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Les questions liées à la dette publique, à la répartition des ressources, aux mutilations génitales féminies ou encore à l’utilisation de mercenaires au Tchad attirent l’attention des experts du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Compte rendu de séance

 

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier après-midi et cet après-midi, le rapport du Tchad au titre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Au cours de cet examen, les progrès normatifs et institutionnels accomplis par le Tchad dans plusieurs domaines ont été salués, de même que la précision et les détails contenus dans le rapport soumis au Comité. Cependant, des experts, inquiets de coupes dans les budgets de l’État tchadien, se sont interrogés sur les mesures prises par le Gouvernement pour anticiper les effets des mesures d’austérité sur l’accès aux soins de santé, à l’éducation et aux autres services essentiels. La dette ne devrait pas empêcher les gouvernements de faire face à leurs obligations en matière de droits de l’homme, a fait remarquer une experte, estimant que le Tchad devait garantir des politiques publiques qui permettent l’accès à l’éducation et aux soins de santé. 

De même, des préoccupations ont été exprimées au sujet de la répartition des ressources publiques – il a été recommandé à cet égard de privilégier les secteurs sociaux plutôt que le secteur de la défense. Un expert a par ailleurs fait part de ses inquiétudes quant à l’utilisation de mercenaires sur le territoire tchadien.

Des membres du Comité ont mentionné d’autres inquiétudes relatives à certaines pratiques préjudiciables pour les femmes et les filles, plus particulièrement les mutilations génitales, de même qu’aux mariages précoces. Des questions ont aussi porté sur le statut juridique et les droits des peuples nomades au Tchad.

Un expert a assuré que le Comité était conscient que le Tchad était confronté à une situation extrêmement complexe, que ce soit sur le plan sécuritaire – problématique étant donné son entourage géopolitique –, politique ou économique. L’expert a salué l’effort du pays pour venir dialoguer de manière constructive avec le Comité et lui expliquer la mise en œuvre du Pacte par son Gouvernement.

Présentant le rapport de son pays, M. Mahamat Ahmad Alhabo, Ministre de la justice et des droits humains et chef de la délégation tchadienne, a fait observer que depuis la transmission du rapport au Comité, son pays avait connu « une situation inédite » avec l’assassinat du Président Idriss Deby Itno par un groupe de rebelles, assassinat qui a plongé le Tchad dans une période de transition politique le 21 avril 2021. Depuis, les autorités travaillent inlassablement pour un retour à l’ordre constitutionnel et le nouveau Gouvernement est attaché aux questions des droits de l’homme, a assuré le Ministre.

M. Alhabo a par ailleurs fait savoir que la volonté de son Gouvernement se trouve être émaillée de difficultés qui ralentissent, voire l’empêchent d’atteindre les objectifs fixés. Parmi les causes, il a cité la crise économique et financière ; l’insécurité grandissante dans la sous-région due aux attaques permanentes des groupes terroristes ; l’afflux massif de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur du pays après les conflits intercommunautaires au Soudan, en République centrafricaine et au Nord du Cameroun, qui impactent lourdement la situation économique et sociale du pays.

Outre M. Alhabo, la délégation était composée de M. Jean Pierre Baptiste, Représentant permanent du Tchad auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de plusieurs autres représentants du Ministère des affaires étrangères et du Ministère de la justice et des droits humains.

Au cours du dialogue, la délégation a indiqué, notamment, que le Gouvernement était le premier à estimer que le poids de la dette ne devait nullement entraver la mise en œuvre du Pacte. Le Tchad travaille donc avec ses créanciers pour alléger le fardeau de la dette et veiller à ce que cela ne pénalise pas les secteurs de la santé et de l’éducation, a-t-elle ajouté. Par ailleurs, le Gouvernement prend toutes les mesures à sa disposition pour garantir la sécurité dans un contexte où, notamment, le Tchad accueille un million de réfugiés pour une population de 17 à 18 millions d’habitants, une situation à laquelle le Tchad doit faire face relativement seul, a insisté la délégation.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Tchad et les rendra publiques à l’issue de sa session, qui doit clore ses travaux le 13 octobre prochain.

 

Le Comité entamera demain, à partir de 10 heures, le rapport de l’État de Palestine.

 

Examen du rapport du Tchad

Le Comité est saisi du quatrième rapport périodique du Tchad (E/C.12/TCD/4) ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.

Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. MAHAMAT AHMAD ALHABO, Ministre de la justice et des droits humains du Tchad, chef de la délégation, a indiqué que depuis son accession à la souveraineté, le Tchad avait souscrit aux instruments juridiques internationaux, régionaux et sous-régionaux, relatifs à la promotion et la protection des droits de l’homme, dont le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ratifié en 1995. Le rapport présenté a été élaboré de manière participative puis soumis à la validation du Comité interministériel suivant une méthodologie impliquant toutes les sensibilités, y compris les organisations de la société civile.

M. Alhabo a fait observer que depuis la transmission du présent rapport au Comité, son pays avait connu « une situation inédite » avec l’assassinat du Président Idriss Deby Itno par un groupe de rebelles, assassinat qui a plongé le Tchad dans une période de transition politique le 21 avril 2021. Depuis, les autorités travaillent inlassablement pour un retour à l’ordre constitutionnel. Le Gouvernement dirigé par le Président Mahamat Idriss Deby Itno [fils de l’ancien Président] est attaché aux questions des droits de l’homme. Ainsi, en 2022, un Forum national des droits de l’homme et un Forum national du dialogue national inclusif et souverain ont été organisés.

Les éléments de réponses apportés aux observations du Comité dans le rapport témoignent de la volonté indéniable du Gouvernement tchadien de traduire en acte les dispositions du Pacte, a ajouté M. Alhabo.

M. Alhabo a mentionné les efforts de son pays afin de lutter contre le VIH/sida ; d’élargir les institutions et instruments de protection des droits de l’homme en érigeant la Commission nationale des droits de l’homme au rang des grandes institutions de la République ; de lutter contre la corruption en adoptant des mesures législatives et réglementaires ; et de lutter contre toutes les formes de discrimination, y compris à l’égard des femmes et contre les mutilations génitales et le travail des enfants.

Le chef de la délégation a toutefois fait savoir que la volonté de son Gouvernement se trouve être émaillée de difficultés qui ralentissent, voire l’empêchent d’atteindre les objectifs fixés. Parmi les causes, il a cité la crise économique et financière ; l’insécurité grandissante dans la sous-région due aux attaques permanentes des groupes terroristes ; l’afflux massif de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur du pays après les conflits intercommunautaires au Soudan, en République centrafricaine et au Nord du Cameroun, qui impactent lourdement la situation économique et sociale du pays.

Face à ces difficultés et au regard de la conjoncture économique, M. Alhabo a reconnu qu’il sera impossible, voire irréaliste d’affirmer que le Gouvernement sera capable d’atteindre seul la mise en œuvre des dispositions du Pacte. Il a lancé un appel aux partenaires techniques et financiers afin d’accompagner son pays dans ce vaste chantier.

Questions et observations des membres du Comité

M. LUDOVIC HENNEBEL, rapporteur du groupe de travail chargé de l’examen du rapport du Tchad, a reconnu des progrès normatifs ou institutionnels dans divers domaines accomplis par le Tchad. Le dialogue de ce jour contient une finalité prospective et permet de baliser le chemin qu’il reste à accomplir, a-t-il indiqué.

Le rapporteur a, entre autres, interrogé la délégation sur le Protocole facultatif relatif au Pacte, instituant une procédure de communication (plainte) devant le Comité. Il a souhaité savoir si le Tchad envisageait de ratifier le Protocole et s’il acceptait les procédures d’enquête et de communications interétatiques. Concernant l’application interne du Pacte, le rapporteur a souhaité connaître les mesures prises par le pays pour sensibiliser les avocats, les juges et les auxiliaires de justice à l’application en droit interne du Pacte.

Le rapporteur a par ailleurs fait part de son inquiétude quant à l’utilisation de mercenaires sur le territoire tchadien. Il a demandé à la délégation de quelle manière le pays collaborait avec d’autres États et organisations régionales pour lutter contre l’utilisation de mercenaires. Il a également interrogé la délégation sur les initiatives prises par le Gouvernement pour résoudre la crise humanitaire complexe dans la région du lac Tchad causée par les exactions de groupes tels que Boko Haram.

Le rapporteur a aussi mis l’accent sur le peuple peul M'bororo en tant que peuple autochtone. Il a souhaité connaître le statut juridique et les droits des peuples nomades au Tchad et les mesures envisagées pour clarifier juridiquement les dispositions relatives au domaine foncier et résoudre le flou juridique actuel qui affecte ces populations, en particulier les communautés nomades.

M. MOHAMMED AMARTI, membre du groupe de travail chargé de l’examen du rapport du Tchad, a interrogé la délégation sur les mesures prises par le Gouvernement pour améliorer le taux d’emploi et pour définir un modèle économique qui stimule la création d’emplois et permet de promouvoir l’égalité des chances dans l’accès à l’emploi, en particulier pour les jeunes et les femmes.

M. Amarti s’est également enquis des mesures prises par le Gouvernement pour élargir les possibilités de formation et d’emploi pour les femmes au-delà des métiers considérés traditionnellement féminins, comme la coiffure et la couture. Il a demandé davantage de précisions sur les mécanismes établis pour faire respecter les droits des travailleurs dans le secteur informel, et comment ces mécanismes sont appliqués pour garantir des conditions de travail justes et favorables.

Mme KARLA VANESSA LEMUS DE VÁSQUEZ, membre du groupe de travail chargé de l’examen du rapport du Tchad, a interrogé la délégation sur les pratiques préjudiciables pour les femmes et les filles et plus particulièrement les mutilations génitales. Les membres du Comité, a dit l’experte, souhaitent à cet égard connaître l’efficacité des mesures de prévention et les sanctions prévues pour de tels délits et si ces sanctions sont adéquates par rapport à la gravité des faits. Elle a souhaité connaître les mesures prises par le Tchad pour sensibiliser l’opinion publique à la question des excisions. Elle a, en outre, relevé que la question des mariages précoces demeurait un problème important dans le pays. L’experte a demandé si le Gouvernement envisageait d’élaborer un plan à court terme qui mettrait en œuvre le décret de 2015 interdisant le mariage précoce.

MME LAURA-MARIA CRACIUNEAN-TATU, Présidente du Comité et membre du groupe de travail chargé de l’examen du rapport du Tchad, a interrogé la délégation sur l’accès à l’éducation de base gratuite et obligatoire, y compris pour les filles, les enfants vivant dans les zones rurales, les enfants handicapés, les enfants réfugiés et les enfants de différentes communautés culturelles, notamment les nomades. Elle s’est également enquise des mesures prises pour protéger la culture des groupes culturels, ethniques et linguistiques, et pour créer des conditions favorables à l’expression et à la diffusion de leurs identité, histoire, culture, langues, traditions et coutumes. 

Plusieurs experts ont exprimé leurs inquiétudes relatives à des coupes dans les budgets de l’État et ont interrogé la délégation sur les mesures prises par le Gouvernement pour anticiper les effets des mesures d’austérité sur l’accès aux soins de santé, à l’éducation et aux autres services essentiels. L’éducation, a fait observer un expert, est la clef pour l’application des droits économiques, sociaux et culturels. Une experte a ajouté que la dette ne devait pas empêcher les gouvernements de faire face à leurs obligations en matière de droits de l’homme et que le Tchad devait garantir des politiques publiques qui permettent l’accès à l’éducation et aux soins de santé. 

Des questions ont également porté sur les mesures prises par le pays pour réduire la proportion de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté, et pour que les ressources publiques soient utilisées de manière efficiente et équitable, notamment en faveur des secteurs sociaux plutôt qu’en faveur du secteur de la défense. Il a aussi été demandé quelles mesures le Gouvernement prenait pour garantir l’application rigoureuse des lois anti-corruption.

La délégation a également été invité à détailler les mesures prises pour lutter contre la discrimination à l’encontre des femmes, des enfants, des personnes handicapées, des migrants, des réfugiés ou encore des minorités ethniques, religieuses et linguistiques.

S’agissant de la peine de mort, abolie en 2020, il a été demandé à la délégation si des mesures ont été prises pour garantir que cette abolition est respectée et appliquée de manière uniforme dans tout le pays.

La délégation a, en outre, été interrogée sur les mesures prises contre les pratiques coutumières qui entravent les droits des femmes, en particulier leur droit à posséder ou hériter de biens et les étapes prévues pour l'adoption du projet de code des personnes et de la famille visant à renforcer le droit des femmes.

Une autre experte a déploré un nombre de faillites relativement élevé dans le cadre de l’auto-entreprenariat, malgré les microcrédits offerts aux personnes qui souhaitent s’installer à leur compte. Elle a demandé à la délégation de préciser les mesures prises par le Gouvernement pour remédier à ces faillites.

Un autre expert a salué la précision et les détails contenus dans le rapport. Le Pacte, a-t-il rappelé, stipule que les États membres doivent respecter les droits consacrés par le Pacte dans la mesure de leurs capacités. Ces droits sont en effet importants et exigent des ressources elles aussi importantes, a-t-il observé. Cette responsabilité incombe au Gouvernement et c’est une responsabilité internationale également. Il a été demandé si le Tchad avait sollicité une assistance auprès de ses partenaires en développement.

Réponses de la délégation

Concernant la situation des droits de l’homme au Tchad, la délégation a fait savoir que le pays avait accédé à son indépendance en 1960 et avait été ensuite frappé par un long cycle de violences qui dure depuis près de soixante ans. Le Tchad a connu d’intenses et nombreuses rébellions, qui ont notamment conduit à la mort du Président de la République sur le champ de bataille, alors qu’il combattait les forces rebelles venues le renverser. De plus, le pays est encerclé par des pays voisins qui traversent de graves crises, à savoir la Libye, le Soudan ou le Niger ou encore le Cameroun.

Le Tchad accueille plus d’un million de réfugiés sur son territoire, outre les déplacés internes. Malgré ces difficultés, le Gouvernement a adopté des lois qui viennent d’être promulguées pour garantir les droits de toutes les populations réfugiées. Dans certaines régions du pays, les écoles primaires sont occupées par des réfugiés et de nombreux enfants n’ont pas été en mesure d’effectuer leur rentrée scolaire.

La délégation a, par ailleurs, estimé qu’il n'existe aucune population autochtone sur son territoire.

S’agissant du contexte politique, la délégation a rappelé que le Président Idriss Déby Itno a été tué en 2021. Depuis lors, le pays traverse une transition et des institutions provisoires ont été mises en place. Depuis plus de soixante ans, le pays est déstabilisé, par la guerre civile et les fractions armées qui ont segmenté le pays.

En 2022, une réunion s’est tenue sous les auspices du Qatar pour obtenir un accord entre les différents mouvements politico-militaires. Sur les cinquante forces en présence, environ quarante-cinq ont trouvé un accord et ont lancé un dialogue national inclusif souverain, qui a pris fin le 8 octobre 2022. Depuis cette date, le Gouvernement travaille pour parvenir à l’adoption d’une nouvelle Constitution. Des discussions sont en cours sur deux formes de gouvernance, à savoir un État unitaire décentralisé ou un État fédéral.

Abordant la question relative à Boko Haram, la délégation a précisé que ce mouvement accaparait les biens des paysans et faisait du petit banditisme. Boko Haram persévère dans son action, mais il n’est toutefois pas en mesure de renverser un régime politique car il préfère commettre du banditisme pour survivre et subvenir à ses besoins.

La peine de mort a été abolie au Tchad, a fait observer la délégation. Une enquête a été ouverte sur des cas de décès en détention. Désormais, les partisans sont envoyés dans une prison qui se trouve dans le centre du pays. Le chef de la délégation a indiqué avoir dépêché une équipe judiciaire afin d’évaluer la situation sur place.

S’agissant des mercenaires, la délégation a affirmé que le Tchad avait les capacités humaines et matérielles pour affronter les forces qui viendront affronter ou mettre en cause son intégrité territoriale. Le pays n’a pas besoin de recourir à des mercenaires pour se protéger.

Le Tchad est un pays multiconfessionnel et multireligieux, a poursuivi la délégation. Elle a reconnu la difficulté d’adopter un code de la famille, le statut personnel étant régi selon les différentes religions et groupes. Chaque communauté aborde les questions relatives aux droits de la famille selon ses coutumes. La délégation a reconnu que des décrets ont été adoptés pour interdire le mariage précoce, mais que certains continuent de marier en secret leurs filles. La délégation a estimé que l’éducation et la scolarisation permettraient aux filles de disposer des outils nécessaires pour lutter pour leurs droits.

Concernant les questions relatives aux droits du travail et syndical, la délégation a indiqué que nombre de jeunes, souvent très diplômés, se retrouvaient au chômage à la fin de leurs études, un problème auquel il a fallu trouver des solutions palliatives. Ainsi, le Gouvernement a décidé de proposer aux jeunes la possibilité de s’auto-employer, en leur offrant des formations et des petites subventions. Un Ministère de la solidarité et de l'entreprenariat a également été mis sur pied pour aider ces jeunes. L’objectif était d’éviter qu’une jeunesse au chômage ne devienne un danger social pour le pays. Cette politique, qui n’a pas toujours été couronnée de succès, est en cours de révision, a dit la délégation.

Poursuivant sur la question de l’accès des femmes à l’emploi, la délégation a précisé que peu d'entre elles se tournaient vers les métiers de la coiffure et de la couture. En revanche, les femmes tchadiennes sont très commerçantes et beaucoup font tourner l’économie. On les retrouve surtout sur les marchés et dans le secteur agricole, gérant parfois de grosses exploitations. La délégation a fait savoir que les femmes au Tchad géraient souvent mieux l’auto-entrepreneuriat que les hommes, qui dépensent les microcrédits et sont ensuite dans l’incapacité de les rembourser.

Environ 70% de la population tchadienne vit en milieu rural, contre 30% dans les grandes villes, a ajouté la délégation. Ce sont les grandes villes qui sont particulièrement touchées par l’économie informelle. Malgré de longues études, les jeunes ne trouvent pas d’emplois et se retrouvent dans le secteur informel, notamment dans le secteur de la livraison. 

La délégation a précisé qu’il existait au Tchad une inspection du travail qui intervient dans lors de conflits sociaux. Le salaire minimum est acté par le Gouvernement et figure dans e code du travail. Autrement dit, les entreprises qui ne respectent pas le salaire minimum sont sanctionnées. La délégation a également précisé que les syndicats existent dans le pays et que, pendant les grèves, les travailleurs reçoivent leurs salaires. Le mouvement syndical est très fort au Tchad, a dit la délégation. 

Concernant les mutilations génitales, la délégation a rappelé que le pays est multiconfessionnel et multiethnique. Ce qui est considéré dans certaines communautés comme une vertu, est concerné comme un vice par d’autres. Le Gouvernement édicte des lois, mais les traditions sont parfois plus fortes que les lois. Ainsi, dans certaines communautés, une fille qui n’est pas excisée ne peut avoir un mari. Le Gouvernement a mobilisé les chefs religieux et communautaires pour les sensibiliser mais il faut de la pédagogie. Et malheureusement, le phénomène perdure. Par ailleurs, les femmes qui sont instruites ne font pas exciser leurs filles. La délégation a indiqué que les mutilations génitales féminines sont criminalisées dans le Code pénal. Certaines filles mutilées meurent, a reconnu la délégation. C’est pourquoi certains parents portent plainte et lorsque l’affaire est portée devant la justice, les auteurs des faits sont reconnus coupables et condamnés. 

La délégation a ensuite précisé que les nombreuses coutumes du pays engendrent de nombreuses différences culturelles. Ainsi, les femmes peuvent ou non hériter de la terre, selon les communautés. De même, dans certaines communautés, les femmes ont accès aux crédits. La délégation a rappelé que le Gouvernement n’était pas encore parvenu à rédiger un code commun de la famille. Parfois, il n’existe pas de règle précise et c’est une réalité complexe avec laquelle le Gouvernement doit composer.

S’agissant du mariage précoce, la délégation a noté que les jeunes filles non éduquées avaient plus de risques d’être mariées dès l’âge de 14 ans. Il existe aujourd’hui un programme avec le Programme alimentaire mondial qui permet aux familles qui font aller leurs filles à l’école de disposer d’un déjeuner qui n’est pas à leur charge. 

La délégation a également précisé que le code de l’enfant était actuellement examiné par le Conseil des ministres. Il devrait ensuite être transmis pour adoption aux membres du Parlement. 

Quant aux informations sur la sécurité sociale dont disposent les membres du Comité, elles datent de 2019, a fait remarquer la délégation. L’ancien système a été complètement abrogé et le nouveau système est en cours de révision. Toutefois, la délégation a reconnu que la couverture sanitaire universelle dans son pays ne dépassait pas les 10%. 

Dans les grandes villes, la question du logement se pose. Mais à ce stade, il n’y a pas de logements sociaux, a reconnu la délégation. Le Gouvernement travaille actuellement à fournir des terrains aux personnes dans le besoin. 

En ce qui concerne la diversification économique, la délégation a précisé que, depuis 2003, le Tchad était un pays producteur de pétrole. Toutefois, le pétrole est une ressource tarissable et le Tchad reste le troisième plus grand pays d’Afrique en termes d'élevage, a précisé la délégation. L’approche du Gouvernement est de diversifier l’élevage, en produisant notamment des abattoirs en vue de créer des emplois et de la croissance. Le Tchad est aussi un gros producteur et exportateur de coton ; aujourd’hui la politique gouvernementale consiste à créer des richesses et à diversifier son approche avec le coton. 

Concernant les nombreuses préoccupations exprimées sur la dette du pays et ses conséquences sur les domaines essentiels, la délégation a reconnu que la dette publique était de 59% et que le risque lié à l’endettement restait très élevé. Le Gouvernement est le premier à estimer que le poids de la dette ne doit nullement entraver la mise en œuvre du Pacte, notamment dans les domaines essentiels. Le Tchad travaille avec ses créanciers pour alléger le fardeau de la dette et veiller à ce que cela ne pénalise pas les secteurs de la santé et de l’éducation.

La délégation a aussi tenu à préciser que le budget de la défense, qui représente 16% pour les années 2020 et 2021, s’expliquait par le contexte régional. Elle a rappelé que le Président lui-même a été tué en tentant de défendre son pays. Autrement dit, a précisé la délégation, la situation sécuritaire est grave et sérieuse. Le Gouvernement prend toutes les mesures à sa disposition pour garantir la sécurité, notamment dans un contexte où le Tchad accueille un million de réfugiés, pour une population de 17 à 18 millions d’habitants. Cela a un impact sur l’environnement, sur l'économie nationale et le Tchad doit faire face à cette situation relativement seul, a fait observer la délégation. 

Sur les questions d’éducation, la délégation a précisé qu’en 2016, le Tchad avait adopté une loi d’orientation qui oblige les enfants du pays à se rendre à l’école pendant dix ans. Cette mesure est appelée « École fondamentale » et correspond à environ de six ans de primaire et quatre ans de collège. Cette éducation fondamentale est obligatoire, y compris pour les filles, les enfants handicapés ou encore les enfants réfugiés. Il y a une prolifération des écoles privées, alors même qu’il manque d’écoles publiques, a admis la délégation.

S’agissant de la qualité de l’enseignement, la délégation a reconnu que le métier de l’enseignant n’est pas valorisé. Beaucoup de jeunes qui ont fait des études préfèrent exercer un autre métier que celui d’être enseignant en école primaire. De même, beaucoup de gens entrent dans la fonction publique dans le cadre de la santé et l’éducation avant de bifurquer vers d’autres métiers.

Remarques de conclusion

M. HENNEBEL a dit que le Comité était conscient que le Tchad était confronté à une situation extrêmement complexe, que ce soit sur le plan sécuritaire – problématique étant donné son entourage géopolitique –, politique ou économique, à quoi s’ajoute une série de défis aux plans juridique et institutionnel. Dans ce cadre, la délégation a consenti un effort extraordinaire pour venir dialoguer de manière constructive avec le Comité et lui expliquer la mise en œuvre par le Gouvernement du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, a estimé M. Hennebel.

M. ALHABO a remercié les membres du Comité pour ce débat direct et franc, et pour les échanges constructifs et instructifs autour de questions importantes ayant pour objectif la traduction en actes du Pacte par le pays et pour le pays. Le Ministre a également rappelé la situation complexe traversée par le Tchad. La délégation, a-t-il dit, a tenté de faire entendre les évolutions politiques voulues par le Gouvernement du Tchad, qui essaie de lutter ardemment contre la pauvreté et le sous-développement. Le Gouvernement est disposé à recevoir les recommandations du Comité, a assuré M. Alhabo.

 

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