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Zambie : le Comité des disparitions forcées s'inquiète de l'absence d'une législation spécifique pour lutter contre les disparitions forcées
Le Comité des disparitions forcées a tenu, hier après-midi et ce matin, un dialogue avec la délégation de la Zambie sur l'application dans ce pays de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. La Zambie, qui a ratifié la Convention le 4 avril 2011, n'a toujours pas soumis son rapport initial, attendu en mai 2013.
La délégation de la Zambie, par la voix du Secrétaire permanent aux affaires intérieures et à la sécurité intérieure, M. Dickson Matembo, a reconnu que le pays n'avait pas été en mesure de soumettre de rapport dans les délais impartis, mais a assuré le Comité que son gouvernement restait déterminé à faire en sorte que tous soient protégés contre la privation de liberté personnelle, indiquant que la législation « interdit la privation de liberté sous quelque forme que ce soit ». Bien qu'aucun cas de disparition forcée n'ait pas été enregistré dans le pays, la Zambie s'engage à appliquer pleinement la Convention, a affirmé le chef de la délégation. Il a ajouté que la Zambie prenait les mesures nécessaires pour contribuer activement à la campagne mondiale visant à mettre fin aux disparitions forcées.
La délégation zambienne, dont plusieurs membres intervenaient par visioconférence depuis Lusaka, était également composée de Mme Eunice T. M. Luambia, Représentante permanente de la Zambie auprès des Nations Unies à Genève, et de M. Prosper M. Ngandu, Commissaire aux réfugiés, qui étaient tous deux présents à Genève. La délégation comprenait également des fonctionnaires du Ministère de l'intérieur et de la sécurité et du Ministère de la justice, ainsi que des représentants des forces de police et du Secrétariat national sur le trafic des êtres humains. Elle a notamment fourni des renseignements complémentaires sur l'intégration de la Convention dans le droit interne zambien, des cas de disparitions de réfugiés, la définition de la notion de victime, les procédures concernant les enquêtes sur les personnes disparues, la lutte contre les adoptions illégales.
Les membres du Comité ont notamment relevé que les dispositions de la Convention ne pouvaient toujours pas être invoquées devant les tribunaux. Il a aussi été estimé que le droit zambien était contraire à la Convention car la législation n'interdit pas l'adoption de mesures permettant de déroger au droit de ne pas être soumis à la disparition forcée. Il a aussi été souligné que la Zambie devait prévoir une définition des disparitions conforme à celle prévue par la Convention.
Le Comité doit adopter, dans le cadre de séances privées, des observations finales concernant l'application par la Zambie des dispositions de la Convention. Elles seront rendues publiques après la fin de la session, dont la séance de clôture aura lieu l'après-midi du vendredi 31 mars.
Le Comité tient cet après-midi un dialogue avec la délégation de l'Argentine, qui présentera les renseignements complémentaires qui lui ont été demandés.
Examen de la situation en Zambie
La Zambie n'a pas encore soumis de rapport, mais a adressé au Comité ses réponses (le document à paraître portera la cote CED/C/ZMB/RQAR/1) à une liste de points à traiter (CED/C/ZMB/QAR/1) que lui avait adressé le Comité.
Présentation par la délégation
M. DICKSON MATEMBO, Secrétaire permanent aux affaires intérieures et à la sécurité intérieure de la Zambie, a indiqué que son pays avait ratifié la Convention le 4 avril 2011, mais n'avait pas été en mesure de soumettre de rapport dans les délais impartis. Il a exprimé sa gratitude au Comité pour cette occasion qui est offerte à sa délégation de se présenter devant lui.
Le chef de la délégation zambienne a souligné que, depuis l'entrée en vigueur de la Convention, le monde a été témoin de nombreux cas de disparitions forcées. Les disparitions forcées ont un impact négatif sur les droits des victimes et créent de l'insécurité à l'échelle mondiale. Pour sa part, le Gouvernement zambien reste déterminé à faire en sorte que tous soient protégés contre la privation de liberté personnelle. Des lois ont été promulguées qui interdisent la privation de liberté sous quelque forme que ce soit. À cet égard, le pays a pris des mesures pour interdire la privation de liberté en vertu de la Constitution et a pris d'autres dispositions similaires dans le Code pénal et le Code de procédure pénale. Bien qu'il n'ait pas été enregistré de cas de disparition forcée en Zambie, le pays s'engage à appliquer pleinement la Convention, a-t-il déclaré.
Parfaitement conscient de l'importance des questions relatives aux disparitions forcées et à la responsabilité d'identifier les personnes touchées et d'assurer la mise en œuvre de politiques qui protègent et garantissent le droit à la liberté personnelle, le Gouvernement zambien travaille en étroite collaboration avec des institutions telles que la Commission zambienne des droits de l'homme et les organisations non gouvernementales. La Zambie prend les mesures nécessaires pour contribuer activement à la campagne mondiale visant à mettre fin aux disparitions forcées. En outre, son gouvernement dispose d'institutions de contrôle chargées de recevoir et d'enquêter sur les cas de privation de liberté, telles que le Service de police zambien et la Commission de lutte contre la drogue, a fait valoir le chef de la délégation zambienne.
Questions et observations des membres du Comité
MME BARBARA LOCHBIHLER, corapporteuse du Comité concernant la Zambie, a constaté que, bien que le pays ait ratifié la Convention en 2011, ses dispositions ne peuvent toujours pas être invoquées devant les tribunaux zambiens. Elle a demandé des informations sur les mesures prises pour intégrer les dispositions de la Convention dans le droit national.
L'experte a par ailleurs demandé des informations sur les activités de la Commission nationale des droits de l'homme en rapport avec la question des disparitions forcées et ce que le pays entend faire pour que cette commission puisse travailler de manière indépendante et efficace et répondre ainsi aux Principes de Paris sur les institutions nationales des droits de l'homme.
Mme Lochbihler a relevé que la délégation venait d'affirmer qu'il n'y avait pas eu de disparitions forcées dans le pays, mais qu'en même temps des réfugiés auraient disparu. Elle a demandé davantage d'informations sur ces cas. En outre, Mme Lochbihler a aussi relevé que, selon les réponses écrites de la Zambie à la liste de questions, le pays dispose d'une base de données de personnes disparues, ce qui semble contredire les affirmations sur l'absence de disparitions dans le pays. Elle a souhaité connaître le nombre de personnes inscrites dans cette base de données. À cet égard, elle a demandé ce qu'entendait la Zambie par « disparitions forcées » ou « personnes disparues ».
La corapporteuse a en outre constaté que le droit zambien était contraire à la Convention car la législation ne prévoit pas l'interdiction de mesures dérogatoires aux droits des personnes de ne pas être soumises à des disparitions forcées, même dans des circonstances exceptionnelles. Elle a dès lors demandé si la Zambie envisageait d'inclure la protection contre les disparitions forcées dans la Constitution du pays.
L'experte a également demandé comment le pays envisageait précisément de traiter les affaires de disparitions forcées conformément à la Convention. Elle a souhaité obtenir des informations sur l'incrimination spécifique du délit de disparition forcée dans le droit national et a souhaité connaître les peines encourues pour ce type de délit.
L'experte a également souhaité savoir comment était mise en œuvre l'irrecevabilité de l'invocation de l'ordre d'un supérieur pour justifier des cas de torture.
Mme Lochbihler a par ailleurs demandé s'il était possible de faire appel d'une décision de refoulement ou d'expulsion et selon quelle procédure. Elle a en outre souhaité savoir si cette procédure était suspensive de la décision. Elle a aussi demandé des informations sur la législation visant à interdire et prévenir la détention au secret.
MME MILICA KOLAKOVIĆ-BOJOVIĆ, corapporteuse sur la Zambie, a demandé à la délégation de confirmer que le droit zambien ne prévoyait pas la prescription pour les délits, quels qu'ils soient. Elle a par ailleurs demandé comment la Zambie exerçait sa compétence extraterritoriale dans les affaires de disparitions forcées, comme le prévoit la Convention. L'experte a demandé des informations sur la procédure d'enquête pour les cas de disparitions forcées et sur les textes législatifs en vertu desquelles cette procédure est suivie. Elle a aussi souhaité savoir quelle institution avait la charge de ces enquêtes.
La corapporteuse a elle aussi demandé à la délégation de préciser ce qu'elle entend lorsqu'elle affirme qu'il n'y a pas eu de disparitions sur son territoire. Elle a souhaité savoir quel mécanisme permettait d'engager des enquêtes sur des disparitions forcées, même en l'absence de plainte. L'experte a également demandé des informations sur les mécanismes en place pour protéger les témoins et les victimes dans ce type d'affaires. Elle a demandé quelles mesures étaient prises pour s'assurer que les personnes chargées de ces enquêtes ont tous les pouvoirs pour les poursuivre et si elles avaient accès aux centres de détention.
Mme Kolaković-Bojović a demandé comment était reconnu le statut de victime dans la législation nationale et s'il était prévu d'y inscrire une définition de « victime ». Elle a demandé comment les victimes pouvaient obtenir réparation et indemnisation. L'experte a souhaité savoir s'il existait un fond d'indemnisation pour les victimes et des services de soutien pour ces dernières.
Existe-t-il des bases de données ADN et quel genre d'informations s'y retrouvent, a par ailleurs demandé l'experte. Elle a également souhaité savoir quel était le statut des personnes disparues qui n'avaient pas été retrouvées et quelle était la procédure pour « les déclarations d'absence ». Elle a souhaité savoir quels étaient les droits des proches et des familles des personnes disparues s'agissant notamment de l'accès à des droits de propriété ou sociaux.
La corapporteuse a demandé si la Zambie avait l'intention d'inscrire l'infraction d'enlèvements d'enfants dans sa législation. Elle a également souhaité savoir si le pays envisageait d'améliorer le système d'enregistrement des naissances. Elle a aussi souhaité connaître les procédures dans le domaine de l'adoption d'enfants.
Parmi les autres membres du Comité, un expert a souligné que la Zambie devait prévoir une définition des disparitions telle que prévue dans la Convention. Un autre expert a souhaité connaître le rôle précis de la Commission nationale des droits de l'homme. Il a aussi souhaité savoir quels étaient les critères retenus en Zambie pour déterminer qu'un cas relève d'une disparition forcée et quelle était l'instance chargée d'établir qu'il y a eu disparition forcée.
Un expert a demandé des informations sur l'accès à l'information s'agissant des personnes en détention. Il a demandé quelles sont les limites prévues par la loi à cet accès à l'information. Il s'est également enquis de la mise en œuvre du droit consulaire notamment dans le cas de disparition de réfugiés sur le territoire zambien.
Un autre expert a indiqué que des ressortissants croates avaient été arrêtés dans le cadre d'une affaire d'adoption illégale en Zambie. Il a souhaité savoir, dans cette affaire, comment les enfants avaient été soustraits à leur famille.
Au cours des échanges avec la délégation, la présidente du Comité a rappelé à plusieurs reprises qu'il s'agissait d'un dialogue constructif qui demandait des réponses complètes de la part de la délégation.
Réponses de la délégation
Répondant à des questions sur le cadre juridique et institutionnel de la mise en œuvre de la Convention, la délégation a indiqué que la Zambie n'avait pas l'intention de créer un cadre législatif distinct et autonome sur les disparitions forcées car elle dispose déjà un cadre législatif préexistant, notamment dans la Constitution et le code pénal. Le droit interne ne prévoit pas une définition spécifique de la disparition forcée, mais comporte des dispositions s'agissant de la protection à l'égard de la privation de liberté.
La délégation a déclaré que si le pays devait à chaque fois aligner la Constitution sur les dispositions des instruments internationaux, elle ne serait pas stable. Elle a par la suite indiqué que la Zambie en était à ses débuts dans le processus d'intégration de la Convention dans l'ordre juridique interne. Une étude d'impact va être menée prochainement, a indiqué la délégation. Elle a aussi expliqué qu'il n'y a pas délit spécifique de disparition forcée dans la loi sur la traite. La Zambie va néanmoins tenter d'établir une législation spécifique pour renforcer la lutte contre ce phénomène.
En ce qui concerne la Commission nationale des droits de l'homme, la délégation a indiqué que la Zambie n'avait pas d'informations à fournir sur des mesures prises pour améliorer la situation financière de cette commission. Elle a ajouté que la Commission dépendait aussi financièrement de contributeurs étrangers.
La délégation a indiqué, en réponse à d'autres questions, que la prescription n'existait qu'en matière de droit civil, pas pour le régime pénal.
S'agissant de la question de la disparition de réfugiés, la délégation a indiqué que le pays avait recueilli des informations sur la disparition de certains réfugiés rwandais mais qu'aucune preuve n'avait été apportée qu'il s'agissait de disparitions forcées. Elle a par la suite précisé que le pays accueillait des Burundais, des Rwandais, des Congolais et des Angolais. En août 2022, 32 réfugiés angolais ont été signalés comme personnes disparues, mais la police et la Commission des droits de l'homme ont mené une enquête qui a permis d'établir que les informations fournies n'étaient pas exactes ; seules 11 personnes étaient décédées de manière naturelle et les autres étaient toujours vivantes.
La délégation a déclaré qu'il n'existait pas de lieux de détention secrets en Zambie. La loi interdit la détention secrète. Nul ne peut être détenu dans une prison sans un ordre officiel d'une autorité compétente, a précisé la délégation. En outre, toute personne privée de liberté a accès à un avocat. Les détenus doivent avoir la possibilité de recevoir des visites et de consulter soit un avocat de son choix, soit un avocat commis d'office. Les proches des personnes privées de liberté peuvent venir s'enquérir sur les conditions de la personne détenue. Il existe un mécanisme de plainte pour les détenus qui ont la possibilité de demander des informations. S'il s'agit d'un étranger, les autorités le mettent en lien avec les autorités consulaires compétentes.
Interrogée sur la question de la définition de la notion de victime dans la législation zambienne, la délégation a fait valoir qu'une telle définition figure dans la loi sur la traite. S'agissant des réparations et des indemnisations, une victime peut se plaindre pour emprisonnement forcé et demander réparation, a indiqué la délégation. La nature de la réparation est déterminée par la Cour, qui doit tenir compte de la durée de la privation de la liberté, les conditions de la détention et les souffrances subies, notamment. La loi prévoit la création d'un fond d'indemnisation des victimes. Les proches des personnes disparues sont tenues au courant du déroulement de l'enquête par les membres de l'unité de soutien aux victimes. En cas de besoin, la police travaille avec des partenaires spécialisés afin que les proches des personnes disparues disposent des conseils pertinents.
Une loi prévoit la création d'un nouveau département qui aura la charge du traitement des données ADN. En attendant, une base de données ADN est en cours d'élaboration.
La Zambie a adopté une loi qui interdit la soustraction d'enfants de manière illégale et dans le cas où elle n'est pas dans le meilleur intérêt de l'enfant. Cette loi prévoit que la soustraction d'enfants sera avérée s'il y a violation du droit de garde et des droits des enfants. Par ailleurs, différentes dispositions, notamment la loi sur la traite, prévoient des sanctions en cas de falsification de documents officiels concernant les enfants. La délégation a par ailleurs indiqué que toute demande d'adoption est traitée par un tribunal et c'est aussi un tribunal qui doit se prononcer en cas de demande d'annulation d'une procédure d'adoption.
Au sujet d'une affaire d'adoption illégale d'enfants zambiens par des ressortissants croates, mentionnée au cours des échanges, la délégation a indiqué que ces enfants provenaient d'un orphelinat. Il y a eu des allégations de détention illégale et il a pu être constaté que les papiers des enfants étaient effectivement faux. Le propriétaire de l'orphelinat concerné s'est enfui, a indiqué la délégation. Les enfants sont pris en charge par le Ministère des affaires sociales et l'enquête est toujours en cours, a précisé la délégation.
Conclusions
Le chef de la délégation de Zambie, M. MATEMBO, a remercié le Comité pour ce dialogue. Il a regretté que toute la délégation n'ait pu se présenter en personne devant le Comité. Il s'est néanmoins montré satisfait d'avoir pu présenter la situation en Zambie et a indiqué que le pays étudierait attentivement les recommandations du Comité.
MME CARMEN ROSA VILLA QUINTANA, Présidente du Comité, a pour sa part regretté qu'il n'ait pas été possible de tirer le meilleur parti de cette session pour veiller à une meilleure application de la Convention en Zambie. Il semble que la délégation n'ait pas été dûment informée sur la mise en œuvre de la Convention. Elle a souligné que les bureaux régionaux du Haut-Commissariat étaient disponibles pour aider les fonctionnaires zambiens concernés à préparer l'examen des rapports du pays devant les organes conventionnels. La Présidente a indiqué qu'elle espérait que les prochains dialogues avec la Zambie se dérouleront dans de meilleures conditions.
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CED23.002F