Fil d'Ariane
OUVERTURE À GENÈVE D'UNE TABLE-RONDE SUR LES ASPECTS JURIDIQUES DE LA QUESTION DE LA PALESTINE
Le Comité pour l'exercice des droits inaliénables du peuple palestinien a ouvert ce matin une table-ronde de deux jours sur les aspects juridiques de la question de Palestine, qui se tient au Palais des Nations jusqu'à demain soir. À l'issue de la séance d'ouverture de ce matin, les travaux se poursuivent à huis clos.
Dans un message adressé à la réunion, le Secrétaire général de l'ONU, M. Ban Ki-moon, a notamment rappelé avoir exprimé à plusieurs reprises sa préoccupation s'agissant des plus de 4000 prisonniers palestiniens détenus par Israël, et appelé à mettre fin à la pratique de la détention administrative prolongée. Il a en outre exhorté les parties israélienne et palestinienne à poursuivre le cycle actuel de négociations de paix. Le Directeur général de l'Office des Nations Unies à Genève, qui a donné lecture du message, a pour sa part souligné l'importance du droit international dans les efforts pour parvenir à la réalisation d'une solution globale, juste et durable de la question de Palestine et indiqué que la table ronde examinera deux questions clés: le statut juridique des prisonniers politiques palestiniens au regard du droit international et la question des conséquences juridiques générales de l'admission de la Palestine à l'ONU en tant qu'État observateur.
À l'ouverture de la séance, le Président du Comité, M. Abdou Salam Diallo, a souligné qu'au cours de cette table-ronde, le Comité souhaitait aborder un certain nombre de sujets, notamment les prisonniers et détenus palestiniens, le respect du droit international et la responsabilité des États tiers, le statut d'État non membre observateur de l'État de Palestine et, enfin, les options qui s'offrent à l'État de Palestine auprès des tribunaux internationaux. M. Diallo a ajouté que la table ronde permettra de mettre ces thèmes en relief à la lumière d'une actualité brûlante et de prendre en considération les nombreux faits qui ont mis en évidence l'importance des dispositions du droit international dans les efforts visant à parvenir à une solution globale, juste et durable de la question de Palestine. Dans sa déclaration d'ouverture, le Président du Comité a souligné qu'au cours des travaux, le Comité en apprendra davantage sur la façon dont les Conventions de Genève s'appliquent aux prisonniers détenus par la puissance occupante et également sur les mécanismes internationaux compétents. La réunion examinera aussi les aspects juridiques de l'adhésion de la Palestine aux conventions et traités internationaux.
Au nom de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, un représentant du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, M. Anders Kompass, a rappelé qu'elle avait mis en lumière dans ses rapports de nombreuses préoccupations s'agissant de violations de droits de l'homme fondamentaux liées à l'occupation des territoires palestiniens. L'absence de reddition de comptes à la fois du côté israélien et palestinien est un aspect central de la question. Il faut d'urgence mener des enquêtes impartiales et indépendantes sur les allégations d'homicides, de torture et de mauvais traitements de prisonniers et poursuivre les responsables en justice.
Le Ministre palestinien des questions relatives aux prisonniers, M. Issa Qaraqe, a notamment suggéré que la table ronde examine la possibilité pour l'Assemblée générale d'envisager de mettre en place un tribunal spécial pour examiner les crimes commis par Israël contre les prisonniers palestiniens; la possibilité de demander l'avis juridique de la Cour internationale de justice sur la question des prisonniers; et la création d'une mission d'enquête composée de membres des Conventions de Genève pour enquêter sur la situation des prisonniers palestiniens. Il a aussi suggéré que l'adhésion de la Palestine au Statut de Rome de la Cour pénale internationale pourrait être considérée comme une étape vers la poursuite d'Israël pour les crimes contre les prisonniers palestiniens.
Les travaux de la table ronde se poursuivent dans le cadre de réunions à huis clos qui seront présidées, respectivement, par le juge Fausto Pocar, ancien Président du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie; le professeur William Schabas, de l'Université du Middlesex; le professeur Paul Tavernier, de l'Université de Paris XI; et la juge Flavia Lattanzi, juge au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.
La clôture de la réunion se tiendra, également à huis clos, demain après-midi vers 17 heures.
Déclarations d'ouverture
M. MICHAEL MØLLER, Directeur général de l'Office des Nations Unies à Genève, a souligné l'importance du droit international dans les efforts pour parvenir à la réalisation d'une solution globale, juste et durable de la question de Palestine. La table ronde examinera deux questions clés: le statut juridique des prisonniers politiques palestiniens au regard du droit international et la question des conséquences juridiques générales de l'admission de la Palestine à l'Organisation des Nations Unies en tant qu'État observateur.
M. Møller a ensuite donné lecture du message de M. BAN KI-MOON, Secrétaire général des Nations Unies, qui exhorte les parties israélienne et palestinienne à poursuivre le cycle actuel de négociations de paix dirigé par les États-Unis. Quitter de la table de négociation aurait un coût exponentiellement plus élevé que les compromis douloureux nécessaires pour résoudre le conflit, souligne le Secrétaire général. Une paix durable ne saurait être obtenue ailleurs qu'à la table de négociation, et la situation actuelle n'est tenable pour aucune des deux parties, ni pour la région, ni pour la communauté internationale. La création d'un État indépendant de Palestine sur la base des frontières de 1967, aux côtés d'un État d'Israël sûr, se fait attendre depuis trop longtemps. La souffrance de millions de Palestiniens sous occupation a duré trop longtemps. Le Secrétaire général est profondément préoccupé par les activités d' Israël s'agissant des colonies de peuplement en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, qui sont illégales en vertu du droit international. Les activités de colonisation aggravent la méfiance du peuple palestinien quant à la sincérité de la partie israélienne pour parvenir à la paix; elles risquent aussi de rendre une solution à deux États impossible. Les efforts de paix ont également été entravés par la violence et les provocations de tous les côtés. Le Secrétaire général a également exprimé sa préoccupation devant la montée des tensions s'agissant d'Haram al-Charif/mont du Temple à Jérusalem, et a appelé toutes les parties à faire preuve de la plus grande retenue ainsi que du plein respect du caractère sacré des lieux saints de toutes les religions.
La détérioration des conditions de vie de la population civile de Gaza reste alarmant, alors que le bouclage continue de causer de graves conséquences humanitaires, poursuit le Secrétaire général dans son message. Plus de 80% de toutes les familles de Gaza dépendent de l'aide, mais la bande de Gaza reste soumise à de sévères restrictions sur les importations, les exportations et la circulation des personnes par voie terrestre, aérienne et maritime. Le Secrétaire général appelle à une ouverture complète des points de passage vers Gaza, y compris à Rafah, afin de permettre le commerce et les mouvements légitimes de population. En même temps, les préoccupations de sécurité légitimes d'Israël doivent être prises en compte dans les efforts pour contrecarrer les attaques de militants et empêcher la contrebande d'armes. Le Secrétaire général a également réitéré sa condamnation des attaques aveugles à la roquette depuis la bande de Gaza, qui sont contraires au droit international.
Le Secrétaire général a exprimé à plusieurs reprises sa préoccupation s'agissant des plus de 4000 prisonniers palestiniens détenus par Israël, et a appelé à mettre fin à la pratique de la détention administrative prolongée. Il a également appelé Israël à respecter ses obligations juridiques telles que décrites dans l'avis consultatif de la Cour internationale de justice sur le mur de séparation et les colonies. En conclusion, le Secrétaire général indique qu'il continuera à faire tout son possible pour soutenir la réalisation d'une solution à deux États, et exhorte la communauté internationale à soutenir les deux côtés dans la poursuite des négociations en vue de parvenir à un règlement de paix final.
M. ABDOU SALAM DIALLO, Président du Comité pour l'exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, a rappelé que l'Assemblée générale de l'ONU avait, en novembre dernier (résolution 68/12), proclamé 2014 Année internationale de la solidarité avec le peuple palestinien et demandé au Comité d'organiser des activités qui se tiendraient pendant l'année, en coopération avec les gouvernements, les organismes des Nations Unies, les organisations intergouvernementales et les organisations de la société civile concernés. Le Comité se félicite de l'action diplomatique soutenue que mène la communauté internationale, en particulier les efforts persistants du Secrétaire d'État américain, M. John Kerry. Il appelle toute les parties à agir de manière responsable pour créer un climat propice et des négociations fructueuses lesquelles permettront de régler toutes les questions relatives au statut final, de mettre un terme à l'occupation israélienne, d'obtenir le retrait complet des forces armées israéliennes du territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem Est, et de permettre au peuple palestinien de d'exercer ses droits inaliénables, notamment, le droit à l'autodétermination. Toutefois, en dépit des appels lancés par la communauté internationale à Israël pour qu'il cesse ses activités de peuplement, l'extension des colonies qui s'accompagne de la destruction des habitations palestiniennes et de l'expropriation des terres palestiniennes se poursuit à un rythme alarmant en Cisjordanie, y compris à Jérusalem Est. Le Président a aussi dénoncé le refus d'Israël, en dépit de ses engagements, de libérer un quatrième contingent de prisonniers palestiniens. «Au vu de cette dure réalité, notre présence ici à Genève aujourd'hui est de bon augure», a toutefois estimé le Président du Comité.
M. Diallo a ajouté que le statut d'État non membre observateur (résolution 67/19 de l'Assemblée générale) accordé à la Palestine a permis au Président Mahmoud Abbas de signer, le 1er avril dernier, quinze documents d'adhésion à des conventions et traités internationaux, y compris une lettre adressée au Gouvernement suisse, en sa qualité de dépositaire des Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels, qui définissent les droits fondamentaux des prisonniers, aussi bien civils que militaires et instaures des protections pour les blessés et les civiles se trouvant à proximité et à l'intérieur d''une zone de guerre. L'État de Palestine a officiellement adhéré à ces Conventions le 2 avril dernier. Au cours des prochains jours, le Comité en apprendra davantage sur la façon dont les Conventions de Genève s'appliquent aux prisonniers détenus par la puissance occupante et également sur les mécanismes internationaux compétents. La réunion examinera aussi les aspects juridiques de l'adhésion de la Palestine aux conventions et traités internationaux.
M. ANDERS KOMPASS, Directeur de la Division des opérations hors siège et de la coopération technique au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a souligné que la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme et ses prédécesseurs, ainsi que de nombreux mécanismes des Nations Unies chargés des droits de l'homme, ont constamment réclamé le respect, la protection et la réalisation du droit à l'autodétermination des Palestiniens. La Haut-Commissaire a mis en lumière dans ses rapports de nombreuses préoccupations s'agissant de violations de droits de l'homme fondamentaux liées à l'occupation des territoires palestiniens. Ces questions doivent être abordées d'urgence, quelle que soit l'issue des pourparlers de paix en cours, notamment le recours excessif à la force contre des Palestiniens par les forces de sécurité israéliennes, le déni du droit des Palestiniens à la liberté, la construction de colonies de peuplement, le transfert forcé de Bédouins, et les violences commises par les colons. En outre, la situation dans la bande de Gaza est préoccupante, et le blocus exercé par Israël - une forme de punition collective contraire au droit international - entraîne une détérioration marqué des droits économiques et sociaux de la population de Gaza. La reprise des hostilités entre groupes armés palestiniens et forces israéliennes dans la bande Gaza ces derniers mois est troublante, a ajouté le représentant de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme.
L'absence de reddition de comptes à la fois du côté israélien et palestinien est un aspect central de la question, a déclaré M. Kompass. Il faut d'urgence mener des enquêtes impartiales et indépendantes sur les allégations d'homicides, de torture et de mauvais traitements de prisonniers et poursuivre les responsables en justice. Il est grand temps que les droits à la fois des Israéliens et des Palestiniens soient respectés et que le droit international s'applique. Ces conditions sont essentielles à toute paix durable. Dans le contexte des pourparlers en cours, les parties doivent tout faire pour assurer le respect des droits de l'homme, souligne le Haut-Commissariat.
M. ISSA QARAQE, Ministre palestinien des questions relatives aux prisonniers, a d'emblée salué la tenue de cette réunion alors que l'État occupé de Palestine vient de devenir haute partie contractante aux quatre Conventions de Genève du 12 août 1949, et partie à quinze instruments internationaux. Il a attiré l'attention sur le fait qu'il y avait encore 5000 hommes et femmes palestiniens dans 22 prisons, camps et centres de détention israéliens, dont 476 purgent des condamnations à vie. On compte 19 femmes détenues et 200 enfants détenus. Il y a actuellement 185 personnes en détention administrative, dont 11 membres élus du conseil législatif, ainsi que des dirigeants politiques. Plus de 30 prisonniers sont en prison depuis plus de 20 ans, dont Karim Younis depuis 32 ans. Depuis 1967, environ 850 000 Palestiniens ont été détenus. Les arrestations sont monnaie courante, une pratique quotidienne de la force d'occupation, a souligné M. Qaraqe. En moyenne, chaque mois, 323 cas de détention ont été enregistrés - environ 11 par jour. En 2013, 75% des détentions concernaient des enfants de moins de 18 ans, le plus jeune ayant 8 ans. Et 95% des enfants détenus ont été soumis à des mauvais traitements.
M. Qaraqe a souligné que les Palestiniens n'ont pas droit à un procès équitable devant les tribunaux israéliens. Il a aussi souligné l'absence de traitement médical pour les prisonniers et affirmé que les compagnies pharmaceutiques israéliennes ont mené des expériences sur plus de 1000 détenus palestiniens. Israël a continué de pratiquer la détention administrative de manière arbitraire; 23 000 ordres de détention administrative ont été émis depuis 2000. En outre, aucun Israélien n'a été poursuivi pour crimes commis dans le cadre des interrogatoires auxquels ont été soumis des Palestiniens. Les tribunaux israéliens ont refusé d'ouvrir des instructions sur les allégations et plaintes de détenus palestiniens et d'organisations des droits de l'homme.
Le ministre palestinien a exprimé l'espoir que la table ronde permettra d'examiner un certain nombre de questions juridiques, notamment la question du statut de la Palestine en tant qu'État observateur de l'Organisation des Nations Unies et son statut en droit international. La puissance occupante a enfreint les Conventions de Genève, notamment par l'utilisation systématique de la torture et des traitements humiliants de prisonniers palestiniens; il doit être établi que les Conventions de Genève s'appliquent à la puissance occupante. La table ronde devrait examiner les moyens juridiques par lesquels Israël pouvait être lié à ses responsabilités en vertu des Conventions de Genève. M. Qaraqe a aussi suggéré que pourrait être examinée la possibilité pour l'Assemblée générale d'envisager de mettre en place un tribunal spécial pour examiner les crimes commis par Israël contre les prisonniers palestiniens; la possibilité de demander l'avis juridique de la Cour internationale de justice sur la question des prisonniers; et la création d'une mission d'enquête composée de 15 membres des Conventions de Genève pour enquêter sur la situation des prisonniers palestiniens. L'adhésion de la Palestine au Statut de Rome pourrait également être considérée comme une étape vers la poursuite d'Israël pour les crimes contre les prisonniers palestiniens.
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