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COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE : DIALOGUE AVEC LA NOUVELLE-ZÉLANDE AU TITRE DES PROCÉDURES SPÉCIALES

Compte rendu de séance
Le Comité examine la nouvelle loi sur les côtes et les fonds marins adoptée par la Nouvelle-Zélande le 17 novembre dernier

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a eu, ce matin, au titre de ses procédures d'action urgente et d'alerte rapide, un dialogue avec la Nouvelle-Zélande au sujet de l'adoption récente par ce pays d'une loi sur les côtes et les fonds marins.

L'origine du déclenchement de la procédure d'alerte rapide à ce sujet remonte à la requête que trois organisations non gouvernementales maories avait adressée au Comité, en juillet 2004, afin qu'il demande au Gouvernement néo-zélandais de retirer ce qui était alors un projet de loi sur les côtes et les fonds marins. Mme Patricia Nozipho January-Bardill, coordinatrice du Groupe de travail sur les procédures d'action urgente et d'alerte rapide, a expliqué ce matin que les organisations non gouvernementales maories considéraient que ce projet de loi constituait une discrimination à l'égard des Maoris en ce sens qu'il allait effectivement éteindre les droits de propriété maoris sur les côtes et les fonds marins. Ce texte a finalement été adopté le 17 novembre 2004.

Le Représentant permanent de la Nouvelle-Zélande auprès des Nations Unies à Genève, M. Tim Caughley, s'est dit heureux que le Comité entende ici jouer un rôle utile, ce qui, eu égard à l'indépendance de cet organe, doit sans aucun doute être compris comme «utile pour toutes les parties concernées», à savoir l'État, les Maoris et tous ceux ayant un intérêt dans les 20 000 kilomètres de côtes de la Nouvelle-Zélande et la zone marine correspondante. Les préoccupations soulevées par certains Maoris s'agissant du risque de conflit racial, qui ont suscité l'intérêt initial du Comité en août dernier, ne se sont pas concrétisées, a notamment fait valoir M. Caughley. Il a rappelé qu'après une période de consultations intensives avec toutes les parties intéressées le Gouvernement a finalement décidé, en novembre dernier, d'adopter la loi sur les côtes et les fonds marins, qui a été soutenue par 16 des 19 membres maoris du Parlement. L'objet de la loi est de préserver la côte et les fonds marins publics en tant qu'héritage commun de tous les Néo-zélandais. La propriété de la Couronne s'étend sur toute la côte et tous les fonds marins à l'exception des zones couvertes par des titres privés détenus par des citoyens, y compris des Maoris. Les droits coutumiers peuvent être reconnus et protégés par le biais de décrets de droits coutumiers pouvant exister parallèlement à la propriété de la Couronne sur les côtes et fonds marins publics, a expliqué M. Caughley.

La délégation néo-zélandaise était également composée de représentants du Bureau juridique de la Couronne; du Département du Premier Ministre et du Cabinet; et de la Mission permanente de la Nouvelle-Zélande auprès des Nations Unies à Genève.

En qualité de Rapporteur chargé de l'examen du dernier rapport présenté par la Nouvelle-Zélande, M. Patrick Thornberry a notamment relevé que la loi sur les fonds marins et les côtes est finalement entrée en vigueur le 17 novembre 2004 alors que le tribunal Waitangi avait auparavant estimé que la position du Gouvernement comportait des lacunes. Il semblerait que le processus législatif ait été très rapide, a-t-il ajouté. Était-il vraiment impératif de légiférer; n'y avait-il pas d'autre alternative pour garantir l'accès public aux zones visées, s'est interrogé M. Thornberry? Le nouveau régime prévoit moins de droits pour les Maoris et, de plus, les droits qui leur sont accordés sont limités, a-t-il ajouté.

Concluant ce dialogue, la délégation a tenu à assurer le Comité qu'il n'y a pas de changement en ce qui concerne le ferme engagement de la Nouvelle-Zélande à l'égard de l'application du droit et des droits de l'homme.

Le Comité présentera ses conclusions sur ce dialogue d'ici la fin de la présente session.

Eu égard aux difficultés rencontrées par la délégation du Nigéria, qui n'est pas en mesure de se présenter devant le Comité cet après-midi comme cela était initialement prévu, le bureau du Comité a pris la décision de principe qu'avec l'accord de la délégation de ce pays, l'examen du rapport du Nigéria serait renvoyé au mois d'août prochain. Cet après-midi, à 15 heures, le Comité recevra notamment des informations concernant les travaux du Groupe intergouvernemental de travail chargé du suivi de Durban.


Aperçu du dialogue avec la délégation de la Nouvelle-Zélande au titre des procédures d'action urgente et d'alerte rapide

MME PATRICIA NOZIPHO JANUARY-BARDILL, en tant que coordinatrice du Groupe de travail sur les procédures d'action urgente et d'alerte rapide, a expliqué les circonstances qui ont abouti au dialogue de ce matin avec la Nouvelle-Zélande en rappelant qu'en juillet 2004, trois organisations non gouvernementales maories (Te Rünanga o Ngäi Tahu, la Treaty Tribes Coalition, et le Taranaki Mäori Trust Board) ont demandé au Comité d'invoquer sa procédure d'alerte rapide afin de demander au Gouvernement néo-zélandais qu'il retire son projet de loi portant sur la côte et les fonds marins de Nouvelle-Zélande, qui entendait décréter la pleine et entière propriété juridique de la Couronne sur ces zones. Le Gouvernement, en préparant ce projet de loi, avait indiqué qu'il reposait notamment sur les principes d'accès ouvert de tous les Néo-Zélandais aux côtes et fonds marins; de protection des intérêts coutumiers existants et des intérêts spécifiques; et de réglementation de ces zones.

Les organisations non gouvernementales qui ont présenté cette demande ont considéré que ce projet de loi constituait une discrimination à l'égard des Maoris en ce sens qu'il allait effectivement éteindre les droits de propriété maoris sur les côtes et les fonds marins en retenant les titres privés enregistrés. Dans une lettre adressée au Gouvernement néo-zélandais au mois d'août 2004, le Comité avait demandé des informations complémentaires concernant le projet de loi en discussion, qui en était alors encore au processus d'adoption. Le Comité avait également demandé des précisions quant au calendrier envisagé pour l'adoption de ce texte, des sources non gouvernementales ayant indiqué que cette adoption pourrait intervenir avant le 31 décembre 2004. En septembre 2004, le Gouvernement néo-zélandais a répondu à la demande du Comité en fournissant des informations sur le projet de loi et le calendrier y afférent et en répondant aux allégations lancées par les trois organisations non gouvernementales requérantes. Le Gouvernement avait alors rejeté les allégations d'effets discriminatoires de ce projet de loi.

En décembre 2004, deux des organisations maories requérantes ont alors réitéré leurs préoccupations s'agissant de ce qui était désormais devenu la loi sur les côtes et fonds marins de 2004; elles ont en outre affirmé que cette loi différait du projet de loi dans quatre domaines qui la rendaient encore plus restrictive pour les Maoris. Le Gouvernement a alors transmis le 17 février 2005 une réponse complémentaire dans laquelle étaient notamment remises en cause les bases sur lesquelles la procédure d'alerte rapide avait été invoquée. Le Groupe de travail sur les procédures d'urgence et d'alerte précoce apprécie le sérieux avec lequel le Gouvernement néo-zélandais a répondu aux préoccupations du Comité en envoyant une délégation pour répondre aux experts dans le cadre d'un dialogue direct, a déclaré Mme January-Bardill. Elle a indiqué que le Groupe de travail a été heureux d'apprendre que le prochain rapport périodique de la Nouvelle-Zélande serait présenté à la fin de l'année 2005.

M. TIM CAUGHLEY, Représentant permanent de la Nouvelle-Zélande auprès des Nations Unies à Genève, s'est dit heureux que le Comité entende ici jouer un rôle utile, ce qui, eu égard à l'indépendance de cet organe, doit sans aucun doute être compris comme «utile pour toutes les parties concernées», à savoir la Couronne (c'est-à-dire l'État), les Maoris et tous ceux ayant un intérêt dans les 20 000 kilomètres de côte de Nouvelle-Zélande et la zone marine y associée. Les préoccupations soulevées par certains Maoris s'agissant du risque de conflit racial, qui ont suscité l'intérêt initial du Comité en août dernier, ne se sont pas concrétisées, a fait valoir M. Caughley.

Le Représentant permanent de la Nouvelle-Zélande a rappelé que l'élaboration de la loi sur les côtes et les fonds marins a découlé de la décision de la Cour d'appel de juin 2003 dans l'affaire Ngati Apa c. le Procureur général. La Cour avait estimé qu'il était théoriquement possible que le titre coutumier maori puisse l'emporter sur le titre de la Couronne. Les jugements de la Cour exprimaient également des réserves quant à la question de savoir si les Maoris pouvaient faire la preuve de leurs intérêts de propriété privée sur la côte et les fonds marins. La Cour avait relevé la forte présomption de non-exclusivité de l'utilisation, de l'occupation et de la jouissance le long de la zone marine côtière. Avant la décision Ngati Apa, le Gouvernement comprenait que la côte et les fonds marins de Nouvelle-Zélande appartenaient généralement à la Couronne. Les incertitudes issues de la décision de la Cour d'appel introduisaient un nouveau degré d'urgence s'agissant de la résolution de cette incertitude juridique. Après une période de consultations intensives avec toutes les parties intéressées et, notamment, une audience du tribunal Waitangi, le Gouvernement a décidé, en novembre dernier (soit 17 mois après la décision de la Cour d'appel), d'adopter la loi sur les côtes et les fonds marins. Cette loi a été soutenue par 16 des 19 membres maoris du Parlement. L'objet de la loi est de préserver la côte et les fonds marins publics en tant qu'héritage commun de tous les Néo-Zélandais. La propriété de la Couronne s'étend sur toute la côte et tous les fonds marins à l'exception des zones couvertes par des titres privés détenus par des citoyens, y compris des Maoris. La tendance des gouvernements successifs d'agir sur le plan législatif pour prévenir toute nouvelle aliénation de la côte et des fonds marins se poursuit dans le contexte de la loi de novembre dernier, a souligné M. Caughley. Les droits coutumiers peuvent être reconnus et protégés par le biais de décrets de droits coutumiers pouvant exister parallèlement à la propriété de la Couronne sur les côtes et fonds marins publics. La loi de novembre 2004 prévoit également un processus de reconnaissance de droits coutumiers territoriaux pour les Néo-zélandais qui peuvent se prévaloir d'une utilisation et d'une occupation exclusives d'une partie des côtes et fonds marins publics depuis 1840. La loi établit de nouvelles juridictions aux fins de l'octroi de ces droits, a précisé M. Caughley. En vertu de la loi du 17 novembre 2004, a-t-il ajouté, les sites sacrés (wahi tapu) et les sites ayant une signification particulière qui sont associés à un décret de droits coutumiers peuvent être protégés d'un accès public inapproprié.

Afin d'éviter tout malentendu quant à l'impact de la loi sur les côtes et fonds marins sur le règlement des revendications passés, actuelles et futures associées à un traité historique, M. Caughley a souligné que la loi de novembre 2004 traite de la reconnaissance des droits coutumiers en cours, qui continuent d'être exercés aujourd'hui, alors que le Bureau des règlements concernant les traités (Office of Treaty Settlements) continuera de traiter du règlement des revendications historiques associées au Traité de Waitangi. Une disposition spécifique de la loi stipule que rien dans cette loi n'affecte les règlements d'un traité passé ni les négociations actuelles ou futures visant le règlement d'une revendication historique. La loi stipule expressément, par exemple, que les droits de pêche existants sont préservés. Elle instaure un régime visant à reconnaître les droits coutumiers existants, a insisté M. Caughley.

M. PATRICK THORNBERRY, en qualité de rapporteur chargé de l'examen du dernier rapport en date de la Nouvelle-Zélande, a relevé que ce cas ressemble quelque peu au cas australien que le Comité avait examiné il y a quelques années. Ce cas concerne les droits autochtones et le droit coutumier portant sur les fonds marins et les côtes, a poursuivi l'expert. La loi sur les fonds marins et les côtes est entrée en vigueur le 17 novembre 2004, a-t-il rappelé. Pourtant, le tribunal Waitangi avait auparavant estimé que la position du Gouvernement comportait des lacunes. Ce tribunal a notamment souligné que les territoires coutumiers peuvent parfois être transformés en titres fonciers maoris. Il semblerait donc que le processus législatif ait été très rapide, une procédure d'urgence semblant avoir été invoquée. Si l'on se réfère aux observations finales du Comité en date de 2002, on constate que rien n'était dit sur ces questions, ce qui semble attester que ce sujet précis n'était pas alors dans la ligne de mire du Comité, a fait observer M. Thornberry. Revenant sur la décision Ngati Apa de la Cour d'appel de Nouvelle-Zélande (2003), M. Thornberry s'est demandé si la loi qui était en vigueur avant cette décision ne pêchait pas par excès d'optimisme. Pourquoi s'être précipité pour prendre une décision après la décision Ngati Apa? Était-il vraiment impératif de légiférer? N'y avait-il pas d'autre alternative pour garantir l'accès public aux zones visées, s'est interrogé M. Thornberry? Le nouveau régime prévoit moins de droits pour les Maoris et, de plus, les droits qui leur sont accordés sont limités, a relevé l'expert. Le tribunal de Waitangi a conclu que lorsque des droits sont supprimés, il faut une indemnisation, a rappelé M. Thornberry.

Un autre membre du Comité a souhaité savoir qui sont aujourd'hui les sujets de la Couronne; s'agit-il uniquement des personnes qui sont venues s'installer sur les îles néo-zélandaises, les colons, ou bien cela englobe-t-il également les personnes qui y vivaient déjà auparavant?

S'agit-il ici d'une expropriation, d'une nationalisation, a souhaité savoir un expert? Une société libérale n'a pas pour vocation d'exproprier, a rappelé cet expert. Les Maoris peuvent-ils être expropriés du fait d'un conflit entre droit moderne et droit coutumier, a-t-il insisté?

La délégation a affirmé qu'il est inexact que la loi de novembre 2004 sur la côte et les fonds marins constituerait une extinction générale de tous les droits fonciers et coutumiers sur les zones visées. Cette loi prévoit notamment un régime de remplacement assorti d'un mécanisme permettant d'identifier les intérêts fonciers.

À ceux qui jugent draconiens, en comparaison à ceux de l'Australie ou du Canada, les critères fixés en Nouvelle-Zélande pour la reconnaissance des droits coutumiers, la délégation a fait observer que les critères fixés dans le pays sont repris de la jurisprudence canadienne en la matière. Pour pouvoir être invoqué, un droit coutumier doit être existant, c'est-à-dire qu'il ne doit pas être éteint, conformément aux exigences de la common law, a précisé la délégation.


Dans le cadre du processus de règlement de Waitangi, c'est la notion de réparation qui est utilisée, a rappelé la délégation. Il s'agit d'assurer toute la souplesse voulue à des systèmes qui, plutôt que d'indemnisation (sous forme uniquement d'argent), sont fondés sur la réparation. La réparation se manifeste notamment par la reconnaissance d'intérêts des Maoris à utiliser les fonds marins et les côtes. La délégation a assuré que les négociations portant sur la question de la réparation sont menées de bonne foi, en tout cas de la part du Gouvernement. Le Comité en sera tenu informé, a assuré la délégation.

À ceux qui affirment que le Gouvernement s'est empressé d'adopter la loi de novembre 2004 après la décision de la Cour d'appel dans l'affaire Ngati Apa, la délégation a rappelé que le cas Ngati Apa a été réglé en juin 2003, soit 17 mois avant l'adoption de la loi.

En conclusion, la délégation a tenu à assurer le Comité qu'il n'y a pas de changement en ce qui concerne le ferme engagement de la Nouvelle-Zélande à l'égard de l'application du droit et des droits de l'homme. La Nouvelle-Zélande continue de jouer un rôle de premier plan en matière de défense des droits de l'homme tant au plan national qu'au plan international, a rappelé la délégation.


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CRD05007F