Fil d'Ariane
LE COMITÉ POUR LES DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS CONCLUT SES TRAVAUX EN ADOPTANT DES OBSERVATIONS SUR LE PARAGUAY ET LE TADJIKISTAN
Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a conclu, vendredi 27 avril, les travaux de sa seizième session, en présentant ses observations finales sur les mesures prises par le Paraguay et le Tadjikistan en application de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Les deux pays ont présenté leurs rapports initiaux au début de la session.
S'agissant du Paraguay, le Comité salue notamment ses efforts pour soutenir les Paraguayens qui décident de rentrer au pays dans le cadre du programme «Mon pays, ma maison». Le Comité se félicite des accords de régularisation que le Paraguay a signé avec les pays voisins membres du MERCOSUR et pays associés, en particulier le programme de régularisation des migrants entamé en 2009 qui a permis de régulariser 12 000 migrants. Le Comité est préoccupé que les travailleurs migrants, en particulier ceux en situation irrégulière, soient souvent vulnérables à être soumis au travail forcé, aux abus et autres formes d'exploitation, y compris des salaires insuffisants, des horaires de travail excessifs, en particulier dans l'agriculture et le travail domestique. Il est préoccupé de ce que les migrantes en situation irrégulière qui travaillent comme domestiques sont particulièrement vulnérables à l'exploitation, à la violence sexuelle et à un accès limité au recours juridictionnel effectif.
En ce qui concerne le Tadjikistan, le Comité se félicite de l'adoption de mesures législatives et de la conclusion d'accords bilatéraux et multilatéraux liés aux travailleurs migrants. Il note toutefois avec préoccupation que le projet de loi sur les migrations à l'étranger de citoyens tadjiks à des fins de travail utilise une terminologie qui n'est pas compatible avec la Convention - en particulier les termes «migrants illégaux», et contient des dispositions qui restreignent le droit des citoyens de quitter le pays, imposant notamment l'obligation d'obtention de qualifications professionnelles avant de migrer à l'étranger et de soutien matériel à leur famille; le Tadjikistan est invité à amender ce projet de loi afin d'assurer sa pleine conformité avec la Convention. Le Comité note en outre avec préoccupation le grand nombre de décès de travailleurs migrants tadjiks dans les principaux pays d'emploi, en particulier en Fédération de Russie, et juge préoccupant le faible nombre d'enquêtes menées sur les causes de ces décès.
Lors de la séance de clôture de vendredi, le Président du Comité, M. Abdelhamid El Jamri, a indiqué que durant la session, le Comité a également procédé à l'adoption des listes de points à traiter devant être adressées à plusieurs pays - Rwanda, Bolivie, Bosnie-Herzégovine, Colombie, Azerbaïdjan, Philippines, El Salvador et Mali – qui doivent présenter des rapports lors de sessions futures. Au cours de cette seizième session, le Comité a par ailleurs adopté un amendement à son règlement intérieur lui permettant désormais d'examiner la mise en œuvre de la Convention dans un État partie en l'absence de rapport. Le Comité s'est par ailleurs penché sur les questions relatives à ses méthodes de travail. Il a aussi son rapport annuel, qui sera présenté à la prochaine session de l'Assemblée générale.
Le Comité a en outre poursuivi la discussion sur son projet d'observation générale n°2, qui porte sur les droits des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille et fait suite à la journée de débat général sur cette question que le Comité a tenue lors de sa dernière session. Le Comité entend adopter le texte final de cette observation générale lors de sa prochaine session, au mois de septembre 2012.
Le Comité s'est d'autre part entretenu avec les collaborateurs du Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants concernant les activités du Rapporteur spécial et du Comité pouvant faire l'objet de convergence dans les années à venir, s'agissant notamment des questions - étroitement liées - des travailleurs migrants en situation irrégulière et de la détention des migrants.
À l'ouverture de la session, lundi 16 avril, le Comité a réélu M. Abdelhamid El Jamri à sa présidence et a élu Mme Myriam Poussi, M. Francisco Carrión Mena et M. Azad Taghizade aux postes de Vice-Présidents et M. Ahmadou Tall au poste de Rapporteur.
Plus de 200 millions de migrants, notamment des travailleurs migrants, des réfugiés, des requérants d'asile, des immigrés permanents et autres, vivent et travaillent dans un pays dont ils ne sont pas originaires. Ils représentent près de 3% de la population mondiale. Le Comité est chargé de surveiller l'application, par les États parties, de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, qui vise à empêcher l'exploitation des travailleurs migrants et impose des normes internationales pour protéger les migrants et leurs familles.
Au cours de sa prochaine session, qui se tiendra du 10 au 14 septembre 2012 à Genève, le Comité doit examiner le rapport initial du Rwanda et le deuxième rapport périodique de la Bosnie-Herzégovine.
Observations finales
Les versions complètes des observations finales du Comité adoptées au cours de la présente session sont disponibles sur la page Web de la session. Le lien paraîtra dans la colonne de droite du tableau sous la mention Concluding Observations, en regard du nom du pays concerné.
S'agissant du rapport du Paraguay, le Comité note avec satisfaction la tenue du référendum du 9 octobre 2011 qui a donné le droit de vote aux Paraguayens vivant à l'étranger. Il salue les efforts du Paraguay pour soutenir les Paraguayens qui décident de rentrer au pays dans le cadre du programme «Mon pays, ma maison». Le Comité salue aussi les efforts entrepris pour combattre la traite, notamment la création, en 2005, de l'office interinstitutions de lutte contre la traite de personnes et la création en 2008 d'une unité spéciale du ministère public pour lutter contre la traite et l'exploitation sexuelle des enfants. Il reste toutefois préoccupé de l'absence d'une loi sur la traite des personnes et du manque de ressources humaines et financières pour lutter efficacement contre la traite des êtres humains et l'exploitation de la prostitution et fournir une protection et des services aux victimes. Il insiste en outre sur la nécessité de poursuivre la collaboration avec les pays voisins pour répondre adéquatement au problème de la traite. Le Comité se félicite des accords de régularisation que le Paraguay a signé avec les pays voisins membres du MERCOSUR et pays associés, en particulier le programme de régularisation des migrants entamé en 2009 qui a permis de régulariser 12 000 migrants. Il se félicite également de l'adoption récente d'une loi d'amnistie. Le Comité se félicite du travail effectué par la Direction générale des migrations dans ce domaine et prend note des institutions créées pour gérer les questions migratoires, mais recommande un renforcement du cadre institutionnel pour la gestion des questions migratoires. Le Comité encourage le Paraguay à veiller à ce que la Convention soit prise en compte dans la formulation et la mise en œuvre de toutes les politiques relatives aux droits des travailleurs migrants. Il recommande aussi au Paraguay de renforcer ses efforts pour former tout le personnel travaillant dans le domaine de la migration, en particulier des fonctionnaires de police et des frontières, ainsi que des fonctionnaires locaux qui ont à s'occuper des travailleurs migrants.
Le Comité reste préoccupé que les travailleurs migrants, indépendamment de leur statut juridique, n'ont, dans la pratique, qu'un accès limité à la justice en raison du manque de voies de recours administratives et judiciaires auxquelles ils ont droit. Il recommande en outre au Paraguay de s'assurer que les travailleurs migrants et leurs familles, y compris ceux en situation irrégulière, ont les mêmes droits que les ressortissants paraguayens à déposer plainte et obtenir réparation. Le Comité est préoccupé que les travailleurs migrants, en particulier ceux en situation irrégulière, soient souvent vulnérables à être soumis au travail forcé, aux abus et autres formes d'exploitation, y compris des salaires insuffisants, des horaires de travail excessifs, en particulier dans l'agriculture et le travail domestique. Il est préoccupé de ce que les migrantes en situation irrégulière qui travaillent comme domestiques sont particulièrement vulnérables à l'exploitation, à la violence sexuelle et à un accès limité au recours juridictionnel effectif. Il recommande un renforcement de l'inspection du travail et l'application d'amendes et autres pénalités aux employeurs qui exploitent les travailleurs migrants ou les assujettissent au travail forcé et à la violence, et un contrôle des pratiques d'emploi dans l'agriculture et le travail domestique. Il prie instamment le Paraguay à envisager la nécessité de la protection des enfants migrants qui ont été séparés de leurs familles et d'élaborer une stratégie efficace pour résoudre le problème des mineurs non accompagnés et séparés.
En ce qui concerne le Tadjikistan, le Comité se félicite de l'adoption d'un certain nombre de mesures législatives et de décisions et décrets gouvernementaux, parmi lesquels la Loi de 2009 sur la protection du travail; la décision gouvernementale de 2007 approuvant les règles applicables au Bureau pour la migration en Fédération de Russie du Ministère des affaires intérieures; la décision gouvernementale concernant le Programme de migrations internationales des citoyens tadjiks à des fins de travail (2006-2010); ou encore de la Loi de 2004 contre le trafic de personnes. Il se félicite également de la mise en place de la Stratégie nationale sur la migration internationale des citoyens tadjiks à des fins de travail (2011-2015) et de la conclusion par le Tadjikistan d'un certain nombre d'accords bilatéraux et multilatéraux liés aux travailleurs migrants. Toutefois, le Comité note avec préoccupation que le projet de loi sur les migrations à l'étranger de citoyens tadjiks à des fins de travail utilise une terminologie, en particulier pour ce qui est de parler de «migrants illégaux», qui n'est pas compatible avec la Convention. Ce projet de loi contient en outre des dispositions qui restreignent le droit des citoyens de quitter le pays et leur impose des obligations d'obtention de qualifications professionnelles avant de migrer à l'étranger et de soutien matériel à leur famille par le biais de transferts de fonds. Aussi, est-il recommandé au Tadjikistan d'envisager d'amender ce projet de loi afin d'assurer sa pleine conformité avec la Convention.
D'autre part, le Comité regrette que la Stratégie nationale sur la migration internationale des citoyens tadjiks à des fins de travail (2011-2015) ne contienne pas de dispositions portant sur la réintégration des migrants tadjiks qui rentrent au pays. Le Tadjikistan est en outre invité à faire la déclaration prévue aux articles 76 et 77 de la Convention reconnaissant la compétence du Comité pour examiner des communications émanant d'États parties ou d'individus. Le pays est également invité à envisager de ratifier les Conventions n°181 et 189 de l'OIT concernant respectivement les agences privées d'emploi et les travailleurs domestiques. Par ailleurs, le Comité recommande au Tadjikistan de prendre les mesures nécessaires, y compris par le biais d'amendements législatifs, afin d'assurer le droit des travailleurs migrants étrangers et apatrides et des membres de leur famille de se marier avec des ressortissants tadjiks et d'acquérir des biens immobiliers. Le Tadjikistan est en outre encouragé à renforcer ses efforts en vue de conclure des accords de sécurité sociale avec la Fédération de Russie et d'autres pays d'emploi. Le Comité se dit préoccupé par les informations indiquant que les travailleurs migrants tadjiks et les membres de leur famille souffrent d'attitudes discriminatoires et sont souvent la cible de crimes de haine et d'attaques xénophobes dans les principaux pays d'emploi, en particulier en Fédération de Russie. Il est recommandé au Tadjikistan de fournir une assistance aux migrants tadjiks qui sont victimes de discrimination, de violence et de détention prolongée dans les pays d'emploi. Enfin, le Comité note avec préoccupation le grand nombre de décès de travailleurs migrants tadjiks dans les principaux pays d'emploi, en particulier en Fédération de Russie – décès qui seraient dus à la maladie, à des accidents ou à des homicides – et juge préoccupant le faible nombre d'enquêtes menées sur les causes de ces décès.
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CMW12/005F