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REUNION SUR LA QUESTION DE PALESTINE : DISUSSION SUR LE STATUT JURIDIQUE DES PRISONNIERS POLITIQUES PALESTINIENS EN DROIT INTERNATIONAL

Communiqué de presse
Plusieurs intervenants évoquent la possibilité de demander à la Cour internationale de justice un avis consultatif sur le statut juridique des détenus palestiniens

La Réunion internationale des Nations Unies sur la question de Palestine a tenu, ce matin, une discussion thématique consacrée au statut juridique des prisonniers politiques palestiniens en droit international. Durant la discussion, plusieurs intervenants ont évoqué la possibilité pour l'Assemblée générale de demander à la Cour internationale de justice un avis consultatif sur le statut juridique des détenus palestiniens. Si les détenus palestiniens venaient à se voir reconnaître le statut de prisonniers de guerre, ils ne seraient pas libérés avant la fin des hostilités, c'est-à-dire avant une période indéterminée, a-t-il toutefois été souligné.

M. John Dugard, professeur en droit international de l'Université de Leiden, a déploré la décision prise hier par le Procureur de la Cour pénale internationale selon laquelle la Palestine n'a pas le statut d'État, arguant que la Palestine n'est pas État Membre des Nations Unies. L'ancien Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés a fait observer que si la Palestine devenait partie aux Conventions de Genève de 1949, du fait qu'elle est aujourd'hui un État reconnu par plus de 100 États et qu'elle est membre de l'UNESCO, la situation changerait et les résistants palestiniens pourraient se voir accorder le statut de prisonniers de guerre au sens de la Convention de 1949. C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles Israël et les États-Unis s'opposent à ce que la Palestine obtienne le statut d'État.

M. Yaser Amouri, Professeur assistant de droit international à l'Université de Beir Zeit, a souligné que depuis la signature des Accords d'Oslo en 1993, la nouvelle Autorité palestinienne est devenue une entité indépendante et une autorité administrative, de sorte qu'elle est la seule habilitée à engager des poursuites ou une procédure judiciaire contre les habitants des villes palestiniennes qu'elle administre. Ainsi, l'assaut de la puissance d'occupation contre ces territoires et les arrestations auxquelles elle procède depuis le début de l'Intifada sont considérés comme une agression contre un territoire non contesté et les détentions comme des enlèvements de citoyens civils de l'Autorité palestinienne – enlèvements qui doivent être considérés comme des crimes de guerre au regard des normes internationales.

M. Nasser Al Ryys, Conseiller juridique auprès de «Al-Haq – Le droit au service de l'homme», à Ramallah, a présenté un exposé sur le statut juridique des territoires palestiniens occupés et la jurisprudence de la Cour internationale de justice. Regrettant qu'à ce stade, ladite Cour ne se soit pas spécifiquement penchée sur le statut juridique des combattants palestiniens prisonniers de guerre, il a suggéré que soit demandé, par le truchement de l'Assemblée générale, un avis consultatif de la Cour internationale de justice sur le statut juridique des détenus palestiniens. M. Shawqi Al Issa, Directeur du Centre Insan pour la démocratie et les droits de l'homme de Bethléem, a lui aussi plaidé en faveur d'une demande d'avis consultatif de la Cour sur la question. Il a en outre estimé que le Conseil des droits de l'homme devrait mettre sur pied une mission d'établissement des faits sur la situation des détenus palestiniens dans les prisons israéliennes.

Enfin, M. Jawad Ammawi, Directeur général du Service des affaires juridiques au Ministère palestinien chargé de la question des prisonniers, a estimé qu'il est essentiel de diffuser une culture de plaintes individuelles auprès des institutions internationales et de promouvoir la formation aux recours existants dans le cadre des mécanismes internationaux existantsles afin de révéler les pratiques israéliennes. Il a déclaré que le pire cauchemar pour Israël serait que la Palestine soit reconnue comme État car cela pourrait ouvrir la voie à des saisines. Il a enfin plaidé en faveur de la création, par l'Assemblée générale, d'un tribunal spécial chargé d'étudier les crimes commis par Israël.

Plusieurs représentants d'organisations non gouvernementales et du monde universitaire ont ensuite participé à un échange avec les panélistes.

Cet après-midi, à 15 heures, se tiendra une discussion thématique consacrée à «la question des prisonniers politiques palestiniens et le processus politique israélo-palestinien». Suivra la séance de clôture de la Réunion.

Discussion sur le statut juridique des prisonniers politiques palestiniens

Exposés

M. JOHN DUGARD, ancien Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 de la Commission des droits de l'homme et professeur en droit international de l'Université de Leiden (Amsterdam), a tenu à attirer l'attention sur la décision prise hier par le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) selon laquelle la Palestine n'a pas le statut d'État aux termes de l'article 3 du Statut de Rome de la CPI habilitant la Cour à se saisir de crimes commis. Ainsi, a déploré M. Dugard, le Procureur conclut que la Palestine n'étant pas État Membre des Nations Unies, elle ne saurait être membre de la CPI; or, le Procureur oublie qu'un État partie au Statut de la CPI n'est en fait pas un État: il s'agit des îles Cook, État sous tutelle de la Nouvelle-Zélande.

M. Dugard a souligné qu'Israël ne reconnaît pas ceux qui se livrent à des actes de résistance, ni comme combattants, ni comme protestataires, car leur conférer le statut de prisonniers «politiques» reviendrait à donner de la légitimité à la cause qui les motive. Ils sont donc désignés comme criminels de droit commun, ou détenus pour des raisons de sécurité ou, plus souvent, comme «terroristes». Israël n'est pas disposé à autoriser que les prisonniers politiques palestiniens qui répondent à la définition du combattant soient considérés comme des prisonniers de guerre, car leur conférer ce statut reviendrait à admettre qu'il existe un conflit entre l'État d'Israël et un peuple qui exerce son droit à disposer de lui-même et à la création d'un État. Sachant que les résistants palestiniens n'appartiennent à aucun État, ils ne peuvent revendiquer le statut de prisonnier de guerre au regard du droit en vigueur. Bien entendu, si la Palestine devenait partie aux Conventions de Genève de 1949 du fait qu'elle est aujourd'hui un État reconnu par plus de 100 États et qu'elle est membre de l'UNESCO, la situation changerait et les résistants palestiniens pourraient se voir accorder le statut de prisonniers de guerre au sens de la Convention de 1949. C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles Israël et les États-Unis s'opposent à ce que la Palestine obtienne le statut d'État, a souligné M. Dugard. Mais le droit a évolué depuis 1949, a-t-il poursuivi. En effet, aux termes du paragraphe 4 de l'article premier du Protocole I aux Conventions de Genève de 1949, peuvent désormais prétendre au statut de prisonniers de guerre les membres d'un groupe organisé qui luttent «contre la domination coloniale et l'occupation étrangère et contre les régimes racistes dans l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes». Pour se prévaloir de cette évolution, le mouvement de libération nationale doit déclarer qu'il s'engage à appliquer les Conventions de Genève et le Protocole I, ce qu'a fait l'Organisation de libération de la Palestine dès 1949.

Il est clair que le peuple palestinien a le droit à l'autodétermination et la Cour internationale de justice l'a d'ailleurs confirmé, a rappelé M. Dugard. Mais Israël n'est pas partie au Protocole I susmentionné et n'est pas tenu de respecter les garanties que les Conventions de Genève octroient aux mouvements de libération nationale comme l'OLP; sur ce point, Israël ressemble à l'Afrique du Sud du temps de l'apartheid qui, elle aussi, avait refusé de signer le Protocole I. Le régime israélien enfreint aussi les règles du droit international humanitaire régissant les conditions de détention des prisonniers palestiniens pour ce qui est du lieu d'emprisonnement. En effet, aux termes de l'article 76 de la quatrième Convention de Genève, ils doivent être détenus dans le pays occupé; or, dans les faits, la plupart des prisonniers palestiniens sont détenus en Israël. Pour conclure, M. Dugard a attiré l'attention sur le meurtre d'opposants politiques.

M. YASER AMOURI, Professeur assistant de droit international à l'Université de Beir Zeit (en Cisjordanie), a souligné que le statut de prisonnier revêt une grande importance pour celui qui tombe aux mains d'une puissance ennemie, s'agissant du statut juridique dont il bénéficie et du traitement à lui réserver. Toute personne privée du statut juridique de prisonnier de guerre peut être jugée pour activité hostile et condamnée par une juridiction interne; le statut de prisonnier de guerre est donc une question de vie ou de mort, a insisté M. Amouri. Israël a signé les Conventions de Genève mais estime qu'elles ne s'appliquent pas aux territoires palestiniens occupés, a-t-il rappelé.

M. Amouri a souligné le changement de situation apparu après la signature des Accords d'Oslo en 1993. En effet, depuis leur signature, la nouvelle Autorité palestinienne est devenue une entité indépendante et une autorité administrative, du moins pour une partie du territoire de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, de sorte que l'Autorité palestinienne est la seule habilitée à engager des poursuites ou une procédure judiciaire contre les habitants des villes palestiniennes qu'elle administre. Ainsi, l'assaut de la puissance d'occupation contre ces territoires et les arrestations auxquelles elle procède depuis le début de l'Intifada d'Al-Aqsa sont considérés comme une agression contre un territoire non contesté et les détentions comme des enlèvements commis en vertu d'une décision infirmée sur le plan juridique, du fait qu'elle est sans fondement en droit. De même, les personnes civiles enlevées ne peuvent pas être considérées comme des prisonniers de guerre au sens où on l'entend sur le plan international, du fait que le statut de prisonnier de guerre ne s'applique pas à eux; ces actes d'enlèvements de citoyens civils de l'Autorité palestinienne doivent être considérés comme des crimes de guerre au regard des normes internationalement reconnues, a expliqué M. Amouri.

M. NASSER AL RYYES, Conseiller juridique auprès de Al-Haq – Le droit au service de l'homme à Ramallah, a exposé le statut juridique des territoires palestiniens occupés et la jurisprudence de la Cour internationale de justice (CIJ). Le statut juridique des territoires palestiniens a déjà fait l'objet de décisions claires des Nations Unies dont les principaux organes, à savoir le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale, ont estimé qu'il s'agissait d'un territoire occupé relevant donc du droit international humanitaire. M. Al Ryyes a donc appelé à réfléchir aux moyens d'obliger Israël à respecter les Conventions de Genève. Il a en outre insisté sur la nécessité de reconnaître le droit du peuple palestinien à la résistance et, partant, le droit des combattants palestiniens de se voir reconnaître le statut de prisonniers de guerre. Or, il est regrettable qu'à ce stade, la Cour internationale de justice ne se soit pas spécifiquement penchée sur le statut juridique de ces personnes.

M. Al Ryyes a ensuite rappelé que le principe de proportionnalité entre le délit commis et la sanction appliquée doit toujours être respecté. La CIJ a réaffirmé que le droit international humanitaire a statut de législation et fait autorité et qu'il doit donc être appliqué par tous les États. Il a affirmé la légitimité du recours à la force contre Israël en tant que pratique d'autodéfense contre l'occupation israélienne. En conclusion M. Al Ryyes a suggéré que soit demandé un avis consultatif de la CIJ sur le statut juridique des détenus palestiniens.

M. SHAWQI AL ISSA, Directeur du Centre Insan pour la démocratie et les droits de l'homme à Bethléem, a fait observer que l'ONU a accepté Israël comme membre bien que ce pays ait refusé d'appliquer les résolutions qu'elle a adoptées sur la création de l'État de Palestine et le retour des réfugiés et ne se soit pas retiré des territoires qui ne lui avaient pas été attribués. Dans ce contexte, que faire pour garantir les droits des prisonniers palestiniens, s'est interrogé M. Al Issa? Il pourrait effectivement être demandé, par le biais d'un vote de l'Assemblée générale, un avis consultatif de la Cour internationale de justice sur le statut juridique des prisonniers politiques palestiniens détenus par Israël. M. Al Issa a par ailleurs rappelé qu'en 2006, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait demandé la libération immédiate de tous les détenus, notamment les enfants.

M. Al Issa a estimé que le Conseil des droits de l'homme devrait mettre sur pied une mission d'établissement des faits sur la situation des détenus palestiniens dans les prisons israéliennes, sur le modèle de celle dont il vient de décider de la création s'agissant des colonies de peuplement israéliennes.

M. JAWAD AMMAWI, Directeur général du Service des affaires juridiques au Ministère chargé de la question des prisonniers de l'Autorité palestinienne, a rappelé que les violations des droits des Palestiniens ont été perpétrées depuis des décennies sans qu'Israël ne soit jugé ni obligé de rendre des comptes, ce qui l'a amené à poursuivre ces pratiques. Il a ensuite fait observer que les prisonniers palestiniens sont soumis au Code pénal israélien et non au droit international, alors qu'ils ne devraient pas être soumis au droit israélien. Les droits des prisonniers palestiniens sont violés de manière quotidienne, a insisté M. Ammawi. Israël ne cesse de faire fi du droit international et de rejeter les appels incessants de la communauté internationale pour appliquer le droit international sur les territoires occupés, a-t-il déploré.

Il est essentiel, pour la Palestine, de s'adresser aux institutions internationales et de recourir aux mécanismes internationaux disponibles, a poursuivi M. Ammawi. Il est essentiel de diffuser une culture de plaintes individuelles et de promouvoir la formation aux recours existants, afin de révéler les pratiques israéliennes, a-t-il insisté. La torture est le lot quotidien des prisonniers palestiniens, a par ailleurs affirmé M. Ammawi.

La question des prisonniers est primordiale et il est essentiel d'en saisir la Cour internationale de justice, a déclaré M. Ammawi. Il a fait observer que 97% des prisonniers palestiniens sont détenus dans le territoire des forces d'occupation et non dans le territoire occupé comme l'exige le droit international. Il a en outre dénoncé les privations de soins médicaux et la détention en isolement (incommunicado) dont sont victimes les prisonniers palestiniens. La violation de la dignité humaine des détenus est flagrante, à tous les stades, de l'arrestation jusqu'à la détention, a-t-il insisté. Le pire cauchemar pour Israël serait que la Palestine soit reconnue comme État car cela pourrait ouvrir la voie à des saisines, a-t-il souligné. M. Ammawi a plaidé en faveur de la création, par l'Assemblée générale, d'un tribunal spécial chargé d'étudier les crimes commis par Israël.

Échanges

Plusieurs représentants d'organisations non gouvernementales et du monde universitaire sont intervenus dans le cadre de la discussion qui a suivi ces exposés. Un professeur de droit international de l'Université d'Hébron a notamment souhaité savoir si on peut conclure de l'avis consultatif de la Cour internationale de justice de 2004 relatif à l'applicabilité de la quatrième Convention de Genève aux territoires palestiniens occupés que la troisième Convention de Genève est également applicable à ces territoires. Un conseiller juridique auprès de l'Unité de négociation de l'Autorité palestinienne à Ramallah a souhaité savoir quelles seraient les obligations spécifiques que cela entraînerait pour les parties tierces si la Cour internationale de justice rendait une décision confirmant le statut de prisonnier de guerre des détenus palestiniens. À la lumière de l'avis rendu hier par la Cour pénale internationale de ne pas reconnaître la compétence de la Cour sur les territoires occupés, un représentant du Centre palestinien pour les droits de l'homme de Gaza s'est enquis de ce qui pourrait être fait pour assurer que les États Membres appliqueront le principe de compétence universelle face aux pratiques israéliennes.

En réponse à ces interventions, M. DUGARD a déclaré que si les Palestiniens étaient traités comme des prisonniers de guerre, ils seraient maintenus en détention jusqu'à la fin des hostilités, de sorte qu'il n'y aurait pas pour eux une grande différence en termes de traitement; ils ne seraient pas libérés et n'auraient pas d'avantages matériels immédiats à être reconnus comme prisonniers de guerre. Néanmoins, l'avantage symbolique serait qu'une personne reconnue comme prisonnier de guerre, dans ce contexte, serait reconnue comme membre d'un mouvement luttant pour l'autodétermination conformément au droit international. M. Dugard a en outre fait observer que le principe de compétence universelle devient aujourd'hui impopulaire, comme en témoigne le fait que l'Espagne et le Royaume-Uni ont modifié leur législation en la matière, essentiellement afin de protéger les chefs militaires et dirigeants politiques israéliens.

M. AMOURI a lui aussi souligné que les détenus palestiniens qui se verraient reconnaître le statut de prisonniers de guerre ne seraient pas libérés avant la fin des hostilités, c'est-à-dire avant une période indéterminée.

M. AL RYYS a insisté sur la nécessité de s'adresser à un organe adéquat afin de déterminer le statut juridique des prisonniers palestiniens. Mais au-delà de la seule définition de ce statut, il faut aussi dans ce contexte déterminer les obligations de chacune des parties prenantes.

M. AL ISSA a souligné que l'enjeu ici est non pas de définir ce qui est bon pour les prisonniers Palestiniens mais ce que prévoit la loi.

Enfin, M. DUGARD a insisté sur l'importance du rôle joué par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour ce qui est du suivi des conditions de détention des prisonniers. Le CICR devrait pouvoir être saisi, le cas échéant, de plaintes concernant les conditions de détention des prisonniers.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

M12/10E