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Le Conseil se voit recommander d'adopter des mesures concernant le manque prolongé de coopération de l'Érythrée ; il est par ailleurs alerté au sujet d’une stratégie de réduction au silence de la société civile palestinienne et israélienne
Ce matin, le Conseil des droits de l’homme a examiné les rapports présentés par M. Mohamed Abdelsalam Babiker, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, et par Mme Navi Pillay, Présidente de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël.
Présentant son rapport, M. Babiker a indiqué qu’il mettait l'accent sur la situation des communautés autochtones afares érythréennes, lesquelles sont, depuis des décennies, victimes de discrimination, de harcèlement, de détention arbitraire, de disparitions forcées et d'interférences avec leurs moyens de subsistance traditionnels, ce qui menace leur mode de vie et leur existence en tant que communauté autochtone.
Le Rapporteur spécial aborde également dans son rapport des problèmes importants en matière de protection des réfugiés et des demandeurs d'asile érythréens. Ainsi, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, plus de 577 000 Érythréens avaient demandé l'asile en dehors de leur pays à la fin de 2022, a indiqué M. Babiker. Quant à la situation des 134 000 réfugiés et demandeurs d'asile érythréens au Soudan, elle est particulièrement précaire : déplacés une fois de plus, ces réfugiés se retrouvent dans une situation extrêmement vulnérable.
Après avoir fait part de ses préoccupations concernant la répression de la liberté de religion ou de conviction ainsi que l’intensification des schémas de conscription, M. Babiker a regretté que l'Érythrée, pourtant membre du Conseil, poursuive sa politique de non-coopération avec les procédures spéciales de cette instance : il a demandé au Gouvernement de reconsidérer sa position et au Conseil d'adopter des mesures concernant le manque prolongé de coopération de l'Érythrée avec son mandat.
L’Érythrée a fait une déclaration en tant que pays concerné, avant que de nombreuses délégations* ne prennent part au dialogue avec M. Babiker. Des délégations ont dit leur inquiétude face à ce qu’elles ont qualifié de violations persistantes des droits de l'homme en Érythrée, et le pays a été appelé à coopérer avec les mécanismes du Conseil, notamment en accordant au Rapporteur spécial un accès total et sans entrave. D’autres intervenants ont, pour leur part, demandé au Conseil de renoncer aux mandats politisés qui, créés sans l’accord des pays visés, ne permettent pas d’y améliorer concrètement la situation des droits de l’homme.
S’agissant du Territoire palestinien occupé, Mme Pillay a indiqué que le rapport de la Commission d’enquête qu’elle préside portait sur les attaques, les restrictions et le harcèlement visant la société civile palestinienne et israélienne. La Commission a constaté que le Gouvernement israélien restreignait de plus en plus l’espace civique par une stratégie de délégitimation et de réduction au silence de la société civile palestinienne et israélienne.
D’autre part, les droits à la liberté d’association, d’expression et d’opinion, et à la liberté de réunion pacifique sont bafoués par les trois autorités responsables – le Gouvernement d’Israël, le Gouvernement de l’État de Palestine et les autorités de facto de Gaza –, a poursuivi Mme Pillay. La majorité des violations sont commises par les autorités israéliennes dans le cadre de l’objectif du Gouvernement israélien de consolider son occupation permanente aux dépens des droits du peuple palestinien, a-t-elle précisé. De plus, la législation antiterroriste est de plus en plus utilisée par toutes les autorités responsables pour saper la capacité de la société civile à fonctionner efficacement, s’est inquiétée la Présidente de la Commission.
Mme Pillay a ajouté que la Commission était très préoccupée par la détérioration de la situation dans le Territoire palestinien occupé, avec notamment la nouvelle escalade des hostilités à Gaza, qui a fait des victimes civiles, et la mort de civils en Israël à la suite d’attaques à la roquette depuis Gaza.
L’État de Palestine a fait une déclaration en tant que pays concerné, avant que de nombreuses délégations** ne participent au dialogue avec Mme Pillay et les deux autres membres de la Commission – MM. Miloon Kothari et Chris Sidoti. L’Autorité palestinienne comme Israël ont été invités à préserver un espace civique libre et ouvert, à cesser toute intimidation et à permettre le travail des défenseurs des droits, des organisations de la société civile et des journalistes.
Cet après-midi, à partir de 15 heures, le Conseil tiendra un débat avec le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, M. Volker Türk, suite au rapport annuel qu’il a présenté hier à l’ouverture de la présente session.
Dialogue avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Érythrée
Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Érythrée (A/HRC/53/20).
Présentation du rapport
Présentant son rapport, M. MOHAMED ABDELSALAM BABIKER, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, a d’abord rappelé que le mois de mai de cette année avait marqué les trente ans de l'indépendance formelle de l'Érythrée et de sa reconnaissance internationale en tant qu'État. Trois décennies plus tard, M. Isaias Afwerki est le seul Président que l'Érythrée ait jamais connu, aucune élection nationale n'ayant été organisée ; la Constitution n'a pas été mise en œuvre ; il n'y a pas d'État de droit, d'indépendance du pouvoir judiciaire ni de séparation des pouvoirs ; et le pouvoir absolu du Président n'est soumis à aucun contrepoids, a regretté le Rapporteur spécial.
Dans ce contexte, M. Babiker a indiqué que, depuis son dernier rapport au Conseil, la répression de la liberté de religion ou de conviction s'est intensifiée, avec de nouvelles vagues d'arrestations massives de chefs religieux et de fidèles. En avril [de cette année], on estimait que 400 chrétiens évangéliques et 27 témoins de Jéhovah étaient toujours emprisonnés arbitrairement. Les chefs religieux et les croyants sont détenus dans des conditions inhumaines et dégradantes, sans inculpation ni procès en bonne et due forme, souvent depuis des années. Plus de quarante moines orthodoxes, partisans du défunt patriarche de l'Église orthodoxe Abune Antonios et qui avaient ouvertement critiqué le Gouvernement, ont été arrêtés en avril 2023.
Le service national reste l'un des principaux outils de contrôle social imposé par le Gouvernement érythréen, a poursuivi M. Babiker. Les Érythréens sont toujours contraints de participer à ce système de travail forcé et de service militaire et d'y servir pendant des années, voire des décennies. Les schémas de conscription se sont intensifiés : en 2022, on a assisté à une recrudescence du recrutement forcé, et des pratiques de plus en plus coercitives ont été utilisées pour forcer les Érythréens à participer à la guerre du Tigré. Les enfants ont continué à être interpellés et conscrits.
Toutefois, a relevé M. Babiker, la fin du conflit dans le Tigré représente une nouvelle possibilité d’un changement positif et il est temps, a recommandé le Rapporteur spécial, de prendre des mesures décisives pour réformer efficacement le service national, libérer les détenus et adopter l'État de droit en Érythrée. M. Babiker a aussi salué l'accord de cessation des hostilités signé en novembre 2022 entre le Gouvernement éthiopien et le Front populaire de libération du Tigré (FPLT) et a félicité les deux parties d'avoir franchi cette étape cruciale sur la voie de la paix. Mais, a-t-il relevé, l'absence de mesures de responsabilisation pour les crimes commis par les forces de défense érythréennes au Tigré reste une source d’inquiétude.
Le rapport présenté ce jour, a indiqué son auteur, met l'accent sur la situation des communautés autochtones afares érythréennes, qui sont, depuis des décennies, victimes de discrimination, de harcèlement, de détention arbitraire, de disparitions forcées et d'interférences avec leurs moyens de subsistance traditionnels, ce qui menace leur mode de vie et leur existence en tant que communauté autochtone.
Le rapport aborde également des problèmes importants en matière de protection des réfugiés et des demandeurs d'asile érythréens. Ainsi, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), plus de 577 000 Érythréens avaient demandé l'asile en dehors de leur pays à la fin de 2022. Quant à la situation des 134 000 réfugiés et demandeurs d'asile érythréens au Soudan, elle est particulièrement précaire : déplacés une fois de plus, ces réfugiés se retrouvent dans une situation extrêmement vulnérable. Le Rapporteur spécial a insisté sur le fait que les demandeurs d'asile érythréens risquent d'être victimes de graves violations des droits de l'homme de retour dans leur pays d'origine.
Enfin, a regretté le Rapporteur spécial, bien qu'elle soit membre du Conseil des droits de l'homme, l'Érythrée poursuit sa politique de non-coopération avec les procédures spéciales du Conseil. Malgré les nombreuses tentatives du mandat [Rapporteur spécial] pour instaurer un dialogue de fond sur les droits de l’homme, a dit M. Babiker, le Gouvernement érythréen refuse toujours de coopérer avec ce mandat et de commenter ses rapports avant leur publication. M. Babiker a demandé au Gouvernement de reconsidérer sa position et au Conseil d'adopter des mesures concernant le manque prolongé de coopération de l'Érythrée avec le mandat.
Pays concerné
L’Érythrée a indiqué que la célébration, le 24 mai dernier, du trente-deuxième anniversaire de son indépendance s’était faite à un moment historique où l'indépendance, la souveraineté et la cohésion nationale de l'Érythrée se sont renforcées et où la marche inexorable du pays vers le développement et la croissance économique se poursuit à un rythme accéléré – et ce, malgré les sanctions, les mesures coercitives unilatérales prises par certaines puissances et l'intensification des hostilités extérieures sous divers prétextes, y compris la politisation des droits de l'homme.
La délégation érythréenne a déploré ce qu’elle a qualifié d’allégations fallacieuses et de dénigrement figurant dans le rapport du Rapporteur spécial concernant le service national ; elle a également déploré les allégations qu’elle a qualifiées d’absolument fausses concernant la prétendue marginalisation du groupe ethnique afar en Érythrée. Elle a aussi dénoncé les allégations qu’elle a qualifiées de fausses et inacceptables diffusées par certaines puissances et par les médias qui leur sont affiliés au sujet des réponses légitimes de l'Érythrée pour enrayer une guerre d'insurrection dans la région du Tigré, dans le nord de l'Éthiopie – guerre dont les objectifs déclarés et avoués comprenaient des actes d'agression contre l'Érythrée.
La délégation a demandé que le Conseil rejette le rapport soumis par le Rapporteur spécial, mette fin au mandat injustifié contre son pays et défende un engagement et une coopération dignes avec l'Érythrée sur la base d'un partenariat constructif et authentique.
Aperçu du dialogue
Plusieurs délégations ont fait part de leur inquiétude face aux violations persistantes des droits de l'homme en Érythrée, notamment des détentions arbitraires, des disparitions forcées et des violences sexuelles et sexistes généralisées. Ont également été condamnées des restrictions sévères imposées aux droits à la liberté d'expression, de religion ou de croyance, ainsi qu’aux activités des organisations civiles. D’autres préoccupations ont été exprimées s’agissant de la situation des communautés afares en Érythrée ainsi que de la persistance de la conscription forcée et du service obligatoire à durée indéterminée.
D’aucuns ont salué le retrait des forces érythréennes de plusieurs villes du nord de l'Éthiopie : le Gouvernement érythréen a été appelé à finaliser au plus vite cette démarche et à poursuivre les militaires érythréens qui auraient commis des atrocités. Mais les déploiements antérieurs d'enfants soldats ont été condamnés, et il a été regretté que des forces érythréennes occupent toujours, en violation de l'accord de Pretoria, une partie de l'Irob, dans le Tigré, où elles auraient commis des viols, des pillages, des exécutions extrajudiciaires et d'autres crimes.
L'Érythrée a été appelée à coopérer avec les mécanismes du Conseil, notamment en accordant au Rapporteur spécial un accès total et sans entrave au pays et en lançant des invitations permanentes à toutes les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. En tant que membre du Conseil, a-t-il été souligné, l’Érythrée est tenue d’observer les normes les plus strictes en matière de promotion et de défense des droits de l’homme et de coopérer pleinement avec le Conseil.
Plusieurs États voisins de l’Érythrée ont assuré qu’ils prenaient très au sérieux leurs obligations en tant que pays d’accueil de réfugiés en provenance de ce pays.
Ont par ailleurs été salués les progrès accomplis par l’Érythrée dans le domaine des droits sociaux, de l'éducation et de la santé, grâce notamment à l’application active des recommandations reçues pendant l’Examen périodique universel.
Des intervenants ont plaidé pour que la communauté internationale fournisse à l’Érythrée, avec son consentement, une aide technique et un renforcement de ses capacités répondant à ses besoins, et pour qu’il soit mis fin aux mesures coercitives unilatérales qui frappent ce pays.
Le Conseil a été appelé à renoncer aux mandats politisés : créés sans l’accord des pays visés, ces mandats ne permettent pas d’y améliorer concrètement la situation des droits de l’homme, a-t-il été affirmé.
Certaines délégations ont estimé que M. Babiker avait outrepassé son mandat en abordant, dans son rapport, des questions telles que l’accord de paix de Pretoria ou encore l’accueil des réfugiés érythréens dans des pays voisins. L’existence même de la procédure spéciale attise les tensions au sein du Conseil des droits de l’homme et gaspille des ressources précieuses, ont affirmé certains intervenants.
*Liste des intervenants : Chine, Norvège (au nom d’un groupe de pays), Pays-Bas (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, France, États-Unis, Venezuela, Royaume-Uni, République populaire démocratique de Corée, Djibouti, Suisse, Yémen, Soudan du Sud, Soudan, Cuba, Kenya, Éthiopie, Fédération de Russie, Iran, Arabie saoudite, Bélarus, Burundi, Syrie, Christian Solidarity Worldwide, East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project, CIVICUS, Maat for Peace, Development and Human Rights Association, Conscience and Peace Tax International, Human Rights Watch, Youth Parliament for SDGs, Amnesty International, Centre d’études juridiques africaines et Institute for Human Rights.
Réponses et remarques de conclusion du Rapporteur spécial
Depuis douze ans, l’Érythrée n’a jamais coopéré avec le mandat du Rapporteur spécial, a rappelé M. BABIKER, qui a dit espérer que le Conseil – créateur du mandat – interviendrait auprès du Gouvernement érythréen pour remédier à cette situation. Cette coopération est d’autant plus importante que l’Érythrée est membre du Conseil, a insisté le Rapporteur spécial.
M. Babiker a recommandé que le Gouvernement prenne des mesures pratiques pour « prouver sa bonne volonté », en particulier en réformant le service militaire et en libérant les personnes détenues de manière arbitraire ou disparues depuis longtemps, parfois depuis plusieurs décennies. Il ne s’agit pas ici de politisation mais du sort de personnes bien réelles, a souligné l’expert.
Le Rapporteur spécial a relevé que les hostilités en Éthiopie avaient été présentées par le Gouvernement érythréen comme une « menace existentielle » pour l’Érythrée : la cessation de ces hostilités pourrait être l’occasion pour le Gouvernement de prendre des mesures pour démobiliser et pour réformer le service national, a suggéré M. Babiker.
Le Rapporteur spécial a recommandé aux pays tiers de créer des filières légales d’immigration des Érythréens et de régulariser leur situation.
M. Babiker a assuré ne pas avoir dépassé son mandat, qui porte aussi sur les citoyens érythréens vivant dans des régions contrôlées par l’Érythrée à l’étranger. Il a enfin rendu hommage à l’action de la société civile en Érythrée.
Dialogue avec la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël
Le Conseil est saisi du rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël (A/HRC/53/22).
Présentation du rapport
Présentant ce rapport, MME Navi Pillay, Présidente de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, a indiqué qu’il se concentre sur les attaques, les restrictions et le harcèlement visant la société civile.
Mme Pillay a relevé que les membres de la société civile palestinienne et israélienne sont depuis longtemps à l’avant-garde du combat pour la défense de l’autodétermination du peuple palestinien, pour la fin de l’occupation et des violations récurrentes des droits de l’homme et pour l’obligation de rendre des comptes. Les pressions constantes exercées par la société civile pour que les autorités rendent des comptes sur les violations des droits humains en ont fait une cible pour ceux qui n’ont aucun désir de changement, a souligné la Présidente de la Commission.
La Commission a constaté que les droits à la liberté d’association, d’expression et d’opinion, et à la liberté de réunion pacifique, ainsi qu’un certain nombre de droits économiques, sociaux et culturels, sont violés par les trois autorités responsables : le Gouvernement d’Israël, le Gouvernement de l’État de Palestine et les autorités de facto de Gaza, a indiqué Mme Pillay. L’examen a révélé que la majorité des violations sont commises par les autorités israéliennes dans le cadre de l’objectif du Gouvernement israélien de consolider son occupation permanente aux dépens des droits du peuple palestinien, a-t-elle précisé.
La Commission a constaté que le Gouvernement israélien a de plus en plus restreint l’espace civique par une stratégie de délégitimation et de réduction au silence de la société civile palestinienne et israélienne, afin de réprimer la dissidence, de contrecarrer les institutions et les pratiques démocratiques et de renforcer l’autoritarisme, a poursuivi Mme Pillay.
Le rapport révèle que les autorités israéliennes ont utilisé diverses méthodes punitives destinées à dissuader les membres de la société civile palestinienne de poursuivre leurs activités, a indiqué la Présidente de la Commission. La privation de liberté, y compris par des arrestations et des détentions arbitraires, la détention administrative, les interdictions de voyager et les restrictions de mouvement, les expulsions et la révocation des documents d’identité et de résidence, sont toutes largement pratiquées contre les membres de la société civile.
Par ailleurs, la législation, y compris la législation antiterroriste, est de plus en plus utilisée par toutes les autorités responsables pour saper la capacité de la société civile à fonctionner efficacement, s’est inquiétée Mme Pillay. La Commission a également constaté que certaines actions entreprises par le Gouvernement israélien contre des organisations de la société civile peuvent constituer des violations du droit international humanitaire et constituer des crimes en vertu du droit international, a-t-elle ajouté.
Les journalistes palestiniens sont particulièrement ciblés par tous les responsables, avec le recours [à leur encontre] au harcèlement, aux agressions, aux campagnes de diffamation, aux arrestations, aux détentions et aux accusations d’incitation à la violence, a indiqué Mme Pillay. Les défenseuses palestiniennes et israéliennes des droits de l’homme ont aussi été prises pour cible par tous les responsables et par des acteurs non étatiques. Elles ont été spécifiquement ciblées par les acteurs de l’État palestinien car elles sont perçues comme remettant en question les normes patriarcales et traditionnelles.
La Commission a aussi documenté les multiples actions entreprises par les autorités israéliennes et palestiniennes et d’autres acteurs, qui menacent et rétrécissent l’espace culturel affectant les artistes et les militants culturels en Israël et dans le Territoire palestinien occupé.
Enfin, Mme Pillay a indiqué que la Commission demeure gravement préoccupée par la détérioration de la situation dans le Territoire palestinien occupé. Pas plus tard que le mois dernier, une nouvelle escalade des hostilités à Gaza a fait des victimes civiles et endommagé des biens de caractère civil, a-t-elle déploré. Des civils ont également été tués en Israël à la suite d’attaques à la roquette depuis Gaza.
La Commission appelle tous les responsables et tous les États Membres à prendre des mesures permettant aux membres de la société civile palestinienne et israélienne de poursuivre leur important travail, sans crainte de punition et de représailles contre eux-mêmes ou leur famille, a conclu Mme Pillay.
Pays concerné
L’État de Palestine a remercié la Commission pour ce rapport. Malheureusement, un certain nombre de pays, y compris les États-Unis, ont lancé une résolution pour s’opposer à ce mandat, a regretté la délégation palestinienne, avant de souligner qu’hier encore, une centaine de Palestiniens ont été blessés dans des attaques. L’État de Palestine aurait espéré que ces pays mentionnent le refus de la puissance occupante de coopérer dans le domaine des droits de l’homme.
Le rapport fait référence à de nombreuses pratiques israéliennes à l’encontre d’organisations des droits de l’homme palestiniennes, israéliennes et internationales, a fait observer la délégation palestinienne. Le Ministre de la guerre de la puissance occupante a classé six institutions palestiniennes comme « terroristes » ; les bureaux ont été fermés et les employés arrêtés, a déploré la délégation. Quelque 52 journalistes sont décédés sans qu’aucun compte ne soit rendu pour ces décès, ce qui témoigne de la politique systématique d’oppression de la puissance occupante à l’encontre de la liberté d’expression, a-t-elle ajouté. L’État d Palestine suit de très près les violations dans le cadre des événements mentionnés dans le rapport, a-t-elle indiqué.
Le Commissaire général de la Commission indépendante des droits de l’homme de Palestine a dénoncé les violations commises par Israël, qui – a-t-il affirmé – s’inscrivent dans la politique systématique d’Israël visant à bâillonner la société civile. Israël met en place une politique systématique qui vise les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme, et les avocats, a-t-il insisté. Les autorités israéliennes menacent les employés d’organisations des droits de l’homme palestiniennes ; Israël utilise de manière abusive certaines pratiques à l’encontre de militants des droits de l’homme et s’efforce de les dissuader d’exercer leurs fonctions. La liberté d’opinion et d’expression est limitée, a insisté le Commissaire général.
Aperçu du dialogue
Durant ce dialogue, plusieurs délégations ont rappelé qu’un espace civique ouvert permet à la société civile de jouer son rôle dans la vie politique, économique et sociale, et se sont montrées préoccupées par les restrictions visant à bloquer ou à limiter les actions des défenseurs et des organisations des droits de l’homme travaillant en Israël et dans le Territoires palestinien occupé.
De nombreuses délégations ont exprimé leur solidarité avec le peuple palestinien et ont condamné les violations massives, flagrantes et systématiques des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises par Israël, notamment les attaques et le harcèlement contre la société civile et le recours aux tribunaux militaires israéliens pour opprimer et criminaliser les civils. Selon certains intervenants, ces politiques sont un élément essentiel du colonialisme et de « l’apartheid » dans les territoires occupés. De nombreuses délégations ont appelé à la reddition de comptes pour ces violations.
D’autres délégations ont exprimé leur attachement indéfectible à la sécurité d'Israël.
De nombreux intervenants se sont montrés vivement préoccupés par la détérioration de la situation sur le terrain, par les mesures unilatérales, les provocations et les violences contre les civils, y compris la violence des colons. La politique de colonisation d’Israël – contraire au droit international - a ainsi été condamnée à maintes reprises. Dans ce domaine, Israël a été invité à revenir sur ses récentes décisions et à respecter ses engagements pris lors des réunions d'Aqaba et de Charm el-Cheikh.
Les Israéliens, comme les Palestiniens, ont le droit de vivre en paix et en sécurité, a-t-il été souligné. Plusieurs intervenants ont rappelé les obligations qui incombent à Israël pour ce qui est du respect du droit international humanitaire et de la protection des civils dans le Territoire palestinien occupé.
L’Autorité palestinienne comme Israël ont été invités à préserver un espace civique libre et ouvert, à cesser toute intimidation et à permettre le travail des défenseurs des droits, des organisations de la société civile et des journalistes.
De nombreux pays ont rappelé leur soutien à la solution fondée sur deux États, avec Jérusalem comme capitale des deux États, « seule solution qui puisse permettre une paix juste et durable ».
Plusieurs délégations ont remis en cause le mandat de la Commission. L’une d’entre elles a estimé que ce mandat était trop large et fixait des objectifs trop indéterminés pour pouvoir faire la lumière sereinement sur les cycles de violence. Certains commissaires [membres de la Commission] remettent en cause le droit d’Israël à faire partie de l’ONU, a regretté une délégation.
Plusieurs intervenants ont au contraire exprimé leur grave préoccupation face aux tentatives visant à saper le mandat de cette Commission et ont exhorté tous les États à rejeter de telles tentatives. Certaines délégations ont aussi déploré l’absence de coopération d’Israël, puissance occupante, avec cette Commission.
La Commission d’enquête a en outre été invitée à se concentrer dans ses prochains rapports sur les causes profondes de la situation, notamment en enquêtant sur le déni – depuis 75 ans – du droit du peuple palestinien à l’autodétermination et au retour des réfugiés palestiniens.
**Liste des intervenants : États-Unis (au nom d’un groupe de pays), Venezuela (au nom d’un groupe de pays), Union Européenne, Pakistan (au nom de l’Organisation de la coopération islamique), Oman (au nom du Conseil de coopération du Golfe), Liban (au nom du groupe des États arabes), Pakistan, Koweït, Qatar, Luxembourg, Iraq, Pays-Bas, Ordre souverain de Malte, France, Espagne, États-Unis, Syrie, Norvège, Venezuela, Maldives, Brésil, Malaisie, Afrique du Sud, Irlande, Égypte, République populaire démocratique de Corée, Türkiye, Namibie, Bangladesh, Oman, Chine, Iran, Libye, Chili, Niger, Sénégal, Yémen, Mauritanie, Jordanie, Cuba, Algérie, Liban, Bolivie, Fédération de Russie, Tunisie, Arabie saoudite, Liechtenstein, Australie, Défense des enfants - international, Institute for NGO Research, Human Rights Watch, United Nations Watch, Norwegian Refugee Council, B'nai B'rith, ADALAH - Legal Center for Arab Minority Rights in Israel, Amnesty International, BADIL Resource Center for Palestinian Residency and Refugee Rights, et Association internationale des avocats et juristes juifs.
Réponses et remarques de conclusion des membres de la Commission
M. Chris Sidoti, membre de la Commission, a rappelé que ce sont les membres du Conseil qui ont élaboré le mandat de la Commission. Il s’est dit encouragé que personne n’ait contesté le contenu du rapport au cours de ce dialogue, ce qui incite la Commission à poursuivre ses travaux. La Commission, par ailleurs, est ravie que son mandat soit vaste dans sa portée et qu’il concerne les deux parties au conflit et tous les responsables, a-t-il souligné.
M. Miloon Kothari, également membre de la Commission, s’est réjoui que le Conseil appuie les travaux de la Commission. L’objectif n’est pas juste de dénoncer la politique israélienne, mais bien de voir comment il est possible d’améliorer la situation. M. Kothari a regretté les deux poids, deux mesures adoptés au sein de la communauté internationale face à la situation des Palestiniens et face à d’autres situations dans le monde, comme celle des Ukrainiens qui, eux, sont invités à résister face à l'invasion russe. M. Kothari a invité le Conseil à être tout particulièrement attentif à la question des violations contre les défenseuses des droits de l’homme. Israël traite les territoires occupés comme une situation permanente, a-t-il regretté, dénonçant l’accaparement de nouvelles terres.
Mme Navi Pillay, Présidente de la Commission, a rappelé que la Commission a décidé de concentrer son rapport sur l’espace de la société civile qui se rétrécit et a salué le soutien apporté par le Conseil aux travaux de la Commission. Les États Membres doivent coopérer avec la Commission, a-t-elle plaidé. Elle a indiqué que les membres de la Commission pourrait faire un meilleur travail s’ils avaient accès aux territoires palestiniens et à Israël.
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HRC23.065F