Fil d'Ariane
LA REUNION SUR LA QUESTION DE PALESTINE PORTE SON ATTENTION SUR LA SITUATION ACTUELLE DES PRISONNIERS POLITIQUES PALESTINIENS
La Réunion internationale des Nations Unies sur la question de Palestine a tenu, cet après-midi, la première des trois discussions thématiques figurant à son ordre du jour, consacrée aux aspects juridiques et humanitaires de la situation actuelle des prisonniers politiques palestiniens dans les prisons israéliennes.
M. Khaled Quzmar, consultant juridique auprès de la section Palestine de Defence for the Children International à Jérusalem, a fait porter son intervention sur les conditions de détention des enfants, des femmes et des malades palestiniens dans les prisons israéliennes, indiquant notamment que depuis septembre 2000, près de 8000 enfants palestiniens âgés de 12 à 17 ans ont été arrêtés; en dépit de leur jeune âge, certains d'entre eux sont traduits devant des tribunaux militaires. Mme Lama Odeh Sharif, Superviseur psychosocial chargée du Programme de réadaptation à l'Union chrétienne de jeunes gens à Jérusalem-Est, a pour sa part exposé la situation, après leur libération, des enfants palestiniens détenus en Israël. M. Mohammad Albatta, Directeur général du Programme de réinsertion au Ministère palestinien chargé de la question des prisonniers, a exposé la politique menée par l'Autorité palestinienne en faveur de la réinsertion au sein de leur communauté d'origine des prisonniers palestiniens qui ont été libérés.
M. Ahmed Shreem, membre du Conseil législatif palestinien, a attiré l'attention sur la situation de ses collègues détenus par la puissance occupante et a demandé qu'Israël soit exhorté à relâcher ces parlementaires immédiatement et sans condition. M. Jan Borgen, Secrétaire général adjoint de la Commission internationale de juristes, s'est penché sur la législation applicable aux prisonniers politiques palestiniens dans les prisons israéliennes et sur le recours à la détention administrative de la part des autorités israéliennes. Il a notamment rappelé que le droit international exige que les personnes d'un territoire occupé accusées d'un délit soient détenues dans ledit territoire occupé et y purgent leur peine, ce qui n'est pas le cas s'agissant des Palestiniens.
Au cours de la discussion qui a suivi ces exposés d'experts, les représentants de plusieurs organisations non gouvernementales sont intervenus En conclusion de la discussion, les panélistes ont rappelé la responsabilité commune de tous les membres de la communauté internationale face à la situation que vivent les familles palestiniennes dont les membres, y compris des enfants, sont détenus par les autorités israéliennes.
Une deuxième discussion thématique, consacrée au statut juridique des prisonniers politiques palestiniens en droit international, se tiendra demain matin, à 10 heures.
Aperçu de la discussion
M. Khaled Quzmar, consultant juridique auprès de la section Palestine de Defence for the Children International à Jérusalem, a attiré l'attention sur les conditions de détention des enfants, des femmes et des malades palestiniens dans les prisons israéliennes. Les autorités israéliennes font fi des dispositions de la Quatrième Convention de Genève. Depuis septembre 2000, près de 8000 enfants palestiniens âgés de 12 à 17 ans ont été arrêtés. M. Quzmar a souligné qu'en dépit de leur jeune âge, certains d'entre eux sont traduits devant des tribunaux militaires, a-t-il souligné. Il a en outre dénoncé les arrestations en pleine nuit, entre minuit et trois heures du matin, par les forces d'occupation israéliennes qui interviennent directement dans les maisons palestiniennes où elles prennent les enfants, sous les yeux de leurs parents, pour les transférer dans des lieux de détention où l'enfant, en état de panique, se fait extorquer des aveux qui sont souvent totalement fantaisistes.
M. Quzmar a ensuite indiqué que depuis le début de l'occupation israélienne, près de 10 000 femmes palestiniennes ont été détenues par les forces israéliennes. Après la «transaction» associée à la libération du soldat Shalit, sept d'entre elles sont restées enfermées, dans des conditions très difficiles car privées de leurs droits élémentaires et maltraitées. M. Quzmar a cité l'exemple d'une jeune fille qui, lors de son interrogatoire, avait demandé à boire, ce à quoi un soldat lui avait répondu en urinant dans une bouteille et en lui proposant d’en boire. Les femmes détenues sont en effet souvent des jeunes filles et il n'est nullement tenu compte de leur condition de jeune femme. Lors de leurs interrogatoires, elles sont exposées à toutes formes de torture, a insisté M. Quzmar.
Enfin, M. Quzmar a dénoncé les décès de détenus palestiniens dans les prisons israéliennes en raison de négligences médicales. Plusieurs centaines d'anciens détenus ont quitté les prisons avec des maladies chroniques et sont morts des suites des maladies ainsi contractées dans les prisons israéliennes. Selon l'organisation Solidarité Internationale, près d'un millier de prisonniers et détenus dans les prisons israéliennes souffrent de maladies diverses, dont 17 sont atteints de cancer et 15 d'insuffisance rénale. De telles violations des droits des prisonniers ne pourraient se prolonger si elles n'étaient pas couvertes par le silence de la communauté internationale, a conclu M. Quzmar. Le Conseil de sécurité doit assumer ses responsabilités et appeler Israël à respecter ses engagements en vertu du droit international humanitaire.
M. Ahmed Shreem, membre du Conseil législatif palestinien, a attiré l'attention sur la situation des membres du Conseil législatif palestinien détenus par la puissance occupante. Israël détient ces personnes en totale violation de toutes les dispositions du droit international, en particulier des Conventions de Genève, a-t-il souligné. L'accord intérimaire israélo-palestinien signé à Washington en septembre 1995 reconnaissait pourtant l'importance du processus associé à la désignation de représentants élus du peuple palestinien. Or, la majorité des membres du Conseil législatif qui sont détenus l'ont été pour activité illicite, ce qui ne tient absolument aucun compte de leur immunité parlementaire, ni des accords susmentionnés signés par les parties prenantes. Israël doit être exhorté à relâcher ces personnes immédiatement et sans condition, a déclaré M. Shreem.
M. Jan Borgen, Secrétaire général adjoint de la Commission internationale de juristes, s'est penché sur la législation applicable aux prisonniers politiques palestiniens dans les prisons israéliennes et sur le recours à la détention administrative de la part des autorités israéliennes. Alors que le droit international exige que les personnes d'un territoire occupé accusées d'un délit soient détenues dans ledit territoire occupé et, si elles sont condamnées, y purgent leur peine, quelque 4500 prisonniers palestiniens condamnés ou placés en détention provisoire ou en détention administrative continuent d'être détenus dans les prisons et les centres de détention israéliens. M. Borgen a rappelé que les obligations découlant du droit international humanitaire et du droit relatif aux droits de l'homme sont applicables à la bande de Gaza et à la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est. Israël est partie aux Conventions de Genève, a-t-il souligné.
Depuis des décennies, plusieurs milliers de Palestiniens ont été placés en détention administrative par les autorités israéliennes, a poursuivi M. Borgen. Selon le Service pénitentiaire israélien, plus de 300 Palestiniens, dont plus d'une vingtaine de membres du Conseil législatif palestinien, sont actuellement maintenus en détention administrative sans aucune charge ni aucun procès. La détention administrative est une mesure privative de liberté qui relève d'une décision administrative et non d'une décision judiciaire; une telle décision ne s'accompagne d'aucune charge pénale à l'encontre de la personne visée et la prive donc de son droit à un procès en bonne et due forme. Les autorités israéliennes ont recours à la détention administrative parce qu'elles considèrent qu'elle constitue une alternative rapide aux procédures pénales, a expliqué M. Borgen. En vertu du droit international, a-t-il rappelé, la détention administrative ne doit être utilisée que dans des circonstances exceptionnelles et en tout dernier recours, si la sécurité de l'État est menacée. En outre, selon les Normes minimales des Nations Unies pour le traitement des prisonniers, les personnes arrêtées ou incarcérées sans avoir été inculpées doivent se voir accorder la même protection que celle accordée aux autres prisonniers arrêtés ou en détention préventive, en termes de présomption d'innocence, d'assistance médicale, de communication avec des proches et d'accès à un avocat.
M. Borgen a enfin rappelé qu'en vertu du droit israélien, la pratique de la détention administrative avait été élargie à une nouvelle catégorie de détenus administratifs: les combattants illégaux, qui vise toute personne ayant pris part directement ou indirectement à des hostilités contre l'État d'Israël. Ainsi, à l'origine, la loi sur la détention des combattants illégaux adoptée en 2002 permettait-elle de placer en détention administrative indéfinie les ressortissants étrangers considérés comme combattants illégaux par Israël. Ayant été amendée en juillet 2008, cette loi permet désormais de maintenir une personne en détention pendant 14 jours au maximum avant de la présenter à un juge de tribunal de district afin de déterminer si son statut est celui d'un «combattant illégal»; elle permet en outre d'empêcher le détenu de consulter un avocat pendant une durée maximale de 21 jours.
M. Mohammad Albatta, Directeur général du Programme de réinsertion au Ministère de l'Autorité palestinienne chargé de la question des prisonniers, a présenté la politique de l'Autorité palestinienne de réinsertion au sein de leur communauté d'origine des prisonniers palestiniens qui ont été libérés. La très grande majorité des anciens prisonniers souffrent de troubles post-traumatiques imputables à leur incarcération, a-t-il souligné; ils ont donc besoin d'un accompagnement psychosocial lors de leur sortie de prison. Selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), près de 850 000 Palestiniens et Palestiniennes de tous âges auraient été emprisonnés depuis 1967, dont 10 000 enfants, 15 000 femmes et environ 20 000 détenus administratifs depuis l'an 2000. Ceux qui sont morts pendant leur incarcération sont au nombre de 205, dont 70 sous la torture et 51 pour cause de négligence médicale, a précisé M. Albatta. Par ailleurs, 74 prisonniers ont été tués lors de leur arrestation, 7 ont été victimes de tirs en prison et 3 sont décédés immédiatement après leur libération, faute d'avoir été soignés pour un cancer diagnostiqué en prison, tandis que 200 prisonniers souffrent d'une forme de schizophrénie, 120 d'épilepsie et 20 d'arriération mentale. Le taux de chômage est particulièrement élevé parmi les ex-prisonniers, a souligné M. Albatta.
Entre 1995, année où le Programme de réinsertion a été mis en place, et 2011, 20 621 ex-prisonniers ont bénéficié des principaux services offerts au titre de ce Programme dont M. Albatta est le Directeur général. Sur ce total, 5950 ont eu la possibilité de suivre des études supérieures et obtenu un diplôme universitaire. L'Autorité palestinienne, qui était jusqu'ici le principal employeur des familles d'ex-prisonniers, n'est désormais plus en mesure de recruter de nouveaux fonctionnaires car les effectifs de ses institutions sont arrivés à saturation, a expliqué M. Albatta, ajoutant que l'Autorité palestinienne est, de plus, aux prises avec des difficultés financières dues au fait que les bailleurs de fond n'ont pas tenu les engagements qu'ils avaient souscrits à son égard.
Mme Lama Odeh Sharif, Superviseur psychosocial chargée du Programme de réadaptation à l'Union chrétienne de jeunes gens à Jérusalem-Est, a exposé la situation et les besoins, après leur libération, des personnes détenues en Israël depuis leur enfance. Elle a rappelé que trois générations de Palestiniens sont nées sous l'occupation israélienne. Toute arrestation pour un enfant a des conséquences traumatisantes qui restent gravées dans sa mémoire; l'enfant devient perdu, déconcentré et perçoit le monde comme un enfer, a souligné Mme Sharif. Elle a rappelé que la grande majorité des personnes ayant été détenues par les autorités israéliennes ont vu les forces israéliennes pénétrer dans leur foyer et ont été victimes d'humiliations ou d'insultes, ce qui ne va pas sans laisser des séquelles; cela nourrit le sentiment d'insécurité, de peur et de panique, car l'enfant réalise qu'il n'est pas à l'abri de la violence des adultes. Mme Sharif a insisté sur les inspections à nu, l'isolement et la détention incommunicado que subissent nombre de prisonniers et a fait observer qu'environ 80% des enfants ayant été détenus souffrent par la suite de stress post-traumatique, nombre d'entre eux souffrant également d'anxiété ou de tendances dépressives, entre autres. En outre, ces enfants, à leur libération, se coupent souvent des amis qu'ils avaient avant leur détention. Par la suite, la vie professionnelle des anciens détenus est incontestablement affectée par ces expériences, a-t-elle souligné.
Au cours de la discussion qui a suivi les exposés d'experts, un représentant du Centre palestinien des droits de l'homme de Gaza a estimé qu'il serait important de débattre de la manière dont Israël érige en infraction toute vie sociale ou politique, y compris les manifestations pacifiques, dans les territoires palestiniens occupés. Un représentant de Addameer Prisoner Support and Human Rights Association (Jérusalem) a souligné que les détentions de Palestiniens dont il est aujourd'hui question, en particulier pour ce qui est des parlementaires palestiniens, sont fondées sur des critères politiques et constituent une ingérence dans la vie politique palestinienne. Un professeur de droit de l'Université d'Hébron a souhaité savoir le temps que cela peut prendre pour un détenu de se remettre de ce qu'il a vécu. Une représentante de BADIL Resource Center for Palestinian Residency and Refugee Rights a insisté pour qu'Israël mette un terme aux souffrances des prisonniers palestiniens. Un représentant de la Fondation des droits de l'homme (section de Johannesburg) a souhaité savoir s'il ne serait pas possible de disposer d'un registre des détenus et des éventuels cas de torture à leur encontre, afin de disposer d'une liste des auteurs de ces crimes de manière à ce que lorsque l'un d'eux cherche à entrer sur le territoire d'un pays, il puisse être identifié et éventuellement être poursuivi.
Dans leurs réponses, les panélistes ont notamment suggéré que les États pourraient être amenés à exercer leur compétence universelle. Un expert a toutefois ajouté qu'ils ne le font pas pour ce qui est des pratiques israéliennes. Il faut que les crimes commis contre les détenus palestiniens soient jugés en vertu des Conventions de Genève, a déclaré un autre. Le concept de combattant illégal n'existe pas; c'est Israël qui l'a créé, a-t-il ajouté. On sait qu'Israël a recours à la torture, mais il faudrait pouvoir disposer de documents attestant de ces actes, a souligné un panéliste. Un expert a souligné que les traumatismes vécus par les détenus remontent à la surface à diverses périodes de leur vie.
En conclusion, les panélistes ont rappelé la responsabilité commune de tous les membres de la communauté internationale face à la situation que vivent les familles palestiniennes dont les membres, y compris des enfants, sont détenus par les autorités israéliennes. Il faut imputer la responsabilité de tous ces maux à l'occupation israélienne, ont-ils souligné, l'un d'entre eux admettant que les auteurs de ces crimes ne devraient pas être autorisés à pénétrer sur le territoire d'un pays tiers.
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