'islamophobie à laquelle on assiste, a précisé le Rapporteur spécial. L'enjeu de la relation complexe entre libertés de religion et d'expression doit être traité dans tous les mécanismes du Conseil. Les phénomènes d'intolérance religieuse sont variés et complexes: la mise sur pied d'un observatoire au sein du Haut Commissariat aux droits de l'homme permettrait de mieux cerner la question et d'y répondre, a conclu M. Diène.

Examen, rationalisation et amélioration des mandats de procédures spéciales

Groupe de travail sur la détention arbitraire

MME LEÏLA ZERROUGUI, Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur la détention arbitraire, a rappelé que son Groupe de travail avait été créé en 1991 avec pour mandat d'enquêter sur les cas de détention imposée arbitrairement ou de toute autre manière incompatible avec les normes internationales pertinentes énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l'homme ou dans les instruments de droit internationaux pertinents acceptés par les États concernés. Mme Zerrougui a rappelé qu'en 1997, la Commission des droits de l'homme avait redéfini le mandat du Groupe en l'élargissant aux questions ayant trait à la rétention administrative des demandeurs d'asile et des immigrants. Le mandat du Groupe de travail porte donc sur les privations de liberté tant administratives que judiciaires et, à l'intérieur de cette dernière catégorie, sur les privations de liberté imposées avant ou après le verdict final. Une des valeurs ajoutées des procédures spéciales, a fait valoir Mme Zerrougui, est que leurs titulaires sont habilités à agir à la suite d'une plainte pour violation des droits de l'homme, en se fondant sur des préoccupations prima facie et sans qu'il soit nécessaire que les recours internes aient été épuisés. Le mandat confié au Groupe de travail sur la détention arbitraire est spécifiquement juridique, puisqu'il porte sur le contrôle de la légalité de la détention et des garanties procédurales, a rappelé la Présidente-Rapporteuse.

Mme Zerrougui a souligné que le Groupe de travail a développé des critères qui permettent de se prononcer sur le caractère arbitraire de la détention de façon objective. Il a aussi élaboré une procédure quasi-juridictionnelle d'examen des communications individuelles et a adopté des délibérations et des avis juridiques qui lui permettent d'apprécier des situations de privation de liberté de portée générale. Ce faisant, le Groupe contribue à l'interprétation et à la mise en œuvre des normes applicables à la privation de liberté et à un plus grand respect de tous les droits de l'homme. Cet exercice a permis d'analyser avec pertinence la pratique de la détention arbitraire par les États et d'identifier les causes récurrentes qui perpétuent ou aggravent cette pratique. Durant ses seize années d'existence, a indiqué Mme Zerrougui, le Groupe de travail a émis plus de 600 opinions sur des cas provenant de tous les grands systèmes juridiques, ce qui lui a permis aussi d'identifier les meilleures pratiques dans le domaine, contribuant par la même occasion à l'aspect préventif de son travail. Comme toutes les procédures spéciales, a poursuivi Mme Zerrougui, le Groupe de travail effectue des missions dans les pays qui acceptent de le recevoir. Il reste néanmoins un des rares, sinon le seul, mécanisme international universel qui puisse visiter des lieux de détention pour s'enquérir non pas des conditions de détention mais de la légalité de la détention et du statut juridique des détenus, a fait valoir la Présidente-Rapporteuse. À ce jour, a-t-elle poursuivi, le Groupe a effectué 25 visites dans 22 pays. La liste des pays visités démontre que le principe de non-sélectivité est pris en considération dans le choix des pays à visiter, a-t-elle souligné. Le phénomène de la détention arbitraire reste malheureusement un problème universel, a-t-elle conclu.

La Présidente du Groupe de travail sur la détention arbitraire a fait savoir que le Groupe de travail est invité à se rendre en Angola par le Gouvernement de ce pays et s'y rendra donc la semaine prochaine, de sorte que la Présidente-Rapporteuse ne sera pas en mesure d'assister au débat sur ce mandat.

Rapporteur spécial sur la liberté de religion

MME ASMA JAHANGIR, Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, a indiqué que son mandat, dont la mission n'est pas seulement de combattre l'intolérance religieuse mais aussi de promouvoir la liberté de religion ou de croyance, est vital pour la réalisation de la vision holistique des droits de l'homme et pour les procédures spéciales. La Rapporteuse spéciale a préparé plusieurs rapports et fait de nombreuses communications où elle montre comment les violations de la liberté de religion ou de croyance s'accompagne souvent de violations d'autres droits, y compris civils et politiques, ainsi qu'économiques, sociaux et culturels. Mme Jahangir s'est félicitée de la collaboration des différents titulaires de mandats, en particulier grâce à l'harmonisation des procédures internes, qui témoignent de la force du système des procédures spéciales. Cependant l'efficacité du mandat ne peut être mesurée qu'en termes statistiques. Le mandat a permis d'affiner les certains concepts des droits de l'homme et s'est efforcé de trouver des réponses à certaines questions complexes.

Mme Jahangir a ajouté que dans ses rapports, elle s'était souvent plainte du fait que la liberté de religion ou de croyance n'est pas garantie pour de nombreuses personnes dans le monde. En fait, le contexte qui a suivi les événements du 11 septembre 2001 a rendu la situation encore plus complexe: l'intolérance religieuse a augmenté et la tolérance réduite à la portion congrue. Par ailleurs, le mandat a attaché une attention particulière à la protection de la liberté de religion ou de croyance des groupes vulnérables (femmes, personnes détenues, réfugiés, enfants, minorités et migrants), un thème abordé dans le dernier rapport. Mme Jahangir s'est félicitée d'échanges fructueux avec des représentants de plusieurs gouvernements, qui ont permis d'identifier des dispositions juridiques potentiellement problématiques. Mme Jahangir a espéré que la révision des mandats permettrait de préserver la force du système des procédures spéciales et que l'indépendance des titulaires pourra être préservée.

Débat

M. FRANCISCO XAVIER ESTEVES (Portugal au nom de l'Union européenne) a salué le travail de la Rapporteuse spéciale, Mme Jahangir. Il est évident que le droit à la liberté de religion est souvent violé et qu'il n'est protégé qu'avec réticence. L'Union européenne propose de renouveler le mandat de la Rapporteuse spéciale pour trois ans. L'Union européenne félicite Mme Jahangir pour les outils qu'elle a mis au point, et en particulier le cadre pour les communications et le lien mis en ligne sur le site internet du Haut-Commissariat. L'Union européenne aimerait savoir ce qui devrait être la priorité pour les titulaires de mandats au cours des trois prochaines années. La Rapporteuse spéciale envisage-t-elle également un rôle dans ce prochain mandat pour travailler dans le domaine de la prévention.

M. MARGHOOB SALEEM BUTT (Pakistan, au nom de l'Organisation de la Conférence islamique) a souligné que l'OCI accorde une grande importance au mandat sur la liberté de religion ou de conviction, qui revêt une importance particulière dans le contexte de l'«après 11 septembre». Suite à la déclaration que vient de faire l'Union européenne en tant que parrain du projet de résolution qui portera sur ce mandat, l'OCI tient à souligner qu'elle est désireuse de participer activement aux négociations qui devraient avoir lieu dans les jours à venir s'agissant de ce mandat. Toutes les résolutions présentées dans le cadre du processus d'examen des mandats - et pas seulement celle portant sur ce mandat précis – doivent faire référence à l'exercice des mandats conformément au Code de conduire récemment approuvé par le Conseil, a affirmé le représentant pakistanais.

M. TERRY CORMIER (Canada) a rappelé que le respect de la diversité culturelle, linguistique, ethnique et religieuse est l'un des principes fondamentaux sur lesquels reposent les efforts du Canada pour promouvoir et assurer la protection des droits de l'homme. Le mandat de la Rapporteuse spéciale est crucial pour que puisse être respectée le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Le Canada est profondément préoccupé par les pratiques discriminatoires actuelles. Beaucoup d'efforts doivent être déployés aux niveaux national et international pour éliminer l'intolérance et la discrimination basée sur la religion. Le Canada appuie le mandat de la Rapporteuse spéciale.

MME MARION KAPPEYNE VAN DE COPPELLO (Pays-Bas) a déclaré que les religions jouent un rôle important dans la vie des gens; depuis longtemps, les Pays-Bas s'attachent à promouvoir le droit à la liberté de religion ou de conviction, en particulier le droit d'adopter ou de renoncer à une religion spécifique. Les Pays-Bas estiment que la manière dont ce droit est appuyé par un gouvernement donne une idée de la situation des droits de l'homme dans ce pays. Un gouvernement qui persécuterait des minorités religieuses au mépris du droit, national ou international, témoignerait d'un mépris pour la légalité. La représentante a demandé à Mme Jahangir quels défis elle voyait se dresser devant le mandat ces prochaines années; comment le Rapporteur spécial pourrait améliorer la protection des groupes vulnérables contre les violations de leur droit individuel à la religion; et quelles mesures elle préconise pour l'octroi de responsabilités religieuses à des femmes.

MME MARINA KORUNOVA (Fédération de Russie) a rappelé que son pays avait appuyé en son temps la création du mandat portant sur la liberté de religion ou de conviction. Or, ce thème est de plus en plus d'actualité, de sorte que la Fédération de Russie se prononce en faveur du renouvellement de ce mandat, a-t-elle indiqué. Dans le même temps, la Fédération de Russie tient à souligner que le problème n'est pas dans la teneur de tel ou tel mandat mais bien dans la manière dont son titulaire, une fois en poste, interprète ce mandat. Il convient à cet égard d'insister sur l'importance que revêt le Code de conduite adopté par le Conseil le 18 juin dernier, a déclaré la représentante russe.

MME NATHALIE KOHLI (Suisse) a dit que son pays soutenait le renouvellement du mandat sur la liberté de religion ou de conviction, estimant qu'il est déjà assez large pour traiter de toutes les questions liées à l'élimination des formes de discrimination fondées sur la religion. Toute tentative de redéfinir le mandat risquerait d'en limiter la portée, a estimé la représentante. La Suisse appelle tous les États à transmettre une invitation permanente à tous les titulaires de mandats, a conclu la représentante.


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