Fil d'Ariane
LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE A CLOS LES TRAVAUX DE SA QUARANTE-SEPTIÈME SESSION
Le Comité contre la torture a conclu aujourd'hui les travaux de sa quarante-septième session, en rendant publiques ses observations finales sur les rapports des huit pays examinés au cours de cette session: Maroc, Djibouti, Paraguay, Allemagne, Sri Lanka, Bulgarie, Madagascar et Bélarus. L'examen du rapport de la Grèce, prévu pour la présente session, a été reporté à sa demande à la prochaine session du Comité. Le Comité a par ailleurs décidé de demander à la Syrie de lui présenter un rapport spécial pour examen également à sa session de mai prochain.
S'agissant du Maroc, le Comité se félicite de l'adoption d'une nouvelle Constitution qui contient des dispositions interdisant la torture. Il se dit toutefois préoccupé par l'impunité de fait à laquelle pourraient entraîner les travaux de l'Instance équité et réconciliation s'agissant de violations au cours de la période 1956-1999, aucune poursuite n'étant encore intervenue. Il est par ailleurs recommandé au Maroc de réviser sa loi antiterroriste.
Le Comité se félicite de la création récente par Djibouti d'une Commission des réformes juridiques et judiciaires mais reste préoccupé par l'absence d'une enquête approfondie sur l'arrestation de plus de 300 personnes lors des manifestations qui se sont déroulées le 18 février 2011, dont plusieurs auraient subi des tortures et mauvais traitements. Il est en outre recommandé à Djibouti d'instaurer un système national indépendant et efficace de surveillance et d'inspection des lieux de privation de liberté.
En ce qui concerne le Paraguay, le Comité salue les visites récentes dans le pays du Sous-Comité de la prévention de la torture, mais demande au pays d'accélérer l'application de la loi créant le mécanisme national de prévention de la torture. Il réitère en outre sa recommandation visant à ce que le Paraguay adopte une définition de la torture qui soit conforme à celle de la Convention.
Le Comité se réjouit de l'adoption par l'Allemagne de plusieurs lois ainsi que de la création de l'Agence nationale pour la prévention de la torture. Le Comité exhorte le pays à prévenir la traite de personnes, qui pourrait concerner 15 000 victimes. Il lui recommande aussi de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer que toutes les allégations de torture de la part de la police fassent rapidement l'objet d'une enquête indépendante et approfondie.
S'agissant de Sri Lanka, le Comité note les efforts menés pour réformer la législation. Tout en notant les circonstances nouvelles qui prévalent depuis la défaite des Tigres de libération de l'Eelam tamoul et l'engagement pris par Sri Lanka devant le Comité s'agissant de sa politique de «tolérance zéro» contre la torture, le Comité reste gravement préoccupé par les allégations persistantes d'utilisation généralisée de la torture sur des suspects placés en garde à vue, en particulier pour obtenir des aveux ou des informations destinés à être utilisés dans des procédures pénales.
Le Comité se félicite que le Bulgarie ait ratifié, cette année, le Protocole facultatif sur la prévention. Il se dit toutefois préoccupé par l'absence, dans le Code pénal bulgare, d'une définition globale de la torture intégrant tous les éléments énoncés dans la Convention et par l'absence de législation déclarant inadmissibles les preuves obtenues sous la torture. Sont aussi jugées préoccupantes les conditions de détention dans le pays. Il est en outre recommandé à la Bulgarie d'accorder les garanties juridiques et de procédure adéquates pour protéger les droits des personnes souffrant de handicaps mentaux.
En ce qui concerne Madagascar, le Comité prend note de l'interdiction de la torture consacrée par la Constitution. Il se dit toutefois préoccupé par les nombreuses allégations de violations des droits de l'homme depuis la crise politique de 2009, notamment la torture, les exécutions sommaires et extrajudiciaires et les disparitions forcées, qui n'ont pas fait l'objet d'enquêtes ni de poursuites. Par ailleurs, le Comité recommande à Madagascar de redoubler d'efforts pour s'assurer que les détenus bénéficient de l'ensemble des garanties juridiques fondamentales, dès le début de leur détention.
S'agissant enfin du Bélarus, le Comité note les efforts déployés par le pays pour réformer ses lois, politiques et procédures dans les domaines relevant de la Convention. Il demande toutefois aux autorités de communiquer les résultats des enquêtes sur plusieurs cas spécifiques portés à l'attention du Comité et sur les allégations d'utilisation disproportionnée de la force contre environ 300 manifestants, le 19 décembre 2010, à Minsk. Le Comité est profondément préoccupé par les allégations nombreuses et concordantes faisant état de tortures et de mauvais traitements commis sur des personnes détenues au Bélarus.
Le Comité a par ailleurs indiqué, en fin de session, qu'il avait demandé au Gouvernement de la Syrie de lui fournir un rapport ad hoc avant le 9 mars 2012, indiquant les mesures qui sont prises pour assurer l'application de toutes les obligations du pays en vertu de la Convention ainsi que pour informer le Comité des événements qui se déroulent actuellement dans le pays. Le Comité examinera ce rapport lors de sa prochaine session, en mai 2012.
Au cours de la session, le Comité a en outre tenu une réunion avec le Sous-Comité pour la prévention de la torture, créé en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Il a également rencontré des organisations non gouvernementales qui ont présenté des témoignages sur la situation prévalant dans des pays présentant des rapports à la présente session. Le Comité a par ailleurs examiné à huis clos les communications qui lui sont soumises par des particuliers qui se plaignent d'être victimes de la violation d'une ou de plusieurs dispositions de la Convention par un État partie.
Le Comité s'est en outre penché sur le suivi de ses recommandations aux États parties suite à l'examen des leurs rapports, ainsi qu'au suivi des avis qu'il émet concernant des plaintes qu'il reçoit contre des États parties. À ce titre, le Comité a décidé de recommander au Sénégal de prendre toutes les mesures nécessaires pour juger M. Hissène Habré, réfugié sur son territoire; à défaut, d'accepter rapidement la demande d'extradition déposée par la Belgique en vue de son jugement.
Le Comité a en outre tenu des consultations avec des divers acteurs concernés en vue de la rédaction d'une observation générale relative à l'article 14 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui porte sur le droit des victimes de la torture d'obtenir réparation et d'être indemnisées.
Lors de sa quarante-huitième session, qui se tiendra à Genève du 7 mai au 1er juin 2012, le Comité a prévu d'examiner les rapports des pays suivants: Albanie, Arménie, Canada, Cuba, Fédération de Russie, Grèce, République tchèque et Mexique, ainsi que le rapport ad hoc demandé à la Syrie.
Observations finales
Le Comité contre la torture a adopté des observations finales sur tous les rapports examinés au cours de la session et présentés par les huit pays suivants (dans l'ordre de présentation des rapports): le Djibouti, le Paraguay, l'Allemagne, Sri Lanka, la Bulgarie, Madagascar et le Bélarus. Les textes complets des observations finales seront disponibles sur la page Internet de la session, à l'adresse suivante: http://www2.ohchr.org/english/bodies/cat/cats47.htm (avant dernière colonne en regard de chaque pays).
Ainsi, le Comité prend note avec satisfaction des actions entreprises par le Maroc pendant la période couverte par son quatrième rapport périodique, notamment les ratifications de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées; de la Convention relative aux droits des personnes handicapées; et du Protocole contre le trafic illicite des migrants de la Convention des Nations Unies contre la criminalité organisée. Le Comité note avec satisfaction l'adoption par référendum, en juillet 2011, d'une nouvelle Constitution qui contient des clauses relatives à l'interdiction de la torture et aux garanties fondamentales pour les personnes arrêtées, détenues, poursuivies ou condamnées; la création, en mars 2011, du Conseil national des droits de l'homme, qui remplace le Conseil consultatif des droits de l'homme et bénéficie de pouvoirs élargis; et le moratoire sur l'exécution des peines capitales.
Le Comité est préoccupé par le fait que les travaux de l'Instance équité et réconciliation puissent entrainer l'impunité de fait des auteurs de violations de la Convention au cours de la période 1956-1999, puisqu'aucun d'entre eux n'a, jusqu'à présent, été poursuivi. Le Maroc devrait s'assurer que le Conseil national des droits de l'homme, qui a été désigné pour finaliser les travaux de l'IER, poursuive ses efforts afin d'élucider les disparitions forcées entre 1956 et 1999 non encore élucidées, y compris les cas relatifs au Sahara occidental. Le Maroc devrait également intensifier ses efforts pour assurer aux victimes de la torture et des mauvais traitements une réparation sous la forme d'une indemnisation équitable et suffisante et d'une réadaptation aussi complète que possible. Le Comité recommande en outre que le Maroc révise sa loi antiterroriste 03-03, afin de mieux y définir le terrorisme, de réduire la durée de la garde à vue au strict minimum et d'autoriser l'accès à un avocat au début de la détention. De plus, le Maroc ne devrait en aucune circonstance expulser, renvoyer ou extrader une personne vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture. Le Maroc devrait enfin respecter ses obligations internationales et se conformer aux décisions finales et intérimaires du Comité dans les cas individuels qui lui sont soumis: le Maroc devrait ainsi annuler l'extradition de M. Ktiti vers son pays d'origine, sous peine de violer l'article de 3 de la Convention.
S'agissant du rapport initial de Djibouti, le Comité prend note avec satisfaction de la ratification par ce pays de plusieurs instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme , ainsi que du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Le Comité se félicite de ce que, au terme des dispositions de l'article 37 de la Constitution, les instruments internationaux ratifiés par Djibouti, y compris la Convention, ont une hiérarchie supérieure à celle des lois et peuvent être directement appliqués dans une procédure judiciaire nationale. Le Comité note avec satisfaction la création d'une Commission des réformes juridiques et judiciaires, en août 2011, ayant pour mission de moderniser la législation et l'harmoniser avec les obligations qui découlent notamment de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Comité note aussi avec satisfaction que l'État partie a aboli la peine de mort en 1995.
Cependant, malgré les explications données pendant le dialogue, le Comité demeure préoccupé par l'absence d'une enquête approfondie sur l'arrestation de plus de 300 personnes lors des manifestations qui se sont déroulées le 18 février 2011, dont plusieurs auraient subi des tortures et mauvais traitements dans les locaux de la gendarmerie. Djibouti devrait sans délai ouvrir des enquêtes indépendantes, impartiales et approfondies sur l'incident susmentionné afin de traduire en justice les auteurs éventuels des violations de la Convention. Le Comité recommande que ces enquêtes soient menées par un mécanisme d'experts indépendants pour que toutes les informations soient examinées de manière approfondie, que l'on parvienne à des conclusions sur les faits et les mesures prises et qu'une indemnisation adéquate, y compris les moyens nécessaires à une réadaptation la plus complète possible, soit accordée aux victimes et à leur familles. Le Comité recommande enfin à Djibouti d'instaurer un système national indépendant et efficace de surveillance et d'inspection des lieux de privation de liberté, et de donner suite aux résultats de cette surveillance systématique. Djibouti devrait aussi renforcer sa coopération avec les organisations non gouvernementales et leur apporter davantage de soutien pour leur permettre d'assurer une surveillance indépendante sur les conditions de détention dans les lieux de privation de liberté.
Le Comité note avec satisfaction que le Paraguay, soit devenu partie, depuis l'examen du précédent rapport, à un grand nombre d'instruments internationaux, notamment le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le Protocole facultatif sur l'abolition de la peine de mort, la Convention sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et le Protocole facultatif de la Convention contre la torture. À cet égard, il salue les visites récentes dans le pays du Sous-Comité de la prévention de la torture. Il demande toutefois au Paraguay d'accélérer l'application de la loi créant le mécanisme national de prévention. Le Comité prend note des efforts consentis par le Paraguay pour revoir sa législation en vue de suivre les recommandations du Comité et d'améliorer l'application des traités internationaux dans le domaine des droits de l'homme. Il réitère toutefois sa recommandation que le pays adopte une définition de la torture qui soit conforme à celle figurant à l'article premier de la Convention et lui demande de veiller à ce que les peines prévues pour ces actes soient adéquates et tiennent compte de leur gravité.
Le Comité est préoccupé que les droits de l'homme des détenus prévus par la législation ne soient pas respectés dans la pratique, en particulier s'agissant de l'accès à un avocat dès les premiers instants de la détention, de l'accès à des examens médicaux indépendants, d'informer la famille de la personne arrêtée et d'informer cette dernière de ses droits au moment de l'arrestation. Le Paraguay devrait garantir une assistance juridique gratuite dès les premiers instants de la détention à toutes les personnes sans ressources qui en font la demande. Le Comité est également préoccupé par le manque de respect de la durée maximum de détention préventive et par les dispositions limitant la possibilité de recours à cet égard. Le Paraguay doit aussi s'assurer que les déclarations obtenues sous la torture sont irrecevables devant un tribunal. Le Comité est par ailleurs préoccupé par la proclamation à plusieurs reprises de l'état d'urgence dans certaines régions du pays et demande que soit respectée l'interdiction absolue de la torture en toutes circonstances. Le Paraguay devrait en outre prendre des mesures immédiates pour éradiquer la corruption dans la police et le système pénitentiaire, qui représente un obstacle à la mise en œuvre effective de la Convention. Le Comité lui demande aussi de prendre des mesures de prévention et de lutte contre l'impunité, notamment en s'assurant que toutes les allégations de torture ou de mauvais traitements sont examinées rapidement et de façon impartiale par un organisme indépendant; que les auteurs présumés d'actes de torture soient dûment poursuivis et que ceux qui sont reconnus coupables reçoivent des sanctions qui reflètent la gravité de leurs actes; que les victimes reçoivent une indemnisation adéquate et obtiennent une réhabilitation aussi complète que possible.
Le Comité se réjouit de l'adoption par l'Allemagne d'un certain nombre de lois, parmi lesquelles la Loi fédérale de 2009 sur le contrôle parlementaire des services de renseignements et la Loi fédérale de 2011 sur la détention préventive, qui exige que ce type de détention ne soit appliqué que comme mesure de dernier recours conformément aux principes de nécessité et de proportionnalité. Le Comité note toutefois avec regret l'information selon laquelle plus de 500 personnes restent en détention préventive, certaines depuis plus de 20 ans. Le Comité se félicite par ailleurs de la création de l'Agence nationale pour la prévention de la torture, mandatée pour faire office de mécanisme national indépendant de prévention au titre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, mais se dit préoccupé par l'insuffisance des ressources humaines, financières et techniques à sa disposition. L'Allemagne devrait inclure la torture en tant que délit spécifique dans sa loi pénale et assurer que sa définition de la torture englobe tous les éléments énoncés à l'article premier de la Convention. Préoccupé par la clémence des peines prévues dans le Code pénal militaire pour mauvais traitement ou traitement dégradant, qui vont de six mois à cinq années d'emprisonnement, même si l'acte incriminé à causé des douleurs ou des souffrances graves, le Comité estime que l'Allemagne devrait amender son Code pénal militaire afin de sanctionner par des peines appropriées les délits de torture dans l'armée.
Relevant d'autre part des informations sur l'importance du nombre de victimes de la traite en provenance de divers pays européens, asiatiques et africains, le Comité exhorte l'Allemagne à prévenir le trafic de personnes et les pratiques associées et à enquêter sur ces pratiques, afin d'en poursuivre et punir les auteurs. Le Comité recommande en outre au pays de réglementer strictement l'usage de la contrainte physique dans les prisons, les hôpitaux psychiatriques, les prisons pour jeunes et les centres de détention pour étrangers, afin d'en minimiser l'utilisation dans tous les établissements et, en fin de compte, en vue de son abandon dans tous les cadres non médicaux. Des mesures appropriées doivent être prises pour assurer que toutes les allégations de torture et de mauvais traitement de la part de la police fassent rapidement l'objet d'une enquête indépendante et approfondie par des organes indépendants, sans qu'il n'existe aucun lien hiérarchique ou institutionnel entre les enquêteurs et les policiers auteurs présumés de ces actes. L'Allemagne est par ailleurs instamment priée de limiter le nombre de requérants d'asile détenus ainsi que la durée de leur détention avant renvoi dans leur pays. Il est en outre recommandé au pays de s'abstenir de rechercher et d'accepter des assurances diplomatiques, tant dans le contexte de l'extradition que dans celui de l'expulsion, émanant d'un pays où existent des motifs substantiels de croire que la personne risquerait d'être torturée ou de subir de mauvais traitements à son retour dans ledit pays. L'Allemagne est instamment priée de fournir des informations sur les mesures prises sur les allégations de transferts extraordinaires et de détention au secret de personnes suspectées de terrorisme; elle devrait aussi fournir des informations sur les mesures prises afin d'engager une enquête au sujet des allégations d'implication d'agents chargés de l'application des lois dans les programmes de transferts extraordinaires et de détention au secret. Il est profondément préoccupant que le Gouvernement allemand continue de se fier à des informations transmises par des services de renseignement étrangers, dont certaines pourraient avoir été obtenues sous la torture. Il est par ailleurs recommandé à l'Allemagne d'assurer que les policiers de tous les Länder puissent effectivement être identifiés à tout moment dans l'exercice de leurs fonctions.
Le Comité se félicite que, dans la période écoulée depuis l'examen du deuxième rapport périodique, Sri Lanka ait ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et l'enfant la pornographie, en 2006. Le Comité note les efforts entrepris par Sri Lanka pour réformer sa législation, y compris l'adoption, en 2005, de la loi sur la prévention de la violence familiale, qui prévoit des mesures de protection des enfants et des femmes. Le Comité se félicite également de l'adoption d'un Plan national d'action pour les enfants (2010-2015); et des consultations avec les organisations de la société civile concernant les éléments à incorporer dans un projet de Plan d'action sur les droits de l'homme, qui se concentrerait notamment sur la prévention de la torture.
Nonobstant les circonstances nouvelles qui prévalent depuis la défaite des Tigres de libération de l'Eelam tamoul, et indépendamment de l'engagement pris par Sri Lanka devant le Comité s'agissant de sa politique de «tolérance zéro» contre la torture, le Comité reste gravement préoccupé par les allégations persistantes d'utilisation généralisée de la torture sur des suspects placés en garde à vue, en particulier pour obtenir des aveux ou des informations destinés à être utilisés dans des procédures pénales. Le Comité est également préoccupé par les rapports qui suggèrent que la torture et les mauvais traitements perpétrés par des acteurs étatiques, tant l'armée que la police, ont continué après la fin du conflit, en 2009. Sri Lanka devrait lancer des enquêtes rapides et impartiales spontanément et à chaque fois qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'un acte de torture a été commis. Dans ce contexte, des mesures législatives devraient être prises pour garantir l'indépendance de la magistrature. D'autre part, Sri Lanka devrait s'assurer que personne n'est détenu dans des centres de détention secrets: l'existence de telles institutions étant en soi une violation de la Convention, Sri Lanka devrait enquêter et révéler l'existence de ces centres, avant de les fermer. Le Comité recommande en outre que les autorités prennent toutes les mesures nécessaires pour criminaliser la pratique de la disparition forcée. Sri Lanka devrait enfin envisager la possibilité d'accepter qu'un organisme international d'enquête soit chargé de répondre aux préoccupations sur le manque de crédibilité des enquêtes précédentes de la Commission sur les enseignements retirés et la réconciliation.
Dans ses observations finales sur la Bulgarie, le Comité se félicite que le pays ait ratifié, cette année, le Protocole facultatif sur la prévention se rapportant à la Convention. Il prend par ailleurs note des efforts que déploie actuellement le pays pour revoir sa législation dans les domaines couverts par la Convention, notamment s'agissant de l'indemnisation des victimes de torture et des garanties de procédure associées à l'interdiction et à la prévention de la torture. Le Comité se dit toutefois préoccupé par l'absence, dans le Code pénal bulgare, d'une définition globale de la torture intégrant tous les éléments énoncés à l'article premier de la Convention et recommande au pays d'adopter une définition de la torture conforme à la Convention afin d'assurer que tous les actes de torture – et non pas seulement ceux qui équivalent à des crimes de guerre – puissent être poursuivis. Le Comité fait en outre part de sa préoccupation face aux informations indiquant que l'accès à un avocat durant les 24 heures de garde à vue n'est pas toujours assuré dans la pratique, seule une petite minorité de personnes détenues aux mains de la police –celles qui peuvent s'offrir un avocat – bénéficiant en réalité d'un tel accès. Préoccupé par ailleurs par l'usage excessif de la force et des armes à feu par les agents responsables de l'application des lois, le Comité prie instamment la Bulgarie d'amender sa législation afin d'assurer que les règles applicables à l'usage des armes à feu soient conformes aux normes internationales.
Le Comité recommande à la Bulgarie d'assurer une surveillance indépendante, effective et régulière de tous les lieux de détention par des organes non gouvernementaux indépendants. Le Comité se dit par ailleurs préoccupé par l'absence de législation déclarant inadmissibles les preuves obtenues sous la torture. Préoccupé par le fait que 238 enfants souffrant de handicaps mentaux sont morts durant la période 2000-2010 (alors que dans les trois-quarts de ces cas, le décès était évitable) sans qu'aucune mise en accusation n'ait été prononcée à ce jour sur 166 enquêtes pénales engagées, le Comité recommande à la Bulgarie de revoir sa politique et sa législation consistant à priver de capacité juridique les personnes souffrant de handicaps mentaux; il recommande aussi au pays d'accorder les garanties juridiques et de procédure adéquates en faveur des droits de ces personnes. Le Comité se dit également préoccupé par les conditions de détention dans le pays, du fait notamment du surpeuplement carcéral et des mauvaises conditions sanitaires. Les efforts devraient notamment être renforcés pour prévenir la violence entre prisonniers. Il est en outre recommandé à la Bulgarie de tenir compte de la recommandation du Rapporteur spécial contre la torture exhortant le pays à interdire la détention en isolement comme sanction judiciaire ou disciplinaire. Il est par ailleurs recommandé au pays d'abroger la règle qui permet de détenir un requérant d'asile sur la seule base de son entrée illégale sur le territoire national; de veiller à ce que les requérants d'asile bénéficient d'un logement, de papiers d'identité et d'accès aux soins de santé et à l'éducation; et d'accélérer l'ouverture tant attendue du centre de transit de Pastrogor. Le Comité se dit en outre préoccupé que la Bulgarie n'applique pas pleinement son obligation s'agissant du respect du principe de non-refoulement. Enfin, le Comité se dit profondément préoccupé par les manifestations de discrimination et d'intolérance, y compris les discours haineux et les attaques violentes contre certaines minorités nationales et religieuses et contre les personnes appartenant aux minorités sexuelles.
En ce qui concerne le rapport initial de Madagascar, le Comité accueille avec satisfaction la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale et de la Convention n°105 de l'Organisation internationale du travail sur l'abolition du travail forcé. Il prend note de l'engagement de Madagascar de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et d'élaborer un Plan d'action pour la mise en œuvre des recommandations de l'Examen périodique universel, y compris des mesures appropriées pour combattre efficacement la torture et les mauvais traitements. Le Comité prend aussi note de l'interdiction de la torture consacrée par la Constitution malgache; de l'application du moratoire de facto sur la peine de mort; et de la signature d'une «feuille de route de sortie de crise», en septembre 2011, qui a abouti à la nomination d'un Premier ministre de consensus en vue du retour au fonctionnement normal des institutions nationales, entravé par la crise politique ouverte en 2009.
Le Comité est toutefois préoccupé par les nombreuses allégations de violations des droits de l'homme depuis cette crise, notamment la torture, les exécutions sommaires et extrajudiciaires et les disparitions forcées qui n'ont pas fait l'objet d'enquêtes ni de poursuites. Madagascar devrait mener des enquêtes indépendantes approfondies et impartiales concernant toutes les violations des droits de l'homme, afin d'assurer que les auteurs en sont effectivement poursuivis et punis. Par ailleurs, le Comité recommande à Madagascar de redoubler d'efforts pour s'assurer que les détenus bénéficient de l'ensemble des garanties juridiques fondamentales, dès le début de leur détention. Ces garanties comprennent notamment le droit des détenus d'être informés de leurs droits et des charges retenues contre eux; de bénéficier promptement de l'assistance d'un avocat et, si nécessaire, de l'aide juridictionnelle; de subir un examen médical indépendant; et de comparaître rapidement devant un juge. Le Comité recommande aussi que Madagascar veille à ce que les conditions dans ses prisons soient compatibles avec l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus. Le Comité est enfin préoccupé par le recours systématique de la population au système de justice traditionnel dina, qui aurait donné lieu à des cas de torture et d'exécutions sommaires et extrajudiciaires: Madagascar devrait faire en sorte que les dina soient compatibles avec ses obligations en matière des droits de l'homme, en particulier celles qui découlent de la Convention.
Le Comité se félicite de l'adhésion du Bélarus à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et à la Convention relative aux droits de l'enfant. Le Comité note aussi les efforts déployés par le Bélarus pour réformer ses lois, politiques et procédures dans les domaines relevant de la Convention, notamment la révision du Code pénal et du Code de procédure pénale , entrés en vigueur en 2001; l'adoption de la loi sur les conditions de détention, en 2003; et l'adoption de la nouvelle loi sur l'octroi du statut de réfugié et la protection complémentaire et temporaire aux citoyens étrangers et aux apatrides, en 2008. Rappelant des cas individuels qu'il a soulevés, le Comité demande aux autorités bélarussiennes de communiquer les résultats des enquêtes sur les cas, notamment, de MM. Ales Michalevitch, Andreï Sannikov, Alexandre Otroschenkov et Vladimir Neklyaev, et de Mmes Natalia Radina et Maya Abromchick; et sur les allégations plus générales d'utilisation disproportionnée de la force contre environ 300 manifestants, le 19 décembre 2010, Place de l'Indépendance à Minsk.
Le Comité est profondément préoccupé par les allégations nombreuses et concordantes faisant état de tortures et de mauvais traitements commis sur des personnes détenues au Bélarus. Les autorités du pays devraient prendre des mesures immédiates et efficaces pour prévenir les actes de torture et de mauvais traitements, notamment en mettant en œuvre des politiques qui produisent des résultats mesurables en vue de l'éradication de la torture et des mauvais traitements infligés par des agents de l'État. Le Comité exhorte le Bélarus à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer que les allégations de torture et de mauvais traitements par des agents publics fassent l'objet d'enquêtes transparentes et indépendantes, et que les coupables soient punis selon la gravité de leurs actes. Le Bélarus devrait également prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que les aveux obtenus sous la torture ou la contrainte ne soient pas admis dans les procédures judiciaires. Le Comité est aussi préoccupé par des informations concordantes selon lesquelles les détenus se voient souvent refuser certaines garanties légales fondamentales, comme par exemple le droit de consulter un avocat et de contacter les membres de leur famille, un problème qui concerne en particulier les détenus accusés en vertu de l'article 293 du Code pénal. Le Comité recommande au Bélarus de faire en sorte que tous les détenus bénéficient, en droit et en pratique, des garanties juridiques fondamentales dès le début de leur détention, y compris le droit à un examen par un médecin indépendant; le droit d'être informé des accusations portées contre eux; et le droit de comparaître sans délai devant un juge.
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CAT11/048F