Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME SE PENCHE SUR LES DROITS L'ALIMENTATION ET AU LOGEMENT CONVENABLE
Le Conseil des droits de l'homme a été saisi, au cours d'une séance de la mi-journée, des rapports du Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, M. Olivier De Schutter, et de la Rapporteuse spéciale sur le logement convenable, Mme Raquel Rolnik, avant de tenir un débat interactif avec les deux experts.
M. De Schutter s'est dit encouragé par les faits nouveaux intervenus au niveau international concernant le droit à l'alimentation. Il a notamment fait observer que le Comité de la sécurité alimentaire mondiale de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a adopté les directives sur l'acquisition du foncier agricole, dans le contexte du phénomène grandissant de l'accaparement des terres. Il faut maintenant intégrer cette problématique à l'agenda du développement après 2015, y compris en imposant un mécanisme d'obligation redditionnelle, faute de quoi les objectifs de développement définis au plan global n'auront pas de signification pour les plus pauvres, a-t-il souligné. M. De Schutter a par ailleurs souligné que l'égalité de traitement pour les femmes est l'une des conditions de la réalisation du droit à l'alimentation et que l'élimination des discriminations à l'égard des femmes permettrait d'accroître la productivité dans les pays en développement et de réduire la malnutrition. Le Canada, le Cameroun et la FAO se sont exprimés à titre de pays concernés par le rapport.
Des millions d'individus vivent sous la menace quotidienne de l'expulsion ou dans une situation ambiguë quant à leur statut d'occupation, menacé tant par les autorités que par des acteurs privés, a indiqué pour sa part Mme Rolnik. Son rapport de cette année examine les normes existantes du droit international relatif aux droits de l'homme liées à cette problématique ainsi que la nature précise des obligations qui incombent aux États pour ce qui est de garantir la sécurité de l'occupation. Pour Mme Rolnik, il est risqué de s'appuyer sur le droit de propriété comme moyen de garantir la sécurité d'occupation, laquelle devrait plutôt être clairement définie et régie par le cadre international des droits de l'homme. La Palestine et le Rwanda ont pris la parole en tant que pays concernés, ainsi que Commission nationale des droits de la personne du Rwanda.
S'agissant du droit à l'alimentation, de nombreuses délégations ont souligné la nécessité d'éliminer les discriminations contre les femmes, notamment celles qui affectent le processus de développement. Les États ont aussi insisté sur la nécessité de garantir la sécurité alimentaire. Pour ce qui concerne le rapport sur le droit au logement, de nombreuses délégations ont commenté la notion de sécurité d'occupation mise en avant par Mme Rolnik, plusieurs se félicitant de ses travaux sur la question.
Les délégations suivantes ont pris part aux débats: Cuba, Allemagne, Bahreïn (au nom du Groupe arabe), Costa Rica, Venezuela (au nom de l'Alliance bolivarienne pour les Amériques); Gabon (au nom du Groupe africain), Chili, Pakistan, Brésil, Finlande, Burkina, Pérou, Thaïlande, Suisse, Bénin, États-Unis, Canada, Arabie saoudite, Afghanistan, Mexique, Maroc, Algérie, Éthiopie, Inde, Guatemala, Iran, Malaisie, Égypte, Djibouti, Indonésie, Sierra Leone, Chine, Botswana, Syrie, Sénégal, Norvège, Koweït, Venezuela, Luxembourg, Angola, Libye, Union européenne, Fédération internationale de la Croix rouge et ONU-Habitat. Ont également participé au débat les ONG suivantes: Conectas Direitos Humanos, Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), Centre for Equality Rights in Accommodation, au nom également de Action Canada pour la population et le développement , Badil Resource Center for Palestinian Residency and Refugee Rights, Pour le droit à se nourrir (FIAN), African Technology Development Link et International Association for Democracy in Africa.
À sa prochaine séance, à partir de 16h45, le Conseil sera saisi des rapports du Rapporteur spécial sur la torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants, M. Juan Méndez, et de la Rapporteuse spéciale sur les défenseurs des droits de l'homme, Mme Margaret Sekaggya, avec lesquels il entamera un débat interactif.
Examen de rapports sur le droit à l'alimentation et le droit au logement
Présentation des rapports
M. OLIVIER DE SCHUTTER, Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, a remercié les Gouvernements du Canada et du Cameroun ainsi que l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) pour leur coopération. Évoquant les visites qu'il a effectuées dans les deux pays susmentionnés, M. De Schutter a estimé qu'au Canada, la stratégie nationale sur le droit à l'alimentation aidera à établir de plus grandes synergies entres les différentes initiatives prises aux niveaux provincial et fédéral. Il s'est ensuite dit impressionné par l'engagement du Cameroun à travailler avec les populations sahéliennes du nord du pays, qui – a-t-il souligné – souffrent dramatiquement de malnutrition. Le Rapporteur spécial a appelé le Gouvernement camerounais à s'assurer que l'exploitation des ressources naturelles profite bien aux populations locales du point de vue de leur droit à l'alimentation.
Le Rapporteur spécial s'est ensuite dit encouragé par les développements positifs intervenus au niveau international concernant le droit à l'alimentation. Il a notamment fait observer que le Comité de la sécurité alimentaire mondiale de la FAO a adopté les directives sur l'acquisition du foncier agricole, dans le contexte du phénomène grandissant de l'accaparement des terres. Ce qu'il faut maintenant, c'est intégrer cette problématique à l'ordre du jour de l'après-2015, y compris en imposant un mécanisme d'obligation redditionnelle, faute de quoi les objectifs de développement définis au plan global n'auront pas de signification pour les plus pauvres, a-t-il souligné. Il faut parallèlement souligner de nouveau l'importance du droit à l'alimentation, y compris en créant un fonds global pour la protection sociale dont le but serait de rendre plus effectif ce droit à l'alimentation, a déclaré le Rapporteur spécial, faisant valoir que cette proposition avait le soutien d'autres titulaires de mandats de procédures spéciales.
L'égalité de traitement pour les femmes est l'une des conditions de la réalisation du droit à l'alimentation, a aussi souligné M. De Schutter. Ce sont les hommes qui partent les premiers des zones rurales, pour aller chercher un meilleur emploi à la ville; les femmes, elles, restent à l'arrière pour s'occuper de la terre, a-t-il expliqué. De ce fait, a-t-il expliqué, les femmes peuvent se retrouver dans une situation où elles ont du mal à concilier leur rôle de mères et celui de cultivatrices de la terre. Selon la FAO, a poursuivi le Rapporteur spécial, si l'on parvient à éliminer les discriminations à l'égard des femmes, la productivité dans les pays en développement pourrait s'accroître de 2 à 4% et la malnutrition être réduite dans une proportion de 12 à 17%, ce qui n'est pas négligeable. Aussi, M. De Schutter a-t-il plaidé en faveur d'investissements accrus dans les services susceptibles de décharger les femmes d'un certain nombre de tâches (création de crèches, mise à disposition de points d'eau, services de santé..). Une redistribution des rôles entre hommes et femmes est aussi à envisager, a-t-il également souligné.
Le rapport sur le droit à l'alimentation (A/HRC/22/50), étudie les menaces qui pèsent sur le droit des femmes à l'alimentation et recense les problèmes qui exigent une attention immédiate. Il examine les obstacles rencontrés par elles dans l'accès à l'emploi, à la protection sociale et aux ressources productives nécessaires au développement de la production et de la transformation alimentaires. Il conclut par une recommandation invitant les États à répondre efficacement aux besoins et priorités des femmes et des filles dans leurs stratégies visant à assurer la sécurité alimentaire et à réduire le fardeau du travail non rémunéré qui pèse sur les femmes au sein du foyer. Des additifs au rapport traitent respectivement de la mission du Rapporteur spécial au Canada, au Cameroun et à l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).
MME RAQUEL ROLNIK, Rapporteuse spéciale sur le logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant ainsi que sur le droit à la non-discrimination dans ce domaine, a souligné l'importance de la notion de «sécurité d'occupation» en tant qu'élément du droit à un logement convenable, droit dont l'absence engendre l'une des formes les plus graves de vulnérabilité. Des millions d'individus vivent sous la menace quotidienne de l'expulsion ou dans une situation ambiguë quant à leur statut d'occupation, remis en question tant par les autorités que par des acteurs privés, a-t-elle insisté. Cette crise se manifeste sous des formes et dans des contextes variés, l'expulsion étant la manifestation la plus visible, a-t-elle poursuivi. La Rapporteuse spéciale a attiré l'attention sur l'évolution observée récemment vers une reconnaissance plus large des diverses formes d'occupation et droits y afférents. Elle a souligné que son rapport examine donc les normes existantes du droit international relatif aux droits de l'homme liées à cette problématique ainsi que la nature précise des obligations qui incombent aux États pour ce qui est de garantir la sécurité de l'occupation. Pour Mme Rolnik, il est risqué de s'appuyer sur le droit de propriété comme moyen de garantir la sécurité d'occupation, laquelle devrait plutôt être clairement définie et régie par le cadre international des droits de l'homme. Il existe un besoin évident d'orientations plus spécifiques et plus détaillées concernant la sécurité d'occupation du point de vue des droits de l'homme, a conclu la Rapporteuse spéciale.
Concernant sa mission en Israël et dans le territoire palestinien occupé, effectuée du 10 janvier au 12 février 2012, la Rapporteuse spéciale a fait état d'un contraste flagrant entre, d'une part, la politique de logement réussie du Gouvernement israélien en faveur des vagues d'immigrants juifs depuis 1948 et, de l'autre, les multiples exemples d'entraves et de discriminations auxquelles se heurte la population palestinienne en matière de logement. Mme Rolnik s'est dite choquée par les plaintes répétées de Palestiniens et d'autres minorités relativement à l'absence de planification, ou à la planification discriminatoire, en matière de logements urbains et de développement rural de ces communautés. Elle a fait part de sa préoccupation face au récent «Plan Prawer» qui dénie les droits fonciers des bédouins, lesquels sont pourtant installés dans la région depuis des centaines d'années.
S'agissant du Rwanda, où elle s'est rendue en juillet 2012, la Rapporteuse spéciale a évoqué les politiques et programmes mis en œuvre dans les domaines du droit au logement et de la gestion foncière. Parmi ces programmes, figurent la «villagisation», la politique d'enregistrement des terres et de délivrance des titres, le remembrement des terres ainsi que la planification urbaine de la ville de Kigali et les déplacements de populations qu'elle induit, a-t-elle précisé. Mme Rolnik a recommandé l'adoption de mesures temporaires spéciales en faveur des Batwas et a appelé le Gouvernement rwandais à améliorer l'espace nécessaire à l'exercice des droits et libertés publiques indispensables à la défense du droit au logement.
S'agissant enfin de sa mission auprès de la Banque mondiale, Mme Rolnik a souligné qu'elle invite l'institution de Bretton Woods à appliquer, de manière détaillée, une approche soucieuse des droits de l'homme. La Rapporteuse spéciale s'est en outre félicitée de l'engagement de la Banque mondiale à examiner la question des garanties de réinstallation accordées aux personnes déplacées du fait de la réalisation de grands projets d'infrastructures.
Le rapport sur le logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant ainsi que sur le droit à la non-discrimination dans ce domaine (A/HRC/22/46) traite en particulier de la notion de sécurité d'occupation en tant qu'élément du droit à un logement convenable. Trois additifs au rapport concernent les missions effectuées par la Rapporteuse spéciale en Israël et dans le territoire palestinien occupé, au Rwanda et à la Banque mondiale.
Parties concernées
Le Canada a assuré prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le respect du droit à l'alimentation de toute la population canadienne. Les programmes publics ciblent les personnes vulnérables en vue de leur accès à une alimentation suffisante et équilibrée. Reste que certaines catégories de population sont confrontées à des difficultés particulières, notamment les Peuples premiers. L'alimentation des peuples du Nord du pays s'entoure d'une dimension encore très traditionnelle, que le Canada tente de concilier avec ses démarches en faveur de la qualité nutritionnelle. La délégation a regretté que le rapport de M. De Schutter pèche par une évaluation de la politique canadienne relative au droit à l'alimentation qui dépasse quelque peu le mandat du Rapporteur spécial. Le rapport émet en outre des affirmations erronées sur le contenu des politiques nationales et préconise des mesures ne tenant pas compte de la structure fédérale canadienne. Enfin, le Rapporteur spécial aurait dû se rendre dans l'arctique pour mieux comprendre la nature des difficultés propres à cette région, a observé la délégation.
L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a dit prendre note du rapport de M. De Schutter, tout en soulignant qu'elle poursuit les objectifs de l'ONU, à savoir l'éradication de la faim et de l'extrême pauvreté. La FAO vise à établir une évaluation indépendante des programmes d'éradication de la faim et de leur contribution à la réalisation du droit à l'alimentation. Elle examinera la manière dont le droit à l'alimentation pourrait être intégré à ses politiques, tout en sensibilisant les gouvernements à l'importance du droit à l'alimentation
La Palestine a dit accorder une très grande valeur au rapport présenté par la Rapporteuse spéciale sur le droit à un logement convenable, en raison des violations systématiques commises par Israël du droit au logement du peuple palestinien. Israël ignore le droit à un logement convenable. Il consacre des sommes importantes pour étendre ses colonies sur le territoire palestinien, en violation du droit international. Ses lois discriminatoires ne permettent pas aux peuples sous occupation d'exercer leurs droits. Le représentant palestinien a appelé la communauté internationale à faire en sorte qu'Israël respecte le droit international et à mette en œuvre les recommandations du rapport de Mme Rolnik.
Le Rwanda a observé avec satisfaction que Mme Raquel Rolnik, dans son rapport sur le droit au logement, reconnaît les très grands progrès qu'il a réalisés dans la lutte contre la pauvreté et l'amélioration des conditions de vie de tous les Rwandais. La visite de la Rapporteuse spéciale a été pour le Gouvernement l'occasion d'apprécier les avantages d'une politique de décentralisation dans la lutte contre la pauvreté. Les recommandations de Mme Rolnik seront examinées avec toute l'attention requise. La délégation a précisé que la politique des «villages modèles» (imidugudu) mentionnée par le rapport est facultative, tout comme la politique d'éradication des toits de chaume. Le processus d'enregistrement des terres est mené de manière ouverte, transparente et inclusive. La politique de consolidation des parcelles permet aux exploitants agricoles de tirer parti de services tels que fourniture d'intrants agricoles et offre de capacités de stockage des récoltes, notamment. Toutes ces mesures – parmi d'autres – ont pour objet d'améliorer les conditions de vie des groupes les plus défavorisés de la population rwandaise.
La Commission nationale de droits de la personne du Rwanda s'est félicitée de l'analyse approfondie réalisée par Mme Rolnik. Elle a précisé que les recommandations de l'experte ont permis d'améliorer les conditions de vie des personnes vivant en région rurale et des personnes marginalisées en général, y compris les Batwas. La Commission s'engage à assurer le suivi des recommandations de la Rapporteuse spéciale, notamment pour ce qui concerne la politique de «villagisation». Elle assurera en outre la formation des fonctionnaires chargés d'appliquer les politiques du gouvernement en matière de logement.
Débat interactif
S'agissant du rapport sur le droit à l'alimentation, axé sur le droit des femmes à l'alimentation, les délégations ont notamment relevé, à l'instar du Chili, qu'il faut éliminer les discriminations contre les femmes, notamment celles qui affectent le processus de développement. Le Costa Rica a rappelé que, faute d'accès à la terre et au droit de les hypothéquer, les revenus des femmes sont compromis, comme l'a constaté M. De Schutter. Bahreïn a constaté qu'il fallait avant tout libérer les femmes des stéréotypes culturels relatifs aux tâches ménagères. Pour la Thaïlande, il faut accorder une importance prioritaire à l'éducation pour sortir les femmes de la pauvreté et leur permettre d'exercer leurs droits fondamentaux. L'Inde a déclaré que les femmes ne devaient plus être considérées par leur société comme les bénéficiaires passives d'une aide mais plutôt comme les promotrices dynamiques de la transformation sociale. Cela conforte l'idée que l'éducation, l'emploi et les droits de propriété des femmes ont une influence puissante sur leur capacité à contrôler leur environnement, et qu'ils contribuent au développement économique.
Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, a souligné que l'idée selon laquelle les droits des femmes passent après ceux des hommes n'est plus acceptée. Il n'est pas question, pour autant, que les femmes soient mises en demeure de délaisser les tâches ménagères: elles doivent être libres de choisir entre le travail et les soins familiaux. À cet égard, la libre volonté de la ménagère ne doit pas être considérée comme une discrimination. Le Venezuela a indiqué que les pays de l'Alliance bolivarienne pour les peuples de l'Amérique (ALBA) s'accordent sur la nécessité d'accorder plus d'autonomie aux femmes, et estiment qu'il faut assurer une meilleure répartition des tâches. L'Afghanistan a pris des engagements en vue de la lutte contre la discrimination à l'égard des femmes, concrétisés par l'adoption, en 2009, de la loi sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes, qui définit 22 formes de violences, entre autres, le déni du droit foncier, de l'accès à l'éducation, au travail et aux services de santé, ainsi que le travail forcé.
Toujours au chapitre de la promotion des droits des femmes, l'Algérie a annoncé qu'elle organiserait, le 18 mars, une réunion-débat sur l'évolution de la promotion de la femme en Algérie afin de compléter les présents débats sur les aspects les plus saillants concernant l'autonomisation des femmes, y compris les paysannes, à la lumière de la politique multisectorielle engagée par l'Algérie à cet égard. Le Guatemala a mis l'accent sur la lutte contre la malnutrition chronique dans le cadre d'un «Pacte faim zéro» qui comporte une composante d'autonomisation des femmes par des mesures de discrimination positive, en matière de crédit sans intérêt notamment. Il a par ailleurs attiré l'attention sur le fait que les femmes handicapées et les femmes âgées étaient particulièrement concernées par la discrimination et la malnutrition qui en résulte.
La Sierra Leone a rappelé que le fait de ne pas avoir faim était la condition première à une vie féconde. Or, les femmes, bien qu'étant les premières contributrices à la vie du foyer, n'en sont pas moins handicapées dans leur accès à la nourriture, les bonnes statistiques en matière de développement n'ayant pas eu de retombées positives jusqu'à présent à cet égard. La question de l'égalité des sexes demeurent malheureusement purement rhétorique, a-t-elle déploré. La Malaisie pour sa part a adopté un certain nombre de mesures pour intégrer une perspective de genre dans le processus de développement. Cela implique concrètement la formulation de politiques adaptées, la révision des lois discriminatoires, la promotion de la femme dans le processus de développement, l'amélioration de l'accès à l'éducation et le renforcement de leur formation.
Quant aux États-Unis, ils se sont dotés du Women's Empowerment in Agriculture Index, qui met en relief la nature complexe et l'interaction entre les différents aspects de l'autonomisation alimentaire des femmes. Les États-Unis se sont associés, en septembre 2011, au «partenariat des mille jours» pour la nutrition des mères et des enfants, lancé par le Secrétaire général de l'ONU.
Une approche plus équilibré et holistique de la place des femmes serait la bienvenue, sans pour autant que ne soient remises en cause les règles séculaires des sociétés, a aussi plaidé le Sénégal. On ne peut légiférer sur tout, notamment sur la famille, a renchéri la délégation du Botswana. Pour sa part, la Norvège a rappelé l'obligation pour les États d'éliminer tous les cadres discriminatoires, notamment ceux qui s'enracinent dans des pratiques sociales ou culturelles, tout en se disant favorable à la mise en place de cadres transitoires. Pour l'Angola l'autonomisation des femmes est un des moyens de réaliser le droit à l'alimentation. Au vu des défis posés, il faut redoubler d'efforts a dit le Luxembourg.
Les États ont aussi insisté sur la nécessité de garantir la sécurité alimentaire. Le Bénin, suite à la visite du Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation en 2009, a initié des mesures hardies et variées visant à assurer l'autosuffisance alimentaire par la mise en place de projets et programmes et d'autres mécanismes pour l'accroissement de la production vivrière dans tout le pays. Le Gouvernement accorde des subventions aux agriculteurs et a ouvert des «boutiques témoins» de vente des produits vivriers de première nécessité. Le Mexique a lancé, il y a quelques semaines, une «croisade contre la faim» reposant sur une approche des droits de l'homme et sur les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. L'Alliance bolivarienne pour les peuples de l'Amérique (ALBA) compte pour sa part développer et faire valoir les avantages du quinoa, en tirant parti des connaissances des peuples autochtones dans la culture de cette céréale andine, a indiqué le Venezuela.
L'Éthiopie a affirmé s'être efforcée de tirer les enseignements d'expériences passées douloureuses en matière de sécurité alimentaire. Ainsi, pour améliorer la productivité des petites exploitations, l'État a-t-il appelé les investisseurs à utiliser des zones en friche afin de contribuer à l'autosuffisance alimentaire du pays. Djibouti estime qu'il convient d'associer les paysans locaux aux décisions pour arriver à «coproduire» la politique agricole du pays. Le pays a lancé, depuis 2005, des programmes bilatéraux de cession des terres arables pour les voisins et frères éthiopiens et soudanais afin de garantir à ces populations un niveau d'alimentation suffisant.
Le Gabon, au nom du Groupe africain, a observé que si le droit à l'alimentation est un droit de l'homme à caractère absolu, les difficultés rencontrées dans sa mise en œuvre sont souvent loin d'être une politique délibérée. Cuba a demandé quelles étaient les attentes de M. De Schutter quant aux recommandations à la suite de sa visite à la FAO. Pour Cuba, la situation actuelle s'explique par les «recettes néo-libérales» qui dominent le monde. L'éradication de la faim dépend avant tout de l'instauration d'un ordre international juste et équitable.
Le Burkina Faso a observé que beaucoup reste à faire pour la réalisation effective du droit à l'alimentation. Le Gouvernement a créé un portefeuille ministériel chargé de la sécurité alimentaire et amorcé la distribution de semences améliorées. Comment le Rapporteur spécial appréhende-t-il le partage des bonnes pratiques dans les pays du Sahel qui souffrent de crises alimentaires, a demandé la représentante burkinabè. Le Maroc a demandé au Rapporteur spécial quelles bonnes pratiques avaient été relevées au sujet d'une transformation de la répartition des rôles entre les hommes et les femmes en milieu rural. L'Indonésie a demandé à M. De Schutter comment les États devraient établir leurs priorités dans les programmes alimentaires et d'autonomisation des femmes qu'ils mettent en œuvre afin de renforcer le bien-être des populations.
Le Koweït a dénoncé l'accaparement de terres pour la production de carburants. C'est dans ce contexte que le Venezuela a déclaré que les politiques d'alimentation sont prioritaires pour lui et que son Gouvernement a, dans ce cadre, adopté des lois relatives à l'occupation des terres.
L'Arabie saoudite accorde un intérêt particulier à la sécurité alimentaire tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de ses frontières. Au plan national, la stratégie alimentaire a permis de porter la valeur de la production agricole nationale de 10,5 milliards de dollars en 2005 à 12 milliards de dollars en 2011. Le pays a également fourni des financements et des aides alimentaires à la communauté internationale, dont cinq milliards de dollars au Programme alimentaire mondial.
L'Égypte a estimé que le rapport de M. De Schutter confirmait ses propres convictions, à savoir l'impérieuse nécessité d'adopter une démarche centrée sur les droits de l'homme dans la quête d'un niveau renforcé de nutrition suffisante, sûr et adéquat pour tous. La République islamique d'Iran a dit partager l'inquiétude du Rapporteur spécial sur l'insécurité alimentaire des peuples autochtones du Canada; il est déplorable que les autorités ne fassent pas ce qu'il faut pour remédier à cette situation, notamment s'agissant de la destruction des pratiques traditionnelles de ces populations.
Le Venezuela, au nom également de la Bolivie, du Nicaragua et de l'Équateur, ainsi que Cuba, ont demandé aux titulaires des procédures spéciales d'accomplir leur mandat en respectant scrupuleusement les dispositions de leur code de conduite. Enfin, compte tenu des liens entre les deux mandats, la République islamique d'Iran souhaiterait que les deux Rapporteurs spéciaux présentent un rapport conjoint sur les questions d'intérêt commun dans leur domaine respectif.
D'autres pays ont souligné que la non-réalisation du droit à l'alimentation s'explique aussi par d'autres raisons que la discrimination contre les femmes. La Chine a cité notamment la crise énergétique, la fluctuation du prix des denrées alimentaires ou encore les changements climatiques. Dans ce contexte, elle a demandé au Rapporteur spécial d'adopter une perspective plus large en ce qui concerne le droit à l'alimentation dans le cadre de l'après-2015. Le Sénégal s'est associé à cette analyse, ajoutant que les déséquilibres internationaux et le blocage des négociations à l'Organisation mondiale du commerce sont autant d'entraves à la réalisation du droit à l'alimentation.
En ce qui concerne le droit au logement, de nombreuses délégations ont commenté la notion de sécurité d'occupation mise en avant par Mme Rolnik dans son rapport annuel, le Venezuela, au nom des pays de l'Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA), félicitant Mme Rolnik pour sa réflexion sur ce concept, qu'il s'agira maintenant de reconnaître, de protéger et de mettre en œuvre. Le Chili a demandé à la Rapporteuse spéciale comment perfectionner le cadre juridique de la sécurité d'occupation et comment prendre en compte, ce faisant, les spécificités de chaque pays. Une compilation de «pratiques optimales» dans ce domaine serait la bienvenue. À cet égard, l'Allemagne a également demandé à Mme Rolnik si elle avait constaté, lors de ses visites sur le terrain, de bonnes pratiques susceptibles de réduire l'insécurité en matière de bail locatif. Le Brésil a observé que le fait de ne pas prendre en compte la question de la sécurité d'occupation a pour conséquence de fragiliser encore davantage les groupes les plus vulnérables.
Le Costa Rica a estimé que l'élaboration des politiques publiques des États doit prendre en compte l'insécurité d'occupation relevée par Mme Rolnik. Le Gabon, au nom du Groupe africain, de même que la Finlande, ont souligné l'importance de l'élaboration de politiques du logement qui ne soient pas discriminatoires. La Suisse a demandé à Mme Rolnik quels organes de gouvernance internationale devraient s'employer à combler les lacunes légales et politiques relatives à la sécurité d'occupation.
Les États-Unis ont indiqué avoir présidé la trente-huitième session du Groupe de travail du Comité sur la sécurité alimentaire mondiale, qui a conçu et adopté, en mai 2012, les Directives volontaires pour une gouvernance responsable de l'occupation foncière, des pêcheries et de la foresterie. Ces directives jettent les bases d'un cadre de promotion de la sécurité alimentaire et du développement durable.
Plusieurs délégations ont mis en avant les initiatives qu'ils ont prises dans le domaine du logement. L'Inde a ainsi déclaré que la Cour suprême avait mis l'accent, dans plusieurs jugements, sur la garantie du droit au logement. Des mesures ont été prises pour soutenir les États de l'union désireux d'accorder des droits de propriété aux habitants des bidonvilles. Le Guatemala a souligné que son pays avait promulgué l'an dernier une loi sur le logement prévoyant la fourniture de services de base. La Malaisie, qui a affirmé avoir toujours fait du droit au logement une priorité, a mis l'accent sur la fourniture de logements de qualité qui soient confortables, abordables et adéquats pour tous les Malaisiens. L'Indonésie a souligné les divers programmes gouvernementaux mis en place, notamment en faveur des habitants des bidonvilles. La Sierra Leone a déclaré que, dans les zones urbaines disposant d'un espace foncier limité, il en allait de la responsabilité de l'État de fournir des conseils et des solutions pour faciliter la décongestion, afin notamment de limiter les risques pour les populations en cas de catastrophe.
Le Pérou, pour sa part, a mis en exergue l'action de la COFOPRI, un organisme chargé de régulariser la propriété foncière informelle des terres étatiques dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et de la réduction de la précarité urbaine. La COFOPRI a ainsi formalisé la propriété foncière de 81 173 lotissements au profit de 405 865 personnes sur tout le territoire. La propriété s'accompagne également de l'accès au crédit, de la sécurité juridique, de l'héritage et de mesures incitant à l'investissement, a expliqué le représentant du Pérou.
Toute une série de droits économiques, sociaux et culturels sont à prendre en compte en vue d'éviter les expulsions forcées, a recommandé le délégué de la Finlande, qui a demandé à la Rapporteuse spéciale de fournir d'autres cas pratiques. Le Maroc a demandé à Mme Rolnik de préciser pour quelles raisons il serait risqué de s'appuyer sur les droits de propriété comme moyen de garantir la sécurité d'occupation de logements.
Bahreïn a appelé Israël à respecter les recommandations qui lui ont été faites au sujet des expulsions et des destructions de logements occupés. Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, a appelé, lui aussi, Israël à réviser ses politiques et à mettre en œuvre toutes les recommandations de la Rapporteuse spéciale le concernant. L'Algérie a souligné que les situations d'occupation étrangère constituaient une menace à la sécurité d'occupation, alimentant quotidiennement les risques d'expulsion forcée. Elle attend avec intérêt les recommandations de la Rapporteuse spéciale à la suite de sa visite dans le territoire palestinien occupé. L'Égypte a qualifié d'effrayantes la destruction systématique et organisé de propriétés publiques et privées dans l'ensemble de l'État occupé de Palestine. La Suisse, enfin, s'est inquiétée de la situation du logement de la minorité bédouine au Néguev et de la dépossession constante de la population palestinienne dans la zone C de la Cisjordanie. De surcroît, les coûts de l'expansion des colonies dans le territoire palestinien occupé privent la population israélienne de ressources importantes dans le domaine du logement. La Syrie a demandé à la communauté internationale de se pencher sur la condition des femmes dans le Golan syrien occupé par Israël, privées de tous moyens de cultiver la terre en raison de cette occupation. Enfin la Lybie a réaffirmé au Conseil les engagements que son Gouvernement pris dans le cadre de Rio+20 en matière de droit à l'alimentation.
Ce sont les plus pauvres et les plus marginalisés qui sont victimes du manque de logement convenable, a dit le Venezuela, alors que la précarité est une des raisons de la vulnérabilité des ménages a ajouté la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
Le Programme des Nations unies pour les établissements humains (ONU-Habitat) a souligné que la solution aux problèmes de logements des Haïtiens dépend d'une action au niveau de la sécurité d'occupation des sols, surtout dans d'autres contextes de conflit ou de rétablissement après des catastrophes naturelles. L'Angola a généralisé cette constatation à son propre cas: en raison de la guerre civile, de nombreux Angolais ont été obligés de s'installer dans des zones sans plans d'occupation des sols. De ce fait, la sécurité d'occupation des sols est un des défis majeurs du moment pour l'Angola.
Organisations non gouvernementales
Conectas Direitos Humanos, au nom de plusieurs organisations, a dénoncé l'absence de protection contre les expulsions forcées de 170 000 Brésiliens en prévision de la Coupe du monde de football et des Jeux olympiques qui, pourtant, ne dureront qu'un mois. Elle a demandé au Conseil de faire immédiatement cesser les expulsions forcées et à mettre en œuvre un plan national de réparations. International Association for Democracy in Africa a déploré que le Pakistan soit encore dans un régime foncier féodal, en dépit d'une réforme foncière qui visait à résorber le déséquilibre flagrant dans ce domaine. L'extrémisme, a déclaré le représentant, est une autre entrave à la sécurité alimentaire car les extrémistes assassinent même les défenseurs des droits des pauvres.
La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme, au nom aussi de deux autres organisations, a appelé à une condamnation des violations systématiques des droits des populations palestiniennes et de tous ceux qui subissent les politiques israéliennes de démolition et d'expulsion, et a demandé le retrait des projets de colonies qui chassent les Palestiniens de leurs terres ancestrales.
BADIL - Resource Center for Palestinian Residency and Refugee Rights a souligné que les politiques israéliennes constituent des discriminations flagrantes des droits des Palestiniens, en particulier l'absence de planification et le refus d'autoriser la construction de logements décents, ainsi que les expulsions forcées. Seule une approche globale des conditions de vie des Palestiniens permettra d'arriver à la solution attendue depuis longtemps. Le Conseil est invité à solliciter un avis à la Cour internationale de justice sur ces questions.
Centre for Equality Rights in Accommodation, au nom également d'Action Canada pour la population et le développement, a demandé au Gouvernement canadien de prendre des mesures pour résoudre les problèmes de sécurité alimentaire, de malnutrition, d'obésité et de diabète qui touchent les autochtones du Canada. Plusieurs hauts fonctionnaires de ce pays se sont publiquement demandés pourquoi le Rapporteur spécial y effectuait une visite, au motif que le Canada est un pays riche: le représentant a espéré une réaction plus constructive du Canada dans l'application des recommandations du Rapporteur spécial et des organes conventionnels.
Pour le droit à se nourrir (FIAN) a plaidé en faveur de la participation des femmes dans la conception, la planification et la mise en œuvre des politiques alimentaires. La représentante a demandé aux États d'appliquer les Directives volontaires pour une gouvernance responsable. African Technology Development Link a souligné que, dans les pays en développement, la malnutrition persiste en raison de la discrimination à l'égard des femmes et des fillettes. Les programmes de repas scolaires ne sont qu'une solution partielle au problème de la sécurité alimentaire des femmes et des enfants. Il faudrait créer un fonds mondial pour la sécurité alimentaire.
Conclusions des Rapporteurs spéciaux
M. DE SCHUTTER, répondant aux questions des délégations, a espéré que ses conclusions et recommandations seraient adoptées par la FAO. Par ailleurs, il entend suivre de très près la suite donnée à la Déclaration sur les droits des paysans, et encourager les États à la mise en place des cadres internationaux pertinents, a-t-il dit. Au regard des bonnes pratiques en matière d'autonomisation des femmes, le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation a dit mettre en avant la redistribution des rôles au sein des familles ou encore la fourniture de services de base aux femmes.
MME ROLNIK s'est dite très optimiste en ce qui concerne la mise en œuvre de ses recommandations quant à la situation d'occupation de la Palestine par Israël, ceci en raison de la pleine coopération dont elle a bénéficié lors de sa visite de terrain. «J'espère voir Israël revenir au Conseil des droits de l'homme et accepter la mise en œuvre de mes recommandations», a-t-elle déclaré. Par ailleurs, la Rapporteuse spéciale sur le logement convenable a estimé que le Conseil est le lieu idoine pour élaborer de nouvelles directives sur la sécurité d'occupation des sols. Pour Mme Rolnik, il faut mettre tous les droits au même niveau, le droit à la propriété privée et celui au logement, sans antagonisme.
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HRC13/014F