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« La coopération internationale est essentielle pour faire progresser les droits de l'homme », souligne le Haut-Commissaire aux droits de l’homme à l’ouverture de la 53ème session du Conseil des droits de l’homme
« Soixante-quinze ans après l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme et trente ans après la Déclaration de Vienne, et alors que les conflits s'exacerbent, que le programme de développement durable dérape dangereusement et que les atteintes à l'environnement menacent l'humanité, la coopération internationale est essentielle pour faire progresser les droits de l'homme », a déclaré ce matin le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, M. Volker Türk, à l’ouverture de la cinquante-troisième session du Conseil des droits de l’homme.
Présentant son rapport annuel, le Haut-Commissaire a également souligné que le fait de « s'engager avec une présence stable du Haut-Commissariat sur le terrain » était « la marque d'États qui coopèrent de manière constructive pour faire progresser les droits de l'homme ».
M. Türk a ensuite évoqué les activités du Haut-Commissariat dans de nombreux pays du monde, ainsi que celles des procédures spéciales et mandats d'enquête du Conseil des droits de l’homme et celles des organes créés en vertu de traités internationaux relatifs aux droits de l’homme.
Ce matin, le Conseil a également engagé un dialogue renforcé sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan, dans le cadre duquel il est saisi d’un rapport conjoint sur la situation des femmes et des filles en Afghanistan du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Afghanistan et du Groupe de travail sur la discrimination à l'égard des femmes et des filles.
À l’ouverture de ce dialogue renforcé, des déclarations liminaires ont été faites par Mme Nada Al-Nashif, Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme ; Mme Dorothy Estrada-Tanck, Présidente du Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles ; M. Richard Bennett, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan ; M. Nasir Ahmad Andisha, Représentant permanent de l’Afghanistan auprès des Nations Unies; Mme Madina Mahboobi, défenseuse des droits humains en Afghanistan ; et Mme Shaharzad Akbar, Directrice exécutive de Rawadari.
Mme Al-Nashif a notamment regretté que l’Afghanistan soit le seul pays au monde où les filles se voient refuser l’éducation au-delà du niveau primaire et soit également le seul pays au monde qui interdise aux femmes de travailler pour des organisations internationales, y compris pour les Nations Unies, ainsi qu’à l’extérieur du foyer dans de nombreux secteurs. Mme Estrada-Tanck a, de son coté, indiqué que le rapport conjoint montrait en détail comment les femmes et les filles afghanes sont systématiquement discriminées dans tous les aspects de leur vie. M. Bennett a quant à lui recommandé que les femmes et les filles afghanes soient incluses en tant que partenaires égales dans toutes les délibérations et tous les forums de décision relatifs à l'Afghanistan, et que leur situation soit au centre de toutes les considérations politiques et de l'engagement avec les autorités de facto. M. Andisha a fait observer qu’une série d’autres rapports « incroyablement choquants » sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales indiquent que les Taliban poussent un pays déjà au bord du gouffre plus loin dans un abîme profond.
Mme Mahboobi a relevé que malgré les difficultés et une crise humanitaire gravissime qui voit des millions de personnes confrontées à la faim, les organisations dirigées par des femmes afghanes à l'intérieur du pays et les acteurs humanitaires continuent de sauver des vies en acheminant l'aide. Évoquant ce que pourraient faire le Conseil des droits de l’homme et ses États membres pour soutenir les femmes afghanes dans leur « lutte solitaire » contre la brutalité et l’oppression, Mme Akbar a notamment affirmé qu’il fallait s’abstenir de toute interaction qui normaliserait davantage l’apartheid de genre appliqué par les Taliban et donnerait l’impression d’une reconnaissance de facto
Suite à ces déclarations liminaires, de nombreuses délégations* se sont exprimées dans le cadre du dialogue renforcé.
Cette 53ème session du Conseil se tient sous la présidence de M. Václav Bálek, Représentant permanent de la République tchèque auprès des Nations Unies à Genève, qui a notamment rappelé ce matin qu’une atmosphère constructive, sûre et respectueuse est essentielle pour les travaux du Conseil. Il a ajouté qu’en tant que Président, il assurerait le suivi de toutes les allégations signalées d’actes de représailles et d’intimidation commis contre des individus ou des groupes qui ont coopéré avec le Conseil, ses mécanismes et ses procédures.
Cet après-midi, à 15 heures, le Conseil doit achever son dialogue renforcé sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan, avant de tenir un dialogue renforcé sur la situation des droits de l’homme au Soudan.
Déclaration du Président du Conseil
M. Václav Bálek, Président du Conseil des droits de l’homme, a déclaré que c’est un plaisir d’accueillir 13 délégués qui sont ici grâce à l’appui du Fonds d’affectation spéciale pour l’assistance technique à l’appui de la participation des pays les moins avancés et des petits États insulaires en développement aux travaux du Conseil.
S’agissant du Myanmar, M. Bálek a fait savoir que le Bureau [du Conseil] a discuté de la question de la représentation de ce pays au Conseil des droits de l’homme et a noté que la situation des enregistrements contradictoires était restée inchangée depuis 2021. Comme cela a été fait au cours des deux dernières années, le Bureau a noté que, dans l’attente d’une décision de l’Assemblée générale concernant la représentation du Myanmar, le secrétariat du Conseil ne serait pas en mesure de traiter les demandes concernant la participation de quiconque faisant partie de la délégation du Myanmar au Conseil des droits de l’homme en 2023 ; il a ensuite obtenu l’accord du Conseil sur la proposition qui prévoit que le dialogue autour de la mise à jour écrite du Haut-Commissaire sur la situation générale des droits de l’homme au Myanmar et le dialogue autour du rapport intérimaire oral du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar se déroulent comme prévu, sans la participation du pays concerné.
Le Président du Conseil a ensuite fait approuver le projet de programme de travail de cette 53ème session du Conseil.
M. Bálek a en outre souligné qu’une atmosphère constructive, sûre et respectueuse est essentielle pour les sessions du Conseil. Les titulaires de mandat du Conseil sont parfois victimes d’attaques ou de menaces personnelles au cours de leur mandat, a-t-il regretté. Il est inacceptable qu’ils soient insultés ou personnellement attaqués ou menacés dans l’exercice de leur mandat, a-t-il insisté.
Il a par ailleurs souligné qu’en tant que Président, il assurerait le suivi de toutes les allégations signalées d’actes de représailles et d’intimidation commis contre des individus ou des groupes qui ont coopéré avec le Conseil, ses mécanismes et ses procédures.
Enfin, M. Bálek a rappelé que l’ONU, y compris le Conseil, applique une tolérance zéro à l’égard de toute forme de harcèlement, y compris le harcèlement sexuel.
Rapport annuel du Haut-Commissaire
Présentation
La mise à jour générale sur la situation des droits de l’homme dans le monde faite par M. VOLKER TÜRK, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a été axée sur la coopération des États Membres avec les organismes internationaux des droits de l’homme.
Le Haut-Commissaire a d’abord insisté sur le fait que « soixante-quinze ans après l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme et trente ans après la Déclaration de Vienne, et alors que les conflits s'exacerbent, que le programme de développement durable dérape dangereusement et que les atteintes à l'environnement menacent l'humanité, la coopération internationale est essentielle pour faire progresser les droits de l'homme ». Le Haut-Commissaire a souligné à ce propos que le fait de « s'engager avec une présence stable du Haut-Commissariat sur le terrain » était « la marque d'États qui coopèrent de manière constructive pour faire progresser les droits de l'homme ».
À ce titre, M. Türk a d’abord décrit les activités du Haut-Commissariat dans plusieurs pays. En Colombie, a-t-il indiqué, le Gouvernement a récemment prolongé la présence du Haut-Commissariat sur le terrain jusqu'en 2032, dans un contexte marqué par les violences des groupes armés. Au Honduras, a-t-il poursuivi, le bureau de pays du Haut-Commissariat travaille avec les autorités et la société civile sur la justice et les conflits fonciers, entre autres. Au Guatemala, a-t-il ajouté, l'extension de la présence du Haut-Commissariat « contribuerait à maintenir le soutien à l'État et à la société civile », alors que les attaques contre les membres du système judiciaire, les défenseurs des droits de l'homme et les journalistes sont préoccupantes. Au Pérou, dans le contexte de protestations politiques généralisées, le Haut-Commissariat a formalisé un accord pour un plan de travail de deux ans. Le Haut-Commissariat est aussi engagé dans des discussions avec la Bolivie [suite à la décision du Gouvernement de mettre un terme à la mission technique que le Haut-Commissariat avait déployé dans le pays depuis 2019] pour continuer à coopérer et à surveiller d'importantes questions relatives aux droits de l'homme.
Sur le continent africain, l'Ouganda a choisi de ne pas renouveler le mandat du bureau de pays du Haut-Commissariat, a ensuite regretté M. Türk. Cette décision a été rapidement suivie par l'adoption d'une législation profondément troublante qui criminalise davantage l'homosexualité, exposant ainsi ce groupe social à la persécution, a-t-il mis en garde. Au Kenya, l’équipe du Haut-Commissariat travaille avec les agences de sécurité pour soutenir un maintien de l'ordre respectueux des droits de l'homme, notamment lors des manifestations ; quant au plan kényan sur les entreprises et les droits de l'homme, il est un exemple des progrès importants qui peuvent résulter de la coopération entre tous les organismes de défense des droits de l'homme, a relevé M. Türk.
En Mauritanie, le soutien du Haut-Commissariat aux autorités se concentre sur la fin de la discrimination, notamment la question persistante de l'esclavage, les droits des femmes et des filles, et le renforcement de l'État de droit.
S’agissant de la demande de retrait de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) formulée par le Mali, M. Türk a insisté sur le fait que « les droits humains doivent toujours être au-dessus de la mêlée politique » et que « lorsque des violations graves des droits de l'homme se produisent, quel qu'en soit l'auteur, nous devons les surveiller, les documenter et en rendre compte, dans l'intérêt de tous les Maliens ». Le Haut-Commissaire a aussi dit « compter sur les autorités [maliennes] pour respecter les privilèges et immunités du personnel des Nations Unies et pour qu'aucune mesure de représailles ne soit prise à l'encontre des victimes, des témoins ou de leurs proches ».
M. Türk a ensuite rappelé que le Cambodge était « notre plus long engagement sur le terrain », le Haut-Commissariat ayant soutenu de nombreuses réformes juridiques et institutionnelles ; mais le Haut-Commissaire s’est dit « alarmé par le rétrécissement de l'espace civique et démocratique à l'approche des élections nationales de juillet ».
Concernant Sri Lanka, M. Türk a relevé que si le Gouvernement avait rejeté certains aspects des résolutions du Conseil relatives à la reddition de comptes, il avait toutefois continué à collaborer avec la présence du Haut-Commissariat sur le terrain. Aux Philippines, le Gouvernement, la société civile, la Commission nationale des droits de l'homme et les partenaires des Nations Unies se sont fortement engagés dans un programme commun qui répond aux préoccupations identifiées par le Conseil, a par ailleurs relevé M. Türk. Le Gouvernement philippin doit intensifier ses efforts pour que les membres des forces de sécurité rendent compte des exécutions extrajudiciaires et d'autres violations, a-t-il ajouté.
Dans le Pacifique, le bureau régional du Haut-Commissariat soutient les Fidji et Tuvalu dans l'élaboration d'un cadre régional solide sur la mobilité liée aux changements climatiques, a par ailleurs indiqué M. Türk.
D’autre part, avec le soutien du Haut-Commissariat, la Mongolie a adopté sa première loi consacrée aux défenseurs des droits de l'homme et a mis en place un mécanisme national de prévention de la torture qui contribuera à résoudre les problèmes de longue date liés aux conditions de détention, a souligné M. Türk.
Aux Maldives et au Timor-Leste, le Haut-Commissariat a contribué pendant de nombreuses années à accompagner les transitions après conflit ou vers la démocratie. De même, il travaille avec le Gouvernement du Népal sur une proposition de révision de la législation relative à la justice transitionnelle.
En Ukraine, a poursuivi M. Türk, la mission de surveillance des droits de l'homme du Haut-Commissariat jouit d’un accès illimité à l'ensemble du territoire contrôlé par le Gouvernement, y compris les lieux de détention de civils et de prisonniers de guerre. Le Gouvernement s'engage avec le Haut-Commissariat à mettre en œuvre ses recommandations.
M. Türk a demandé instamment à la Fédération de Russie de coopérer avec tous les organismes internationaux de défense des droits de l'homme pour résoudre les graves problèmes de droits de l'homme auxquels le pays est confronté, y compris la fermeture de l'espace civique, des procédures judiciaires visant les militants des droits de l'homme, les opposants politiques et les critiques, et des allégations persistantes de torture et de mauvais traitements. M. Türk a réitéré la nécessité de coopérer avec la Commission d'enquête du Conseil et de permettre au Haut-Commissariat d'accéder aux territoires ukrainiens occupés par la Fédération de Russie et à la Fédération de Russie elle-même, notamment pour rendre visite aux enfants ukrainiens et aux personnes handicapées qui ont été emmenés dans ces zones.
Par ailleurs, le Haut-Commissariat cherche depuis des années à accéder aux zones sous le contrôle effectif d’autorités de facto dans la région du Caucase du Sud, a indiqué M. Türk. L'accès permettrait au Haut-Commissariat de mener des évaluations en matière de droits de l'homme et de répondre aux besoins de la population, tout en contribuant à renforcer la confiance, a-t-il souligné.
Le Haut-Commissaire a d’autre part encouragé l'Arménie et l'Azerbaïdjan à accélérer les efforts de paix ancrés dans les droits de l'homme ; il a souligné l'importance d'une circulation libre et sûre dans le corridor de Latchine et a insisté sur la nécessité d'éviter l'impact humanitaire sur les civils.
M. Türk s’est ensuite dit profondément préoccupé par la détérioration de la situation des droits humains en Afghanistan, où les autorités de facto ont démantelé les principes les plus fondamentaux des droits de l'homme, au détriment en particulier des femmes et des filles. Le Haut-Commissaire a cependant fait état de « certaines perspectives d'engagement », y compris par le biais de quelques visites de prison.
L'Iran continue de dialoguer officiellement avec le Haut-Commissariat sur les questions relatives à la discrimination à l'égard des femmes et des filles, à l'obligation de rendre compte des violations graves des droits de l'homme et aux exécutions imminentes, a constaté M. Türk. Le Haut-Commissaire s’est cependant dit préoccupé par l’augmentation considérable des exécutions et par la persistance de la discrimination à l'égard des femmes. L'Iran n'a reçu qu'un seul titulaire de mandat de procédure spéciale depuis dix-sept ans, a ajouté le Haut-Commissaire.
Concernant l'Examen périodique universel (EPU), le Haut-Commissaire a recommandé que les États intensifient leurs efforts de mise en œuvre des recommandations [qui en sont issues], afin d'exprimer leur véritable coopération avec ce mécanisme. « L'Examen périodique universel par le Conseil montre clairement que l'examen des droits de l'homme n'est en aucun cas une violation de la souveraineté, mais un sujet légitime de préoccupation internationale », a insisté le Haut-Commissaire.
S’agissant ensuite des procédures spéciales et mandats d'enquête du Conseil des droits de l’homme, le Haut-Commissaire a constaté qu’ils bénéficient généralement d'une coopération positive avec les États. En moyenne, ils effectuent 60 à 80 visites de pays par an, et 129 États leur ont adressé une invitation permanente. En revanche, 19 pays n'ont reçu aucune visite depuis cinq ans, malgré les demandes qui leur ont été adressées. M. Türk s’est en outre dit profondément préoccupé par le fait que plusieurs titulaires de mandat ont fait l'objet d'insultes et de menaces personnelles.
Le Haut-Commissaire a ensuite salué l'accord donné par le Gouvernement du Soudan du Sud permettant à la Commission sur les droits de l'homme au Soudan du Sud créée par le Conseil d’installer son secrétariat dans le pays, « ce qui renforce considérablement la capacité de la Commission à aider le Gouvernement à relever les nombreux défis complexes en matière de droits de l'homme ». Malheureusement, les incidents violents signalés touchant des civils ont augmenté de 12% au cours des trois premiers mois de 2023, et les autorités n'ont guère pris de mesures pour demander des comptes aux auteurs de ces actes, a regretté M. Türk.
Un certain nombre de mandats nationaux et d'organes d'enquête du Conseil sont confrontés à de graves difficultés en matière de coopération et d'accès, a poursuivi M. Türk. Ainsi la Syrie n'a pas collaboré avec la Commission d'enquête du Conseil et n'a reçu que trois visites au titre des procédures spéciales depuis huit ans, a relevé le Haut-Commissaire. Quant à l'Érythrée, elle a rejeté tout engagement avec le Rapporteur spécial sur l'Érythrée, ainsi qu'avec la précédente commission d'enquête et l'enquête conjointe du Haut-Commissariat et de la Commission éthiopienne des droits de l'homme. Aucune visite des procédures spéciales n'a jamais eu lieu en Érythrée, alors que ce pays est membre du Conseil, a souligné M. Türk.
L'Éthiopie a coopéré avec le Haut-Commissariat, ce qui a permis à ce dernier de déployer des observateurs internationaux des droits de l'homme dans le nord du pays. Il existe également un potentiel de coopération dans l’élaboration d'une politique globale de justice transitionnelle. Toutefois, l'Éthiopie ne coopère pas avec la Commission internationale d'experts des droits de l'homme sur l'Éthiopie créée par le Conseil, a noté le Haut-Commissaire.
Quant au « régime militaire du Myanmar », il a refusé de coopérer avec la Mission d'établissement des faits du Conseil, le mécanisme d'enquête indépendant pour le Myanmar ou le Rapporteur spécial. Le Haut-Commissariat n'a pas eu accès au pays depuis 2019. Entre-temps, les militaires ont déposé le Gouvernement démocratiquement élu et ont commis des violations généralisées des droits de l'homme qu'une présence sur le terrain aurait pu contribuer à atténuer ou à prévenir, a déploré le Haut-Commissaire.
De même, le Haut-Commissariat n'a pas eu accès au Nicaragua depuis 2018 et le Groupe d'experts des droits de l'homme mis en place l'année dernière n'a reçu aucune coopération de la part du Gouvernement. « Les autorités ont continué à porter atteinte aux droits humains du peuple nicaraguayen, avec une répression extrêmement dure de la société civile et un espace civique drastiquement réduit, y compris l'annulation du statut juridique de nombreuses organisations ». Le Nicaragua n'a pas participé aux trois derniers examens des organes de traités et la dernière visite officielle d'un titulaire de mandat de procédure spéciale a eu lieu il y a 14 ans, a regretté M. Türk.
Pour sa part, la République populaire démocratique de Corée s'est elle-même isolée de nombreuses possibilités de coopération avec le système des droits de l'homme des Nations Unies, a poursuivi le Haut-Commissaire. Le pays a aussi pris du retard dans la présentation de ses rapports sur les traités ; il n'y a pas eu de visite des procédures spéciales depuis 2017 ; et les offres d'assistance technique du Haut-Commissariat sont restées sans réponse.
M. Türk a par ailleurs encouragé le Bélarus à coopérer pleinement avec les organes onusiens chargés des droits de l'homme. La récente visite du Rapporteur spécial sur les migrants s'est limitée à la situation à la frontière avec la Pologne, a-t-il indiqué. Si le Bélarus est à jour dans ses obligations formelles de présentation de rapports aux organes de traités, il s'est retiré du Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et a mis fin à la présence du Haut-Commissariat sur le terrain en 2021 : cela limite considérablement la capacité du Haut-Commissariat à fournir l'assistance dont le pays a besoin, a dit M. Türk.
M. Türk a aussi estimé que compte tenu de la fragilité persistante du Burundi, de l'absence généralisée de responsabilité et des inégalités dans ce pays, un engagement plus important permettrait au Haut-Commissariat de soutenir un espace civique plus ouvert, parmi d'autres questions urgentes.
Enfin, M. Türk s’est dit « extrêmement préoccupé » par la détérioration de la situation dans le territoire palestinien occupé. En Cisjordanie occupée, l'usage excessif de la force et les assassinats illégaux de Palestiniens par les forces de sécurité israéliennes ont augmenté, y compris ce qui semble être des exécutions extrajudiciaires. L’escalade récente de la violence à Gaza, ainsi que le transfert forcé de Palestiniens exigent des solutions fondées sur les droits de l'homme. Cependant, bien que l'engagement d'Israël auprès de l'EPU le mois dernier ait été constructif, sa coopération avec les procédures spéciales et avec la Commission d'enquête internationale indépendante est quasiment inexistante, a déploré M. Türk.
Pour ce qui concerne ensuite les traités relatifs aux droits de l'homme et les organes qui surveillent leur mise en œuvre, M. Türk a observé avec satisfaction qu’au cours de l'année écoulée, la Chine avait coopéré avec plusieurs organes de traités, ce qui a donné lieu à d'importantes orientations concernant, entre autres, la Loi sur la sécurité nationale à Hong Kong (Chine), la discrimination à l'encontre des Ouïghours et d'autres minorités musulmanes dans la Région autonome ouïghoure du Xinjiang, les politiques d'assimilation qui sapent l'identité de minorités ainsi que les restrictions imposées à l'espace civique.
M. Türk a insisté sur le fait que la présentation régulière de rapports aux organes de traités était un aspect fondamental des engagements des États, indépendamment de leur richesse. A ce propos, outre le Belize et le Samoa, il a cité le Sénégal qui, contrairement à de nombreux États plus riches, a ratifié tous les principaux traités relatifs aux droits de l'homme et est à jour dans ses obligations en matière de rapports.
Toutefois, malgré ces exemples positifs, le système des organes de traités dans son ensemble est confronté à un manque important de coopération de la part des États parties aux traités, a regretté le Haut-Commissaire. Ainsi, seuls 37 États ou organisations régionales sont actuellement à jour de toutes leurs obligations en matière de rapports aux organes de traités ; et 601 rapports d'États sont en retard, les rapports de 78 États étant attendus depuis plus de dix ans.
L'organe de traité dont la proportion de rapports à jour est la plus faible est le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, a souligné le Haut-Commissaire, avant d’exhorter tous les États à prendre des mesures décisives pour démanteler le racisme systémique dans tous les domaines, notamment dans le contexte de l'application de la loi et à l'encontre des Africains et personnes d'ascendance africaine.
M. Türk a regretté que l'année dernière, le Sous-Comité pour la prévention de la torture ait été contraint de suspendre sa visite en Australie, en raison du manque de coopération des responsables au niveau régional ; et que le Nicaragua ait refusé la visite du Sous-Comité prévue cette année.
L'arriéré dans l’examen des rapports d’États et des plaintes individuelles déposées devant les organes de traités est alarmant, a insisté M. Türk. Les ressources ne sont pas à la hauteur de ces tâches importantes, a-t-il constaté, demandant aux États membres de soutenir davantage le Haut-Commissariat. Il a aussi plaidé pour une meilleure représentation des expertes femmes dans la composition des organes de traités.
Le Haut-Commissaire a d’autre part affirmé que les attaques contre des personnes qui coopèrent avec les Nations Unies constituaient une « forme particulièrement insidieuse de non-coopération » et risquaient d’avoir un effet dissuasif sur l'ensemble de l'espace civique. Treize rapports sur l'intimidation et les représailles ont été publiés par le Secrétaire général, avec des informations sur plus de 700 cas ou incidents de représailles dans 77 pays. Le rapport 2022 comprend des allégations d'incidents dans 42 pays, dont douze membres du Conseil.
Enfin, M. Türk a recommandé aux États de doubler le budget du Haut-Commissariat et de lui accorder un plus grand soutien politique. À terme, a estimé le Haut-Commissaire, il devrait y avoir un bureau des droits de l'homme des Nations Unies dans tous les États pour apporter un soutien, mais aussi pour tirer parti de l'expérience de chaque pays en matière de promotion des droits de l'homme.
Dialogue renforcé sur la situation des femmes et des filles en Afghanistan
Déclarations liminaires
MME Nada Al-Nashif, Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, a indiqué que ce dialogue sera axé sur les femmes et les filles à l’intérieur de l’Afghanistan, en particulier sur l’impact que les politiques des Taliban ont sur leur jouissance des libertés et droits fondamentaux notamment pour ce qui est des droits à l’éducation, au travail, à la liberté de circulation, à la liberté d’opinion et d’expression et aux soins de santé.
À l’échelle mondiale, le Haut-Commissariat a assisté à un retour de bâton contre les droits des femmes et des filles ces dernières années, a poursuivi Mme Al-Nashif. Cependant, a-t-elle souligné, nulle part cela n’a été plus profond et global qu’en Afghanistan depuis que les Taliban ont pris le pouvoir à la mi-août 2021. Bien qu’ils aient affirmé à plusieurs reprises que les droits des femmes seraient protégés dans le cadre de la charia, au cours des 22 derniers mois, tous les aspects de la vie des femmes et des filles ont été restreints. Elles font l’objet de discrimination de toutes les manières, décret après décret, ce qui a eu pour effet cumulatif d’effacer les femmes et les filles de la vie publique et de les empêcher d’accéder à leurs droits et libertés fondamentaux et d’en jouir.
L’Afghanistan est le seul pays au monde où les filles se voient refuser l’éducation au-delà du niveau primaire. L’éducation, dans l’apprentissage en classe et dans les communautés scolaires, est vitale non seulement pour les filles, mais pour la société dans son ensemble. Les Taliban ont éliminé les possibilités de développement des filles et leur capacité de mener une vie indépendante aujourd’hui et à l’avenir, ce qui a affecté les générations à venir, a déploré Mme Al-Nashif.
L’Afghanistan est également le seul pays au monde qui interdise aux femmes de travailler pour des organisations internationales, y compris les Nations Unies, ainsi qu’à l’extérieur du foyer dans de nombreux secteurs. Cela a un impact significatif sur la capacité des Nations Unies et d’autres organisations à fournir des services essentiels à la population en situation de pauvreté chronique. Le retrait des femmes de la fonction publique a également une incidence sur la capacité des femmes et des filles d’être vues et entendues et de participer aux processus décisionnels qui ont une incidence directe sur leur vie.
Les restrictions excessives et injustifiables à la liberté de mouvement, y compris l’exigence d’un maharam (ou chaperon masculin), ainsi que les restrictions à l’éducation et à l’emploi laissent les femmes et les filles avec une capacité limitée, et parfois inexistante, de faire des choses en dehors de leur foyer.
Le Haut-Commissariat est profondément préoccupé par l’environnement discriminatoire et restrictif, voire par le climat de peur dans lequel vivent les femmes et les filles en Afghanistan. À cela s’ajoutent l’absence de responsabilisation pour les violations des droits des femmes et des filles et l’absence d’un système judiciaire sensible au genre et accessible aux femmes, a conclu Mme Al-Nashif.
MME DOROTHY ESTRADA-TANCK, Présidente du Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles, a indiqué que le rapport établi conjointement par le Groupe de travail et par le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan (A/HRC/53/21, disponible uniquement en anglais) montrait en détail comment les femmes et les filles afghanes sont systématiquement discriminées dans tous les aspects de leur vie. Depuis leur arrivée au pouvoir en août 2021, les autorités de facto n'ont eu de cesse de promulguer des décrets dont la grande majorité restreignent les droits des femmes et des filles, notamment leurs droits à l'éducation, au travail, à la santé, à l'accès à la justice et à la liberté de mouvement, d'habillement et de comportement. Les sanctions infligées aux femmes et aux jeunes filles qui contreviennent aux décrets ne s'appliquent pas seulement à elles, mais aussi aux membres masculins de la famille ; elles contribuent également à la normalisation de la discrimination et de la violence à l'égard des femmes et des filles.
Les femmes sont totalement exclues de la participation à la vie politique et publique, a poursuivi Mme Estrada-Tanck. Elles sont également interdites d'éducation au-delà du niveau primaire, et il leur est interdit de travailler dans des organisations non gouvernementales dans la plupart des secteurs et dans les bureaux d'organisations internationales telles que l'ONU. Malgré ces difficultés, les femmes persistent et résistent. Elles continuent d'essayer de travailler de toutes les manières possibles, de s'occuper de leurs enfants et de chercher à les éduquer.
Ce contexte oppressant, la pauvreté et l'incertitude quant à l'avenir exercent une pression extrême sur les femmes et leurs familles, et aggravent la violence domestique, les mariages forcés et les mariages d'enfants, la vente d'enfants, le travail des enfants, la traite des êtres humains et les migrations dangereuses. La détérioration de la santé mentale est une préoccupation majeure pour toutes les femmes interrogées.
De plus, l'absence d'un système juridique clair et cohérent contribue à la perpétuation de la violence contre les femmes et les filles et à l'impunité des auteurs. Ces formes flagrantes de discrimination fondée sur le sexe sont perpétrées en toute impunité, sans aucune considération pour les droits, la sécurité ou l'autonomie des femmes. Le respect des droits humains des femmes et des filles et le rétablissement de l'État de droit sont essentiels, a insisté Mme Estrada-Tanck.
M. RICHARD BENNETT, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan, a précisé s’être rendu dans le pays avec des membres du Groupe de travail [sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles] il y a six semaines et y avoir rencontré les principales parties prenantes afghanes, ainsi que les Nations Unies, des ONG internationales et des diplomates, et des représentants des autorités de facto au niveau des directeurs. Le Rapporteur spécial et le Groupe de travail ont donné la priorité à l'audition directe de femmes en Afghanistan, y compris de femmes ayant subi des violences de la part des autorités de facto.
M. Bennett a recommandé que les femmes et les filles afghanes soient incluses en tant que partenaires égales dans toutes les délibérations et tous les forums de décision relatifs à l'Afghanistan, et que leur situation soit au centre de toutes les considérations politiques et de l'engagement avec les autorités de facto. Il a aussi demandé que les États soutiennent l'accès des filles à l'éducation et appellent à la réouverture immédiate des écoles et des universités, et que ces établissements appliquent des programmes répondant aux normes internationales.
L’expert a d’autre part plaidé en faveur du soutien, tant sur le plan politique que financier, aux organisations dirigées par des femmes qui œuvrent en faveur des droits humains et de l'égalité des sexes en Afghanistan. Il a recommandé de protéger et de soutenir les femmes et les filles afghanes qui cherchent refuge à l'intérieur et à l'extérieur de leur pays, en facilitant leur réinstallation en toute sécurité, en leur donnant des bourses, des possibilités d'éducation et des services de santé mentale.
L’expert a enfin recommandé que des mesures soient prises pour que les persécutions fondées sur le sexe en Afghanistan fassent l'objet d'enquêtes approfondies et que leurs auteurs soient traduits en justice, et qu’il soit mis fin à « l'apartheid sexiste » dans ce pays.
M. Nasir Ahmad Andisha, Représentant permanent de l’Afghanistan auprès des Nations Unies, s’est félicité du rapport conjoint et a dit apprécier les efforts déployés par le Rapporteur spécial et le Groupe de travail. Pour les dirigeants talibans, la « guerre » contre les femmes afghanes et l’extension des cadres normatifs relatifs aux droits des femmes arrivent à une conclusion victorieuse moins de deux ans après la prise de contrôle militaire du pays, a-t-il regretté. Un nouveau sommet a été atteint avec le dernier décret interdisant aux femmes de travailler à l’ONU et dans les ONG et avec une récente directive visant à empêcher toute ONG d’offrir une éducation aux enfants non scolarisés, a-t-il insisté. M. Andisha a ensuite cité le Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU pour l’Afghanistan qui a souligné que « dans l’histoire des Nations Unies, aucun autre régime n’a jamais essayé d’interdire aux femmes de travailler pour l’Organisation simplement parce qu’elles sont des femmes. Cette décision représente une agression contre les femmes, les principes fondamentaux de l’ONU et le droit international ».
Il ne s’agit pas seulement d’un problème qui concerne l’Afghanistan, a insisté le Représentant permanent : les Taliban contestent ouvertement les fondements mêmes du système normatif international qui a été construit au cours des 75 dernières années grâce au travail dévoué des États Membres de l’ONU, y compris l’État d’Afghanistan en tant que l’un des premiers membres de l’Organisation, et des organisations de la société civile du monde entier.
Une série d’autres rapports incroyablement choquants sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales indique que les Taliban poussent un pays déjà au bord du gouffre plus loin dans un abîme profond.
La société civile afghane, épuisée, continue d’improviser et de résister. Sur une note positive rare, la lutte pour la protection des droits fondamentaux, sous une pression immense, a façonné les groupes de femmes afghanes en un mouvement de solidarité de femmes fort, résilient et historiquement unique, a déclaré le Représentant permanent.
Alors que le monde se prépare à célébrer le 75ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme – réalisation historique dans l’histoire de l’humanité – un groupe extrémiste violent a pris le contrôle d’un État Membre de l’ONU et rejette entièrement les principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies, de la Déclaration universelle et de presque tous les autres grands traités et conventions internationaux, a déploré M. Andisha.
MME MADINA MAHBOOBI, défenseuse des droits humains en Afghanistan, a précisé que l’interdiction faite récemment aux femmes de travailler pour les organisations non gouvernementales et les Nations Unies avait mis gravement en danger la vie de millions de femmes et d'enfants. Mais malgré ces difficultés, et malgré une crise humanitaire gravissime qui voit des millions de personnes confrontées à la faim, les organisations dirigées par des femmes afghanes à l'intérieur du pays et les acteurs humanitaires continuent de sauver des vies en acheminant l'aide.
Mme Mahboobi a dit avoir mené des consultations au cours desquelles les Afghans (hommes et femmes) ont fait part de leurs principales revendications. Il en ressort d’abord que l'accès à l'éducation et à l'emploi doit être garanti aux femmes et aux jeunes filles. La communauté internationale, pour sa part, doit consulter les Afghans et les Afghanes à l'intérieur du pays et donner la priorité aux besoins locaux afin de garantir la faisabilité et la réactivité des interventions en faveur de l'Afghanistan. Il faut aussi s'engager auprès des autorités de facto pour assurer la protection des défenseurs des droits de l'homme, des journalistes, des avocats de la défense et d'autres activistes, et promouvoir les libertés d'expression, de réunion et de mouvement, ainsi que le droit d'accès à la justice.
Il convient en outre de poursuivre le financement non seulement de l'aide humanitaire, mais aussi des initiatives à long terme qui favorisent la viabilité économique et sociale de l'Afghanistan. En particulier, un investissement à long terme s’impose dans le renforcement de la main-d'œuvre afin de combler le manque de capital humain dans le pays, ce qui favorisera l'emploi des Afghans et donc leur résilience économique.
Mme Shaharzad Akbar, Directrice exécutive de Rawadari, a rappelé que les filles en Afghanistan ne peuvent pas aller à l’école et que les femmes de son pays ne peuvent pas non plus aller travailler. Les militants en Afghanistan sont illégalement détenus, emprisonnés et torturés, a-t-elle poursuivi, ajoutant que les Afghanes et les Afghans devraient pouvoir exercer leurs droits sans crainte, ni harcèlement ou intimidation.
Le Conseil est bien conscient de la situation en Afghanistan, a fait observer Mme Akbar, soulignant qu’il y a régulièrement dans ce pays de nouvelles restrictions à la vie et aux droits des femmes et que des disparitions forcées, des détentions illégales, des actes de torture, des exécutions extrajudiciaires et des châtiments inhumains se poursuivent. Le rapport conjoint du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan et du Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles donne un aperçu complet de la discrimination généralisée et systématique à laquelle sont confrontées les femmes et les filles en Afghanistan, a-t-elle indiqué. Les femmes afghanes sont persécutées en raison de leur sexe, intimidées et punies pour avoir exercé leurs droits fondamentaux, a-t-elle dénoncé.
Quant à ce que pourraient faire le Conseil des droits de l’homme et ses États membres pour soutenir les femmes afghanes dans leur lutte solitaire contre la brutalité et l’oppression, Mme Akbar a notamment affirmé qu’il fallait s’abstenir de toute interaction qui normaliserait davantage l’apartheid de genre appliqué par les Taliban et donnerait l’impression d’une reconnaissance de facto. Cela inclut, selon elle, les États Membres qui reçoivent des délégations des Taliban, aussi subalternes soient-elles, comme la Norvège l’a fait la semaine dernière, ou encore les pays de la région qui ont poursuivi leurs interactions habituelles avec les autorités de facto.
Aperçu du dialogue
Il a été souligné que les Taliban avaient « démantelé le cadre juridique et institutionnel » et qu’ils gouvernaient « en appliquant les formes les plus extrêmes de misogynie et de discrimination institutionnalisée fondée sur le sexe, sans équivalent dans le monde ». Ainsi, la « discrimination systématique exercée par les autorités de facto à l'encontre des femmes et des jeunes filles » a-t-elle été considérée comme « une preuve évidente de la persécution fondée sur le sexe ». Or, a-t-il été souligné à plusieurs reprises, la persécution pour des raisons de genre est un crime contre l'humanité défini par le Statut de Rome auquel l'Afghanistan est partie.
L’interdiction faite aux femmes de travailler pour les Nations Unies et pour des organisations non gouvernementales a été condamnée à de nombreuses reprises ce matin, au même titre que la marginalisation systématique des femmes dans la vie publique, sociale et économique. La participation effective de tous les Afghans, y compris des femmes et des filles, est une condition préalable à la réalisation pleine et égale des droits de l'homme dans le pays, a-t-il été souligné. La répression des droits des femmes et des filles porte préjudice à l'ensemble de la société afghane, y compris aux garçons et aux hommes, ont fait observer des délégations.
Il a été pris note de la recommandation faite au Conseil de demander un rapport sur « l’apartheid de genre » et de prendre des mesures pour que ceux qui persécutent les femmes et les filles, ainsi que leurs complices, répondent de leurs actes. Les violations des droits des femmes, a-t-il été affirmé, contredisent de manière flagrante le droit international et ne peuvent « en aucun cas être considérées comme relevant des affaires intérieures du pays » ; et il est du devoir de la communauté internationale de les dénoncer, y compris au sein du Conseil.
La discrimination subie en Afghanistan par des minorités religieuses et ethniques a aussi été dénoncée.
Le Rapporteur spécial et le Groupe de travail ont été priés de dire ce que le Conseil pourrait faire pour faire favoriser les enquêtes sur les violations des droits de l’homme commises en Afghanistan et pour collecter et préserver les preuves en vue de futures poursuites.
La communauté internationale a été appelé à réagir de manière unifiée, en se fondant sur des principes, pour envoyer un signal clair aux Taliban. Un groupe de pays voisins de l’Afghanistan a jugé indispensable de poursuivre le dialogue et la coordination entre les instances régionales et la communauté internationale dans son ensemble « afin de parler d'une seule voix sur l'Afghanistan ».
La communauté internationale a aussi été appelée à rester mobilisée pour défendre la participation active des femmes afghanes à la vie publique, y compris dans les opérations humanitaires, et pour veiller à ce que les femmes et les filles bénéficient d'un accès égal aux services de santé dans l'ensemble du pays. Elle a également été appelée à soutenir, par un financement à long terme, les organisations dirigées par des femmes et travaillant en Afghanistan.
Certains orateurs ont appelé les pays concernés à libérer les fonds afghans bloqués à l’étranger pour aider le pays à se reconstruire. A aussi été exigée la cessation des mesures coercitives unilatérales illégales imposées à l’Afghanistan « par certains pays hégémoniques qui ont pillé ses ressources » et qui bloquent son accès au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale. A aussi été condamnée la politisation de l’aide humanitaire destinée à l’Afghanistan.
Pour d’autres intervenants au contraire, « il ne doit pas y avoir de retour à la normale tant que les Taliban ne changeront pas de politique ».
* Liste des intervenants : Allemagne, Australie, Union européenne, Pakistan (au nom de l’Organisation de la coopération islamique), Finlande (au nom d’un groupe de pays), Belgique (au nom d’un groupe de pays), Union européenne (au nom d’un groupe de pays), Kirghizistan (au nom d’un groupe de pays), ONU Femmes, Liechtenstein, Qatar, République de Corée, Organisation internationale de droit du développement, Israël, Luxembourg, Japon, Pays-Bas, Tchéquie, Slovénie, Équateur, États-Unis, France, Espagne, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Costa Rica, Royaume-Uni, Canada, République bolivarienne du Venezuela, Maldives, Malaisie, Afrique du Sud, Malte, Nouvelle-Zélande, Irlande, Pakistan, Türkiye, Namibie, Kazakhstan, Inde, Autriche, Chine, Grèce, Malawi, Slovaquie, Suisse, Albanie, Argentine, Roumanie, Monténégro, Pologne, Ukraine, Chypre, Fédération de Russie, Arabie saoudite, Mexique, Iran, Indonésie, Égypte et Émirats arabes unis.
Plusieurs organisations non gouvernementales sont aussi intervenues : Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté , Asian Forum for Human Rights and Development, Human Rights Law Centre, CIVICUS : Alliance mondiale pour la participation des citoyens, Front Line, Human Rights Watch, Save the Children, Organisation mondiale contre la torture, Amnesty International et Center for Global Nonkilling.
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