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Examen du rapport du Sénégal devant le Comité des droits de l’enfant : les questions d’éducation, les violences faites aux enfants et l’adoption, toujours en attente, d’un code de l’enfant sont au cœur du dialogue
Le Comité des droits de l’enfant a examiné, hier après-midi et aujourd’hui, les rapports présentés par la Sénégal au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant et des deux Protocoles facultatifs à la Convention, qui traitent respectivement de la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, pour l’un, et de l’implication d’enfants dans les conflits armés, pour l’autre.
Pendant cet examen, une experte a constaté l’existence, depuis plusieurs années au Sénégal, d’un discours politique autour de l’adoption d’un code de l’enfance, mais a regretté que cette démarche n’ait pas abouti. Elle a voulu connaître les raisons, politiques ou culturelles, qui expliquent pourquoi plusieurs lois relatives à la protection des droits de tous les enfants n’ont pu être adoptées au Sénégal, s’agissant non seulement du code de l’enfance mais aussi du code de la famille.
Un autre membre du Comité s’est pour sa part enquis des projets des autorités pour protéger concrètement les enfants sénégalais contre « le problème endémique des châtiments corporels ». La pratique des châtiments corporels serait généralisée au Sénégal, a relevé une experte. Il a été demandé si ces châtiments étaient interdits au Sénégal et si les autorités faisaient la promotion de méthodes d’éducation non violentes. De plus, les violences sexuelles seraient un problème au sein du système scolaire et neuf enfants sur dix ont subi un acte de violence pendant l’année scolaire à l’école ou à la maison, a-t-il été relevé. La question de l’existence d’un mécanisme confidentiel pour dénoncer les sévices sexuels commis sur des enfants a été posée.
Un expert a salué des progrès importants réalisés au Sénégal en matière d’éducation, mais a relevé que, selon des informations parvenues au Comité, la scolarité de certains enfants était compromise par la persistance de coûts élevés. Quelque 83% des budgets de l’éducation sont consacrés aux frais de fonctionnement des écoles, alors même que 35% des enfants ne sont pas scolarisés, a-t-il en outre été relevé. Une experte a voulu savoir s’il était envisagé, à long terme, de fusionner les écoles traditionnelles et les écoles religieuses (daara) en vue d’assurer un contrôle plus strict de la qualité de l’éducation au Sénégal.
Un expert a rappelé que le Comité avait déjà fait part de ses préoccupations face à des dispositions légales discriminatoires au Sénégal, telles que le sororat, la répudiation et la polygamie. Les pratiques culturelles doivent être conformes aux normes internationales auxquelles les États souscrivent, a rappelé une experte.
S’agissant du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, une experte a relevé que la loi sénégalaise ne sanctionnait pas explicitement la vente d’enfants – un crime qui, a-t-elle insisté, est à distinguer de la traite des enfants, contre laquelle le Sénégal a déjà légiféré. Il a par ailleurs été regretté que, du fait de la passivité de la communauté, les auteurs de crimes condamnés par ce Protocole facultatif restent souvent impunis.
S’agissant enfin du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, il a notamment été recommandé que l’enrôlement de mineurs dans les forces armées soit interdit explicitement et sanctionné par la loi.
Présentant le rapport de son pays, M. Coly Seck, Représentant permanent du Sénégal auprès des Nations Unies à Genève, a mentionné plusieurs initiatives importantes menées ces dernières années pour garantir sans discrimination l’effectivité des droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques des enfants au Sénégal.
Ainsi, a-t-il indiqué, en ce qui concerne la protection judiciaire et sociale des enfants, le Sénégal a achevé récemment le maillage du territoire en services de protection des enfants, en créant vingt-quatre nouveaux services de l’Action éducative et de la protection sociale dans les départements qui en étaient dépourvus. De même, le projet de codification de la protection de remplacement en faveur des enfants privés de soins parentaux a été lancé en 2023.
Sur le plan du renforcement du cadre juridique et institutionnel de protection des enfants, M. Seck a mis en avant un renforcement de la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle, ainsi que l’élaboration du projet d’institutionnalisation du parlement national des enfants.
En outre, des améliorations significatives dans plusieurs indicateurs clefs ont été notées ces dernières années, a poursuivi le Représentant permanent. Ainsi, a-t-il notamment fait valoir, le nombre de décès maternels a diminué, passant de 797 en 2020 à 717 en 2021 soit une réduction de 9,2%.
Outre M. Seck, la délégation sénégalaise était composée de M. Alioune Ndiaye, Secrétaire général du Ministère de la justice du Sénégal et chef de la délégation, ainsi que de plusieurs représentants des Ministères des affaires étrangères et de l’éducation nationale et d’un représentant de la Primature [services du Premier Ministre du Sénégal].
Pendant le dialogue avec le Comité, la délégation sénégalaise a précisé, en particulier, que certains éléments du code de l’enfant pouvant heurter les opinions, le Gouvernement misait sur le dialogue avec les acteurs religieux et culturels pour trouver des consensus et faciliter ainsi son application subséquente, ce qui explique le retard apporté dans l’adoption du code.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur les rapports du Sénégal et les publiera à l’issue de sa session, le 2 février prochain.
Lundi 22 janvier, à 15 heures, Le Comité entamera l’examen du rapport de la Fédération de Russie.
Examen du rapport du Sénégal
Le Comité est saisi du rapport valant sixième et septième rapports périodiques du Sénégal (CRC/C/SEN/6-7), ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité, concernant l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant. Le Comité est également saisi des rapports initiaux du Sénégal au titre des Protocoles facultatifs à la Convention qui concernent, respectivement, la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/SEN/1 et réponses y associées à une liste de points à traiter), et l’implication d’enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/SEN/1 et réponses y associées à une liste de points à traiter).
Présentation du rapport
Présentant le rapport de son pays, M. COLY SECK, Représentant permanent du Sénégal auprès des Nations Unies à Genève, a mentionné plusieurs initiatives importantes menées ces dernières années pour garantir sans discrimination l’effectivité des droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques des enfants au Sénégal.
Ainsi, a-t-il indiqué, en ce qui concerne la protection judiciaire et sociale des enfants, le Sénégal a achevé récemment le maillage du territoire en services de protection des enfants, en créant vingt-quatre nouveaux services de l’Action éducative et de la protection sociale (AEMO – Action éducative en milieu ouvert) dans les départements qui en étaient dépourvus. De même, le projet de codification de la protection de remplacement en faveur des enfants privés de soins parentaux a été lancé en 2023.
En termes de renforcement des ressources humaines, l’État a recruté des éducateurs spécialisés depuis deux ans à raison de quarante par année et, sur la même période, douze inspecteurs de l’éducation surveillée. Ces efforts ont permis de baisser le taux d’abandon scolaire, tant au niveau élémentaire qu’au niveau du cycle moyen.
S’agissant de la lutte contre la vulnérabilité des enfants, les interventions du Ministère en charge de la protection des enfants ont permis d’accueillir des enfants en situation difficile au Centre Ginddi, et quelque 194 958 enfants âgés de 0 à 5 ans dans 2323 structures de Développement intégré de la petite enfance (DIPE), a poursuivi le Représentant permanent.
Sur le plan du renforcement du cadre juridique et institutionnel de protection des enfants, M. Seck a mis en avant un renforcement de la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle, ainsi que l’élaboration du projet d’institutionnalisation du parlement national des enfants, validé techniquement et dont l’objectif est d’améliorer et de renforcer l’effectivité des droits de participation des enfants.
Relativement à la prise en charge de la santé des enfants – qui est une priorité du Gouvernement –, des améliorations significatives dans plusieurs indicateurs clefs ont été notées ces dernières années, a poursuivi le Représentant permanent. Ainsi, le nombre de décès maternels a diminué, passant de 797 en 2020 à 717 en 2021 soit une réduction de 9,2%. Des efforts considérables ont été faits sur le renforcement de la nutrition et la stimulation précoce, et plusieurs activités de promotion de la croissance et de dépistage de la malnutrition ont été mises en œuvre.
M. Seck a aussi fait savoir qu’au titre de la politique d’élargissement de l'accès aux services d'apprentissage préscolaires de qualité, le taux d’inscription des enfants de 3 à 5 ans était passé de 11,06% à 14,38% entre 2021 et 2023. De plus, plus de 3500 enseignants communautaires ont été recrutés ou formés pour les classes préscolaires communautaires dans les sept régions du pays. Au niveau des daara, soixante-seize ont signé des contrats de performances pour intégrer des activités additionnelles à l’enseignement coranique, a ajouté M. Seck.
Le Représentant permanent a aussi mentionné une importante amélioration dans la gouvernance de l’état civil, avec la transformation de la Direction de l’état civil en Agence nationale de l’état civil.
Questions et observations des membres du Comité
MME SUZANNE AHO, coordonnatrice du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner plus en détail le rapport du Sénégal, a félicité le Sénégal d’organiser des audiences foraines pour faciliter l’enregistrement des naissances des enfants. L’experte a demandé si les élèves (talibés) des écoles religieuses disposaient d’actes de naissance. Elle a en outre relevé des disparités territoriales en matière d’inscription à l’état civil. On compterait au Sénégal quelque 500 000 enfants sans nationalité, et donc sans acte de naissance, a fait remarquer l’experte.
Mme Aho a demandé quelles suites avaient été données à la mort de onze bébés dans l’incendie d’un hôpital en 2022.
L’experte a par la suite fait remarquer que des enfants handicapés étaient parfois exploités à des fins de mendicité.
Une autre experte membre du Comité a relevé l’existence, depuis plusieurs années au Sénégal, d’un discours politique autour de l’adoption d’un code de l’enfant ; elle a regretté que cette démarche n’ait malheureusement pas abouti. L’experte a demandé ce qu’il en était du projet de loi sur la lutte contre la traite des êtres humains.
L’experte a aussi voulu savoir quels moyens financiers étaient dégagés pour donner effet aux lois relatives aux droits des enfants. Compte tenu de la reprise économique actuelle due à la découverte de gaz et de pétrole au Sénégal, elle a demandé s’il était prévu de consacrer davantage de moyens à la défense des droits des enfants et à la protection des plus vulnérables d’entre eux.
L’experte a aussi demandé quelles étaient les obligations des entreprises minières et du secteur de la pêche en ce qui concerne la protection des droits des enfants, et où en étaient le processus de renforcement de l’agence nationale de la statistique et la création annoncée d’un poste d’ombudsman des enfants.
Une autre experte a voulu connaître les raisons, politiques ou culturelles, qui expliquent pourquoi plusieurs lois relatives à la protection des droits de tous les enfants n’avaient pu être adoptées au Sénégal, en particulier s’agissant du code de l’enfant et du code de la famille.
Une troisième experte a demandé si la Constitution du Sénégal protégeait les enfants contre la discrimination et garantissait que tous les enfants ont accès aux soins de santé dans des conditions d’égalité. Elle a demandé si les châtiments corporels étaient interdits au Sénégal et si les autorités faisaient la promotion de méthodes d’éducation non violentes. La pratique des châtiments corporels serait généralisée au Sénégal, a relevé l’experte.
Des experts ont voulu savoir ce qui était fait au Sénégal pour protéger les droits des talibés et des filles ; si l’enfant avait le droit d’exprimer ses opinions ; et si les médias s’efforçaient de faire connaître les droits des enfants.
La délégation a aussi été priée de dire s’il existait un mécanisme confidentiel pour dénoncer les sévices sexuels commis sur des enfants et si les auteurs de ces crimes étaient sanctionnés. Des questions ont en outre porté sur l’action du Gouvernement contre les mutilations génitales féminines et les mariages d’enfants.
Un expert a regretté le manque de progrès, depuis six ou sept ans, dans l’adoption du code de l’enfant. Il a aussi demandé quels étaient les projets des autorités pour protéger concrètement les enfants sénégalais contre le problème endémique des châtiments corporels.
La mendicité est toujours érigée en crime au Sénégal, a relevé une experte, qui a demandé quel sort était réservé aux enfants des rues qui s’y livrent. Elle a recommandé que ces enfants soient scolarisés.
Une experte a demandé quels mécanismes étaient accessibles aux enfants qui veulent déposer plainte pour des violations de leurs droits.
Un expert a rappelé que le Comité avait déjà fait part de ses préoccupations face à des dispositions légales discriminatoires, telles que le sororat, la répudiation et la polygamie. Il a demandé si l’État avait fait une évaluation de ces pratiques du point de vue du respect des droits de l’enfant.
Le même expert a salué des progrès importants réalisés au Sénégal en matière d’éducation, mais a relevé que, selon certaines informations, la scolarité de certains enfants était compromise par la persistance de coûts élevés, et que, de plus, les violences sexuelles seraient un problème au sein du système scolaire. En outre, seuls 0,4 % des enfants handicapés au Sénégal sont scolarisés, a relevé l’expert. Il a recommandé que le pays adopte rapidement le projet de loi sur le statut des daraa.
D’autres questions des experts ont porté sur les modalités de regroupement familial des enfants déplacés à l’intérieur du Sénégal, la surveillance des adoptions internationales, ou encore l’accès des adolescents à la santé génésique.
La délégation a été priée de dire ce qui était fait au Sénégal pour empêcher que les enfants ne quittent l’école pour aller travailler dans le secteur informel.
Les pratiques culturelles doivent être conformes aux normes internationales auxquelles les États souscrivent, a rappelé une experte. Une autre experte a fait remarquer que le « choix » de la polygamie n’était en réalité laissé, par le code de la famille, qu’à la seule discrétion de l’époux.
Quelque 83% des budgets de l’éducation sont consacrés aux frais de fonctionnement des écoles, alors même que 35% des enfants ne sont pas scolarisés, a relevé un expert. Il a demandé où était le recensement national des daara qui avait été annoncé il y a onze ans, et a espéré que les mesures de modernisation de ces établissements scolaires feraient l’objet d’une loi. Une autre experte a voulu savoir s’il était envisagé, à long terme, de fusionner les écoles traditionnelles et les écoles religieuses en vue d’assurer un contrôle plus strict de la qualité de l’éducation.
Neuf enfants sur dix ont subi un acte de violence pendant l’année scolaire à l’école ou à la maison, a mis en garde un expert. Un enfant sur cinq au Sénégal ne vit plus avec ses parents biologiques, a relevé une autre experte.
MME MIKIKO OTANI, membre du groupe de travail du Comité chargé de l’examen des rapports du Sénégal au titre des Protocoles facultatifs, a d’abord évoqué le Protocole concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.
L’experte a recommandé d’affiner la collecte des données relatives aux crimes et délits couverts par ce Protocole facultatif, et a voulu savoir si les autorités avaient désigné certains groupes d’enfants comme plus vulnérables face à ces crimes. Elle a voulu savoir si le projet de code du tourisme contenait des dispositions sur la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle dans le cadre du voyage et du tourisme.
MME AISSATOU ALASSANE SIDIKOU, également membre du groupe de travail du Comité chargé de l’examen des rapports du Sénégal au titre des Protocoles facultatifs, a relevé que la loi sénégalaise ne sanctionnait pas explicitement la vente d’enfants – un crime qui, a insisté l’experte, est à distinguer de la traite des enfants, contre laquelle le Sénégal a déjà légiféré.
La loi ne protège de la pédophilie que les enfants de moins de 16 ans, ce qui laisse ouverte la question de la protection des jeunes de 16 à 18 ans, a aussi constaté l’experte. Elle a en outre regretté que, du fait de la passivité de la communauté, les auteurs de crimes condamnés par le Protocole facultatif restent souvent impunis.
Mme Alassane Sidikou a ensuite relevé que vingt après la ratification du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, cet instrument n’avait toujours pas été intégré dans le droit national. Elle a prié la délégation de dire si une stratégie nationale était appliquée pour la formation et la sensibilisation de l’ensemble des acteurs concernés domaine, surtout les groupes armés et leurs communautés. L’experte a aussi voulu savoir ce qu’il en était de l’implication d’enfants dans le conflit en Casamance.
Mme Otani a pour sa part recommandé que l’enrôlement de mineurs dans les forces armées soit interdit explicitement et sanctionné par la loi. L’experte a posé plusieurs questions sur la réintégration des enfants victimes de recrutement forcé et sur la prise en charge des enfants blessés par des mines antipersonnel.
Mme Otani a ensuite demandé si l’État pouvait poursuivre en justice des groupes armés non étatiques qui recruteraient des enfants.
Un expert a salué le fait que 1194 Casques bleus sénégalais soient engagés dans plusieurs zones de conflit. Il a demandé quelles mesures étaient prises pour prévenir l’exploitation sexuelle d’enfants par des soldats sénégalais.
Réponses de la délégation
La délégation a d’abord affirmé que le cadre juridique était déjà largement protecteur des droits de l’enfant, la Convention faisant partie du droit national. De même, la Constitution interdit toute forme de discrimination, ainsi que les mariages forcés. Le Code de la famille et le Code pénal protègent l’enfant contre la violence et une loi criminalisant le viol et la pédophilie a été adoptée récemment, a ajouté la délégation.
Ce dispositif est en cours de renforcement, avec notamment la préparation d’un code de l’enfant qui intégrera tous les éléments figurant dans d’autres textes et en lien avec la protection des droits de l’enfant, a poursuivi la délégation. Certains éléments de cette réforme pouvant heurter les opinions, le Gouvernement mise sur le dialogue avec les acteurs religieux et culturels pour trouver des consensus et faciliter ainsi l’application subséquente des textes. Cette démarche explique le retard apporté dans l’adoption du code de l’enfant, a indiqué la délégation.
La délégation a par ailleurs fait état de la création de « gouvernements scolaires » dirigés par des enfants, entre autres institutions visant à permettre aux jeunes de donner leur opinion. Quant au parlement des enfants, que le Gouvernement est train de créer, il aura une portée communautaire jusqu’au niveau national, a expliqué la délégation.
Tout Sénégalais peut invoquer la Convention relative aux droits de l’enfant à l’appui de son recours en justice, a d’autre part fait savoir la délégation.
L’État augmente régulièrement le budget consacré à la protection de l’enfance – protection qui est au cœur de la transformation du pays, a d’autre part souligné la délégation. Les enfants sont au centre des politiques publiques, a-t-elle insisté, avant d’ajouter que l’État est en train d’investir davantage dans la petite enfance.
Une experte ayant fait observer que l’institution nationale de droits de l’homme (INDH) sénégalaise avait vu son homologation rétrogradée au statut B s’agissant de sa conformité aux Principes de Paris, la délégation a fait savoir que le Gouvernement avait fait préparer, par l’INDH elle-même, un projet de loi pour que l’institution recouvre rapidement son accréditation au statut A. Les moyens de l’institution ont déjà été renforcés.
La délégation a ensuite décrit le fonctionnement des audiences foraines destinées à aider les populations à obtenir des actes de naissance. Ces audiences, qui se tiennent dans les zones rurales, sont organisées en concertation avec les autorités locales ou de quartier, et sont précédées de campagnes d’information en direction des populations. Les dossiers traités sont amenés directement aux services de l’état civil des mairies par des fonctionnaires attachés au président du tribunal. Cette démarche est entièrement gratuite pour les populations. L’État a par ailleurs engagé la numérisation du registre d’état civil. Le taux minimum d’enregistrement des naissances se situe autour de 60%-70% dans les régions rurales, a indiqué la délégation.
Depuis 2013, le Gouvernement a pris de nombreuses mesures pour régler le statut des apatrides et des réfugiés, a poursuivi la délégation. En outre, la loi portant statut des réfugiés et apatrides adoptée en 2022 permet de faire bénéficier les enfants en situation d’apatridie au Sénégal de mesures de protection, a-t-elle ajouté.
Le cadre juridique protecteur déjà mentionné régit aussi le secteur minier formel, dont tous les employés doivent être majeurs, des contrôles étant effectués, a d’autre part indiqué la délégation. L’État contrôle aussi les activités du secteur du tourisme, pour éviter que des enfants n’y soient victimes d’exploitation sexuelle.
Concernant les questions de santé, la délégation a décrit les mesures prises pour faire baisser la mortalité infantile au Sénégal, mentionnant notamment la promotion de pratiques d’hygiène et le suivi sanitaire, outre le renforcement du statut des femmes sénégalaises. On enregistrait, en 2005, 61 décès pour mille naissances, et seulement 31 décès en 2023, a précisé la délégation.
La délégation a par ailleurs fait savoir que le Ministère de la santé avait lancé un cadre national de concertation ainsi que des plans de sensibilisation des jeunes et des parents aux questions liées à la santé génésique. Le Ministère a aussi créé un département spécialisé dans la santé mentale des enfants.
La stratégie nationale de lutte contre les mutilations génitales féminines passe par la sensibilisation au niveau communautaire dans les régions touchées par le problème, a par ailleurs indiqué la délégation.
La délégation a aussi indiqué, en réponse à d’autres questions des experts du Comité, que la prise en charge des fistules obstétricales était gratuite au Sénégal ; que les autorités encourageaient l’allaitement maternel exclusif ; que les quelque 3600 enfants vivant avec le VIH faisaient tous l’objet d’un suivi médical ; et que l’État avait ouvert plusieurs centres de prise en charge des jeunes toxicomanes.
La délégation a par ailleurs fourni des précisions concernant le traitement des enfants handicapés.
Le Ministère de l’éducation a lancé un programme d’enseignement préscolaire ainsi que des initiatives réussies en faveur de la scolarisation des filles, a en outre fait valoir la délégation. Il est en train de préparer une stratégie d’éducation inclusive, a-t-elle ajouté. Des fonds seront affectés aux écoles religieuses, a-t-elle également indiqué.
Le « Plan Sénégal émergent » à l’horizon 2035 mise en particulier sur une éducation de qualité, et le Plan stratégique pour la politique éducative 2018-2023 chapeaute et coordonne quatorze programmes dans les domaines de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de l’éducation nationale, a poursuivi la délégation. La scolarité primaire est gratuite, les familles bénéficiant aussi de « kits scolaires », a-t-elle précisé. Dans le secondaire, les frais d’inscription ont baissé de 50% et des bourses sont allouées aux élèves les plus démunis, surtout aux filles, a-t-elle ajouté.
Le Gouvernement a appuyé plusieurs centaines de daara par le biais d’investissement dans des salles de classes, dans des cantines scolaires, dans des embauches d’enseignants et dans des subventions, y compris pendant la pandémie de COVID-19, a d’autre part souligné la délégation. Le Gouvernement a aussi lancé une expérience pilote d’amélioration de la qualité de l’enseignement dans les daara, cette question constituant une priorité et une préoccupation majeures pour le Gouvernement. Le projet de loi sur le statut des daara a été élaboré à la demande des écoles elles-mêmes, a précisé la délégation.
L’éducation au Sénégal est financée par l’État et par les ménages, a rappelé la délégation, avant de faire valoir que le Gouvernement augmente les salaires des enseignants depuis plusieurs années.
D’autre part, un cadre important est en place pour lutter contre la violence à l’école, cadre intégrant notamment une plate-forme de signalisation des cas et un réseau d’« enseignants référents en protection de l’enfant », présents dans toutes les écoles, y compris dans les daara.
Répondant à l’observation d’un expert du Comité au sujet d’« enfants déscolarisés » au Sénégal, la délégation a souligné qu’au-delà des structures formelles, il existait des structures informelles d’éducation – daara comprises – ainsi que des structures de formation professionnelle et d’encadrement des jeunes. Des efforts importants sont ainsi faits pour la prise en charge des enfants, dont un nombre important est aujourd’hui intégré aux structures scolaires, a insisté la délégation.
La délégation a par ailleurs souligné que les écoles étaient tenues de mettre à disposition des élèves handicapés et des filles des infrastructures adaptées à leurs besoins.
L’étude montrant que neuf écoliers sur dix ont subi un acte de violence date de 2020. Elle a été suivie d’une analyse des lieux où sévit cette violence ainsi que d’une campagne de sensibilisation. Il serait utile de réviser les chiffres sur cette base, a souligné la délégation.
Le Gouvernement a ouvert une ligne téléphonique pour recueillir toute forme de dénonciation de violences subies par les enfants – ligne dont les opérateurs peuvent alerter les services de prise en charge compétents, a fait valoir la délégation. Un autre service est chargé de recevoir les plaintes pour violences sexuelles. Les deux services sont gérés par le Ministère de la femme.
Répondant aux questions sur les châtiments corporels, la délégation a insisté sur le fait que les enfants étaient protégés contre la violence. Des recours existent et des sanctions très sévères sont appliquées en cas de violation des droits de l’enfant, a-t-elle insisté.
La délégation a d’autre part mentionné l’application depuis 2018 d’un plan de protection des enfants contre l’exploitation et les violences en ligne, avec un effort de sensibilisation des parents dans ce domaine et la création d’une plate-forme nationale de signalement, destinée initialement aux enfants mais étendue désormais aux femmes.
Le pays a par ailleurs mis en œuvre des initiatives pour aider les filles à profiter des avantages des outils numériques, a ajouté la délégation.
La loi de 2020 qui criminalise le viol et la pédophilie sanctionne aussi la diffusion d’images pornographiques mettant en scène des enfants, a aussi précisé la délégation. Un portail pour la dénonciation de tels contenus a été mis en ligne dès 2019 et un avant-projet de loi sur la protection des enfants en ligne a été déposé, a-t-elle ajouté.
Le dispositif sénégalais de protection des enfants contre la violence peut toujours être amélioré mais il est satisfaisant en l’état, a par la suite affirmé la délégation. Le service national de prise en charge gère des « centres de premier accueil » d’urgence pour enfants victimes, dont les cas sont ensuite traités par la justice, a-t-elle indiqué. Un centre national de prise en charge holistique des victimes de genre sera bientôt ouvert, a par ailleurs fait savoir la délégation.
Tous les acteurs de la protection de l’enfance au Sénégal collaborent dans le cadre d’une chaîne, de la dénonciation aux poursuites judiciaires, a insisté la délégation. Cet outil a été validé par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest et est appliqué au niveau de cette région, a-t-elle précisé.
L’État continue de déployer d’énormes efforts pour la socialisation, la protection et l’éducation des enfants des rues, a ensuite fait valoir la délégation. Elle a annoncé que le Gouvernement allait, au-delà de la dimension de la mendicité, lancer une approche éducative pour venir en aide à ces enfants qui risquent d’être victimes d’exploitation.
En réponse à la question soulevée par une experte du Comité, la délégation a indiqué que le chef de l’État avait ordonné l’indemnisation des familles des bébés décédés dans l’incendie d’un hôpital en 2022, de même que la réalisation, par l’inspection générale de l’État, d’un audit sur la qualité des établissements de santé. Cette démarche a été suivie de la construction d’un nouvel hôpital et de l’introduction de mesures de mise à niveau des compétences des personnels et d’amélioration des infrastructures.
Concernant la répression du travail des enfants, le Sénégal s’est doté d’un cadre juridique performant, de même que d’un service d’inspection et de contrôle du respect de la législation en la matière, a assuré la délégation. Le Code minier sénégalais interdit l’exploitation d’enfants par les entreprises, sous peine du retrait des permis d’exploitation, a-t-elle indiqué. Le Gouvernement tient compte des réalités sénégalaises et tient compte de la différence entre le travail structurant, tel que l’apprentissage, et l’exploitation au travail, a expliqué la délégation.
Au cours du dialogue, la délégation a reconnu qu’il restait au Sénégal des efforts à faire pour disposer de statistiques plus précises relatives aux enfants.
La polygamie n’est pas un problème au Sénégal, a assuré la délégation : il s’agit d’une option au choix des époux, a-t-elle affirmé.
Les mineurs au Sénégal ne sont justiciables que devant les tribunaux pour enfants, a par ailleurs fait savoir la délégation. Les mineurs auteurs de délits ou de contraventions encourent au maximum la moitié de la peine prévue pour un adulte ; les mineurs de plus de 13 ans ne peuvent être placés en détention provisoire, sauf en cas de crime, a précisé la délégation.
Enfin, le « confiage », mode de socialisation traditionnel au Sénégal mais qui peut donner lieu à des abus et déviances, est désormais codifié et formalisé, a expliqué la délégation. Il est par ailleurs prévu de codifier aussi le système de familles d’accueil au Sénégal, a-t-elle indiqué.
S’agissant du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, la délégation a précisé qu’au Sénégal, la justice disposait de pouvoirs étendus pour saisir des matériels informatiques et écouter des conversations, ainsi que pour saisir et supprimer des contenus en ligne litigieux au regard du Protocole facultatif.
Les autorités ont ouvert un centre de prise en charge de jeunes victimes d’exploitation sexuelle, a par ailleurs indiqué la délégation. Les médecins et enseignants ont l’obligation de saisir la justice s’ils ont connaissance de crimes commis contre les enfants dont ils sont chargés. La non-dénonciation de crimes commis sur des enfants est elle-même passible de poursuites, a précisé la délégation. Plus de 14 000 appels ont été reçus par la ligne téléphonique ouverte aux enfants victimes de violence : aucun cas de vente d’enfant n’a été recensé, a ajouté la délégation.
S’agissant du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, la délégation a indiqué que les forces armées sénégalaises avaient une bonne connaissance des parties impliquées dans les conflits et constataient que de moins en moins d’enfants y étaient mêlés. Quant au prytanée de Saint-Louis, a-t-il été précisé, il s’agit d’un lycée d’excellence mais pas d’une école militaire.
Le Sénégal est un État organisé où les lois sont respectées, a insisté la délégation : l’armée sénégalaise est, à ce titre, scrupuleuse en ce qui concerne le recrutement des militaires, qui concerne uniquement les personnes âgées de 20 ans et plus, les dérogations n’étant pas admises. Le recrutement ne se fait pas par une seule personne, mais par toute une structure, ce qui rend impossible le recrutement de personnes de moins de 20 ans.
Les Casques bleus sénégalais participent, pendant leurs missions à l’étranger, aux initiatives de sensibilisation contre le recrutement de mineurs, a aussi indiqué la délégation. La formation des Casques bleus contient des enseignements sur la prévention des abus sexuels et autres. Les soldats coupables d’exploitation sexuelle sont sanctionnés, toute accusation donnant lieu à un rapatriement immédiat, a ajouté la délégation.
Les forces armées contribuent aussi au rétablissement de la Casamance, où le conflit est quasiment éteint, a déclaré la délégation.
Remarques de conclusion
MME AHO s’est félicitée du dialogue riche et fructueux noué avec la délégation, même sur des questions ayant entraîné une certaine gêne. Il reste encore beaucoup à faire pour que les enfants jouissent de leurs droits au Sénégal, comme partout ailleurs, a dit l’experte. Le Sénégal doit en particulier consentir davantage d’efforts dans la réduction de la mortalité infantile, des grossesses précoces et des avortements clandestins, a-t-elle indiqué. Il reste aussi au Sénégal à adopter le code de l’enfant et la loi de modernisation des daara.
MME OTANI a remercié la délégation de sa volonté de poursuivre la coopération et le dialogue avec le Comité.
M. ALIOUNE NDIAYE, Secrétaire général du Ministère de la justice du Sénégal, a assuré que son Gouvernement poursuivrait ses efforts pour promouvoir les droits des enfants et qu’il serait attentif ce faisant aux recommandations et préoccupations du Comité.
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