Строка навигации
Examen de la Grèce devant le Comité des droits de l’homme : la gestion des migrations est au cœur des préoccupations des experts
Le Comité des droits de l’homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport soumis par la Grèce au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation grecque venue soutenir ce rapport, un expert s’est inquiété de nombreux rapports faisant état de refoulements, ou retours forcés collectifs, qui semblent indiquer de graves violations par la Grèce de plusieurs dispositions du Pacte, s’agissant notamment de recours excessif à la force ; de traitements cruels, inhumains et dégradants ; ou encore de détention au secret dans des cadres officiels et non officiels sans garanties procédurales et juridiques minimales, et sans évaluation individuelle des besoins de protection. Les auteurs de ces actes sont apparemment des personnes appartenant aux forces de l'ordre, dont beaucoup portent des masques et certaines des armes à feu, a précisé l’expert.
Toujours selon ces rapports, a-t-il souligné, entre janvier 2020 et juin 2024, il y a eu 1452 incidents aux frontières affectant 46 649 personnes, dont 606 concernaient la frontière terrestre gréco-turque et 846 la frontière maritime gréco-turque, avec parfois des violences excessives et des pertes de vies humaines.
Le Comité, a insisté l’expert, est alarmé par les rapports qui indiquent de graves manquements de la part des autorités grecques dans la gestion des efforts de sauvetage des migrants et des demandeurs d'asile en mer, en particulier en ce qui concerne le naufrage dévastateur de Pylos dans lequel 82 corps auraient été récupérés et plus de 500 personnes sont toujours portées disparues. Le Comité a appris que l'Autorité nationale pour la transparence avait reçu plus de 200 plaintes documentées concernant des refoulements, 88 de ces plaintes concernant des incidents impliquant les gardes-côtes grecs.
Une experte a regretté, de plus, que le Comité continue de recevoir des informations selon lesquelles les défenseurs des droits de l'homme, en particulier ceux qui travaillent avec les migrants, les demandeurs d'asile et les réfugiés, et ceux qui dénoncent les refoulements, font l'objet de menaces et de poursuites pénales.
Ont été saluées au cours du dialogue les mesures prises par la Grèce en faveur de la protection des mineurs non accompagnés, y compris la mise en place d'un système national de tutelle, ainsi que la construction de nouveaux centres d’accueil et d’identification de migrants. Cependant, le Comité est informé qu'en pratique, les mineurs non accompagnés sont parfois encore détenus dans les commissariats de police et qu’ils sont soumis à de fortes restrictions de mouvement, a regretté une experte. De plus, migrants et demandeurs d'asile continuent d'être détenus dans des conditions semblables à celles d'une prison dans la plupart de ces centres, leurs conditions de vie pouvant être considérées comme équivalant à « un traitement inhumain et dégradant », a mis en garde un expert.
Un expert a d’autre part fait état de rapports crédibles indiquant que des policiers ont fait un usage excessif de la force contre des manifestants et des journalistes participant à des manifestations, et leur ont causé de graves blessures. L’expert a par ailleurs voulu savoir comment l’État empêchait que des poursuites judiciaires ne soient intentées contre des journalistes pour les faire taire.
D’autres questions ou préoccupations des experts ont porté sur la lutte contre la corruption et contre la traite des êtres humains ; sur la situation des Roms en Grèce ; ou encore sur l’indépendance de la justice.
Présentant le rapport de son pays, Mme Aikaterini Patsogianni, Secrétaire générale pour l’égalité et les droits de l’homme au Ministère de la cohésion sociale et de la famille de la Grèce, a insisté sur le fait que la protection des droits de l'homme était au cœur des politiques du pays. Ainsi, des progrès importants ont-ils été réalisés en matière d'égalité entre les hommes et les femmes, a souligné la cheffe de délégation, qui a notamment mentionné l’introduction en 2019 d’un cadre juridique complet pour promouvoir l'égalité des sexes, une stratégie nationale 2021-2030 en faveur des Roms ou encore la promulgation en 2024 de l'égalité du mariage pour tous.
Mme Patsogianni a souligné qu’en tant qu'État sur la ligne de front de l’Union européenne, la Grèce était confrontée à d’importants défis dans la gestion de la migration. Elle a insisté sur le fait que les autorités grecques chargées de l'application de la loi s'acquittaient de leurs responsabilités en matière de protection des frontières dans le respect du droit national, européen et international.
S’agissant de l'asile, la Grèce a mis en place l'un des services les plus efficaces d'Europe et continue d'améliorer ses capacités et ses infrastructures en la matière, a poursuivi Mme Patsogianni. Les installations d'accueil garantissent des conditions de vie dignes et la sécurité des personnes qui demandent l’asile ; et les requérants, en particulier les familles, les femmes réfugiées, les victimes potentielles de violences et leurs enfants bénéficient de garanties contre la traite des êtres humains et pour leur protection, a-t-elle fait valoir. De plus, a-t-elle ajouté, depuis 2021, le mécanisme national d'intervention d'urgence vient en aide à des milliers de mineurs non accompagnés dans des conditions précaires.
La délégation grecque était également composée, entre autres, de M. Ioannis Ghikas, Représentant permanent de la Grèce auprès des Nations Unies à Genève, et de nombreux représentants des Ministère de la cohésion sociale et de la famille, des affaires étrangères, de l’intérieur, de la défense, de la justice, de la protection des citoyens, des affaires maritimes et des politiques insulaires, des migrations et de l’asile, de l’éducation, et de la santé.
Au cours du dialogue, la délégation a insisté sur le fait que, depuis 2015, les gardes-côtes grecs avaient secouru 254 000 personnes. La surveillance des frontières maritimes se fait dans le respect des normes de droit international en vigueur, a-t-elle insisté, assurant que toute allégation de mauvais traitement fait l’objet d’une enquête minutieuse par des procureurs et enquêteurs indépendants. De même, la police grecque applique des directives très claires relatives au respect de la dignité des migrants arrivant en Grèce et du principe de non-refoulement, a ajouté la délégation. Aucune personne qui demande une protection internationale ne peut faire l’objet d’un renvoi avant que son cas n’ait été dûment examiné, a-t-elle assuré.
La délégation a insisté sur le fait que la Grèce faisait de son mieux pour améliorer la gestion des migrations ; elle a fait valoir la forte réduction dans le temps de traitement des demandes d’asile ainsi qu’une baisse de moitié du nombre des décès en mer – et ce dans un contexte où cette question est parfois instrumentalisée, a-t-elle souligné.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Grèce et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 7 novembre prochain.
Cet après-midi à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de la France.
Examen du rapport de la Grèce
Le Comité est saisi du troisième rapport périodique de la Grèce (CCPR/C/GRC/3), établi sur la base d’une liste de points à traiter soumise au pays par le Comité.
Présentation
Dans des remarques introductives, M. IOANNIS GHIKAS, Représentant permanent de la Grèce auprès des Nations Unies à Genève, a insisté sur les efforts déployés par son pays pour remplir ses obligations au titre du Pacte, s’agissant notamment de la garantie des procédures judiciaires, et a assuré que la Grèce s’efforçait de tout mettre en œuvre pour donner effet aux droits civils et politiques.
Présentant le rapport de son pays, MME AIKATERINI PATSOGIANNI, Secrétaire générale pour l’égalité et les droits de l’homme au Ministère de la cohésion sociale et de la famille de la Grèce, a souligné qu’en tant qu'État sur la ligne de front de l’Union européenne, la Grèce était confrontée à d’importants défis dans la gestion de la migration. Malgré ces défis, la protection des droits de l'homme reste au cœur des politiques du pays, qui a réalisé des progrès notables ces dernières années, a-t-elle assuré.
Des progrès importants ont été réalisés en matière d'égalité entre les hommes et les femmes, a notamment souligné la cheffe de délégation, mentionnant notamment la ratification par le pays de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique [ou Convention d’Istanbul] et de la Convention n°190 de l’Organisation internationale du Travail concernant l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail. De plus, a-t-elle ajouté, en 2019, la Grèce a introduit un cadre juridique complet pour promouvoir l'égalité des sexes, et le plan d'action national 2026-2030 orientera les politiques à venir, avec la contribution de la société civile.
« Au fil des ans, nous avons largement atteint l'égalité en droit » et « nous n'épargnerons aucun effort pour y parvenir également dans la pratique », a assuré la Secrétaire d’État. Elle a souligné que 2024 avait marqué une étape importante pour les droits des personnes LGBTIQ+, avec la promulgation de l'égalité du mariage pour tous. En ce qui concerne la situation des Roms, la Grèce applique activement la stratégie nationale 2021-2030, guidée par le principe « pour les Roms, avec les Roms », a ajouté Mme Patsogianni.
Dans le cadre de la lutte contre le racisme, a poursuivi la cheffe de délégation, des peines plus sévères sont appliquées aux crimes à caractère raciste. La police et les procureurs sont désormais mieux équipés pour identifier ces cas, et la collecte de données s'est améliorée, a-t-elle souligné, avant de préciser que le Conseil national contre le racisme et l'intolérance avait adopté le premier plan d'action national en décembre 2020.
S’agissant de l'asile, a indiqué la Secrétaire générale pour l’égalité et les droits de l’homme, la Grèce a mis en place l'un des services d'asile les plus efficaces d'Europe et continue d'améliorer ses capacités et ses infrastructures en la matière. Les installations d'accueil garantissent des conditions de vie dignes et la sécurité des personnes qui demandent l’asile, a-t-elle assuré. Pendant les procédures d'accueil et d'asile, les requérants, en particulier les familles, les femmes réfugiées, les victimes potentielles de violences et leurs enfants bénéficient de garanties contre la traite des êtres humains et pour leur protection, a-t-elle insisté.
De plus, a ajouté Mme Patsogianni, depuis 2021, le mécanisme national d'intervention d'urgence vient en aide à des milliers de mineurs non accompagnés dans des conditions précaires. Un nouveau système national de tutelle a été créé afin de mieux servir les demandeurs d'asile vulnérables lors de la première phase d'accueil. En outre, en 2023, le Secrétariat général des personnes vulnérables et de la protection institutionnelle a été créé au sein du Ministère des migrations et de l'asile afin de relever les défis auxquels sont confrontés les réfugiés et les migrants vulnérables.
Mme Patsogianni a insisté sur le fait que les autorités grecques chargées de l'application de la loi s'acquittaient de leurs responsabilités en matière de protection des frontières dans le respect du droit national, européen et international. Tous les États ont le droit et l'obligation de protéger leurs frontières nationales, lesquelles, dans le cas de la Grèce, constituent également les frontières de l'Union européenne, a-t-elle rappelé.
La lutte contre la traite des êtres humains est une priorité absolue pour les autorités grecques, qui travaillent en étroite collaboration avec les organisations non gouvernementales (ONG) dans le cadre d'une alliance stratégique, a poursuivi Mme Patsogianni. La protection des droits des femmes, des mineurs, des détenus étrangers, des victimes de violence domestique et des migrants, quel que soit leur statut ou leur origine ethnique, est également une priorité pour la Grèce, a-t-elle ajouté.
La Grèce a lancé plusieurs initiatives pour mettre en place un écosystème médiatique résilient et pluraliste, a d’autre part indiqué Mme Patsogianni. Ces initiatives sont axées sur la protection, la sécurité et l'autonomisation des journalistes, ainsi que sur la sensibilisation de la population au rôle important que jouent les membres de cette profession, a-t-elle précisé.
Questions et observations des membres du Comité
Le Comité avait chargé un groupe de travail composé de cinq de ses membres d’examiner le rapport de la Grèce : Mme Kobauyah Tchamdja Kpatcha, M. Laurence R. Helfer, Mme Yvonne Donders, M. Imeru Tamerat Yigezu et M. Changrok Soh.
MME TCHAMDJA KPATCHA a tout d’abord souhaité en savoir davantage sur la sensibilisation des juges, avocats et policiers aux dispositions du Pacte, et sur le nombre d'affaires dans lesquelles les dispositions du Pacte ont été invoquées par les tribunaux.
L’experte a ensuite demandé pendant combien de temps les procédures d'asile avaient été suspendues en raison des restrictions imposées pendant la pandémie de COVID-19. Les mesures prises à cet égard auraient eu des implications très larges sur les droits humains des demandeurs d'asile, des réfugiés et des migrants, soumis notamment à des quarantaines obligatoires, a-t-elle relevé. Selon certaines informations, a-t-elle ajouté, les autorités auraient invoqué la pandémie « pour promouvoir leur programme de centres fermés et de détention générale, et pour renforcer leur politique frontalière stricte ».
Mme Tchamdja Kpatcha a salué l’arrêt rendu par la Cour d'appel d'Athènes en octobre 2020 contre le parti néonazi « Aube dorée ». Relevant que, dans le rapport de l’Etat partie, des données chiffrées ont été produites sur les incidents présumés à caractère racistes enregistrées, elle a fait observer qu’il ressort toutefois des renseignements reçus que des poursuites ne sont pas assez engagées pour sanctionner les auteurs des faits repréhensibles et que tous les incidents ne seraient pas signalés par les victimes du fait de la peur, des traumatismes persistants et du manque de confiance dans les autorités. L’experte a demandé ce qui était fait pour que les victimes de crimes de haine aient un accès à des services d'appui, y compris un soutien psychologique, social et médical.
Mme Tchamdja Kpatcha a par ailleurs exprimé des préoccupations relatives au service civil de remplacement qui, en Grèce, resterait punitif et discriminatoire par rapport au service militaire, en termes de durée, de coût et de lieu de service.
S’agissant de la situation des Roms, l’experte s’est enquise des mesures prises pour limiter le recours aux expulsions forcées, et a souhaité savoir combien de familles roms qui vivaient auparavant dans des établissements informels ont été relogées dans un logement décent.
M. HELFER a pour sa part salué l’adoption de plusieurs amendements aux lois contre la corruption, mais a regretté « l’effet pratique limité de ces réformes », notamment les progrès limités dans les enquêtes et les poursuites pénales ; il a également fait état d’allégations de corruption dans le système judiciaire.
L’expert a d’autre part salué le cadre juridique permettant de limiter l'utilisation des armes à feu par la police. Cependant, a-t-il relevé, il n'est pas certain que les dispositions concernant les tirs d'intimidation et d'immobilisation soient conformes aux normes internationales, qui exigent que l'utilisation des armes à feu soit limitée à « une menace imminente de mort ou de blessure grave ou à une menace proche et grave pour la vie ». L’expert a cité un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 16 janvier 2024, selon lequel les autorités grecques n’ont « pas établi de règles claires sur l'utilisation potentiellement létale des armes à feu dans les opérations des gardes-côtes ».
Le Comité est aussi préoccupé par l'usage excessif de la force lors de refoulements de migrants et de demandeurs d'asile, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ayant ainsi signalé des cas de mise en joue, de coups de matraque, de gifles et de bousculades de demandeurs d'asile, a indiqué M. Helfer.
M. Helfer a par ailleurs félicité la Grèce d'avoir adopté le Plan d'action national décennal pour la santé mentale en 2023 et la loi 5129/2024 pour l'achèvement de la réforme psychiatrique. Il a voulu savoir quelles mesures étaient prises pour améliorer la qualité générale et la supervision des soins psychiatriques, de même que pour réduire le nombre total d’hospitalisations involontaires dans des services psychiatriques.
M. Helfer a ensuite fait état de rapports crédibles indiquant que des policiers ont fait un usage excessif de la force contre des manifestants et des journalistes participant à des manifestations, et leur ont causé de graves blessures. L’expert a toutefois salué les réformes au sein de la police grecque, telles que l'amélioration de la formation de l'Académie de police concernant les droits de l'homme, les rassemblements pacifiques et la gestion des manifestations. Il a demandé ce qu’il en était du respect par les policiers de l’obligation d'arborer des éléments d'identification sur leurs uniformes.
M. Helfer a en outre voulu savoir comment l’État grec empêchait que des poursuites judiciaires ne soient intentées contre des journalistes pour les faire taire. Il a par ailleurs estimé que la modification de l'article 191 du Code pénal en novembre 2021, bien que destinée à lutter contre la désinformation, soulevait des préoccupations concernant la liberté de la presse, en particulier du fait de la définition vague qu’elle donne des fake news.
MME DONDERS a quant à elle salué les mesures prises par la Grèce en faveur de la protection des mineurs non accompagnés, y compris la mise en place d'un système national de tutelle. Cependant, le Comité est informé qu'en pratique, les mineurs non accompagnés sont parfois encore détenus dans les commissariats de police et qu’ils sont soumis à de fortes restrictions de mouvement. De plus, il n'y a pas d'application uniforme de l'évaluation de l'âge, ce qui peut conduire à l'enregistrement erroné de mineurs en tant qu'adultes, a mis en garde l’experte. Le Comité est aussi informé d’un manque de personnel spécialisé dans la prise en charge des migrants mineurs.
Mme Donders s’est par ailleurs étonnée que la loi permette aux auteurs de violences domestiques ou de délits sexuels de conserver la garde de leurs enfants et d'avoir des contacts illimités avec eux jusqu'à ce que ces auteurs soient condamnés par un tribunal de première instance. Elle a demandé quelles mesures de protection existaient en faveur des femmes et des enfants victimes d’agressions dans le cadre familial.
L’experte a d’autre part souligné que le Comité était informé de cas de violences envers les femmes et de féminicides en Grèce. Elle a regretté que la Grèce ait refusé de suivre les recommandations du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale et du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes d'inclure le fémicide en tant que crime dans la loi.
Mme Donders a ensuite indiqué que le Comité était informé de violences à l'encontre de femmes migrantes sur terre et lors de refoulements en mer. Des gardes-côtes grecs auraient été impliqués dans des incidents au cours desquels des femmes, y compris des femmes enceintes, auraient été battues et agressées sexuellement, a-t-elle fait savoir.
L’experte a voulu savoir comment l’État s'attaquait aux causes profondes de la violence sexiste en Grèce.
Mme Donders a ensuite indiqué que le Comité continuait de recevoir des informations selon lesquelles les défenseurs des droits de l'homme, en particulier ceux qui travaillent avec les migrants, les demandeurs d'asile et les réfugiés, et ceux qui dénoncent les refoulements, font l'objet de menaces et de poursuites pénales. L’experte a cité le cas de M. Panayotis Dimitras, un défenseur des droits de l'homme du Greek Helsinki Monitor, qui a fait l'objet d'un harcèlement juridique et de poursuites pénales, alors que ses actions légales visaient à fournir une assistance humanitaire aux demandeurs d'asile.
Mme Donders a par ailleurs estimé que les dispositions relatives à la notification des rassemblements publics en Grèce, très générales, pourraient permettre des ingérences injustifiées dans le droit de réunion pacifique.
M. YIGEZU a jugé positive la construction de nouveaux centres d’accueil et d’identification de migrants. Cependant, migrants et demandeurs d'asile continuent d'être détenus dans des conditions médiocres et semblables à celles d'une prison dans la plupart de ces centres, leurs conditions de vie pouvant être considérées comme équivalant à « un traitement inhumain et dégradant », a-t-il souligné. Certains rapports mentionnent, dans certains centres, des pénuries de produits de première nécessité tels que la nourriture, le logement, l'eau potable, la literie et les médicaments, y compris les installations sanitaires, a-t-il ajouté.
M. Yigezu a voulu savoir ce qui était fait pour empêcher la détention de ressortissants de pays tiers et de demandeurs d'asile dans le cadre des procédures d'asile et de retour. Les mesures de détention ne doivent être utilisées qu'en dernier recours, à la suite d'une évaluation individuelle et pour des raisons expressément prévues par la loi, a rappelé l’expert. Il a demandé si la Grèce envisageait d'abolir la détention administrative des demandeurs d'asile au motif d'une entrée illégale, en particulier pour les familles avec enfants et les mineurs non accompagnés.
M. Yigezu s’est ensuite inquiété de nombreux rapports faisant état de refoulements, ou retours forcés collectifs, qui semblent indiquer de graves violations par la Grèce de plusieurs dispositions du Pacte, s’agissant notamment de recours excessif à la force ; de traitements cruels, inhumains et dégradants ; ou encore de détention au secret dans des cadres officiels et non officiels sans garanties procédurales et juridiques minimales, et sans évaluation individuelle des besoins de protection. Les auteurs de ces actes sont apparemment des personnes appartenant aux forces de l'ordre, dont beaucoup portent des masques et certaines des armes à feu, a précisé l’expert.
Toujours selon ces rapports, a poursuivi l’expert, entre janvier 2020 et juin 2024, il y a eu 1452 incidents aux frontières affectant 46 649 personnes, dont 606 concernaient la frontière terrestre gréco-turque et 846 la frontière maritime gréco-turque, avec parfois des violences excessives et des pertes de vies humaines.
Le Comité, a ajouté M. Yigezu, est aussi alarmé par les rapports qui indiquent de graves manquements de la part des autorités grecques dans la gestion des efforts de sauvetage des migrants et des demandeurs d'asile en mer, en particulier en ce qui concerne le naufrage dévastateur de Pylos dans lequel 82 corps auraient été récupérés et plus de 500 personnes sont toujours portées disparues. Le Comité, a dit M. Yigezu, a appris que l'Autorité nationale pour la transparence avait reçu, à la date de juin 2022, plus de 200 plaintes documentées concernant des refoulements, 88 de ces plaintes concernant des incidents impliquant les gardes-côtes grecs.
M. SOH a fait état de problèmes en ce qui concerne l'identification des victimes de la traite parmi les groupes vulnérables tels que les enfants, les migrants et les demandeurs d'asile. Dans les campagnes, la police, les procureurs et les juges n'ont souvent pas reçu une formation suffisante en matière de traite et d'approches centrées sur les victimes. En outre, aucune victime de traite n'a réussi à obtenir d’indemnisation, en grande partie à cause de la longueur des procédures judiciaires et de l'absence de soutien juridique, a constaté l’expert.
M. Soh a aussi fait état d’obstacles à l’accès à la justice en Grèce du fait, notamment, de la longueur et de la complexité de la procédure de demande d'aide juridique.
M. Soh a ensuite regretté que la Grèce n’ait toujours pas mis en place de procédure de détermination de l’apatridie. Le Comité, a-t-il ajouté, s’inquiète d’informations selon lesquelles les Roms non enregistrés à l’état civil sont confrontés à des procédures judiciaires longues et coûteuses pour acquérir la citoyenneté grecque.
D’autre part, a poursuivi M. Soh, des inquiétudes persistent quant à la désignation de la Türkiye comme « pays tiers sûr » pour le renvoi de demandeurs d'asile [en provenance] de Syrie, d'Afghanistan, du Pakistan, du Bangladesh et de Somalie. Malgré l'absence de réadmissions vers la Türkiye depuis mars 2020, la Grèce continue de rejeter de nombreuses demandes comme étant inadmissibles en vertu de ce concept, laissant de nombreuses personnes dans un vide juridique prolongé, sans accès à la protection internationale, a regretté l’expert.
Réponses de la délégation
La délégation a indiqué que de nombreux tribunaux grecs, y compris de première instance, avaient invoqué des dispositions du Pacte. L’École nationale de la magistrature, a ajouté la délégation, dispense des formations initiales obligatoires et des formations continues concernant, notamment, les droits de l’homme, le droit familial et la manière de traiter les victimes, a ajouté la délégation.
Une nouvelle loi adoptée en 2024 a permis d’introduire dans le Code pénal des amendements pour mieux lutter contre la corruption, a ensuite indiqué la délégation, avant d’ajouter que plusieurs affaires en la matière sont en jugement à l’heure actuelle. La loi contre la corruption garantit la protection des lanceurs d’alerte, a-t-elle par ailleurs souligné.
Pendant la pandémie de COVID-19, la Grèce a adopté des mesures restrictives destinées à assurer la santé publique ; ces mesures ont été limitées dans le temps, encadrées par la loi, non discriminatoires et soumises à surveillance de la justice, a indiqué la délégation. Tout a été mis en œuvre pour lutter contre les cas de violence domestique qui ont beaucoup augmenté du fait des mesures de confinement, a-t-elle en outre souligné.
La délégation a ajouté que le programme de vaccination qui a été mené pendant la pandémie visait aussi les personnes résidant dans les centres pour migrants. Elle a précisé que les personnes sans papiers ont elles aussi pu être vaccinées.
La Grèce a d’autre part amendé ses lois en 2021 afin de mieux lutter contre la violence à l’égard des femmes et de modifier le régime de garde et de visite en cas de violence domestique, a fait savoir la délégation. Un juge peut désormais limiter l’exercice des droits parentaux si un parent a commis des violences envers son enfant ou son partenaire, a-t-elle notamment expliqué.
Des campagnes de sensibilisation au problème de la violence et des stéréotypes sexistes ont été menées par le Gouvernement et les organisations non gouvernementales, l’accent portant en particulier sur l’information relative aux mécanismes de plainte accessibles aux victimes. Le Plan d’action national sur l’égalité entre les sexes contient aussi des mesures visant à protéger les femmes victimes de violence, a-t-il été indiqué.
La loi grecque sanctionne tous les types de meurtre : il n’est par conséquent pas nécessaire d’introduire spécifiquement le féminicide dans la loi, a d’autre part affirmé la délégation.
La lutte contre la traite des êtres humains est une priorité du Gouvernement, l’objectif étant, en particulier, d’identifier au maximum les victimes et de leur offrir des interventions adaptées, y compris des logements d’urgence.
La délégation a décrit les fonctions du nouveau Conseil national contre le racisme et l’intolérance chargé de lutter contre ces problèmes en coopération avec la société civile. Ledit Conseil est doté des ressources nécessaires à l’accomplissement de son mandat, a-t-elle assuré. Il se concentrera sur l’accès des victimes aux services qui leur sont destinés ; sur la formation des fonctionnaires aux exigences de la lutte contre le racisme et l’intolérance ; et sur l’organisation de campagnes de sensibilisation.
La police réprime la violence motivée par le racisme ; elle a créé un mécanisme de dénonciation et tient des statistiques à cet effet. Des mesures sont prises pour que les victimes ne soient pas victimisées à nouveau, a souligné la délégation.
La Grèce, qui a lancé un mouvement de désinstitutionnalisation des personnes handicapées, a ouvert plusieurs structures de type familial pour la prise en charge de ces personnes, a d’autre part fait valoir la délégation. Les personnes handicapées vivant toujours dans des institutions bénéficient d’une prise en charge de meilleure qualité, a-t-elle ajouté.
La délégation a par ailleurs fait état d’une amélioration de la qualité de la prise en charge dans les institutions psychiatriques – amélioration suivie par des indicateurs de contrôle. Les autorités entendent réduire le nombre des hospitalisations involontaires, une démarche qui s’appuiera sur des textes législatifs amendés qui entreront en vigueur en 2025, a indiqué la délégation. Des modifications concerneront aussi le recours aux moyens de contention, a-t-elle fait savoir.
En ce qui concerne les garanties de procédure, la délégation a souligné que toute personne arrêtée est informée des motifs de son arrestation et de ses droits, y compris de son droit de bénéficier d’une aide juridictionnelle et d’un avocat dans une langue qu’elle peut comprendre. Des services d’interprétation sont offerts, de même que des soins médicaux, si nécessaires. Les personnes ressortissantes de pays tiers peuvent elles aussi bénéficier d’un avocat, pendant toute la procédure. Des sanctions pénales et disciplinaires sont prononcées en cas de manquement à ces prescriptions, a assuré la délégation. Le Ministère de la justice prépare une brochure expliquant aux personnes détenues leurs droits de manière accessible, y compris s’agissant des recours et mécanismes de plainte qui leur sont ouverts, a-t-elle ajouté.
La police nationale est formée à utiliser correctement ses armes et autres dispositifs pendant les manifestations, a d’autre part indiqué la délégation. Les forces de l’ordre sont sensibilisées à l’importance de protéger les droits humains et l’action de la police est soumise à surveillance, a-t-elle souligné.
De même, les gardes-côtes respectent les principes de nécessité et de proportionnalité dans l’utilisation de la force ; ils évaluent ce faisant les risques encourus par les personnes en détresse en mer.
Toute utilisation d’une arme à feu fait l’objet d’un signalement à la justice, a par ailleurs souligné la délégation.
Les autorités portuaires sont informées par les gardes-côtes lorsque ces derniers se trouvent en présence de migrants mineurs. Les gardes-côtes grecs ont sauvé des milliers de vies, a rappelé la délégation.
Les centres de rétention pour migrants sont régulièrement nettoyés ; à leur arrivée dans ces centres, les personnes reçoivent des « kits de bienvenue » et des kits d’hygiène, a ensuite fait savoir la délégation. Les migrants peuvent sortir des centres pendant la journée pour se rendre en ville, a-t-elle ajouté, avant de préciser que les procédures de demande d’asile n’avaient pas été interrompues pendant la pandémie. Les droits humains des résidents et du personnel de ces centres sont dûment respectés. Des mesures sont aussi prises pour assurer la sécurité des centres d’accueil et des personnes qui y résident, a indiqué la délégation. S’il ne peut y être répondu dans les centres de rétention, les besoins de santé des migrants sont alors couverts par les établissements de santé ordinaires, a-t-elle ajouté.
La Grèce dispose d’un cadre juridique complet relatif aux mineurs non accompagnés, prévoyant en particulier la nomination de tuteurs et la tenue d’un registre national, a poursuivi la délégation. La Grèce suit une procédure d’évaluation de l’âge fondée sur les normes du droit international, a-t-elle indiqué. Il est prévu de renforcer et de diversifier les équipes chargées de prendre en charge les mineurs non accompagnés, a fait savoir la délégation. Ces jeunes bénéficient de services d’interprétation et ils ont le droit de sortir des centres pour migrants avec l’accord de leur tuteur légal, a-t-elle précisé.
La délégation a par la suite fourni d’autres précisions sur le fonctionnement des centres où sont reçus – et non détenus, a-t-elle insisté – les migrants pendant la durée de leur identification et de l’examen de leur demande, soit au maximum 25 jours. Quelque 1400 personnes sont dans des centres de pré-renvoi, a indiqué la délégation.
Il a par ailleurs été précisé que les services d’asile avaient été considérablement renforcés depuis la crise migratoire de 2015, avec notamment un triplement des personnels engagés, en particulier dans les îles qui sont sur la ligne de front des migrations. Ces mesures ont permis de réduire fortement les retards dans le traitement des demandes d’asile, qui ne sont plus que 18 000 en 2024, contre plus de 200 000 en 2019, a-t-il été précisé, avant d’ajouter que la durée de traitement des dossiers est elle aussi tombée, dans la même période, de plus de quatre ans à quelque 102 jours en moyenne.
Chaque examen individuel tient compte du risque que comporterait, pour la personne concernée, un renvoi dans un pays tiers, a assuré la délégation, soulignant que le risque d’apatridie est aussi évalué pendant l’examen des demandes d’asile. La délégation a décrit le mécanisme permettant aux requérants dont la demande est rejetée de faire appel de la décision.
La police grecque applique des directives très claires relatives au respect de la dignité des migrants arrivant en Grèce et du principe de non-refoulement, a d’autre part souligné la délégation. Aucune personne qui demande une protection internationale ne peut faire l’objet d’un renvoi avant que son cas n’ait été dûment examiné, a-t-elle insisté. La police surveille les frontières pour en éviter le franchissement illicite, dans le plein respect des droits des personnes et conformément à la loi grecque et aux normes européennes, a expliqué la délégation. L’agence nationale et Frontex respectent un code très strict : tout acte potentiellement illégal fait l’objet d’une enquête interne et au niveau européen, a-t-elle assuré.
De même, la surveillance des frontières maritimes se fait dans le respect des normes de droit international en vigueur. Toute allégation de mauvais traitement fait l’objet d’une enquête minutieuse par des procureurs et enquêteurs indépendants, a poursuivi la délégation. Elle a insisté sur le professionnalisme des gardes-côtes et a précisé qu’ils recevaient, pendant leur formation, une sensibilisation au respect des droits humains. Depuis 2015, les gardes-côtes ont secouru 254 000 personnes, a fait savoir la délégation.
La délégation a décrit le système de surveillance du corps des gardes-côtes, mentionnant en particulier un mécanisme de contrôle interne qui peut ordonner une enquête et, le cas échéant, des sanctions contre les auteurs de faits tels qu’actes de torture ou discriminatoires.
La Grèce collabore avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) en vue de la prise en charge des migrants en mer et un protocole a été institué concernant la participation des organisations de la société civile dans le domaine des secours en mer, a encore précisé la délégation : le but est de mieux coordonner l’action nécessaire afin que toute personne ou migrant en mer soit aidé de la meilleure manière possible, a-t-elle expliqué.
La délégation a précisé que les événements de Pylos faisaient actuellement l’objet d’une enquête, et que l’affaire concernant M. Panayotis Dimitras était en jugement.
La délégation a insisté sur le fait que la Grèce faisait de son mieux pour améliorer la gestion des migrations ; elle a notamment fait valoir la forte réduction dans le temps de traitement des demandes d’asile, déjà mentionnée, ainsi qu’une baisse de moitié du nombre des décès en mer – et ce dans un contexte où cette question est parfois instrumentalisée, a-t-elle souligné.
Toute personne apatride, si elle est née en Grèce ou si, née de parents apatrides, elle réside légalement en Grèce, acquiert la nationalité grecque sur la base du droit du sol, a d’autre part indiqué la délégation. La Grèce admet la double nationalité, a-t-elle en outre précisé.
Les objecteurs de conscience accomplissent un service civil de 15 mois, au lieu de 12 mois de service militaire, a par ailleurs indiqué la délégation.
La délégation a fait état de progrès dans la liberté de la presse, avec en particulier l’adoption d’une loi récente portant création d’un registre national destiné à apporter davantage de transparence s’agissant des propriétaires des médias. La délégation a aussi mentionné l’ouverture d’un centre de formation professionnelle pour journalistes et l’organisation de formations avec l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). De plus, toute incitation à la violence envers les journalistes est sanctionnée pénalement, a ajouté la délégation.
La délégation a d’autre part souligné les efforts déployés par les acteurs concernés pour remédier à la surpopulation carcérale, évoquant en particulier l’ouverture de nouvelles prisons et la mise en place de mesures alternatives à la détention, telles que le port de bracelets électroniques et le service communautaire.
L’utilisation de la force par la police lors de manifestation est réglementée, a ensuite indiqué la délégation, avant de faire savoir que la Grèce a reçu 34 notifications d’allégations de recours excessif à la force par la police contre des manifestants, dont douze cas ont donné lieu à un suivi. Les policiers doivent porter un badge d’identification, a rappelé la délégation.
Toute interdiction de manifester doit être justifiée et respecter la loi, a précisé la délégation. Les organisateurs de manifestation peuvent faire appel d’une décision d’interdiction, a-t-elle souligné. En 2023, seules trois demandes d’organisation de manifestation sur plus de 2000 ont été refusées, a-t-elle indiqué.
S’agissant de la désignation des juges et procureurs, la délégation a précisé qu’une réforme du cadre législatif était en cours, prévoyant notamment que les magistrats pourront faire appel des décisions relatives aux nominations.
La délégation a d’autre part insisté sur le fait que son pays avait subi une crise économique très grave qui limitait encore ses moyens.
_______
CCPR.24.023F
Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel.
Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.