Aller au contenu principal

LE COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS ACHEVE LES TRAVAUX DE SA TREIZIÈME SESSION

Communiqué de presse
Il présente ses observations finales sur les rapports de l'Albanie, de l'Équateur et du Sénégal ainsi que son observation générale sur les travailleurs migrants domestiques

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a clos, ce matin, à Genève, les travaux de sa treizième session, en présentant ses observations finales sur les rapports de l'Albanie, de l'Équateur et du Sénégal, examinés au cours de ces deux semaines de session, ainsi que son observation générale n°1 sur les travailleurs migrants domestiques (dont le texte définitif n'était pas encore disponible au moment de publier ce communiqué).

Dans ses observations finales sur l'Albanie, le Comité se félicite notamment des efforts déployés par le pays pour promouvoir et protéger les droits des travailleurs migrants albanais à l'étranger. Il juge toutefois préoccupant le fait que les électeurs albanais vivant dans un pays tiers n'ont le droit de voter (aux élections albanaises) qu'en se rendant sur le territoire albanais. Il se dit en outre préoccupé par l'information laissant apparaître que les travailleurs migrants et les membres de leur famille pourraient souffrir de diverses formes de discrimination, en particulier dans le domaine de la sécurité sociale. Par ailleurs, il note que la loi ne prévoit pas le renouvellement du permis de résidence pour les membres de la famille d'un travailleur migrant en cas de divorce ou de décès de ce dernier. Le Comité note avec une profonde préoccupation que l'Albanie est devenue un pays d'origine, mais aussi de transit, de personnes victimes de traite à des fins d'exploitation sexuelle et de travail forcé ; sont également jugées préoccupantes les informations selon lesquelles des personnels de police et des agents gouvernementaux seraient impliqués dans ce trafic.

Par ailleurs, le Comité reconnaît que l'Équateur, en tant que pays d'origine de travailleurs migrants, a progressé dans la protection des droits de ses ressortissants se trouvant à l'étranger ; toutefois, ajoute-t-il, en tant que pays de transit et de destination, l'Équateur est confronté à de grands défis en termes de protection des droits des travailleurs migrants. Le Comité se dit préoccupé par les disparités existantes entre la Constitution et les lois secondaires en vigueur. Il se dit aussi préoccupé que dans les médias, ainsi que pour les autorités et la majorité de la population, prédomine une image généralement négative des personnes étrangères qui travaillent en Équateur. Le Comité réitère sa préoccupation face à la discrimination, l'exclusion et l'exploitation dont souffrent les femmes migrantes en Équateur. Il se dit en outre préoccupé que la procédure d'expulsion continue d'avoir, par son essence, un caractère pénal contraire aux dispositions de la Convention. Le Comité continue en outre d'être préoccupé par la participation des enfants et adolescents migrants dans le travail domestique et dans des travaux dangereux.

En ce qui concerne le Sénégal, le Comité note avec satisfaction que la Convention fait partie de l'ordonnancement juridique national et qu'elle a une autorité supérieure à celle des lois. Il s'inquiète toutefois que les droits des travailleurs migrants irréguliers, des travailleurs migrants dans le secteur informel et des travailleurs migrants en transit ne soient pas suffisamment respectés. Il note en outre avec préoccupation que plus de la moitié des enfants contraints à la mendicité dans la région de Dakar viennent des pays limitrophes et que le Sénégal n'a pas adopté de mesures concrètes pour mettre un terme au trafic régional des enfants à des fins de mendicité. Le Comité déplore également que l'exploitation économique à grande échelle des enfants talibés, venus de pays limitrophes, n'a pas fait l'objet d'une attention suffisante de la part du Sénégal.

Les textes complets des observations finales et de l'observation générale adoptées à l'issue de cette treizième session pourront être consultés sur la page web de la session: http://www2.ohchr.org/english/bodies/cmw/cmws13.htm

Durant cette session, le Comité a également tenu, à l'occasion du vingtième anniversaire de la Convention, une journée de discussion sur le thème : « Protéger les droits, construire la coopération ».

Dans sa déclaration de clôture de la session, le Président du Comité, M. Abdelhamid El Jamri, a indiqué que le Comité est très satisfait de cette session car il a atteint tous les objectifs qu'il s'était fixés, non seulement en adoptant ses observations finales sur les rapports des trois États parties examinés, mais aussi en adoptant la liste de questions en vue de l'examen du deuxième rapport périodique du Mexique et en adoptant son observation générale n°1 sur les travailleurs migrants domestiques. En outre, le Comité a organisé une journée de discussion de grande qualité à l'occasion du vingtième anniversaire de la Convention. Dans ce contexte, M. El Jamri a fait observer que l'un des faits saillants de l'évolution de la manière dont est appréhendée la question des migrations a trait au passage progressif d'une approche fondée sur le développement à une approche fondée sur les droits.

Lors de sa prochaine session, qui se tiendra du 4 au 8 avril 2011, à Genève, le Comité doit examiner le deuxième rapport périodique du Mexique et adopter les listes de questions en vue de l'examen des rapports de l'Argentine, du Chili et du Guatemala.

Observations finales adoptées


A l'issue de cette treizième session, le Comité a adopté des observations finales sur l'Albanie, l'Équateur et le Sénégal. Le texte complet de ces observations peut être consulté sur la page web de la session : http://www2.ohchr.org/english/bodies/cmw/cmws13.htm

Dans ses observations finales sur le rapport initial de l'Albanie, le Comité reconnaît que l'Albanie est essentiellement connue comme étant un pays d'origine et de transit de travailleurs migrants et note que certains pays dans lesquels les travailleurs migrants albanais sont employés ne sont pas encore parties à la Convention, ce qui peut constituer un obstacle à la jouissance par ces travailleurs des droits qui leur sont reconnus dans cet instrument. Le Comité note par ailleurs avec satisfaction que l'Albanie a établi à ses postes frontière une procédure unique de pré-sélection pour les migrants en situation irrégulière, les requérants d'asile, les mineurs non accompagnés et les victimes de traite entrant dans le pays ; cette procédure, mise en place en 2004, vise à améliorer le traitement des migrants irréguliers. Le Comité se félicite en outre des efforts déployés par l'Albanie pour promouvoir et protéger les droits des travailleurs migrants albanais à l'étranger, s'agissant notamment de la Stratégie nationale et du Plan national d'action sur les migrations ainsi que de la mise en place de centres de services aux migrants dans tous les bureaux régionaux pour l'emploi. Toutefois, le Comité relève que dans la pratique, il n'existe aucune garantie quant à la primauté de la Convention en cas de conflit entre les dispositions de cette dernière et celles de la législation nationale. Il encourage en outre l'Albanie à reconnaître la compétence du Comité pour recevoir des plaintes émanant d'États parties et d'individus.

Par ailleurs, le Comité se dit préoccupé par l'information laissant apparaître que les travailleurs migrants et les membres de leur famille pourraient souffrir de diverses formes de discrimination, en particulier dans le domaine de la sécurité sociale. Aussi, encourage-t-il le pays à intensifier ses efforts afin d'assurer que tous les travailleurs migrants et membres de leur famille se trouvant sur son territoire ou relevant de sa juridiction jouissent des droits énoncés dans la Convention sans discrimination aucune. En outre, le Comité encourage l'Albanie à renforcer ses efforts afin d'informer les travailleurs migrants des recours administratifs et judiciaires mis à leur disposition et à donner suite à leurs plaintes de la manière la plus appropriée qui soit. Par ailleurs, le Comité note que la loi ne prévoit pas le renouvellement du permis de résidence pour les membres de la famille d'un travailleur migrant en cas de divorce ou de décès de ce dernier. D'autre part, le Comité note que l'Albanie n'a pas pris de mesures suffisantes pour protéger les droits des citoyens albanais vivant à l'étranger et recommande donc au pays de renforcer son soutien à ces personnes, notamment en signant davantage d'accords bilatéraux concernant la sécurité sociale. Le Comité se dit en outre préoccupé que les travailleurs migrants sans papiers et les membres de leur famille ne puissent pas adhérer à des syndicats. Est également jugé préoccupant le fait que les électeurs albanais vivant dans un pays tiers n'ont le droit de voter (aux élections albanaises) qu'en se rendant sur le territoire albanais. Le Comité recommande que l'Albanie veille à ce que les accords de réadmission présents et à venir conclus avec des pays d'accueil de travailleurs migrants albanais intègrent les garanties de procédures adéquates pour les migrants et facilitent le retour volontaire des travailleurs migrants et des membres de leur famille, ainsi que leur réinsertion sociale et culturelle durable. Par ailleurs, le Comité note avec préoccupation le grand nombre d'enfants albanais vivant dans des foyers où l'un des deux parents est absent en raison de l'émigration ; aussi, le pays est-il encouragé à étudier l'impact des migrations sur les enfants afin d'élaborer des stratégies adéquates visant à assurer que les enfants des travailleurs migrants jouissent d'une pleine protection sociale. Enfin, le Comité note avec une profonde préoccupation que l'Albanie est devenue un pays d'origine, mais aussi de transit, de personnes victimes de traite à des fins d'exploitation sexuelle et de travail forcé ; sont également jugées préoccupantes les informations selon lesquelles des personnels de police et des agents gouvernementaux seraient impliqués dans ce trafic.

Dans ses observations finales sur le deuxième rapport périodique de l'Équateur, le Comité reconnaît que l'Équateur, en tant que pays d'origine de travailleurs migrants, a progressé dans la protection des droits de ses ressortissants se trouvant à l'étranger ; toutefois, en tant que pays de transit et de destination, il est confronté à de grands défis en termes de protection des droits des travailleurs migrants. Par ailleurs, le Comité note que certains pays dans lesquels les travailleurs migrants équatoriens sont employés ne sont toujours pas parties à la Convention, ce qui peut constituer un obstacle à la jouissance par ces travailleurs des droits qui leur sont reconnus dans cet instrument. Le Comité accueille avec satisfaction la suppression, en décembre 2007, de l'exigence de permis de sortie pour les Équatoriens et les étrangers désireux de sortir du pays. Il se réjouit également de la récente ratification par le pays de la Convention ibéro-américaine de sécurité sociale (2010) ; de l'entrée en vigueur de l'accord ministériel de 2008 garantissant l'accès à l'éducation des enfants de travailleurs migrants étrangers, indépendamment de leur situation migratoire ; et de la création du site internet « Consulat virtuel » destiné à faciliter l'accès à l'information sur les services consulaires. Toutefois, le Comité réitère sa recommandation visant à ce que l'Équateur envisage la possibilité de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention par lesquelles il reconnaîtrait la compétence du Comité pour recevoir des communications (plaintes) émanant d'États parties et d'individus. L'Équateur est en outre encouragé à accélérer ses efforts en vue de la ratification de la Convention n°143 de l'Organisation internationale du travail sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires). D'autre part, le Comité se dit préoccupé par les disparités existantes entre la Constitution et les lois secondaires en vigueur, comme la loi sur les migrations et la loi sur les étrangers.

D'autre part, le Comité se dit préoccupé que dans les médias, ainsi que pour les autorités et la majorité de la population, prédomine une image généralement négative des personnes étrangères qui travaillent en Équateur – qui sont essentiellement des Colombiens, des Péruviens, des Cubains et des Chinois – auxquelles sont attribuées l'insécurité, la violence et la prostitution et auxquelles est reproché l'accès à l'emploi au détriment des Équatoriens. Le Comité regrette par ailleurs qu'un extrait du casier judiciaire soit exigé des seuls immigrants colombiens souhaitant entrer en Équateur, ce qui contrevient à l'article 2 de la Constitution qui impose de ne pas établir de discrimination contre quiconque sur la base du casier judiciaire. Le Comité réitère en outre sa préoccupation face à la discrimination, l'exclusion et l'exploitation dont souffrent les femmes migrantes en Équateur, ainsi que face au manque d'accès à leurs droits du travail et à leurs prestations sociales dont elles pâtissent, en particulier pour ce qui est des travailleuses migrantes domestiques. Dans la plupart des cas, s'inquiète également le Comité, les femmes n'ont pas accès à des emplois en accord avec leurs niveaux de formation, tant par discrimination qu'en raison de limitations juridiques. D'autre part, le Comité se dit préoccupé que la procédure d'expulsion continue d'avoir, par son essence, un caractère pénal contraire aux dispositions de la Convention ; est à cet égard jugé préoccupant le fait que continuent d'être enregistrés des cas de détention arbitraire. Le Comité se dit par ailleurs inquiet face aux cas d'enfants de ressortissants équatoriens résidant à l'extérieur du pays qui n'ont pas obtenu de papiers d'identité équatoriens ou qui n'ont pas été inscrits sur les registres de naissance et auxquels les autorités migratoires ont refusé l'entrée en Équateur. Il déplore également le nombre considérable de personnes en situation de risque et principalement la situation des enfants migrants confrontés à la prostitution dans la région du Lac Agrio. Le Comité continue en outre d'être préoccupé par la participation des enfants et adolescents migrants dans le travail domestique, dans des conditions qui ont été assimilées à une forme contemporaine d'esclavage, et dans des travaux dangereux, liés notamment à l'industrie minière. Enfin, le Comité exprime sa préoccupation face au maintien, dans le Code du travail, de l'interdiction pour une personne étrangère d'être membre d'une association de travailleurs ou d'un syndicat.

S'agissant enfin du rapport initial du Sénégal, le Comité constate que de nombreux ressortissants sénégalais sont des travailleurs migrants et que le Sénégal est un pays de transit et de destination de flux migratoires. Il prend note du fait que certains pays qui emploient des travailleurs migrants sénégalais ne sont pas parties à la Convention, ce qui peut constituer un obstacle à la jouissance par les travailleurs des droits qui leur sont reconnus par la Convention. Le Comité note avec satisfaction que la Convention fait partie de l'ordonnancement juridique national du Sénégal et qu'elle a une autorité supérieure à celle des lois, les institutions étatiques étant tenues de l'appliquer. Il note en outre avec intérêt la création du Ministère des Sénégalais de l'extérieur. Le Comité note toutefois avec regret que le Sénégal n'a pas fait les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir des communications émanant des États parties et de particuliers. Il prend note, en outre, que le pays n'a pas encore ratifié les Conventions n°97 et 143 de l'OIT sur les travailleurs migrants. Par ailleurs, le Comité s'inquiète que les droits des travailleurs migrants irréguliers, des travailleurs migrants dans le secteur informel et des travailleurs migrants en transit ne soient pas suffisamment respectés. Il s'inquiète également que les travailleurs migrants dans le secteur informel n'ont pas un traitement égal en matière de sécurité sociale, s'agissant en particulier de l'octroi des pensions de retraite. Il est donc recommandé au Sénégal de prendre les mesures nécessaires afin d'assurer entre tous les migrants un traitement égal. D'autre part, le Comité est préoccupé du fait que des travailleurs migrants en situation irrégulière sont placés en détention avec des personnes accusées ou reconnues coupables de crimes et que les jeunes ne sont pas séparés des adultes.

Par ailleurs, le Comité note avec regret qu'en vertu du Code du travail sénégalais, le droit des travailleurs migrants de faire partie des instances dirigeantes des associations et des syndicats est subordonné à un accord de réciprocité avec le pays d'origine du travailleur migrant et donc n'est pas garanti à tous les migrants sur un pied d'égalité. Il constate en outre avec préoccupation que le Sénégal n'a pas pris suffisamment de mesures pour protéger les droits des travailleurs migrants sénégalais, malgré le nombre considérable d'expulsions et de refoulements de ces travailleurs depuis l'Europe et certains pays d'Afrique du Nord. D'autre part, le Comité note avec préoccupation que plus de la moitié des enfants contraints à la mendicité dans la région de Dakar viennent des pays limitrophes et que le Sénégal n'a pas adopté de mesures concrètes pour mettre un terme au trafic régional des enfants à des fins de mendicité. Il déplore également que l'exploitation économique à grande échelle des enfants talibés, venus de pays limitrophes, la majorité d'entre eux étant soumis à des violences et mauvais traitements de la part des marabouts, n'a pas fait l'objet d'une attention suffisante de la part du Sénégal – en dépit des recommandations faites à cet égard en 2006 par le Comité des droits de l'enfant. Le Comité regrette par ailleurs que le corps des inspecteurs du travail manque du personnel et des ressources nécessaires à la surveillance et à l'investigation des cas de traite de personnes et des pratiques assimilées. Le Sénégal est en outre invité à lancer une campagne d'information sur la procédure à suivre pour régulariser la situation du travailleur migrant en situation irrégulière, ainsi que sur ses droits.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CMW10/011F