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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT DISCUTE DES NOUVELLES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE
Le développement de nouvelles armes telles que les drones risque d’accroître la course aux armements, est-il souligné
La Conférence du désarmement a tenu ce matin une séance plénière publique consacrée aux nouvelles armes de destruction massive, au cours de laquelle de nombreuses délégations sont intervenues après que trois panélistes, experts de ces questions, eurent présenté leurs exposés sur le thème de développement des nouvelles technologies et les nouvelles armes de destruction massive.
La première de ces trois experts, Mme Renata Dwan, Directrice de l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR), a mis l’accent sur certaines des caractéristiques des nouvelles technologies et des technologies émergentes et sur leurs implications du point de vue des efforts visant à en réglementer l’utilisation à des fins d’armement. Mme Dwan a souligné que si la technologie a toujours été au cœur de l’armement, la rapidité et l’ampleur du développement technologique est bien plus important aujourd’hui qu’auparavant. La globalisation permet à de nombreux acteurs étatiques et non étatiques d’avoir accès à ces nouvelles technologies, a-t-elle fait observer.
Il faut se concentrer sur les caractéristiques des technologies émergentes et étudier la manière de gérer leur application, a en outre plaidé Mme Dwan. Rappelant que les nouvelles technologies, à l’instar des satellites par exemple, peuvent être utilisés aussi bien dans le domaine militaire que dans le domaine civil, elle a souligné que la frontière est de plus en plus ténue entre ces deux domaines. Les caractéristiques des nouvelles technologies fait que la classification usuelle des armes entre armes « conventionnelles » et armes « non conventionnelles » est aujourd’hui remise en cause. Il faut davantage se concerter, au niveau international, sur ces nouvelles technologies, a plaidé la Directrice de l’UNIDIR. Il faut également revoir les outils en matière de maîtrise des armements, a-t-elle recommandé. Aussi, Mme Dwan a-t-elle proposé d’élaborer des codes de conduite et des bonnes pratiques à l’intention des personnes qui développent ces nouvelles technologies, notamment dans le cadre du développement de l’intelligence artificielle, et également de renforcer l’enseignement et les capacités dans ces disciplines.
M. Sergey Batsanov, Directeur du Bureau de Genève de Pugwash Conferences on Science and World Affairs, s’est penché sur les menaces émergentes que constituent notamment les nouvelles armes de destruction massive telles que les armes à laser et les moyens de guerre biologique. La question se pose de savoir ce qui peut aujourd’hui être considéré comme une arme de destruction massive : est-ce que cela dépend de la capacité de destruction de l’arme considérée (par exemple, si elle peut affecter voire détruire un quartier, une ville, une région voire un pays entier) ou bien du nombre de personnes qu’elle peut tuer. Un virus peu létal comme le coronavirus peut avoir des conséquences dramatiques pour une société, a en effet souligné M. Batsanov. Il convient donc d’élargir davantage la définition de ce qu’est une «arme de destruction massive», en tenant compte des développements technologiques récents, a-t-il affirmé.
L’expert a en outre estimé qu’il fallait accorder davantage d’attention à l’immunologie, faisant observer que si l’on trouve une façon d’affaiblir le système humanitaire, tous les microbes pourraient tuer les êtres humains. La menace cybernétique est une deuxième menace à prendre en compte, a poursuivi M. Batsanov. Une attaque cybernétique peut créer le chaos et il faut donc aujourd’hui réfléchir à la manière de combattre au mieux ce type d’attaques, afin d’éviter la déstabilisation de la société. Il faut par ailleurs éviter de permettre à l’intelligence artificielle de tuer ou d’entamer une guerre, a souligné le panéliste.
Enfin, M. Jean-Marc Rickli, Chef du département en charge des risques mondiaux et de la résilience au Geneva Center for Security Policy (CGSP), s’est penché sur la militarisation croissante de l’intelligence artificielle et sur les perspectives futures en matière de militarisation des interfaces cerveau-ordinateur. Il a fait observer que l’une des caractéristiques des nouvelles technologies est la rapidité avec laquelle elles se développent ; pour certaines de ces technologies, la croissance est exponentielle. Il a ensuite expliqué ce qu’était l’intelligence artificielle, ainsi que le processus d’autonomie croissante acquise par ces machines. La puissance informatique au niveau algorithmique se développe de manière exponentielle, notamment dans le domaine de la création de fausses vidéos ou de la manipulation de l’information sur les réseaux sociaux, a indiqué M. Rickli.
Du point de vue militaire, l’intelligence artificielle permet aujourd’hui à des drones de mener des attaques autonomes, notamment par la technique dite de l’«essaim» [ensemble coordonné de drones], a expliqué l’expert. Si on combine les drones et les algorithmes, il est possible de développer une attaque massive si on accroît leur autonomie. Aujourd’hui, il est possible que le développement de ce type d’armes participe à l’augmentation de la course aux armements, a averti M. Rickli. Si on permet aux technologies d’accéder au cerveau et d’interférer avec lui, alors on aura ouvert la boîte de Pandore, car il ne sera plus possible de savoir d’où vient la décision – si c’est de la technologie ou de l’être humain –, a-t-il prévenu. Ces nouvelles technologies émanent aujourd’hui du secteur privé, et non pas des États, a-t-il ajouté. M. Rickli a conclu en expliquant que la menace venait du développement croisé de cinq domaines : la biologie synthétique, l’intelligence artificielle, l’informatique quantique, les neurosciences et les nanotechnologies. À l’avenir, la question ne sera plus de tuer son ennemi mais, si vous avez accès à son cerveau, de le contrôler directement, a prévenu l’expert.
Au cours du débat qui a suivi les interventions de ces trois experts, nombre de délégations ont attiré l’attention sur le risque que le développement de nouvelles armes de destruction massive relance la course aux armements.
Les nouvelles technologies ne sont pas bonnes ou mauvaises en soi, mais c’est leur utilisation ou l’usage politique qui en est fait qui importe, a souligné une délégation. S’il faut préserver la liberté du développement des nouvelles technologies dans le domaine civil, il faut trouver un nouveau cadre règlementaire plus large pour l’utilisation de ces technologies dans le domaine militaire, ont plaidé plusieurs délégations. Il convient d’étudier l’applicabilité du droit existant quelle que soit la technologie utilisée, a-t-il été affirmé.
Le contexte actuel lié à la COVID-19 doit amener à réfléchir aux conséquences d’une épidémie sur la sécurité mondiale, a fait observer une délégation.
Plusieurs pays ont insisté sur l’importance du maintien d’un espace extra-atmosphérique pacifique, une délégation plaidant pour l’élaboration d’un cadre règlementaire dans ce domaine.
Un certain nombre de délégations ont dénoncé les attaques cybernétiques qui, ont-elles souligné, ont des conséquences sur la sécurité mondiale. Plusieurs délégations ont tenu à préciser que la Charte des Nations Unies et le droit international s’appliquaient aussi dans l’espace cybernétique.
S’agissant des systèmes d’armes létales autonomes (SALA), de nombreuses délégations ont relevé les progrès accomplis s’agissant des « onze principes directeurs » agréés par consensus l’an dernier dans le cadre de la Convention (de 1980) sur les armes classiques et du Groupe d’experts gouvernementaux sur les SALA y associé. Ces onze principes constituent le fondement d’un futur carde opérationnel et normatif, a affirmé une délégation. Plusieurs délégations ont souligné que les SALA constituent une menace pour l’humanité et qu’ils doivent respecter le droit international humanitaire.
Le terrorisme biologique est un autre défi à relever, ont insisté plusieurs délégations. Les substances chimiques et biologiques peuvent tomber facilement entre les mains d’acteurs non étatiques, a-t-il été rappelé. Une délégation a pointé certaines lacunes dans la Convention sur l’interdiction des armes biologiques, laquelle ne dispose pas de mécanisme de vérification. Une délégation a souhaité que la Conférence puisse jouer un rôle dans l’élaboration d’une convention dans le domaine du terrorisme chimique et biologique.
Une délégation a plaidé pour la démocratisation de l’accès aux nouvelles technologies pour tous.
La Conférence a un rôle à jouer pour traiter de ces questions relatives aux nouvelles technologies et aux nouvelles armes de destruction massive, tout en évitant des doublons avec d’autres mécanismes, ont affirmé maintes délégations. Plusieurs intervenants ont insisté pour que la Conférence sorte de l’impasse, reprenne son mandat de négociation et s’accorde sur un traité d’interdiction des armes de destruction massive.
Ont pris la parole les délégations des pays suivants : Brésil, France, Italie, République de Corée, Chine, Fédération de Russie, Japon, Cuba, Bélarus, Autriche, Indonésie, Iran, et Pakistan. Israël est également intervenu sur motion d’ordre.
En début de séance, la présidence de la Conférence a souhaité la bienvenue au nouveau Représentant permanent de la Belgique.
La date de la prochaine séance plénière publique de la Conférence sera annoncée ultérieurement. La Conférence doit encore adopter son rapport annuel à l’Assemblée générale avant de clore, le 18 septembre prochain, les travaux de sa session de 2020.
DC20.020F