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Examen du Nicaragua devant le CEDAW : les membres du Comité s’inquiètent des violences envers les femmes et de la restriction de l’espace dévolu à la société civile
Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) a examiné, cet après-midi, en l’absence de délégation de l’État partie, le rapport valant septième à dixième rapports périodiques du Nicaragua au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
Dans une déclaration d’ouverture, Mme Rosalia Concepción Bohórquez Palacios, Représentante permanente du Nicaragua auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que son Gouvernement de réconciliation et d'unité nationale rejetait totalement les questions « malveillantes, partiales, partielles et mal intentionnées » sur le rapport présenté par le Nicaragua, qui – a-t-elle ajouté – est un document reflétant clairement l'engagement du Gouvernement en faveur de la restitution des droits des femmes nicaraguayennes.
La Représentante permanente a assuré que le Nicaragua disposait d'un cadre juridique et réglementaire qui garantit les droits humains des femmes et le développement permanent de plans, de programmes et de projets visant à renforcer l'autonomisation et le protagonisme des femmes. Elle a dénoncé les « actions néfastes du Comité et des pays esclavagistes et sexistes de l'Occident », dont – a-t-elle affirmé, avant de quitter la salle à l’issue de son intervention – l'intention est de reproduire des informations partielles, partiales et subjectives, qui ne cherchent qu'à déformer l’objectif du Gouvernement d'atteindre le bien commun et la paix pour sa nation.
La Présidente du Comité, Mme Ana Peláez Narváez, a regretté que le Nicaragua n'ait pas envoyé de délégation pour présenter le rapport et nouer un dialogue constructif avec le Comité, malgré les démarches répétées du Comité pour coopérer avec le Nicaragua.
Plusieurs expertes du Comité ont ensuite fait part de leurs observations au sujet du rapport du Nicaragua, qui a été soumis en 2019. Nombre de préoccupations ont été exprimées au sujet des violences contre les femmes, qui restent fortes au Nicaragua, a affirmé une experte, y compris des violences, notamment sexuelles, commises par la police contre des opposantes ainsi qu’au sein du système pénal. Il a été relevé qu’en 2019, pendant son Examen périodique universel (EPU), le Nicaragua avait rejeté les recommandations visant l'adoption de mesures pour faire face aux taux élevés de féminicides et de violences sexuelles et domestiques à l'encontre des femmes et des enfants.
Plusieurs expertes du Comité se sont inquiétées de la restriction de l’espace dévolu à la société civile nicaraguayenne. L’une d’elles a mentionné plusieurs lois adoptées depuis trois ans qui sont venues restreindre les activités des organisations de la société civile, des défenseurs des droits de l’homme et des avocats, de même que les droits civils et politiques des femmes, s’agissant en particulier de leur droit d’expression et, pour les femmes confrontées à la loi, de leur droit de consulter un avocat de leur choix. Les femmes qui défendent les droits humains font l’objet de répression au Nicaragua et certaines ont été contraintes à l'exil, a-t-il été observé.
Une experte a pointé la persistance de stéréotypes sexistes dans le Code civil nicaraguayen.
Le Comité adoptera ultérieurement et à huis clos ses observations finales sur le rapport du Nicaragua, qu’il rendra publiques à sa prochaine session, en février 2024. Le Comité doit achever les travaux de la présente session ce vendredi 27 octobre, dans l’après-midi.
Examen du rapport du Nicaragua
Le Comité est saisi du rapport valant septième à dixième rapports périodiques du Nicaragua (CEDAW/C/NIC/7-10), reçu en 2019. Le Comité avait soumis au Nicaragua une liste de points à traiter.
Présentation du rapport
Présentant le rapport de son pays, MME ROSALIA CONCEPCIÓN BOHÓRQUEZ PALACIOS, Représentante permanente du Nicaragua auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que son Gouvernement de réconciliation et d'unité nationale réaffirmait son rejet total des questions « malveillantes, partiales, partielles et mal intentionnées » sur le rapport qu’a présenté le Nicaragua le 2 mai 2019 qui – a-t-elle ajouté – est un document reflétant clairement l'engagement du Gouvernement en faveur de la restitution des droits des femmes nicaraguayennes. Mme Bohórquez Palacios a dénoncé les « actions néfastes du Comité et des pays esclavagistes et sexistes de l'Occident », dont – a-t-elle affirmé – l'intention est de reproduire des informations partielles, partiales et subjectives, qui ne cherchent qu'à déformer l’objectif du Gouvernement d'atteindre le bien commun et la paix pour sa nation, lesquels sont les piliers fondamentaux des véritables droits humains des femmes.
Depuis 2007, a poursuivi Mme Bohórquez Palacios, le Gouvernement nicaraguayen défend un modèle solide d'équité et de complémentarité entre les sexes, par le biais d'actions nationales qui contribuent à la bonne vie des familles nicaraguayennes, dans la justice sociale et le respect des droits humains des femmes et des hommes.
Le Nicaragua dispose d'un cadre juridique et réglementaire qui garantit les droits humains des femmes et le développement permanent de plans, de programmes et de projets visant à renforcer l'autonomisation et le protagonisme des femmes, a insisté Mme Bohórquez Palacios. Le Gouvernement consolidera et étendra la gestion institutionnelle pour continuer à rétablir les droits de plus de femmes, dans plus de communautés, dans tous les secteurs, en s’appuyant sur la coordination, la communication et les alliances institutionnelles et territoriales, ce qui lui permettra de combler le fossé entre les hommes et les femmes d'ici 2030, a ajouté Mme Bohórquez Palacios.
La Représentante permanente a ensuite mentionné plusieurs initiatives visant en particulier à former les femmes pour renforcer leurs connaissances et compétences en matière de leadership protagoniste et stratégique, afin qu’elles puissent influencer les espaces communautaires, politiques et syndicaux. Le Nicaragua est le pays d'Amérique latine où l'égalité entre les hommes et les femmes est la plus élevée et il est actuellement le septième au monde, selon le rapport du Forum économique mondial sur l'écart mondial entre les hommes et les femmes 2022, a ajouté Mme Bohórquez Palacios.
La Représentante permanente a regretté que le rapport présenté par son Gouvernement, conformément à ses obligations au titre de la Convention – rapport qui reflète clairement les droits restitués aux femmes nicaraguayennes – n'ait pas été pris en compte dans l'évaluation des progrès réalisés par le Gouvernement dans la lutte contre la discrimination à l'égard des femmes et dans la pleine réalisation des droits reconnus par la Convention.
Observations des membres du Comité
La Présidente du Comité, MME ANA PELAEZ NARVAEZ, a rappelé que le Comité était chargé de contrôler l’application de la Convention au Nicaragua et le respect des droits des femmes sur l’ensemble du territoire du pays.
Des expertes ont estimé que l’absence d’une délégation du Nicaragua à l’examen devant le Comité était en soi une source de grave préoccupation pour le droit des femmes à l'égalité en général. Une experte a déploré que le Nicaragua n’ait rien fait pour protéger les femmes nicaraguayennes « depuis 2700 jours » et a demandé que l’État partie soit « exclu de la Convention ».
MME LETICIA BONIFAZ ALFONZO, rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Nicaragua, a fait observer que le Comité utilisait les informations fournies par l’État partie – des informations au demeurant peu nombreuses, a-t-elle fait observer.
Le pouvoir exécutif a été réélu à trois reprises, le pouvoir judiciaire nicaraguayen ayant pour sa part avalisé toutes les décisions de l’exécutif depuis sa précédente réélection, a constaté l’experte. Le féminicide n’est pas considéré comme une infraction autonome au Nicaragua, a-t-elle relevé, observant en outre que la loi se donne explicitement pour objectif de protéger la famille plutôt que les femmes.
Mme Bonifaz Alfonzo a ensuite mentionné plusieurs lois adoptées depuis trois ans qui sont venues restreindre les activités des organisations de la société civile, des défenseurs des droits de l’homme et des avocats, de même que les droits civils et politiques des femmes, s’agissant en particulier de leur droit d’expression et, pour les femmes confrontées à la loi, de leur droit de consulter un avocat de leur choix.
Une experte s’est interrogée sur le contenu du plan du Ministère des droits des femmes destiné à « renforcer le modèle de réconciliation, une culture de paix, de dignité et de non-violence » ; elle a en particulier voulu savoir dans quelle mesure ce plan prend en compte les féminicides, alors que les violences contre les femmes restent fortes au Nicaragua.
Des préoccupations de l’experte ont en outre porté sur la restriction de l’espace dévolu à la société civile nicaraguayenne, dont de nombreuses organisations se sont vu priver de leur statut à la suite des décrets législatifs adoptés en 2022 et 2023. L’experte s’est demandé si ce n’était pas là une manière de priver les femmes d’un soutien indispensable sur le terrain. Selon l'Iniciativa Nicaragüense de Defensoras de Derechos Humanos (IND), 212 organisations ayant un profil féministe ou travaillant dans le domaine des droits des femmes ont été fermées entre 2018 et décembre 2022, a-t-il été observé.
Une autre experte du Comité a fait remarquer que les femmes qui défendent les droits humains font l’objet de répression au Nicaragua et que certaines ont été contraintes à l'exil. Depuis quatre ans, a indiqué cette experte, l'Iniciativa Nicaragüense de Defensoras a ainsi recensé environ 7000 agressions contre des femmes défenseuses des droits humains. Parallèlement, le Regisre mésoaméricain des agressions de défenseuses des droits humains (Registro Mesoamericano de Agresiones a Defensoras de Derechos Humanos) a identifié, depuis 2018, au moins 1975 agressions contre des défenseuses, agressions consistant en détentions arbitraires et menaces et campagnes de diffamation, a ajouté l’experte.
La participation politique des femmes a été inhibée en raison de la violence sexiste à l'encontre de celles qui défendent les droits humains, a pour sa part déploré une experte.
Une autre experte a rappelé l’obligation faite aux États par la Convention d’adopter des mesures temporaires spéciales afin d’accélérer l’égalité de fait entre les hommes et les femmes, en particulier s’agissant de l’accès au marché du travail. Elle a voulu savoir quel était l’organe compétent chargé de ces mesures au Nicaragua.
Une autre experte a pointé la persistance de stéréotypes sexistes dans le Code civil nicaraguayen, en particulier le fait que le père y est explicitement désigné comme le chef de famille. Cette experte a aussi relevé qu’en 2019, pendant son Examen périodique universel (EPU), le Nicaragua avait rejeté les recommandations visant l'adoption de mesures pour faire face aux taux élevés de féminicides et de violences sexuelles et domestiques à l'encontre des femmes et des enfants. Elle a en outre fait état de violences, y compris sexuelles, commises par la police contre des opposantes, ainsi qu’au sein du système pénal. L’experte a regretté que la Commission nationale de lutte contre la violence envers les femmes ait disparu.
D’autres préoccupations ont été exprimées au sujet de l’aggravation du problème de la traite des femmes et des filles originaires du Nicaragua dans d’autres pays de la région, dans un contexte où nombre de ressortissants du Nicaragua émigrent, ainsi qu’au sujet de l’exploitation de mineurs migrants étrangers, y compris dans le cadre du tourisme sexuel, au Nicaragua.
Alors que la loi prévoit une participation des femmes et des hommes dans le Gouvernement, dans les faits cette obligation n’est pas complètement respectée, a observé une experte. Le pays ne compte que 17 femmes sur 93 parlementaires, a-t-elle relevé. De plus, les femmes membres de minorités sont insuffisamment représentées dans les autorités locales, a ajouté l’experte.
Plusieurs experts ont fait état de discriminations et de discours de haine à l’encontre des personnes LGBTI et de leurs organisations représentatives au Nicaragua.
Si la Constitution nicaraguayenne garantit le droit de critiquer le Gouvernement et le droit de se réunir pacifiquement, les femmes défenseuses des droits humains qui exercent ces droits risquent de perdre leur nationalité, s’est inquiétée une experte. Les rapports alternatifs de 2023 indiquent que l'apatridie des Nicaraguayens est un statut qui les place dans une situation de vulnérabilité accrue et crée de sérieux obstacles à l'exercice d'autres droits tels que les droits à la santé, à l'éducation, à un emploi décent et à la vie de famille. L’experte a cité le cas de Mme Madeleine Caracas, qui a dû fuir le pays pour se réfugier au Costa Rica afin d'échapper à une arrestation ordonnée par le Gouvernement après avoir joué un rôle dans des manifestations politiques.
Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.
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CEDAW23.037F