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Le Conseil des droits de l’homme est informé que la situation en Éthiopie s'est considérablement détériorée et que la situation est grave dans la Fédération de Russie aujourd'hui
Après avoir achevé son débat général au titre de la promotion et de la protection de tous les droits de l’homme en entendant les déclarations de plusieurs délégations*, le Conseil des droits de l’homme a tenu, cet après-midi, un dialogue avec les membres de la Commission internationale d’experts des droits de l’homme sur l’Éthiopie, présidée par M. Mohamed Chande Othman, et a engagé un dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans la Fédération de Russie, Mme Mariana Katzarova.
Présentant ce qui est son premier rapport devant le Conseil, Mme Katzarova a indiqué que les autorités russes avaient tenté d'entraver son travail et d'isoler le mandat en essayant de dissuader d'autres mécanismes des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme de collaborer avec elle. Alors que l’ampleur des informations communiquées au mandat témoigne de « l'ampleur des défis en matière de droits de l'homme auxquels la société russe est confrontée », Mme Katzarova s’est dite déterminée à défendre la population russe et à aider celles et ceux qui, à l'intérieur comme à l'extérieur de la Fédération de Russie, risquent la persécution, l'arrestation arbitraire, l'emprisonnement à long terme et l'exposition à la torture et aux mauvais traitements, pour avoir exprimé des opinions dissidentes.
Si l'invasion de l'Ukraine par la Fédération de Russie a été suivie d'une détérioration rapide de la situation des droits de l'homme, a poursuivi Mme Katzarova, ce sont des restrictions progressives et calculées imposées aux droits de l'homme en Fédération de Russie ces vingt dernières années qui ont abouti à la politique actuelle de l'État qui consiste à criminaliser toute dissidence réelle ou perçue et à renforcer le soutien à la guerre par la censure, la propagande parrainée par l'État et les sources d'information contrôlées par l'État.
Plus de 20 000 personnes ont été arrêtées entre février 2022 et juin 2023 pour avoir participé à des manifestations anti-guerre largement pacifiques, a par ailleurs indiqué la Rapporteuse spéciale, précisant que plus de 600 poursuites pénales ont été engagées contre de prétendues « activités anti-guerre ». Mme Katzarova a ajouté qu’en Fédération de Russie, le droit à un procès équitable est largement ignoré dans la pratique.
Comme l'indique le rapport, « la situation est grave dans la Fédération de Russie aujourd'hui », a affirmé la Rapporteuse spéciale. Elle a appelé les autorités russes à engager des réformes complètes en matière de droits de l'homme afin de réparer les dégâts des deux dernières décennies et de remplir leurs obligations internationales en matière de droits de l'homme.
Suite à cette présentation, plusieurs délégations*** ont engagé le dialogue avec la Rapporteuse spéciale.
Présentant pour sa part le rapport de la Commission d’experts qu’il préside, M. Othman a averti le Conseil que la situation en Éthiopie s'est considérablement détériorée depuis le dernier exposé de la Commission en mars dernier. Non seulement l’accord de cessation des hostilités signé en novembre 2022 n’a pas réussi à instaurer une paix globale, mais les atrocités se poursuivent et le conflit, la violence et l’instabilité ont désormais une dimension quasi nationale, a-t-il fait observer.
M. Othman a indiqué que les troupes érythréennes et les milices amhara continuent de commettre des atrocités contre les civils dans le Tigré et a exprimé sa préoccupation s’agissant de la sécurité des communautés minoritaires Irob et Kunama qui vivent près de la frontière érythréenne, ainsi que de l’expulsion forcée des Tigréens du Tigré occidental. La présence continue des forces érythréennes sur le territoire éthiopien, plus de dix mois après que l’accord eut exigé leur départ et que le Conseil eut demandé leur retrait, constitue un signe évident de la complicité et de la tolérance continues du Gouvernement éthiopien à l'égard de ces violations, a affirmé M. Othman. Il a par ailleurs déploré que la perspective d’une reddition de comptes pour les atrocités commises par les forces érythréennes soit pratiquement inexistante.
Les forces de défense nationales éthiopiennes, les forces de défense érythréennes, les forces régionales et les milices affiliées ont perpétré des violations à une échelle « stupéfiante » dans le Tigré, a poursuivi M. Othman, faisant état d’actes qui constituent, selon lui, des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Dans ce contexte, M. Othman a jugé prématuré de mettre un terme à l’examen de la situation par la communauté internationale.
Après que l’Éthiopie eut fait une déclaration en tant que pays concerné, suivie d’une déclaration de la Commission nationale des droits de l’homme éthiopienne, de nombreuses délégations** ont pris part au dialogue avec les membres de la Commission d’experts.
À l’issue du débat général au titre de la promotion et de la protection de tous les droits de l’homme, le Conseil a par ailleurs entendu cet après-midi les délégations des pays ci-après exercer leur droit de réponse : Azerbaïdjan, Japon, Cuba, Chine, Arménie et Türkiye.
Demain matin, à 10 heures, le Conseil achèvera son dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans la Fédération de Russie. Il tiendra ensuite des dialogues avec la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne et avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi.
Fin du débat général au titre de la promotion et de la protection de tous les droits de l’homme
Aperçu du débat
Cet après-midi, plusieurs délégations ont estimé que les sanctions « unilatérales et illégales » prises à l'encontre de certains pays en développement réduisaient les possibilités de participation de ces derniers aux efforts de lutte contre les changements climatiques. Les sanctions économiques, a-t-il été affirmé, entravent le financement et les investissements internationaux dans les énergies renouvelables et dans l'accès aux technologies respectueuses de l'environnement. Ont en outre été dénoncés les effets « désastreux » des mesures coercitives unilatérales sur la santé des populations, en particulier celle des enfants.
Une délégation a dénoncé l’utilisation des nouvelles technologies contre des défenseurs des droits de l’homme ou contre des militants pour l’indépendance. Le Conseil a en outre été appelé à œuvrer pour une plus grande justice numérique, de manière à combler le fossé numérique entre les pays, et en particulier à vérifier que les États remplissent leurs obligations dans ce domaine.
Des intervenants ont condamné le déni des droits économiques, sociaux et culturels de minorités, qui empêche leur pleine participation au développement de leurs pays. D’aucuns ont plaidé pour l’élimination des pratiques discriminatoires à l’encontre des femmes rurales. Toutes les parties prenantes ont été appelées à travailler en étroite collaboration pour s'attaquer aux véritables problèmes que sont la pauvreté et le manque d'accès aux ressources, qui sont des défis communs à la plupart des pays en développement.
Plusieurs organisations non gouvernementales ont jugé important d’avancer concrètement vers l'adoption d'un document contraignant sur le droit au développement ainsi que vers une réglementation efficace des entreprises militaires et de sécurité privées.
Des délégations ont dénoncé des violations des droits de l’homme dans plusieurs pays et régions, pointant notamment des conditions de détention inhumaines, des exécutions collectives d’opposants politiques, ou encore l’accaparement de ressources naturelles appartenant à des peuples autochtones. Ont aussi été dénoncées des manifestations d’islamophobie dans plusieurs pays occidentaux, de même que la persécution de minorités musulmanes – comme les chiites et les hazaras – dans certains pays islamiques.
*Liste des intervenants : ArabEuropean Forum for Dialogue and Human Rights, Alliance Creative Community Project, Réseau Unité pour le Développement de Mauritanie, Bachehaye Asemane Kamran Rehabilitation Institute, Global Appreciation and Skills Training Network, Global Srilankan Forum United Kingdom, Al Baraem Association for Charitable Work, Al-khoei Foundation, Alulbayt Foundation, Association internationale pour l'égalité des femmes, Association pour l'intégration et le développement durable au Burundi, Association of Iranian Short Statured Adults et Asociación Cubana de las Naciones Unidas.
Dialogue avec la Commission internationale d’experts des droits de l’homme sur l’Éthiopie
Le Conseil est saisi du rapport de la Commission internationale d’experts des droits de l’homme sur l’Éthiopie (A/HRC/54/55, à paraître en français).
Présentation
M. MOHAMED CHANDE OTHMAN, Président de la Commission internationale d’experts des droits de l’homme sur l’Éthiopie, a averti le Conseil que la situation en Éthiopie s'est considérablement détériorée depuis le dernier exposé de la Commission en mars dernier. À l'époque, a-t-il rappelé, un certain optimisme régnait quant au fait que l'accord de cessation des hostilités signé en novembre 2022 ouvrirait la voie à la fin de l'un des conflits les plus meurtriers du XXIème siècle, qui a dévasté les communautés du nord de l'Éthiopie. Or, cela n’a pas été le cas, a-t-il poursuivi : non seulement l’accord n’a pas réussi à instaurer une paix globale, mais les atrocités se poursuivent et le conflit, la violence et l’instabilité ont désormais une dimension quasi nationale, a-t-il fait observer.
Le Président de la Commission d’experts a indiqué que les troupes érythréennes et les milices amhara continuent de commettre des atrocités contre les civils dans le Tigré, notamment des viols et des violences sexuelles contre les femmes et les filles. M. Othman a exprimé sa préoccupation s’agissant de la sécurité des communautés minoritaires Irob et Kunama qui vivent près de la frontière érythréenne, ainsi que de l’expulsion forcée des Tigréens du Tigré occidental.
La présence continue des forces érythréennes sur le territoire éthiopien, plus de dix mois après que l’accord eut exigé leur départ et que le Conseil eut demandé leur retrait, confirme la poursuite des atrocités, a insisté M. Othman. Selon lui, il s'agit d’un signe évident de la complicité et de la tolérance continues du Gouvernement éthiopien à l'égard de ces violations. M. Othman a souligné que ce faisant, l’Éthiopie a manqué à son obligation légale première en tant qu’État de protéger sa population contre les violations des droits de l’homme commises par une force extérieure. En outre, M. Othman a déploré que la perspective d’une reddition de comptes pour les atrocités commises par les forces érythréennes soit pratiquement inexistante.
Le Président de la Commission internationale d’experts s’est dit préoccupé de la détérioration de la situation dans la région d'Amhara, précisant que l’annonce, le mois dernier, de l’instauration de l’état d'urgence a été rapidement suivie de rapports alarmants faisant état de violations des droits de l'homme, notamment d'exécutions extrajudiciaires et d'arrestations massives de civils. Ces violations ne viennent pas de nulle part, a insisté M. Othman, affirmant qu’elles s’inscrivent dans le prolongement direct des violations massives du droit international remontant à novembre 2020.
Les forces de défense nationales éthiopiennes, les forces de défense érythréennes, les forces régionales et les milices affiliées ont perpétré des violations à une échelle « stupéfiante » dans le Tigré, a poursuivi M. Othman, faisant état de massacres, de viols et de violences sexuelles généralisés et systématiques à l'encontre des femmes et des filles, de famines délibérées, de déplacements forcés et de détentions arbitraires à grande échelle. Ces actes constituent des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, a-t-il ajouté.
Le Président de la Commission d’experts a indiqué que les violations graves se sont maintenant étendues au-delà du nord du pays, par exemple dans l’Oromia, où les forces gouvernementales continuent d’arrêter, de détenir et de torturer des civils, en particulier des hommes et des garçons, accusés d’avoir des liens avec l’Armée de libération oromo (OLA). Les exécutions extrajudiciaires de civils se déroulent en toute impunité, tandis que les violences sexuelles à l'encontre des femmes et des jeunes filles se poursuivent, mais ne sont pas suffisamment signalées, a fait observer M. Othman.
Ces atrocités – passées, présentes et quelle que soit la région ou la communauté touchées – ont des répercussions graves sur les survivants et ont sérieusement érodé le tissu social, a poursuivi M. Othman. Des familles entières ont été tuées, des parents ont été contraints d’assister à des crimes horribles contre leurs proches, alors que des communautés entières ont été déplacées, a-t-il expliqué. Estimant dans ce contexte que la nécessité d’un processus crédible et inclusif de vérité, de justice et de réconciliation n’a jamais été aussi urgente, il a déploré que la consultation actuelle sur la justice transitionnelle en Éthiopie soit un processus « profondément défectueux ». Précisant que la Commission d’experts qu’il préside a soigneusement évalué ce processus, M. Othman a déploré qu’il ne soit pas axé sur les besoins des victimes et qu’il manque d’inclusivité et de transparence. En outre, a ajouté M. Othman, des interlocuteurs ont clairement indiqué qu'ils n'avaient pas confiance dans le processus et ont exprimé leur crainte de subir des représailles s'ils dénonçaient des violations des droits de l'homme. M. Othman a regretté que les tentatives de dialoguer avec le Gouvernement éthiopien sur ces questions n’aient pu aboutir.
M. Othman a également déploré que le Gouvernement ait ignoré la Commission d'enquête établie par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et discrètement dissoute en mai 2023 sans avoir produit de rapport final. Il a dit en conclure que le Gouvernement a adopté une stratégie dite de « quasi-conformité », à savoir un effort délibéré pour échapper au contrôle régional et international par la création de mécanismes nationaux et l'instrumentalisation d’autres institutions. Ces mécanismes, a-t-il précisé, semblent favoriser la responsabilisation mais ont dans la pratique pour effet d’atténuer la pression internationale.
Le Président de la Commission d’experts a conclu sa présentation en faisant remarquer au Conseil que la situation en Éthiopie présente la plupart des indicateurs identifiés dans le Cadre d'analyse des atrocités criminelles des Nations unies. Il a souligné que les situations de violence qui perdurent dans le pays s’accompagnent d’autres indicateurs de risque, tels que l’imposition de lois d’urgence et d’autres mesures de sécurité qui érodent les droits fondamentaux ; la prédominance des discours de haine ; et des restrictions imposées à l’usage d’Internet et des télécommunications. Dans ce contexte, M. Othman a jugé prématuré de mettre un terme à l’examen de la situation par la communauté internationale.
Pays et partie concernés
L’Éthiopie a assuré que le Gouvernement éthiopien a redoublé d’efforts pour consolider la paix dans le pays depuis la signature de l’accord de cessation des hostilités. Elle a déploré que la Commission internationale d’experts ne reconnaisse pas les importants progrès réalisés en Éthiopie. Le Gouvernement a fait taire les armes, a-t-elle souligné. Pour la délégation éthiopienne, ce nouveau rapport de la Commission d’experts est politisé ; il n’est pas à la hauteur et ne rend pas justice aux droits de l'homme ; en outre, ses commentaires dépassent sa compétence et son mandat. La délégation a affirmé que la Commission a échoué à rassembler des preuves de violations des droits de l'homme, se basant presqu’exclusivement sur des commentaires de médias et de réseaux sociaux, ou des commentaires partisans de requérants d’asile dans les pays voisins.
Quant à l’état d’urgence, la délégation a assuré qu’il faisait l’objet d’un suivi attentif par le biais d’un organe d’enquête parlementaire qui veille, en outre, à l’usage proportionné de la force et au respect des droits de l'homme. La délégation a par ailleurs fait valoir que l’Éthiopie avait mené des consultations nationales inclusives pour la mise sur pied d’un processus de justice transitionnelle, auxquelles a notamment participé la commission nationale des droits de l'homme éthiopienne.
La Commission nationale des droits de l’homme de l’Éthiopie a dit regretter que la Commission d’experts ait donné, dans son rapport, des informations erronées concernant le fonctionnement des institutions éthiopiennes. La Commission nationale a d’autre part mis en avant les initiatives dans le domaine de la justice transitionnelles qu’elle a déjà lancées, et a fait état de sa collaboration modèle avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme.
La Commission nationale a ajouté qu’elle suivait la situation des droits de l’homme au Tigré et dans les régions voisines après l’accord de Prétoria. Difficile, la situation humanitaire s’y est aggravée après la suspension de l’aide humanitaire, a-t-elle affirmé. La Commission nationale a dit être très préoccupée par les conflits violents dans l’Oromia, l’Afar et d’autres régions : elle a appelé le Gouvernement à « assurer la responsabilisation pour ces violations » et à s’engager dans le dialogue pour une solution politique.
Aperçu du dialogue
Si certaines délégations ont salué les efforts du Gouvernement éthiopien pour consolider la paix, beaucoup de participants se sont néanmoins inquiétés des violations graves et systématiques des droits de l'homme qui continuent d’être commises dans les régions du Tigré, d’Afar, d’Amhara et d’Oromia. La récente recrudescence des affrontements dans la région d’Amhara a particulièrement été regrettée par plusieurs délégations, alors même – a-t-il été souligné – que des mesures devraient être prises pour panser les blessures causées par deux années de conflit brutal. Depuis mars dernier, on assiste à une « nette détérioration de la situation des droits de l’homme » dans le pays, a fait observer un intervenant.
Le niveau « effroyable » des violences sexuelles commises dans le cadre du conflit, a été déploré, plusieurs délégations appelant à mettre fin immédiatement à ces abus. Ont en outre été déplorées les arrestations à grande échelle, le nombre élevé de victimes civiles, les détentions arbitraires, les exécutions extrajudiciaires, le rétrécissement de l’espace de la société civile et le rapatriement involontaire des réfugiés. Une délégation s’est en particulier inquiétée de la « composante ethnique » du conflit. Une délégation a fait part de sa préoccupation face au blocage de l'accès humanitaire par différentes parties au conflit, entraînant urgence médicale et insécurité alimentaire, entre autres.
Plusieurs délégations ont dénoncé la présence continue des forces érythréennes en Éthiopie, l’une d’elles dénonçant leur implication dans certaines des violations les plus graves des droits de l'homme, telles que les meurtres, les viols et le bombardement aveugle de zones civiles.
De son côté, la délégation érythréenne a dénoncé le fait de dépeindre les Forces de défense érythréennes comme une armée barbare, responsable de crimes à grande échelle. Elle a estimé que la Commission internationale d’experts minimise la guerre d'insurrection lancée par le Front populaire de libération du Tigré visant « à renverser le Gouvernement d’Éthiopie et à poursuivre sa guerre d'agression contre l'Érythrée ».
Un appel a été lancé pour que soient menées des enquêtes indépendantes, transparentes et impartiales sur toutes les allégations de violations du droit international relatif aux droits de l’homme, du droit international humanitaire et du droit international relatif aux réfugiés. Il faut lutter contre l’impunité et exiger des comptes des responsables des crimes commis, a insisté une délégation. Dans ce contexte, une délégation a insisté sur l’importance de garantir la sauvegarde des preuves en vue de poursuites ultérieures, une autre délégation insistant sur l’importance d’institutionnaliser des mesures visant à empêcher que les violations ne se reproduisent.
Des processus crédibles de justice transitionnelle et de responsabilisation sont essentiels pour garantir une paix et une réconciliation durables, ont souligné nombre de délégations. Un intervenant s’est félicité des consultations publiques nationales menées par le Gouvernement éthiopien en vue de finaliser la conception d’une politique de justice transitionnelle par le biais d'un processus inclusif et sensible au genre. Une délégation a pour sa part fait observer, en citant les conclusions du rapport de la Commission d’experts, que le processus de consultation sur la justice transitionnelle lancé par le Gouvernement éthiopien présente de graves lacunes.
Le pays est à un tournant, a fait observer une délégation, saluant les efforts du Gouvernement éthiopien pour consolider la paix et estimant que l’avenir doit maintenant être déterminé librement par la population. Déplorant la « prolifération, au sein du Conseil, d’initiatives qui ne bénéficient pas du soutien des pays concernés », un intervenant a invité la communauté internationale à cesser toute politisation, toute sélectivité et toute application de deux poids, deux mesures.
Dans ce contexte, une délégation a dit comprendre qu’avec la présentation de ce rapport final, le mandat de la Commission d’experts allait désormais être résilié par le Conseil, invitant désormais la communauté internationale à soutenir les mesures nationales de responsabilisation prises par le Gouvernement éthiopien. Ce mécanisme [la Commission d’experts] doit cesser ses activités dès la fin de son mandat, a insisté une autre délégation. À l’inverse, une délégation a fait observer qu’en dépit de l’accord de cessation des hostilités, la situation sur le terrain demeure très critique pour les civils, à un niveau tel que, selon cette délégation, le Conseil doit pouvoir en discuter.
Les conclusions de la Commission d’experts sont poignantes et devraient inciter le Conseil à garantir la poursuite d'enquêtes internationales indépendantes et solides, a estimé le représentant d’une organisation non gouvernementale, soulignant que ces enquêtes sont cruciales pour toute chance de justice future. Cet appel a été soutenu par une autre ONG qui a fait observer que réduire le contrôle maintenant ne ferait que renforcer l'impunité dans le pays et abandonner les victimes. La plupart des ONG qui se sont exprimées ont plaidé pour le renouvellement du mandat de la Commission d’experts.
**Liste des intervenants : Côte d’Ivoire (au nom du Groupe des États africain), Lettonie (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Liechtenstein, Luxembourg, États-Unis, Pays-Bas, France, Suisse, Belgique, Chine, Fédération de Russie, Australie, Royaume-Uni, Venezuela, Cuba, Espagne, Ouganda, Grèce, Niger, Soudan, Canada, Chypre, Iran, Érythrée, Irlande, Physicians for Human Rights, Centre Europeen pour le droit, la justice et les droits de l'homme, Coordination des associations et des particuliers pour la liberté de conscience, Human Rights Watch, Amnesty International, Christian Solidarity Worldwide, Advocates for Human Rights, CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens, Maat for Peace, Development and Human Rights Association, et International Bar Association.
Réponses et remarques de conclusion des membres de la Commission internationale d’experts
M. STEVEN RATNER, membre de la Commission internationale d’experts des droits de l’homme sur l’Éthiopie, a expliqué que le refus de l’Éthiopie de coopérer n’a pas empêché la Commission de mener des enquêtes approfondies et complètes : 545 personnes ont été interrogées, représentant divers groupes ethniques et des régions différentes, complétées par des enquêtes de sources publiques, des images satellites, des photographies et des vidéos. En aucun cas les réseaux sociaux ne remplacent les méthodes d’enquête rigoureuses, a assuré l’expert.
S’agissant des mécanismes nationaux considérés comme dysfonctionnels, M. Ratner a précisé que la Commission se préoccupe notamment du respect de l’indépendance du pouvoir judiciaire et de la régularité de la procédure. Les témoins et rescapés ont à plusieurs reprises dit ne pas avoir confiance en ces mécanismes et craindre que le fait de dénoncer des actes mène à des arrestations, a souligné M. Ratner. Il a en outre fait observer qu’il n’y a eu dans le pays aucun signe de réforme judiciaire ni aucune destitution de personnes accusées, des signes qui montreraient que l’État a emprunté cette voie de justice. Il y a peu d’enquêtes, peu de procès et aucune avancée concernant la poursuite des forces érythréennes devant des juridictions, a-t-il insisté.
L’implication de la communauté internationale porte sur deux fonctions distinctes, a par ailleurs indiqué M. Ratner, précisant qu’il s’agit du suivi et du renforcement des capacités, d’une part, et du contrôle international indépendant, d’autre part. Ces deux fonctions sont complémentaires, a-t-il souligné. Si le Haut-Commissariat sur le terrain est bien placé pour le renforcement des capacités, son mandat est à distinguer d’un besoin de supervision internationale et d’enquête qui est le rôle de la Commission, a-t-il ajouté.
MME RADHIKA COOMARASWAMY, également membre de la Commission, a pour sa part répété que le processus actuellement mené en Éthiopie est dysfonctionnel, notamment parce qu’il semble se limiter à un processus de vérité et n’est pas axé sur la participation des victimes. Il faut créer un climat de confiance, a-t-elle souligné, plaidant pour un processus plus inclusif.
M. OTHMAN a pour sa part mis en garde contre les conséquences d’un désengagement de la communauté internationale à l’égard de l’Éthiopie, alors qu’il y a – a-t-il souligné – un problème d’instabilité interne dévastateur pour les victimes. En réponse à la critique d’un participant au dialogue, il a par ailleurs souligné que la Commission qu’il préside n’a rien fait qui serait incompatible avec le principe de « solutions africaines à un problème africain ».
Dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans la Fédération de Russie
Le Conseil est saisi du premier rapport de la [première] Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Fédération de Russie (A/HRC/54/54, à paraître en français).
Présentation
Présentant son rapport, MME MARIANA KATZAROVA, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Fédération de Russie, a d’abord précisé que sa tâche n’était « pas allée sans mal », indiquant que « les autorités russes ont tenté d'entraver [s]on travail et d'isoler le mandat […] en essayant de dissuader d'autres mécanismes des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme de collaborer avec [elle] ». Alors que l’ampleur des informations communiquées au mandat témoigne de « l'ampleur des défis en matière de droits de l'homme auxquels la société russe est confrontée », Mme Katzarova s’est dite déterminée à défendre la population russe et à aider celles et ceux qui, à l'intérieur comme à l'extérieur de la Fédération de Russie, risquent la persécution, l'arrestation arbitraire, l'emprisonnement à long terme et l'exposition à la torture et aux mauvais traitements, pour avoir exprimé des opinions dissidentes.
Le rapport présenté ce jour, a précisé la Rapporteuse spéciale, donne une vue d'ensemble des tendances liées à la suppression des droits civils et politiques en Fédération de Russie, y compris les libertés d'opinion et d'expression, de réunion pacifique et d'association ; le manque d'indépendance du pouvoir judiciaire ; le refus du droit à un procès équitable ; et le recours à la torture et aux mauvais traitements ainsi qu’à la détention arbitraire.
Si l'invasion de l'Ukraine par la Fédération de Russie a été suivie d'une détérioration rapide de la situation des droits de l'homme, a poursuivi Mme Katzarova, ce sont des restrictions progressives et calculées imposées aux droits de l'homme en Fédération de Russie ces vingt dernières années qui ont abouti à la politique actuelle de l'État qui consiste à criminaliser toute dissidence réelle ou perçue et à renforcer le soutien à la guerre par la censure, la propagande parrainée par l'État et les sources d'information contrôlées par l'État.
Les autorités russes ont ainsi fermé l'espace civique, réduisant au silence la dissidence publique et les médias indépendants, a souligné la Rapporteuse spéciale. Mme Katzarova a insisté sur le fait que les défenseurs des droits de l'homme, les militants pacifiques contre la guerre, les journalistes, les dirigeants de l'opposition, les personnalités culturelles et religieuses, les minorités, et enfin quiconque s'oppose à la guerre contre l'Ukraine ou ose critiquer les actions du Gouvernement, faisaient l'objet d'arrestations arbitraires, de détentions et de harcèlements.
Dans le même temps, le Parlement russe a adopté des lois répressives dans le cadre de procédures dépourvues de contrôle public. L'ambiguïté et la portée des lois nouvelles ou modifiées, ainsi que leur application arbitraire, contraignent de nombreuses voix indépendantes à l'exil ou à la prison, a relevé Mme Katzarova.
Dès le premier jour de l'invasion de l'Ukraine, le Gouvernement russe a ordonné à tous les médias de n'utiliser que des sources d'information autorisées par l'État pour parler de la guerre, a poursuivi la Rapporteuse spéciale. Des milliers de sites Internet ont été bloqués et des journalistes sont poursuivis au motif qu’ils auraient diffusé des fausses nouvelles (fake news) sur la guerre ou discrédité l'armée. Tout récemment, un tribunal russe a condamné le journaliste Mikhail Afanasyev à cinq ans et demi de prison pour un reportage sur des Russes qui refusent de faire la guerre.
Plus de 20 000 personnes ont été arrêtées entre février 2022 et juin 2023 pour avoir participé à des manifestations anti-guerre largement pacifiques, a indiqué la Rapporteuse spéciale. Le recours à la force contre les manifestants pacifiques contre la guerre est bien documenté, a-t-elle souligné, précisant que plus de 600 poursuites pénales ont été engagées contre de prétendues « activités anti-guerre », notamment contre Oleg Orlov, coprésident de Memorial, l'une des organisations de défense des droits de l'homme les plus respectées en Fédération de Russie et prix Nobel de la paix en 2022.
De plus, depuis février 2022, les autorités russes diffusent une propagande justifiant la guerre comme une « réaction forcée à une menace imminente de l'Ukraine » et utilisent des éléments de langage pour inciter à la haine et à la violence contre les Ukrainiens, a fait observer Mme Katzarova, indiquant que les écoles primaires et secondaires sont ainsi tenues d'organiser des cours obligatoires destinés à propager ce point de vue parmi les enfants.
Par ailleurs, a fait savoir Mme Katzarova, en Fédération de Russie, le droit à un procès équitable, bien que prévu sur le plan procédural dans le droit national, est largement ignoré dans la pratique. Cette situation, à laquelle s'ajoute l'affaiblissement de l'indépendance du pouvoir judiciaire et des organes chargés de l'application de la loi, ne laisse que peu d'espoir quant à l'obligation de rendre des comptes et favorise un climat d'impunité, a mis en garde la Rapporteuse spéciale. La Cour constitutionnelle était autrefois considérée comme un moteur de réforme de la législation se fondant sur les droits de l'homme : ce n'est plus le cas, comme le montre l’arrêt récent de la Cour qui valide la criminalisation des expressions et des opinions pacifiques contre la guerre, a regretté Mme Katzarova.
Comme l'indique le rapport, « la situation est grave dans la Fédération de Russie aujourd'hui », a affirmé la Rapporteuse spéciale. Elle a appelé les autorités russes à engager des réformes complètes en matière de droits de l'homme afin de réparer les dégâts des deux dernières décennies et de remplir leurs obligations internationales en matière de droits de l'homme. À la communauté internationale, Mme Katzarova a demandé de continuer de s'engager auprès des autorités russes afin d’obtenir la libération de toutes les personnes détenues pour des motifs politiques et de mettre en place des mesures visant à protéger les défenseurs des droits de l'homme et les professionnels indépendants et leur permettre de mener à bien leurs fonctions démocratiques essentielles dans la Fédération de Russie.
Aperçu du dialogue
Plusieurs délégations ont déploré cet après-midi « la sombre situation des droits de l’homme en Fédération de Russie », l’une d’elles estimant que « le mépris » des droits humains de la part des autorités russes dure maintenant depuis deux décennies.
En effet, a-t-il été constaté, les autorités russes « privent systématiquement les citoyens de leurs libertés fondamentales, y compris la liberté d'expression et de réunion pacifique. » Dans ce contexte, la promulgation de nouvelles lois ayant pour but de réduire au silence les journalistes indépendants et d’emprisonner arbitrairement les défenseurs des droits de l'homme a été jugée préoccupante, de même que la loi accordant potentiellement l’immunité pour les crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
La guerre d'agression illégale de la Fédération de Russie contre l'Ukraine a amplifié la répression interne, le Gouvernement réduisant « brutalement au silence les opposants politiques, les défenseurs des droits de l'homme et de la démocratie, les avocats, les journalistes, les médias indépendants » ainsi que celles et ceux qui osent avoir des opinions divergentes ou s’opposer à la guerre, a-t-il été relevé. La rhétorique nationale sur les soi-disant « traîtres internes » a atteint son paroxysme, alimentant de nouvelles mesures de répression à l'encontre des citoyens russes chaque fois que les autorités estiment qu'ils ont dépassé les bornes, a relevé une délégation.
Les « arrestations en masse » menées dans le pays ont été déplorées par plusieurs délégations, l’une d’elles soulignant que près de 600 personnes sont aujourd’hui détenues en Fédération de Russie comme prisonniers politiques et qu’il ne s’agit pas uniquement de personnalités politiques, mais également d’artistes, de prêtres et de personnes appartenant à des minorités religieuses.
La répression des voix dissidentes et la suppression des médias indépendants ont contribué à créer un environnement propice à l’agression extérieure menée par la Fédération de Russie, a fait observer une délégation. Elle s’est dès lors dite convaincue que s’attaquer à la répression interne en Fédération de Russie n'est pas seulement une question de droits de l'homme, mais aussi une question essentielle pour la stabilité régionale et internationale.
D’autres préoccupations ont été exprimées s’agissant de la répression de peuples autochtones et d’autres minorités en Fédération de Russie, ou encore de la « loi contre la propagande gay » qui, a affirmé un intervenant, bafoue la dignité et les droits de l'homme des personnes LGBTI.
« L’État russe s’est retranché dans un monde imaginaire où il est la victime d’une agression factice par un soi-disant Occident collectif » et, au lieu de « coopérer constructivement à la résolution de problèmes mondiaux comme la crise climatique, les injustices socioéconomiques, la corruption ou les conflits, le Kremlin préfère s’isoler de toute critique », a affirmé une délégation.
Dans ce contexte, la Fédération de Russie a été appelée, entre autres, à respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales conformément à ses obligations internationales ; à libérer immédiatement toutes les personnes détenues arbitrairement ; à mettre fin à toutes les restrictions imposées aux médias indépendants et à permettre à la population russe d'avoir librement accès à l’information, y compris sur la guerre que la Fédération de Russie continue de mener en Ukraine ; à respecter le droit à l'objection de conscience au service militaire ; et à coopérer avec les institutions onusiennes des droits de l’homme, notamment en collaborant avec la Rapporteuse spéciale dans un esprit constructif. La communauté internationale doit agir avec vigilance et détermination, sans baisser la garde, a-t-il été affirmé.
Une délégation a rappelé que le Conseil doit faire son travail dans le respect des principes d’impartialité, d’indépendance et de non sélectivité. Elle a relevé l’importance de traiter les questions de droits de l’homme dans un esprit de dialogue constructif. Il faut cesser les confrontations, a-t-elle insisté.
***Liste des intervenants : Finlande (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Luxembourg, Liechtenstein, Suisse, Portugal, République tchèque, Allemagne, Japon, Autriche, États-Unis, Croatie, Lituanie, France, Malte, Belgique, Pologne, Irlande, Nouvelle-Zélande, Géorgie, Canada, Chypre, Chine et Zimbabwe.
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