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Le Conseil dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants et avec le Rapporteur spécial sur le logement convenable, qui évoque le dilemme entre résorption du déficit de logements et non-aggravation des émissions de carbone
Le Conseil des droits de l’homme a tenu, cet après-midi, un dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants, y compris la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et autres contenus montrant des violences sexuelles sur enfant, Mme Mama Fatima Singhateh. Il a ensuite engagé son dialogue avec le Rapporteur spécial sur le logement convenable en tant qu’élément du droit à un niveau de vie suffisant, ainsi que sur le droit à la non-discrimination à cet égard, M. Balakrishnan Rajagopal.
Présentant son rapport thématique intitulé « Vers une transformation juste : crise climatique et droit au logement », M. Rajagopal a rappelé qu’en 2022, nous avons été témoins de nombreuses catastrophes induites par le climat à travers le monde, qui ont complètement détruit des maisons, les ont rendues inhabitables ou ont provoqué des évacuations. Nous savons maintenant que le logement est lui-même un contributeur important aux changements climatiques, a-t-il ajouté. Or, le déficit de logements que connaissent de nombreux pays semble nécessiter la construction de beaucoup plus de logements, mais cela entraînera davantage d'émissions de carbone et aggravera donc encore la crise climatique, a-t-il fait observer, avant de s’interroger sur la manière de résoudre ce dilemme.
Selon les données et les estimations, a poursuivi le Rapporteur spécial, du seul fait de la consommation d'énergie et de la construction [qu’il nécessite], le logement représente au moins 37% des émissions mondiales de dioxyde de carbone. Le logement contribue en outre aux changements climatiques par l'augmentation de la surface habitable moyenne par habitant, l'émission de polluants, l'étalement urbain, la déforestation et l'imperméabilisation des sols. Les ordures ménagères sont responsables à elles seules de 5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Directement liés à l'aménagement urbain, les transports représentent quant à eux environ 23% des émissions mondiales de dioxyde de carbone liées à l'énergie, a ajouté M. Rajagopal.
Dans ce contexte, le rapport appelle à une refonte de la façon de penser le logement. Il demande que des mesures urgentes soient prises pour un logement juste, fondé sur les droits de l'homme, résilient aux changements climatiques et neutre en carbone pour tous. Dans le même temps, des améliorations dans l'efficacité énergétique ne doivent pas entraîner de hausse du coût du logement, a souligné le Rapporteur spécial, insistant pour que le logement neutre en carbone ne soit pas un luxe que seuls les riches peuvent s'offrir.
Dans les pays développés, la majorité du potentiel d'atténuation [des émissions de carbone] réside dans la rénovation des bâtiments existants, a affirmé M. Rajagopal, avant de plaider pour que ces pays reconsidèrent si la construction de logements nouveaux est la bonne solution et évaluent si l'environnement bâti existant peut être utilisé, amélioré ou converti pour l'utilisation de logements adéquats.
Suite à cette présentation, plusieurs délégations** ont engagé le dialogue avec le Rapporteur spécial.
Présentant quant à elle son étude thématique, qui porte sur la portée et l'importance de la réparation qu’il faut accorder aux enfants victimes de vente, d'exploitation sexuelle et d'abus, dans les situations de conflit ou non, Mme Singhateh a précisé que les mesures de réparation peuvent inclure la restitution, l'indemnisation, la réhabilitation, la satisfaction et les garanties de non-répétition ; elle a en outre souligné que la réparation doit être proportionnelle à la gravité des violations et du préjudice subis par les enfants victimes et survivants.
La Rapporteuse spéciale a relevé que seule une poignée d'États avaient adopté des cadres juridiques et réglementaires complets en matière de réparation. De nombreuses législations présentent encore des lacunes qui empêchent les enfants victimes de mariage, de travail, de maltraitance et d'exploitation (y compris sexuelle) d’obtenir réparation, a-t-elle notamment fait observer, évoquant d'autres obstacles comme l'accès limité à l'information sur la manière d’obtenir aide et conseils ou encore les délais de prescription. Aussi, Mme Singhateh a-t-elle recommandé aux pays d'élaborer une législation complète sur les réparations à accorder aux enfants victimes et survivants de la vente et de l'exploitation sexuelle.
La Rapporteuse spéciale a ensuite rendu compte de la visite qu’elle a effectuée à Maurice en juin 2022.
La délégation de Maurice a fait une déclaration en tant que pays concerné, avant que le Conseil n’entende de très nombreuses délégations* prendre part au dialogue avec Mme Singhateh.
En début de séance, le Conseil a par ailleurs entendu les pays ci-après s’exprimer au titre du droit de réponse suite au débat général sur le point 2 de l’ordre du jour qui s’est achevé ce matin : Chypre, Israël, Cambodge, Thaïlande, République démocratique populaire lao, Bahreïn, Pakistan, Algérie, États-Unis, Érythrée, Türkiye, Azerbaïdjan, Arménie et Chine.
Demain matin, à 10 heures, le Conseil achèvera son dialogue avec le Rapporteur spécial sur le logement convenable. Il tiendra ensuite des dialogues avec le Rapporteur spécial sur le droit à l’’alimentation et avec l’Expert indépendant sur la jouissance des droits de l'homme par les personnes atteintes d'albinisme.
Dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants
Le Conseil est saisi d’un rapport thématique (A/HRC/52/31) de la Rapporteuse spéciale sur la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants, y compris la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et autres contenus montrant des violences sexuelles sur enfant, ainsi que du rapport faisant suite à la visite que la Rapporteuse spéciale a effectuée à Maurice (A/HRC/52/31/Add.1).
Présentation du rapport
MME MAMA FATIMA SINGHATEH, Rapporteuse spéciale sur la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants, y compris la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et autres contenus montrant des violences sexuelles sur enfant, a indiqué que son étude thématique portait sur la portée et l'importance de la réparation qu’il faut accorder aux enfants victimes de vente, d'exploitation sexuelle et d'abus, dans les situations de conflit ou non. L’étude consiste en une analyse du droit des enfants à la réparation et de leur accès à la justice pour ce faire, des lacunes et des problèmes actuels, ainsi que des bonnes pratiques et de l'expérience des différentes parties prenantes dans ce domaine.
Mme Singhateh a précisé que les mesures de réparation peuvent inclure la restitution, l'indemnisation, la réhabilitation, la satisfaction et les garanties de non-répétition, qui peuvent être symboliques, matérielles, individuelles ou collectives ; elle a en outre souligné que la réparation doit être proportionnelle à la gravité des violations et du préjudice subis par les enfants victimes et survivants. La Rapporteuse spéciale a relevé que seule une poignée d'États avaient adopté des cadres juridiques et réglementaires complets en matière de réparation. De nombreuses législations présentent encore des lacunes qui empêchent les enfants victimes de mariage, de travail, de maltraitance et d'exploitation (y compris sexuelle) d’obtenir réparation. D'autres obstacles sont l'accès limité à l'information sur la manière d’obtenir aide et conseils ou encore les délais de prescription.
Il existe plusieurs « bonnes pratiques » pour que les victimes et survivants accèdent aux programmes et services de réparation, a indiqué Mme Singhateh. Elle a cité, entre autres, le « modèle de cocréation », qui favorise la participation des enfants victimes et survivants au processus de détermination des préjudices subis et des réparations dues en vue de restaurer la dignité ; ou encore l’application des « mesures de secours provisoires » conçues par le Fonds mondial pour les survivantes [de violences sexuelles].
La Rapporteuse spéciale a recommandé aux pays d'élaborer une législation complète sur les réparations à accorder aux enfants victimes et survivants de la vente et de l'exploitation sexuelle, y compris des mesures de responsabilisation. Elle a souligné que la mise en œuvre des mesures de réparation sera plus efficace si les gouvernements collaborent avec la société civile dans le cadre de partenariats et de financements conjoints afin de fournir des services de soutien aux enfants victimes et survivants. Enfin, il faut permettre aux enfants victimes et survivants de partager leurs expériences et de participer aux processus de réparation, a indiqué Mme Singhateh.
S’agissant ensuite de la visite qu’elle a menée à Maurice du 21 au 30 juin 2022, la Rapporteuse spéciale a d’abord remercié le Gouvernement mauricien pour sa disponibilité et l'esprit de dialogue constructif et de coopération dont il a fait preuve. La visite s’est faite au moment même où le pays venait de promulguer la loi sur les droits de l'enfant, qui a effectivement changé le paysage de la protection de l'enfance en créant des responsabilités nouvelles et renforcées pour pratiquement tous les acteurs de la protection de l'enfance, a-t-elle souligné.
Cependant, a-t-elle poursuivi, Maurice doit encore s'attaquer d'urgence à des problèmes tels que le nombre croissant de grossesses chez les adolescentes ; la pauvreté et les inégalités, en particulier au sein des communautés marginalisées ; et l'accès de tous les enfants à une éducation inclusive. En outre, il faut s'attaquer à la discrimination multiple et intersectionnelle dont sont victimes les groupes vulnérables d'enfants d'origine créole et d'ascendance africaine, les enfants handicapés et les enfants des rues.
Mme Singhateh a indiqué que les enfants qu’elle avait rencontrés avaient eux-mêmes proposé un certain nombre de solutions, notamment un débat plus approfondi sur les abus et l'exploitation sexuels, y compris en ligne, et la nécessité de disposer, dans les écoles, de psychologues bien formés pour aider les enfants qui en ont besoin.
Pays concerné
La délégation de Maurice a remercié Mme Singhateh de sa visite, des observations qu'elle a formulées et du rapport qu'elle a soumis au Conseil. Ce rapport souligne les efforts rigoureux et les progrès réalisés par le Gouvernement mauricien dans la lutte contre la vente et l'exploitation sexuelle des enfants, ainsi que les défis qui doivent être relevés, a fait observer la délégation. Elle a assuré que l'engagement du Gouvernement à fournir une approche holistique de la protection des enfants était inébranlable, tout comme l’est sa volonté d’appliquer toutes les mesures et tous les engagements qui ont été discutés au cours de la visite de Mme Singhateh.
Ces dernières années, a ajouté la délégation, Maurice a adopté une approche holistique pour lutter efficacement contre la vente et l'exploitation sexuelle des enfants, et a introduit pour ce faire des politiques, des lois, des réformes institutionnelles, des services de protection et des mesures préventives. La délégation a cité en particulier la Loi sur les enfants de 2020, qui a fixé l'âge du mariage à 18 ans et a créé un tribunal spécialisé pour les questions relatives aux enfants ; ou encore la création, en septembre 2021, d’un groupe de coordination des services à l'enfance au sein du Ministère de l'égalité des sexes, du développement de l’enfant et de la protection de la famille.
Aperçu du dialogue
Les délégations ont fait observer que la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants est un fléau, un phénomène complexe qui ne régresse pas dans le monde et qu’il faut aborder de différentes manières, la priorité devant être de mettre résolument l’accent sur les victimes et les survivants.
Les délégations ont dit appuyer les recommandations de la Rapporteuse spéciale concernant la réparation. Les intervenants ont également plaidé en faveur d’un renforcement de la coopération et de l’échange d’informations entre États. L’accent a en outre été mis sur l’importance de disposer de cadres renforcés et de financements suffisants pour la lutte contre la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants, dans le but d’éradiquer ce crime qui est une composante de la traite des personnes au niveau international.
De très nombreuses délégations ont présenté les mesures déjà prises par leur pays pour lutter contre la vente et l’exploitation d’enfants et procurer des services et réparations aux victimes et survivants. Parmi les mesures citées, figurant la ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant et de son Protocole facultatif [concernant la vente d’enfants] ; l’adoption de lois pénalisant l’exploitation sexuelle des enfants, voire rendant imprescriptibles de tels actes ; la création d’unités judiciaires et policières spécialisées ; ou encore l’accès facilité aux services sociaux d’accompagnement. La réparation ne suffit pas ; elle doit aussi s’accompagner de réintégration sociale, a alerté une délégation.
Il a été recommandé que les États assurent un accompagnement tant juridique que psychosocial aux enfants victimes de vente ou d’exploitation sexuelle, afin d’éviter une victimisation secondaire. La nécessité d’accélérer les procédures judiciaires préalables au versement de réparations a été soulignée à plusieurs reprises.
Il a été demandé à la Rapporteuse spéciale de dire comment améliorer les mécanismes de réparation et de dénonciation des abus ; comment faire participer les victimes elles-mêmes dans les processus de détermination du préjudice subi ; et comment faire entendre la voix des enfants marginalisés. De plus, dans un contexte où de nombreux pays ne disposent pas de mécanismes de recours et de réparation, en dépit des nombreux efforts déjà déployés par la communauté internationale, Mme Singhateh a été priée de dire comment renforcer la coopération internationale dans ce domaine.
Ont en outre été mis en évidence les risques que courent les enfants pris dans des conflits, des troubles civils et des situations d’occupation, ou vivant dans des camps de réfugiés : déplacements et disparitions forcés, violences sexuelles, traite, exploitation sexuelle, esclavage ou recrutement forcé.
Une délégation a été regretté que la Rapporteuse spéciale, dans son rapport, utilise le terme « genre » au lieu de « sexe ».
* Liste des intervenants : Union européenne, Lettonie (au nom d’un groupe de pays), Uruguay (au nom d’un groupe de pays), Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Côte d’Ivoire (au nom du Groupe africain), France, Ordre souverain de Malte, États-Unis, Tunisie, Belgique, Israël, Luxembourg, Togo, Paraguay, Chine, Inde, Costa Rica, Burkina Faso, Fédération de Russie, Venezuela, Iraq, Égypte, Népal, Malaisie, Afrique du Sud, Soudan, Soudan du Sud, Argentine, Malte, Kenya, Lesotho, Géorgie, Gambie, Philippines, Algérie, Afghanistan, Malawi, Australie, Namibie, Thaïlande, Botswana, Panama, Cuba, Timor-Leste, Pakistan, Monténégro, Ukraine, Tchad, Bénin et Iran.
La Commission des droits de l’homme du Cameroun a aussi fait une déclaration, de même que les organisations non gouvernementales suivantes : Caritas Internationalis, Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (RADDHO), Association culturelle des Tamouls en France, Associazione Comunita Papa Giovanni XXIII, International Bar Association, Promotion du développement économique et social, Elizka Relief Foundation,Chongqing Centre for Equal Social Development, Institute for Human Rights et AATASSIMO.
Réponses et remarques de conclusion de la Rapporteuse spéciale
MME SINGHATEH a rappelé que son rapport insistait, de manière générale, sur l’importance d’accorder des réparations suffisantes pour que les enfants victimes puissent s’épanouir malgré les traumatismes qu’ils ont subis.
L’un des principes essentiels de la Convention relative aux droits de l’enfant est que les enfants puissent participer aux décisions les concernant, un principe qui concerne aussi l’élaboration des mécanismes de réparation, a fait remarquer la Rapporteuse spéciale. Mais pour que les enfants puissent participer, il faut aussi qu’ils sachent qu’ils ont le droit de le faire, ce qui suppose un effort de sensibilisation dans leur direction, a-t-elle souligné. Mme Singhateh a également mis l’accent sur l’importance pour les gouvernements de faire l’effort d’atteindre aussi les enfants marginalisés, de telle sorte qu’ils aient accès aux réparations s’ils en ont besoin. Il faut, pour cela, ici encore, informer ces enfants de leurs droits, ainsi que des moyens de faire valoir ces droits, le cas échéant, a-t-elle insisté. La Rapporteuse spéciale a en outre rappelé l’importance primordiale du financement des services de réparation et du rôle de l’État dans ce domaine.
En ce qui concerne la coopération internationale, Mme Singhateh a recommandé que les pays concluent entre eux des accords pour pouvoir poursuivre des actes commis dans des pays tiers ; et qu’ils collaborent avec les organismes de police internationaux ou régionaux, de telle sorte qu’ils puissent détecter les crimes commis et en arrêter les auteurs.
Enfin, la Rapporteuse spéciale a recommandé que les gouvernements réglementent les entreprises de communication du secteur privé, afin que ces entreprises soient, à leur tour, en mesure d’assurer la sécurité en ligne des enfants en détectant les contenus problématiques.
Dialogue avec le Rapporteur spécial sur le logement convenable
Le Conseil est saisi d’un rapport thématique (A/HRC/52/28) du Rapporteur spécial sur le logement convenable en tant qu’élément du droit à un niveau de vie suffisant ainsi que sur le droit à la non-discrimination à cet égard.
Présentation du rapport
M. BALAKRISHNAN RAJAGOPAL, Rapporteur spécial sur le logement convenable en tant qu’élément du droit à un niveau de vie suffisant ainsi que sur le droit à la non-discrimination à cet égard, a commencé par évoquer « le tremblement de terre massif » qui a frappé, le 6 février dernier, les peuples de Turquie et de Syrie dont la vie a été bouleversée et les maisons détruites. En dépit de la solidarité internationale, et en raison des sanctions et de la situation politique difficile en Syrie, l’aide humanitaire n’a pas été en mesure d'atteindre à temps et en quantités suffisantes les personnes touchées en Syrie, a-t-il fait observer, appelant la communauté internationale à redoubler d'efforts pour répondre aux besoins de tous les survivants et des plusieurs millions de personnes qui se sont retrouvées sans abri. Nous devrions tirer quelques leçons de cette expérience, et notamment que les sanctions ne sont pas toujours utiles et que les pays ont besoin d'une meilleure mise en œuvre des normes de construction pour réduire le nombre de morts et la dévastation causés par les catastrophes, a-t-il dit.
Présentant son rapport thématique, intitulé « Vers une transformation juste : crise climatique et droit au logement », le Rapporteur spécial a indiqué que rien qu'en 2022, nous avons été témoins de nombreuses catastrophes induites par le climat à travers le monde, qui ont complètement détruit des maisons, les ont rendues inhabitables ou ont provoqué des évacuations. Nous savons maintenant aussi que le logement est lui-même un contributeur important aux changements climatiques, a-t-il ajouté. Or, le déficit de logements que connaissent de nombreux pays semble nécessiter la construction de beaucoup plus de logements, mais cela entraînera davantage d'émissions de carbone et aggravera donc encore la crise climatique, a-t-il fait observer, avant de s’interroger sur la manière de résoudre ce dilemme. Comment veiller à la fois à ce que le logement reste accessible à tous en tant que droit humain, et en même temps à limiter autant que possible la contribution du logement à la crise climatique ?
Selon les données et les estimations, a poursuivi le Rapporteur spécial, du seul fait de la consommation d'énergie et de la construction [qu’il nécessite], le logement représente au moins 37% des émissions mondiales de dioxyde de carbone. Le logement contribue en outre aux changements climatiques par l'augmentation de la surface habitable moyenne par habitant, l'émission de polluants, l'étalement urbain, la déforestation et l'imperméabilisation des sols. Les ordures ménagères sont responsables à elles seules de 5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Directement liés à l'aménagement urbain, les transports représentent quant à eux environ 23% des émissions mondiales de dioxyde de carbone liées à l'énergie.
Dans ce contexte, le rapport appelle à une refonte de la façon de penser le logement. Il demande que des mesures urgentes soient prises pour un logement juste, fondé sur les droits de l'homme, résilient aux changements climatiques et neutre en carbone pour tous. Des efforts accrus sont en outre nécessaires pour atteindre l'efficacité énergétique des bâtiments, grâce à la modernisation, à l'amélioration des normes de construction, et à l'électrification des ménages avec de l'énergie verte là où ce n'est pas encore le cas. Dans le même temps, des améliorations dans l'efficacité énergétique ne doivent pas entraîner de hausse du coût du logement, a souligné le Rapporteur spécial. En d'autres termes, le logement neutre en carbone ne devrait pas être un luxe que seuls les riches peuvent s'offrir, a-t-il insisté.
M. Rajagopal a également estimé que, lorsqu'il est appliqué au secteur du logement, le principe des responsabilités communes mais différenciées des politiques climatiques nécessite une hiérarchisation prudente dans les pays développés et dans les pays en développement. Dans les pays en développement, la majorité du potentiel d'atténuation se trouve dans les nouveaux bâtiments. Dans les pays développés, il réside dans la rénovation des bâtiments existants. Je soutiens que les pays développés ont dans ce contexte la responsabilité de reconsidérer si la construction de logements nouveaux, plus nombreux et plus grands, est la bonne solution, a déclaré le Rapporteur spécial. Ils doivent plutôt évaluer si l'environnement bâti existant peut être utilisé, amélioré ou converti pour l'utilisation de logements adéquats, a-t-il estimé. De plus, la planification urbaine doit tenir compte de divers facteurs comme les changements climatiques, les risques de catastrophe, la réponse énergétique, l'utilisation des sols, ou les transports, a-t-il souligné. Des efforts devraient être déployés pour apporter des améliorations en ce qui concerne les établissements informels et leurs résidents, a d’autre part affirmé le Rapporteur spécial.
M. Rajagopal a indiqué que son rapport comprend plusieurs recommandations détaillées adressées aux États, aux collectivités locales, aux entreprises, aux architectes, aux investisseurs et autres. Il propose notamment quelques idées sur la façon dont cette transition peut être financée, notamment par la création de mécanismes simplifiés et efficaces aux fins de la fourniture d'une aide financière internationale pour les interventions d'atténuation et d'adaptation dans le secteur du logement pour les pays en développement qui sont particulièrement vulnérables aux effets néfastes des changements climatiques.
Aperçu du dialogue
A l’instar de ce que souligne le Rapporteur spécial dans son rapport, nombre de délégations ont relevé que la crise climatique hypothéquait le droit à un logement convenable. Elles ont insisté sur « notre devoir collectif » de réaliser ce droit pour tous, de même que sur la responsabilité des États de le garantir à un coût abordable et raisonnable. L’accent a été mis sur l’importance de garantir le droit à un logement convenable pour les populations les plus vulnérables, y compris les peuples autochtones, et de les impliquer dans la conception des mesures les concernant.
Plusieurs délégations ont présenté au Conseil les mesures que leur pays ont prises pour offrir des logements convenables et abordables à leurs populations ; pour contrer les effets des changements climatiques sur la jouissance du droit à un logement convenable ; de même que pour réduire les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments existants et améliorer leur efficacité énergétique.
Les délégations ont demandé au Rapporteur spécial comment les États peuvent réaliser le droit à un logement convenable dans le contexte des changements climatiques, en particulier pour ce qui est d’en assurer le financement sans alourdir le fardeau de la dette. Il a également été demandé comment les États pourraient impliquer le secteur privé dans la lutte contre la « pauvreté énergétique » et contre les hausses des prix dans le contexte de la crise énergétique actuelle. Le Rapporteur spécial a aussi été prié de dire comment aider les défenseurs des droits de l’homme dans le domaine de l’environnement et du climat.
Une autre question a porté sur la manière de renforcer la coordination des efforts de reconstruction et de remise en état de logements après une catastrophe, ainsi que la coopération dans ce contexte. D’autres questions des délégations ont porté sur les modalités pratiques de la transition énergétique.
Une délégation a, pour sa part, estimé que le Conseil n’avait pas la compétence technique pour traiter des questions relatives aux changements climatiques.
**Liste des intervenants : Finlande (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Paraguay (au nom d’un groupe de pays), Pakistan (au nom d’un groupe de pays), France, Portugal, Arabie saoudite, Allemagne, Burkina Faso, États-Unis, Bahreïn, Colombie, Luxembourg, Chine, Inde, Viet Nam, Fédération de Russie, Cameroun, Arménie, Maroc, Venezuela, Égypte, Iraq, Népal, République-Unie de Tanzanie, Malaisie, Afrique du Sud, Espagne et Maldives.
Réponses du Rapporteur spécial
M. RAJAGOPAL a demandé aux États de respecter la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme afin que ces défenseurs puissent travailler. Le Rapporteur spécial a aussi suggéré que la participation des populations vulnérables relève des gouvernements locaux.
Pour ce qui est des modalités concrètes de la transition énergétique, Le Rapporteur spécial a renvoyé aux recommandations de son rapport relatives au contrôle du coût des logements, à la protection des locataires et à la nécessité de codifier l’efficacité énergétique des bâtiments à construire et existants. Il a en outre insisté sur l’importance d’adapter les lois pour qu’elles autorisent l’utilisation de matériaux de construction « non traditionnels », par exemple.
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