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Au Japon, différentes formes de discrimination, les conséquences de l’accident nucléaire de Fukushima et la peine de mort préoccupent particulièrement les experts du Comité des droits de l’homme
Le Comité des droits de l'homme a conclu aujourd'hui l’examen, entamé hier, du rapport soumis par le Japon sur la mise en œuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Au cours du dialogue noué avec la délégation japonaise autour de l’examen de ce rapport, un expert du Comité a fait observer que le Japon ne semblait pas avoir donné suite à une précédente recommandation du Comité visant l’adoption d’une législation antidiscrimination complète. Outre l’absence de législation explicite interdisant la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, divers rapports soumis au Comité indiquent que, dans la pratique, le harcèlement social et la stigmatisation des personnes LGBT persistent au Japon, a souligné cet expert. Il a par ailleurs été déploré que la loi japonaise contienne des dispositions discriminatoires à l’égard des personnes transgenres et que l’identité de genre soit pathologisée en tant que trouble mental, fournissant ainsi une base juridique pour la marginalisation et la discrimination accrues visant ces personnes. La stérilisation obligatoire et la chirurgie de confirmation de genre exigées des personnes transgenres en vertu de la loi équivalent à une intervention médicale coercitive qui soumet ces personnes à des traitements cruels, inhumains et dégradants, et les privent du droit à la vie privée et à la vie familiale, a-t-on insisté.
Il a par ailleurs été relevé que les rapports de diverses parties prenantes affirment que la discrimination et les discours de haine à l’encontre des minorités et des ressortissants étrangers – ciblant spécifiquement les Chinois, les Burakumin, les natifs des Ryukyu, d’autres groupes autochtones et, en particulier, les Coréens et les ressortissants japonais d’origine coréenne – restent un problème majeur au Japon.
Un membre du Comité a d’autre part relevé que le Japon continue de condamner à mort des personnes et de procéder à des exécutions capitales, y compris de personnes dont les demandes de nouveau procès étaient toujours en instance. À l’issue du dialogue, la Présidente du Comité a souhaité que la position du pays évolue sur la question de la peine de mort.
S’agissant des conséquences de l’accident nucléaire de Fukushima, une experte a fait savoir que le Comité est préoccupé par les informations faisant état de plus de 30 000 personnes qui restent déplacées en raison de la catastrophe nucléaire et vivent sans indemnisation ni aide au logement de la part du Gouvernement. En outre, les personnes touchées par la catastrophe continuent d’être forcées de vivre dans des zones dangereuses, a déploré l’experte, faisant état de préoccupations selon lesquelles la levée, en mars 2017, de la désignation comme zones d’évacuation de toutes les zones contaminées restantes ayant une exposition aux rayonnements inférieure à 20 millisieverts par an mettrait en danger la vie et la santé des personnes touchées.
Une experte s’est pour sa part dite préoccupée que les enfants puissent être retirés de leur famille sans ordonnance du tribunal et sans preuve claire de maltraitance parentale, et être placés dans des centres d’orientation pour enfants pendant des périodes excessivement prolongées.
Si la réforme du Code civil qui a porté à 18 ans pour les femmes comme pour les hommes l’âge minimum du mariage a été particulièrement saluée, une experte du Comité a demandé s’il est envisagé d’abolir complètement la période d’attente pour que les femmes puissent se remarier après le divorce ou le veuvage.
D’autres préoccupations soulevées par des membres du Comité ont porté sur la disposition de la loi qui exige que figure sur le registre de la famille la mention permettant de savoir si les enfants sont «légitimes» ou «illégitimes» ; sur la loi contre la conspiration, dont il est à craindre qu’elle ne restreigne indûment les libertés d’expression, de réunion et d’association ; sur les allégations de stérilisation forcée de personnes handicapées en vertu de la loi relative à la protection eugénique ; sur le placement en isolement cellulaire prolongé ; et sur les rapports faisant état de restrictions injustifiables et disproportionnées imposées aux protestations et aux manifestations au Japon.
Présentant le rapport de son pays, M. Imafuku Takao, Directeur général adjoint et Vice-Ministre adjoint au Bureau de politique étrangère du Ministère des affaires étrangères du Japon, a assuré que le Gouvernement japonais a déployé des efforts importants pour protéger et promouvoir les droits de l’homme. La réalisation de l’égalité des sexes et la promotion de l’autonomisation des femmes sont des questions importantes pour le Japon, a-t-il souligné, faisant notamment valoir la modification apportée au Code civil en vertu de laquelle la période pendant laquelle les femmes ne peuvent pas se remarier a été raccourcie depuis 2016. En outre, depuis avril dernier, l’âge minimum du mariage a été fixé à 18 ans de manière identique pour les hommes et les femmes, a-t-il ajouté.
Par ailleurs, a complété M. Imafuku, afin de réduire davantage l’écart salarial entre les sexes, depuis juillet de cette année, les employeurs comptant au moins 301 travailleurs réguliers sont tenus de divulguer des informations sur les différences salariales entre les sexes.
Le Japon s’est efforcé de protéger les droits des minorités, a poursuivi le chef de la délégation. En 2016, a-t-il notamment indiqué, le Gouvernement a adopté la loi sur l’élimination du discours de haine, qui prévoit que les paroles et les actions discriminatoires injustes à l’encontre de personnes originaires de pays autres que le Japon ne sont pas tolérées.
D’autre part, pour faire face aux crimes sexuels, le Code pénal a été modifié en 2017 afin de permettre des poursuites sans plainte de la part des victimes, a fait valoir M. Imafuku. Il a ensuite rendu compte des procédures de reconnaissance du statut de réfugié, précisant par ailleurs qu’à la date de fin septembre 2022, près de 2000 personnes évacuées d’Ukraine avaient été acceptées dans le pays.
La délégation japinaise était également composée, entre autres, de M. Honsei Kozo, Représentant permanent du Japon auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Cabinet, du Ministère de la justice, du Ministère de la santé, du travail et du bien-être, du Ministère de l’éducation, des sports, des sciences et des technologies, du Ministère des affaires étrangères, de la Police nationale et du Service de l’immigration.
S’agissant des conséquences de l’accident nucléaire de Fukushima, la délégation a fait valoir que des études et des examens médicaux sont réalisés régulièrement afin d’avoir une vision globale des conséquences de l’accident sur la santé de la population. Dans le cadre de la santé maternelle, des examens réguliers sont proposés aux femmes enceintes dans l’ensemble des municipalités couvertes par la Préfecture de Fukushima, a ajouté la délégation.
Interpelée sur la question des «femmes de réconfort», la délégation a rappelé qu’en décembre 2015, la République de Corée et le Japon étaient parvenus à un accord confirmant que la question était réglée de manière définitive sur la scène internationale.
Le Comité adoptera ultérieurement, dans le cadre de séances privées, ses observations finales sur le rapport du Japon et les rendra publiques à l'issue de la session, qui se termine le 4 novembre prochain.
Lundi après-midi à 15 heures, le Comité des droits de l'homme entamera l'examen du rapport de l’Éthiopie.
Examen du rapport
Le Comité est saisi du septième rapport périodique du Japon qui a été établi sur la base d’une liste de points à traiter préalablement soumise par le Comité.
Présentation du rapport
M. HONSEI KOZO, Représentant permanent adjoint du Japon auprès des Nations Unies à Genève, a relevé que parmi tous les États parties examinés lors de cette 136ème session du Comité, le plus grand nombre de rapports de la société civile ont été soumis par des organisations non gouvernementales (ONG) japonaises. Le Gouvernement japonais a pris au sérieux les observations finales du Comité et s’est efforcé de promouvoir les droits de l’homme, d’améliorer les politiques et de sensibiliser le public dans divers domaines, a-t-il poursuivi, avant d’ajouter que le Japon a l’intention de continuer à relever les défis en fonction des résultats du présent dialogue.
Le Japon estime que les droits de l’homme sont des valeurs universelles et que la protection des droits de l’homme relève de la responsabilité fondamentale de tous les pays. Sur la base de cette conviction, le Japon a promu la diplomatie des droits de l’homme par le dialogue et la coopération, a indiqué M. Honsei.
M. IMAFUKU TAKAO, Directeur général adjoint et Vice-Ministre adjoint au Bureau de politique étrangère du Ministère des affaires étrangères du Japon, a déclaré que le Gouvernement japonais a déployé des efforts importants pour protéger et promouvoir les droits de l’homme. Un certain nombre de ministères et d’organismes ont participé à l’élaboration du présent rapport, a-t-il indiqué. Dans le même temps, le Gouvernement reconnaît également l’importance du dialogue avec la société civile dans la promotion des droits de l’homme. Par conséquent, en préparant cet examen, le Gouvernement a fait de son mieux pour engager un dialogue avec la société civile sous divers formats, y compris au travers d’un webinaire avec la Fédération japonaise des associations du barreau, le 14 septembre dernier.
La réalisation de l’égalité des sexes et la promotion de l’autonomisation des femmes sont des questions importantes pour le Japon. De ce point de vue, le Code civil a été modifié et la période pendant laquelle les femmes ne peuvent pas se remarier a été raccourcie depuis 2016, a fait valoir le chef de la délégation japonaise. En outre, l’âge minimum du mariage a été fixé à 18 ans de manière identique pour les hommes et les femmes depuis avril 2022.
Par ailleurs, afin de réduire davantage l’écart salarial entre les sexes, depuis juillet de cette année, les employeurs comptant au moins 301 travailleurs réguliers sont tenus de divulguer des informations sur les différences salariales entre les sexes.
Le Japon s’est efforcé de protéger les droits des minorités, a poursuivi le chef de la délégation. En 2016, a-t-il notamment indiqué, le Gouvernement a adopté la loi sur l’élimination du discours de haine, qui prévoit que les paroles et les actions discriminatoires injustes à l’encontre de personnes originaires de pays autres que le Japon ne sont pas tolérées, dans le but d’éliminer les discours et comportements injustes et discriminatoires.
Les organes des droits de l’homme du Ministère de la justice fournissent des conseils en matière de droits de l’homme dans les bureaux des affaires juridiques à l’échelle nationale, et des conseils sont désormais disponibles dans environ 80 langues pour faciliter l’utilisation de ces services par les ressortissants étrangers vivant au Japon, a poursuivi M. Imafuku.
D’autre part, pour faire face aux crimes sexuels, le Code pénal a été modifié en 2017 afin de permettre des poursuites sans plainte de la part des victimes, ce qui réduit le fardeau des victimes et permet d’apporter une réponse plus efficace à ces crimes, a par ailleurs indiqué M. Imafuku.
S’agissant des procédures de reconnaissance du statut de réfugié, le Japon a accordé le statut de réfugié conventionnel ou une autorisation spéciale sur la base de considérations humanitaires à 654 personnes en 2021, a fait savoir le chef de la délégation, soulignant que ce nombre a plus que triplé depuis l’examen du précédent rapport du pays en 2014. D’une manière générale, au cours des procédures, quasiment aucun des requérants n’est maintenu en rétention, même s’il n’a pas le statut de résident, a-t-il souligné. Il a ajouté qu’outre les procédures de reconnaissance du statut de réfugié, à la date de fin septembre 2022, près de 2000 personnes évacuées d’Ukraine avaient été acceptées. En outre, pour résoudre la question de la détention de longue durée, le Gouvernement envisage de modifier la loi sur le contrôle de l’immigration et la reconnaissance du statut de réfugié afin de définir légalement des solutions de rechange à la détention et d’améliorer encore le traitement des détenus.
Questions et observations des membres du Comité
Une experte a rappelé une décision de la Cour suprême japonaise qui a jugé inconstitutionnelle la disposition de la loi qui exige que figure sur le registre de la famille la mention permettant de savoir si les enfants sont «légitimes» ou «illégitimes». Cette disposition avait déjà été critiquée par le Comité des droits de l’enfant en 2019, qui recommandait que la terminologie « enfant illégitime » soit totalement abolie, a-t-elle souligné. Aussi, l’experte a-t-elle souhaité savoir si le Japon avait adopté des mesures de protection visant à éliminer toute discrimination et stigmatisation à l’égard de tous les enfants.
L’experte a en outre fait part des graves préoccupations du Comité quant au fait que les enfants puissent être retirés de leur famille sans ordonnance du tribunal et sans preuve claire de maltraitance parentale, et être placés dans des centres d’orientation pour enfants pendant des périodes excessivement prolongées – sans compter, a ajouté l’experte, qu’il existerait une forte incitation financière pour ces centres d’orientation à recevoir plus d’enfants.
L’experte s’est aussi dite préoccupée par les informations faisant état d’enlèvements d’enfants au Japon.
Une autre experte a demandé des informations sur les progrès accomplis dans la mise en place d’une institution nationale indépendante des droits de l’homme conformément aux Principes de Paris.
Cette même experte a demandé s’il est envisagé d’abolir complètement la période d’attente pour que les femmes puissent se remarier après le divorce ou le veuvage. Elle a par ailleurs salué la réforme du Code civil qui a porté à 18 ans pour les femmes comme pour les hommes l’âge minimum du mariage ; elle a toutefois demandé comment cette disposition était mise en œuvre dans la pratique, notamment dans les zones reculées du pays.
S’agissant de l’accident nucléaire de Fukushima, l’experte a fait savoir que le Comité est préoccupé par les informations faisant état de plus de 30 000 personnes qui restent déplacées en raison de la catastrophe nucléaire et vivent sans ressources de subsistance, ni indemnisation ou aide au logement de la part du Gouvernement. En outre, les personnes touchées par la catastrophe continuent d’être forcées de vivre dans des zones dangereuses, a-t-elle déploré. L’experte a par ailleurs demandé à la délégation de répondre aux préoccupations selon lesquelles la levée, en mars 2017, de la désignation comme zones d’évacuation de toutes les zones contaminées restantes ayant une exposition aux rayonnements inférieure à 20 millisieverts par an mettrait en danger la vie et la santé des personnes touchées, car le niveau d’exposition reste dangereusement élevé, selon les normes internationales et même japonaises, en particulier en raison de la radioactivité de l’environnement et d’une décontamination insuffisante.
Un autre expert a indiqué que le Japon ne semblait pas avoir donné suite à une précédente recommandation du Comité visant l’adoption d’une législation antidiscrimination complète. En outre, il a relevé que l’article 14 de la Constitution japonaise ne semble pas être pleinement conforme à l’article 26 du Pacte s’agissant des motifs de discrimination prohibés. Outre l’absence de législation explicite interdisant la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, divers rapports soumis au Comité indiquent que, dans la pratique, le harcèlement social et la stigmatisation des personnes LGBT persistent au Japon, y compris la discrimination à leur encontre dans l’accès aux services essentiels tels que les services de santé et les services juridiques et de protection sociale, a regretté l’expert.
L’expert a par ailleurs relevé que les rapports de diverses parties prenantes affirment que la discrimination et les discours de haine à l’encontre des minorités et des ressortissants étrangers – ciblant spécifiquement les Chinois, les Burakumin, les natifs des Ryukyu, d’autres groupes autochtones et, en particulier, les Coréens et les ressortissants japonais d’origine coréenne – restent un problème majeur au Japon, et que différentes organisations et groupes politiques et différentes plateformes médiatiques diffusent de tels discours de haine et de fausses informations.
Un autre membre du Comité a relevé que le Japon continue de condamner à mort des personnes et de procéder à des exécutions capitales, y compris de personnes dont les demandes de nouveau procès étaient toujours en instance. Par exemple, les informations dont dispose le Comité indiquent que deux des personnes exécutées en décembre 2021 avaient des demandes de nouveau procès en attente au moment où les exécutions ont eu lieu, ouvrant ainsi la possibilité de peines de mort injustifiées qui auraient alors pu être évitées. Les condamnés à mort au Japon continuent d’être soumis à un isolement cellulaire prolongé et à une surveillance vidéo intrusive, a-t-il en outre été relevé.
Un expert a déploré que la loi japonaise contienne des dispositions discriminatoires à l’égard des personnes transgenres et que l’identité de genre soit pathologisée en tant que trouble mental, fournissant ainsi une base juridique pour la marginalisation et la discrimination accrues visant ces personnes. La stérilisation obligatoire et la chirurgie de confirmation de genre exigées des personnes transgenres en vertu de la loi équivalent à une intervention médicale coercitive qui soumet ces personnes à des traitements cruels, inhumains et dégradants, et les privent du droit à la vie privée et à la vie familiale. Le maintien de l’étiquette de « trouble de l’identité de genre » - malgré le fait que l’Assemblée mondiale de la Santé ait récemment retiré le trouble de l’identité de genre de la Classification internationale des maladies – catégorise davantage l’expérience des personnes transgenres comme une maladie, ce qui contredit les normes internationales et les meilleures pratiques médicales, a insisté l’expert.
Cet expert a également demandé des informations au sujet de la loi contre la conspiration et a rappelé les craintes du Comité que cette loi ne restreigne indûment les libertés d’expression, de réunion et d’association.
Un membre du Comité s’est inquiété de rapports faisant état de la prévalence de la violence domestique, notamment chez les femmes ayant le statut de migrantes au Japon. Cet expert a cité le cas d’une femme sri-lankaise qui, selon un rapport, serait décédée en détention dans un centre d’immigration à Nagoya en 2020 après avoir cherché à se protéger contre les abus présumés de son partenaire ; la police ne l’aurait pas traitée comme une victime de violence domestique, mais l’aurait arrêtée pour violation de la loi sur l’immigration et l’aurait envoyée dans un centre de détention pour migrants où elle serait décédée plus tard.
Ce même expert a par ailleurs demandé à la délégation de réagir aux allégations faisant état de stérilisation forcée de personnes handicapées en vertu de la loi relative à la protection eugénique.
À la lumière des recommandations antérieures du Comité, un expert s’est enquis des mesures prises pour abolir le système de détention de substitution (Daiyo Kangoku). Cet expert a par ailleurs souligné qu’en l’absence de justification juridique, le refus d’accès à un avocat de la défense pendant les interrogatoires est contraire à l’article 14 du Pacte qui dispose que, dans le cadre d’une procédure pénale, le droit de communiquer avec l’avocat de son choix devrait être une garantie minimale.
Des rapports indiquent que la législation actuelle sur la radiodiffusion accorde au Gouvernement des pouvoirs étendus pour suspendre les activités des radiodiffuseurs, restreignant indûment le droit à la liberté d’expression consacré par le Pacte, s’est par ailleurs inquiété l’expert.
S’agissant des conditions de détention, un autre expert a fait part de préoccupations concernant, notamment, le placement en isolement cellulaire prolongé.
Ce même expert s’est en outre enquis des mesures prises pour lutter contre la traite de personnes à des fins d’exploitation sexuelle et contre le travail forcé.
L’expert a également demandé des informations sur les mesures prises pour empêcher les activités générales de surveillance et de collecte d’informations ciblant les musulmans vivant au Japon. Il s’est enquis des efforts déployés pour fournir des garanties afin d’assurer une protection contre ce type de surveillance illégale et de violation du droit à la vie privée, et pour faciliter l’accès à des recours efficaces en cas d’abus.
S’agissant des «femmes de réconfort», un autre expert a relevé que le Japon indique dans son rapport que l’accord de 2015 constitue «un accord final et irréversible» sur la question. Toutefois, un certain nombre de préoccupations sérieuses en matière de droits de l’homme ont été soulevées par ce Comité ainsi que par les victimes elles-mêmes au sujet de cet accord, s’agissant notamment du manque de transparence et de son caractère non inclusif. L’expert a dès lors demandé si le Japon envisageait de réexaminer l’accord pour s’assurer que les victimes survivantes et leurs familles bénéficient d’une réparation adéquate, comprenant leur droit à la vérité, une réparation intégrale et des garanties de non-répétition. Jusqu’à présent, le Japon n’a jamais tenté de traduire en justice un auteur présumé d’actes contre des «femmes de réconfort», a regretté l’expert. Le Japon aurait tenté à de nombreuses reprises d’effacer et d’oublier l’histoire des violations militaires japonaises contre les «femmes de réconfort» et de contrer les initiatives prises par les organisations de la société civile pour s’en souvenir non seulement au Japon, mais aussi à l’étranger, a fait observer l’expert.
L’expert a par ailleurs relevé que des rapports font état de préoccupations quant aux restrictions injustifiables et disproportionnées imposées aux protestations et aux manifestations au Japon. Des rapports indiquent également que le 20 août 2016, lors d’une manifestation pacifique sur un chantier de construction militaire américain, deux journalistes de journaux locaux d’Okinawa qui tentaient de couvrir la manifestation ont été expulsés de force par la police anti-émeute, temporairement détenus et empêchés de faire des reportages.
Compte tenu du fait qu’il existe une population étrangère importante au Japon, en particulier des Coréens de souche, qui ont longtemps été des résidents permanents et qui sont soumis aux mêmes obligations fiscales et autres que les autres ressortissants japonais, un expert a demandé si le Japon envisage sérieusement de prendre des mesures en vue de l’adoption d’une loi qui accorderait le droit de vote aux élections locales aux ressortissants étrangers qui ont acquis une résidence permanente au Japon.
Un autre expert s’est enquis des mesures prises pour clarifier la notion de «bien-être public» en tant que limite à la liberté de pensée, de conscience et de religion ou à la liberté d’expression. Le Comité s’inquiète du fait que cette notion de «bien-être public» soit «vague et sans limite», a-t-il indiqué.
Ce même expert a par ailleurs fait état d’informations selon lesquelles en 2003, le Conseil de l’éducation de Tokyo a publié une directive ordonnant aux enseignants des écoles publiques de se tenir devant le drapeau et de chanter l’hymne national lors des cérémonies scolaires ; or, 484 enseignants auraient été sanctionnés pour s’être simplement assis tranquillement pendant le chant de l’hymne. Cette action a été considérée comme un crime d’entrave à l’ordre et passible d’une peine pouvant aller jusqu’à six mois de suspension des fonctions. Comment de telles sanctions peuvent-elles être compatibles avec le Pacte, a demandé l’expert ?
Une experte s’est pour sa part inquiétée de rapports alarmants faisant état de souffrances – voire de cas de décès –, dues notamment à de mauvaises conditions de santé, dans les centres de détention de migrants. La pratique la plus manifestement litigieuse dans le domaine de l’immigration est peut-être celle qui consiste à détenir régulièrement des demandeurs d’asile, a-t-elle indiqué.
Le Comité a également reçu des rapports selon lesquels, au Japon, les personnes qui ont perdu leur statut de résident ou leur visa, si elles ne sont pas détenues dans des centres d’immigration pour des périodes illimitées, sont autorisées à rester en « liberté provisoire » et sont appelées en japonais « Karihomensha ; ces personnes, y compris des enfants, vivent alors dans des conditions terribles, prétendument dépourvues de tout droit, a poursuivi l’experte. Selon ces rapports, a-t-elle ajouté, la loi interdit en effet aux migrants sans papiers de s’engager dans des activités génératrices de revenus.
Réponses de la délégation
S’agissant de la promotion du Pacte et des travaux du Comité, la délégation a notamment indiqué que depuis 2020, un nouveau site Internet était disponible en anglais et en japonais qui reprend l’ensemble des observations finales et des recommandations adressées au pays par les différents mécanismes internationaux des droits de l’homme. En outre, en partenariat avec les organisations de la société civile, des campagnes sont menées pour faire connaître, notamment, les recommandations du Comité des droits de l’homme.
Le Japon n’a pas encore ratifié le premier Protocole facultatif au Pacte, sur les plaintes individuelles (communications), même si le pays en reconnaît l’importance. Pour ce faire, le Japon devrait revoir son système judiciaire, a expliqué la délégation.
Interpelée sur l’emploi de la terminologie « enfants illégitimes » pour qualifier les enfants nés hors mariage, la délégation a estimé que l’expression en elle-même n’est pas discriminatoire. Le Ministère de la justice considère néanmoins qu’il est nécessaire de revoir cette terminologie à la lumière de la situation actuelle et que cette question doit rester à l’examen.
S’agissant des centres d’orientation pour enfants, la délégation a indiqué qu’en 2002, il y a eu une modification de la loi sur la protection de l’enfance et qu’un contrôle juridictionnel a été établi pour vérifier si un enfant doit ou non être retiré de la garde de ses parents. Le retrait de l’autorité parentale est une mesure de dernier recours, a précisé la délégation. Elle a par ailleurs relevé qu’il n’y avait jamais eu d’incitation financière à soustraire les enfants de l’autorité parentale afin de les placer dans des centres d’orientation. Le seul objectif du retrait de la garde des enfants est la protection des enfants, afin de servir leur l’intérêt supérieur, a insisté la délégation.
Des discussions sont menées en ce moment sur la création d’une institution nationale des droits de l’homme mais elles ne permettent pas encore de faire aboutir ce projet, a d’autre part indiqué la délégation.
La délégation a en outre signalé qu’en juin 2016, le Code civil a été modifié afin de réduire à six mois la durée de l’attente pour une femme avant de pouvoir se remarier suite à un divorce ou au décès de son mari. Une proposition est en cours de de discussion qui vise à abolir cette période d’attente, a indiqué la délégation.
Le Code civil prévoit qu’un homme et une femme de moins de 18 ans ne peuvent pas contracter un mariage. Le Code prévoit aussi que le couple marié doit choisir un patronyme commun, mais il n’est pas indiqué si c’est le nom du mari ou de la femme qui doit être repris par les deux époux.
La délégation a indiqué que de nombreuses institutions des droits de l’homme menaient des activités afin de mieux faire comprendre les questions liées à la non-discrimination, notamment à l’encontre des minorités.
S’agissant de la peine de mort, la délégation a expliqué que la notification du jour de son exécution n’est pas communiquée à l’avance au condamné à mort afin de ne pas troubler sa quiétude et sa paix mentale. Dans les établissements pénitentiaires, les autorités tiennent compte du fait que ces détenus doivent pouvoir voir leur paix d’esprit respectée. Pour éviter leur isolement, les personnes condamnées à mort peuvent rencontrer des religieux ou des représentants d’organisations non gouvernementales, a ajouté la délégation.
La délégation a d’autre part souligné que la procédure qui mène à une condamnation à mort est très stricte, minutieuse et encadrée. Au Japon, seuls 19 actes criminels sont passibles de la peine de mort, notamment les assassinats ou les crimes atroces. Chaque pays doit prendre sa propre décision dans ce domaine, selon l’avis de sa population, a affirmé la délégation, précisant que la majorité des Japonais soutiennent la peine de mort pour les crimes très violents et que, selon les autorités, ils ne convient pas de l’abolir. Un moratoire [sur la peine de mort] irait également à l’encontre du sentiment de la population, a ajouté la délégation.
Dans la législation en vigueur, la demande d’un nouveau procès n’a pas d’effet suspensif sur l’application de la peine de mort, ce qui ne signifie pas pour autant que cette peine soit automatiquement appliquée dans un tel contexte, a souligné la délégation. Au Japon, a-t-elle précisé, l’exécution a lieu sous la responsabilité du Ministère de la justice, et avant de procéder à l’exécution, ce Ministère se prononce sur un éventuel nouveau procès ou report.
S’agissant des conséquences de l’ accident nucléaire de Fukushima, la délégation a insisté sur la volonté de la préfecture de Fukushima de protéger les personnes exposées. Il existe un fonds de santé doté de subventions importantes, a-t-elle ajouté. Des études et des examens médicaux sont réalisés régulièrement afin d’avoir une vision globale des conséquences de l’accident sur la santé de la population. Dans le cadre de la santé maternelle, des examens réguliers sont proposés aux femmes enceintes dans l’ensemble des municipalités couvertes par la Préfecture de Fukushima, a souligné la délégation.
S’agissant de la lutte contre les discours de haine, la délégation a indiqué que respecter les droits de l’homme des étrangers est une priorité du Japon. Le pays a pris de nombreuses initiatives dans ce domaine afin d’aboutir à des résultats efficaces, a-t-elle souligné, faisant notamment état d’une campagne d’affichage menée, notamment, dans les transports en commun pour signifier que les discours de haine ne sont pas tolérés.
La délégation a ajouté qu’aucune tolérance n’était non plus admise au Japon s’agissant des violences à l’encontre des femmes. Elle a souligné que le viol conjugal ou tout acte sexuel forcé entre époux constituait un crime sanctionné par le biais d’une procédure judiciaire. Il existe en outre différentes mesures pratiques et juridiques de protection des victimes de violences domestiques et sexuelles. Pour réduire le fardeau psychologique et pour éviter le non-signalement des cas, les enquêteurs sont tout particulièrement sensibilisés aux questions liées aux violences sexuelles.
En ce qui concerne l’identité de genre et l’orientation sexuelle des élèves, le Ministère de l’éducation a prévu que les conseillers et les travailleurs sociaux dans les établissements scolaires soient formés pour pouvoir donner des conseils à tous les élèves, y compris aux enfants issus des minorités sexuelles. De même, l’éducation aux droits de l’homme a été renforcée dans les manuels scolaires, a indiqué la délégation.
Des mesures ont par ailleurs été prises en 2020 afin de lutter contre les discriminations à l’embauche visant les personnes LGBTI, avec également des activités de sensibilisation dans ce domaine. C’est le Parlement qui doit décider in fine d’accorder le mariage aux personnes de même sexe et un débat a lieu dans tout le pays sur cette question, a indiqué la délégation.
La délégation a ensuite indiqué qu’il y avait au Japon des hospitalisations non volontaires de certaines personnes ayant un handicap mental. La décision d’hospitalisation est prise selon des critères très stricts par un comité d’experts de médecins, a-t-elle précisé. Quand une telle décision est prise, un comité indépendant évalue les conditions de l’hospitalisation et la nécessité de la poursuivre dans le temps.
Interpelée sur les alternatives à la détention et sur la prévention de la torture, la délégation a indiqué qu’au Japon, la détention d’un suspect n’est prononcée que dans des cas très limités et pour une période maximum de 28 jours, étant donné que la décision d’inculper ou non le suspect doit être prise dans ce délai. Dans ces cas-là uniquement, une alternative à la détention n’est pas réaliste. Toutes les personnes placées en détention préventive ont accès à un avocat, a rappelé la délégation. Il existe par ailleurs un mécanisme de plainte qui permet aux détenus de dénoncer d’éventuelles mauvaises conditions de détention, y compris l’utilisation illégale de la force, a fait valoir la délégation. Le Code de procédure pénale encadre strictement les conditions de la détention préventive, laquelle peut notamment intervenir s’il y a des risques de fuite du suspect, de destruction de preuves ou de collusion avec d’autres suspects, a précisé la délégation.
S’agissant des soins médicaux dans le système pénitentiaire, la délégation a assuré que la santé des détenus est une priorité du Japon et a estimé que l’accès aux soins pour les personnes privées de liberté est adéquat dans le pays. Les détenus sont soignés en temps voulu et de manière adéquate, a-t-elle insisté, avant de préciser que les traitements spécialisés sont de la responsabilité de médecins qui sont en dehors de l’établissement.
S’agissant du placement à l’isolement, la délégation a notamment expliqué que si un détenu risque de troubler l’ordre pénitentiaire, il peut être placé de force en isolement ; mais auparavant, le médecin mène une évaluation psychologique de la personne concernée.
La police applique la loi et ne mène aucun profilage ethnico-religieux, notamment à l’encontre des musulmans, a d’autre part déclaré la délégation.
Il n’y a aucune discrimination en matière de prestations sociales à l’encontre des personnes étrangères, notamment d’origine coréenne, a par ailleurs assuré la délégation. À l’instar des autres ressortissants japonais, ces personnes ont accès à leur retraite si elles ont cotisé pour cela, a insisté la délégation ; auparavant, il y avait des différences de traitement pour les personnes étrangères, mais la loi a été modifiée afin de garantir un égal accès aux retraites.
En décembre 2015, la République de Corée et le Japon sont parvenus à un accord confirmant que la question des «femmes de réconfort » était réglée de manière définitive sur la scène internationale, a rappelé la délégation. Suite à cet accord, le Japon a versé plus d’un milliard de yens aux fonds coréens et a répondu à tous ses engagements. Le Japon a en outre apporté un soutien financier aux 35 anciennes «femmes de réconfort» encore en vie, a indiqué la délégation. Elle a par ailleurs ajouté que le Japon n’était pas tenu de répondre à des questions ayant trait à des événements ayant eu lieu avant la ratification du Pacte par le pays en 1979, car les dispositions de cet instrument ne sont pas rétroactives.
Enfin, la délégation a indiqué que les professeurs devaient appliquer le règlement sur la levée du drapeau et le chant de l’hymne national à l’occasion de la remise des diplômes ; ils sont tenus de respecter ce règlement, le but étant de garantir l’ordre lors de ces cérémonies publiques. Il y a bien là une légère entrave à la liberté d’expression, mais très limitée, a affirmé la délégation.
Remarques de conclusion
M. IMAFUKU a remercié les experts pour ce dialogue très important. Il a assuré que la délégation avait répondu en toute bonne foi aux questions des experts du Comité. Le Japon va poursuivre ses efforts pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte ; pour ce faire, il va continuer à coopérer avec toutes les parties prenantes, aussi bien au niveau national qu’international, a-t-il déclaré.
Mme Photini PAZARTZIS, Présidente du Comité, a remercié la délégation pour ce dialogue interactif qui a permis aux experts d’appréhender la mise en œuvre du Pacte au Japon. Elle s’est dit satisfaite de l’attention portée par le pays aux observations finales du Comité. Elle a invité le Japon à étudier sérieusement la possibilité de ratifier le premier Protocole facultatif au Pacte. Elle a également souhaité que la position du pays évolue sur la question de la peine de mort.
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