Fil d'Ariane
LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE A CLOS LES TRAVAUX DE SA SESSION D'AUTOMNE
Le Comité contre la torture a conclu, aujourd'hui, les travaux de sa quarante-cinquième session, en rendant publiques ses conclusions et recommandations sur les rapports présentés au cours de la session par l'Éthiopie, la Turquie, la Bosnie-Herzégovine, la Mongolie, l'Équateur et le Cambodge.
S'agissant de l'Éthiopie, le Comité se réjouit des efforts et des progrès réalisés par le pays depuis la chute du régime militaire en 1991. Il se dit toutefois profondément préoccupé par les allégations concernant l'usage habituel de la torture par la police, les agents pénitentiaires et les autres membres des forces de sécurité, ainsi que par l'armée, en particulier à l'encontre des dissidents politiques et des membres des partis d'opposition, des étudiants, des personnes suspectées de terrorisme et des personnes dont il est prétendu qu'elles soutiennent les groupes insurgés. D'autre part, le Comité se dit gravement préoccupé par les nombreuses allégations faisant état d'exécutions extrajudiciaires de civils dont on prétend qu'ils sont membres de groupes armés insurgés. Il se dit aussi gravement préoccupé par les informations faisant état d'un grand nombre de disparitions, ainsi que de la pratique répandue d'arrestations sans mandat.
En ce qui concerne l'examen la Turquie, le Comité se félicite notamment des modifications apportées à la Constitution établissant que les instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévalent sur les lois nationales en cas de conflit et que les civils ne peuvent pas être jugés devant des tribunaux militaires, sauf en temps de guerre. Pour autant, le Comité se dit gravement préoccupé par les allégations nombreuses, persistantes et consistantes faisant état du recours à la torture, en particulier dans des lieux de détention non officiels, notamment dans des véhicules de police et dans la rue. Il recommande à la Turquie de prendre immédiatement des mesures pour mettre un terme à l'impunité pour les actes de torture. En outre, le Comité s'inquiète de la pratique consistant pour la police à retenir des charges (telles que la diffamation contre la police) à l'encontre des personnes qui se disent victimes de torture et de leurs proches pour les intimider et les dissuader de porter plainte.
S'agissant du rapport présenté par la Bosnie-Herzégovine, le Comité se réjouit que depuis l'examen de son précédent rapport, le pays ait ratifié un certain nombre d'instruments internationaux et régionaux, dont le Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Il reste toutefois préoccupé que la Bosnie-Herzégovine ne pénalise pas l'ordre ou le consentement d'un supérieur à la perpétration d'actes de torture ou le fait d'être à l'instigation de tels actes. D'autre part, le Comité est gravement préoccupé par le fait que, compte tenu du nombre de crimes de guerre commis, le nombre de cas poursuivis jusqu'ici devant la justice bosniaque soit extrêmement faible. Il reste en outre gravement préoccupé par le manque de mesures adéquates visant la protection des témoins et le soutien aux témoins avant, pendant et après les procès.
Dans ses observations sur le rapport de la Mongolie, le Comité se félicite que le pays ait ratifié un certain nombre d'instruments internationaux et ait institué en janvier 2010 un moratoire sur le recours à la peine de mort. Il se dit toutefois préoccupé par le sort des 44 personnes restant dans les couloirs de la mort et par le fait que toute information touchant à la peine de mort est classée comme secret d'État, même les familles des personnes exécutées n'étant pas tenues informées de la date de l'exécution. Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les arrestations et détentions arbitraires sont fréquentes dans ce pays. Il est par ailleurs recommandé au pays d'abolir le régime spécial d'isolement auquel sont soumis des prisonniers purgeant une peine de 30 ans d'emprisonnement. Est en outre jugé gravement préoccupant le fait que les aveux et déclarations obtenus sous la torture continuent d'être utilisés devant les tribunaux du pays.
Pour ce qui est de l'Équateur, le Comité note avec satisfaction que le pays a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et se félicite des dispositions concernant l'irrecevabilité des preuves obtenues en violation des droits fondamentaux, l'assistance juridique gratuite pour ceux qui sont sans ressources ou encore l'abolition du jugement de civils par des tribunaux militaires. Le Comité condamne le meurtre, le 6 juillet 2010, du Dr. Germán Antonio Ramírez Herrera, spécialiste de médecine légale qui enquêtait sur des cas de torture, et souhaite être informé des résultats de l'enquête. L'Équateur doit prendre des mesures pour améliorer la sécurité publique dans les zones rurales en assurant la présence des forces de sécurité et de l'État sur tout le territoire national, affirme en outre le Comité. L'Équateur devrait par ailleurs renforcer ses efforts pour remédier au surpeuplement dans les prisons. Le Comité note par ailleurs avec une vive préoccupation la détérioration de la situation à la frontière nord avec la Colombie, ainsi que de la situation des réfugiés et demandeurs d'asile colombiens.
S'agissant enfin du Cambodge, le Comité note avec satisfaction la mise en place des chambres extraordinaires auprès des tribunaux du Cambodge et prie instamment le pays de poursuivre ses efforts en vue de traduire en justice d'autres responsables des atrocités liées aux Khmers Rouges. Le Comité note avec préoccupation le manque de recours effectifs pour les violations des droits de l'homme et se dit préoccupé que le Code pénal ne contienne pas de définition de la torture. Il reste profondément préoccupé par les allégations de torture et de mauvais traitements à l'encontre de personnes placées en détention, en particulier dans les commissariats de police; il est préoccupé que de telles allégations fassent rarement l'objet d'enquêtes et de poursuites, un climat d'impunité semblant prévaloir. Le Comité se dit également préoccupé par les informations indiquant que les aveux obtenus sous la contrainte sont très souvent utilisés comme preuves devant les tribunaux.
Au cours de cette session, le Comité a par ailleurs tenu une discussion autour du Protocole d'Istanbul et du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il a en outre tenu une réunion avec le Sous-Comité pour la prévention de la torture ainsi que le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires. Comme à l'accoutumée, le Comité a également rencontré des organisations non gouvernementales qui ont présenté des témoignages sur la situation prévalant dans des pays dont les rapports figuraient à l'examen de cette session. Le Comité a également tenu une brève séance publique consacrée au suivi des articles 19 et 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ayant trait respectivement aux rapports présentés par les États parties et aux plaintes individuelles. Le Comité a par ailleurs examiné, à huis clos, des plaintes individuelles qui lui étaient soumises en vertu de l'article 22 de la Convention.
Lors de sa quarante-sixième session, qui se tiendra à Genève du 9 au 27 mai 2011, le Comité a prévu d'examiner les rapports des pays suivants: Ghana, Irlande, Koweït, Monaco, Slovénie et Turkménistan.
Observations finales
Le Comité contre la torture a adopté des observations finales sur les rapports examinés au cours de la session et présentés par les six pays suivants (dans l'ordre de présentation des rapports): Éthiopie, Turquie, Bosnie-Herzégovine, Mongolie, Équateur et Cambodge. Les textes complets de ces observations finales seront disponibles sur la page Internet de la session, à l'adresse suivante: http://www2.ohchr.org/english/bodies/cat/cats45.htm (consultez la colonne «Concluding Observations» en regard de chaque pays).
Dans ses observations finales sur l'Éthiopie, le Comité se réjouit des efforts et des progrès réalisés par le pays depuis la chute du régime militaire en 1991, s'agissant notamment du processus de réforme législative visant à combattre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et plus particulièrement de l'adoption, en 1994, d'une constitution fédérale qui interdit toutes les formes de torture et de peines ou traitements de ce type et qui interdit également l'application de la prescription pour les crimes comme la torture. Le Comité note par ailleurs l'adoption par l'Éthiopie de directives et règlements spécifiques guidant la conduite des agents responsables de l'application des lois et dont le non-respect entraîne des sanctions disciplinaires, le licenciement ou des poursuites pénales. Toutefois, le Comité note que l'article 424 du Code pénal révisé contient une définition de «l'usage de méthodes inappropriées» et se dit préoccupé que cette définition soit plus limitée, dans sa portée, que la définition de la torture énoncée à l'article premier de la Convention. Aussi, le Comité estime-t-il que l'Éthiopie devrait inclure la torture en tant que délit dans son Code pénal et de définir le crime de torture conformément à la Convention.
Par ailleurs, le Comité se dit profondément préoccupé par les allégations nombreuses, persistantes et consistantes concernant l'usage habituel de la torture par la police, les agents pénitentiaires et les autres membres des forces de sécurité, ainsi que par l'armée, en particulier à l'encontre des dissidents politiques et des membres des partis d'opposition, des étudiants, des personnes prétendûment suspectées de terrorisme et des personnes dont il est prétendu qu'elles soutiennent les groupes insurgés comme l'ONLF (Ogaden National Liberation Front) et l'OLF (Oromo Liberation Front). Le Comité juge préoccupantes les informations crédibles selon lesquelles ces actes se produisent souvent avec la participation des officiers de commandement des commissariats de police, des centres de détention, des prisons fédérales et des bases militaires, à leur instigation ou avec leur consentement, et même dans des lieux de détention secrets ou non officiels. Le Comité prend également note des informations dignes de foi selon lesquelles la torture est communément utilisée durant les interrogatoires pour extorquer des aveux lorsque le suspect est privé de garanties juridiques fondamentales telles que l'accès à un conseil juridique. Aussi, le Comité exhorte-t-il l'Éthiopie à prendre des mesures immédiates et effectives pour enquêter, poursuivre et punir tous les actes de torture. Le Comité se dit en outre profondément préoccupé que, contrairement à ce qui est affirmé dans le rapport, le Comité international de la Croix-Rouge n'a pas accès aux centres de détention ordinaires ni aux prisons et que le CICR a été expulsé de l'État régional somali en 2007. Il engage l'Éthiopie à mettre en place un système national effectif et indépendant de contrôle et d'inspection de tous les lieux de privation de liberté.
Le Comité se dit gravement préoccupé par les nombreuses allégations faisant état d'exécutions extrajudiciaires de civils dont on prétend qu'ils sont membres de groupes armés insurgés, de la part des forces de sécurité et des forces de défense nationales éthiopiennes, en particulier dans les États régionaux de Somali, d'Oromia et de Gambella. Le Comité se dit aussi gravement préoccupé par les informations faisant état d'un grand nombre de disparitions, ainsi que de la pratique répandue d'arrestations sans mandat et de détentions arbitraires et prolongées, sans actes d'accusation ni sans procédure judiciaire, dont seraient victimes des personnes suspectées d'être membres ou de soutenir des groupes insurgés ainsi que des opposants politiques. Sont également jugées préoccupantes les informations faisant état de viols et d'autres formes de violence sexuelle à l'encontre de femmes et de fillettes qui seraient commis par des membres des forces de sécurité et des forces de défense nationales éthiopiennes dans le contexte du conflit armé, en particulier dans l'État régional de Somali. Le Comité se dit préoccupé par les informations selon lesquelles, sous prétexte de lutter contre le terrorisme, l'Éthiopie aurait enlevé, dans des pays tiers, notamment en Somalie, des personnes suspectées de terrorisme. Tout en notant l'information fournie par l'Éthiopie concernant la non-application de facto de la peine capitale, le Comité note toutefois avec préoccupation les informations faisant état d'une hausse récente des sentences de mort et recommande au pays d'envisager de ratifier le deuxième Protocole facultatif sur l'abolition de la peine de mort. Enfin, il est recommandé à l'Éthiopie de prendre des mesures urgentes pour mettre les conditions de détention en conformité avec les normes minimales pour le traitement des prisonniers. À cet égard, le Comité fait part de sa préoccupation face au nombre considérablement élevé de décès en détention.
Le Comité se félicite que la Turquie ait ratifié un grand nombre d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme depuis l'examen de son précédent rapport. Il se félicite en outre de l'amendement selon lequel les traités internationaux concernant les droits de l'homme et les libertés fondamentales prévalent sur les lois nationales en cas de conflit. Le Comité se réjouit par ailleurs de l'adoption des nouveaux Code de procédure pénale (2005) et Code pénal (2004), en particulier pour ce qui est des dispositions portant aggravation des peines encourues pour crime de torture et de celles instituant une responsabilité pénale pour tout individu qui empêcherait ou limiterait le droit d'accès à un avocat. Le Comité se félicite également d'éléments figurant dans le paquet de réforme constitutionnelle adopté par référendum en septembre dernier, s'agissant notamment de la garantie que les civils ne peuvent pas être jugés devant des tribunaux militaires, sauf en temps de guerre. Pour autant, le Comité se dit gravement préoccupé par les allégations nombreuses, persistantes et consistantes faisant état du recours à la torture, en particulier dans des lieux de détention non officiels – notamment dans des véhicules de police, dans la rue et en dehors des commissariats de police. Le Comité se dit en outre préoccupé par l'absence d'enquêtes rapides et indépendantes face aux allégations de torture portées à l'encontre d'agents chargés de la sécurité et de l'application des lois. Il est également préoccupant que les poursuites suite à des allégations de torture soient souvent engagées sur la base des dispositions du Code pénal portant respectivement sur l'usage excessif de la force et sur la notion de blessure intentionnelle, et non plus sur la base des dispositions qui traitent de torture et de torture aggravée. Il est donc recommandé à la Turquie de prendre immédiatement des mesures pour mettre un terme à l'impunité pour les actes de torture.
D'autre part, le Comité recommande à la Turquie de prendre rapidement des mesures pour assurer que des enquêtes effectives, transparentes et indépendantes sont menées au sujet de tous les cas en suspens concernant des allégations de disparitions, y compris ceux cités par la Cour européenne des droits de l'homme et ceux identifiés par le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires. Le Comité se dit par ailleurs préoccupé par les restrictions en matière de jouissance des garanties juridiques fondamentales contre la torture et les mauvais traitements suite à l'introduction de nouvelles lois et aux amendements apportés au Code de procédure pénale en 2005. En particulier, le Comité se dit préoccupé qu'en vertu de la Loi sur la lutte contre le terrorisme, un suspect se voit dénier son droit de contacter un avocat jusqu' à 24 heures après son arrestation. Il se dit également préoccupé que l'aide juridique soit refusée pour les suspects accusés de délits passibles d'une peine de moins de cinq ans d'emprisonnement et s'inquiète de l'absence de droit statutaire à un examen médical indépendant. Par ailleurs, le Comité reste préoccupé par les informations faisant état d'une augmentation du recours excessif à la force et des mauvais traitements à l'encontre de manifestants de la part de la police, en dehors de lieux de détention officiels. Il se dit préoccupé par les informations faisant état d'usage d'armes à feu par la police et la gendarmerie ayant causé la mort et d'une application arbitraire de la Loi sur les pouvoirs et les devoirs de la police autorisant la police à interpeller toute personne pour un contrôle d'identité. En outre, le Comité s'inquiète de la pratique consistant pour la police à retenir des charges (telles que la diffamation contre la police, par exemple) à l'encontre des personnes qui se disent victimes de torture et de leurs proches pour les intimider et les dissuader de porter plainte.
Par ailleurs, le Comité est préoccupé par les informations sur des cas d'expulsion et de refoulement de requérants d'asile en dépit d'un risque de torture dans le pays vers lequel ils ont été refoulés. Il est en outre gravement préoccupé par la surpopulation dans les lieux de détention. Le Comité se dit également préoccupé par les informations selon lesquelles des suspects sont placés en garde à vue aux mains de la police sans être officiellement enregistrés et note à cet égard avec préoccupation que la loi se contente de disposer de manière très vague que l'enregistrement des détenus doit intervenir «dans un délai raisonnable» après l'arrestation. D'autre part, le Comité se dit préoccupé par les informations nombreuses et persistantes faisant état de viols, de violences sexuelles et d'autres formes d'actes de torture et de mauvais traitements basés sur le genre commis par des agents de sécurité, par des agents chargés de la détention et par des agents responsables de l'application des lois. Sont également jugées préoccupantes les informations faisant état de mauvais traitements à l'encontre d'enfants détenus dans des lieux de détention non officiels et d'interrogatoires d'enfants menés sans assistance juridique ou sans présence d'un tuteur légal. Enfin, tout en notant que le délai de prescription pour le crime de torture est passé de 15 à 40 ans lorsque l'acte de torture s'est soldé par la mort, le Comité se dit préoccupé par le maintien d'un délai de prescription pour ce crime et recommande à la Turquie d'amender son Code pénal afin d'assurer l'imprescriptibilité des actes de torture.
S'agissant de la Bosnie-Herzégovine, le Comité se réjouit que depuis l'examen de son précédent rapport, le pays ait ratifié un certain nombre d'instruments internationaux et régionaux, dont le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. Il se félicite en outre que le pays ait adopté en 2008 une stratégie pour traiter des cas de crimes de guerre et, pour les années 2008-2012, un troisième plan d'action national visant à combattre le trafic de personnes et l'immigration illégale en Bosnie-Herzégovine. Toutefois – et tout en notant que le pays envisage d'amender le Code pénal et d'harmoniser la définition juridique de la torture dans les lois de l'État et des entités, le Comité reste préoccupé que la Bosnie-Herzégovine n'ait toujours pas incorporé dans son droit interne le crime de torture tel que défini à l'article premier de la Convention, pas plus que ne sont pénalisés, en vertu de la loi, l'ordre ou le consentement d'un supérieur à la perpétration d'actes de torture ou le fait d'être à l'instigation de tels actes. Par ailleurs, le Comité fait part de sa grave préoccupation quant au fait que la définition des crimes de guerre associés à la violence sexuelle ne soit pas, dans le Code pénal, conforme aux normes internationales en la matière ni à la jurisprudence des tribunaux internationaux. Il juge en outre préoccupant que, dans la pratique, les personnes privées de liberté ne se voient pas toujours accorder toutes les garanties juridiques fondamentales dès le tout début de leur détention. D'autre part, le Comité est gravement préoccupé par le fait que, compte tenu du nombre de crimes de guerre commis, le nombre de cas poursuivis jusqu'ici devant la justice de Bosnie-Herzégovine est extrêmement faible, les tribunaux locaux rencontrant par ailleurs de sérieux obstacles pour engager des poursuites contre de tels crimes.
En outre, le Comité est gravement préoccupé qu'un nombre significatif de jugements rendus par la Cour constitutionnelle ne soient pas appliqués, même plusieurs années après leur adoption. Le Comité exhorte donc la Bosnie-Herzégovine à mettre un terme à l'impunité en assurant des enquêtes rapides et effectives au sujet de toutes les allégations de crimes de guerre et en poursuivant et sanctionnant les auteurs de ces crimes. Le Comité reste en outre gravement préoccupé par le manque de mesures adéquates visant la protection des témoins et le soutien aux témoins avant, pendant et après les procès. Exprimant sa préoccupation face à la lenteur du processus d'adoption du projet de loi sur les droits des victimes de la torture, le Comité recommande à la Bosnie-Herzégovine d'adopter cette loi. Il se dit par ailleurs particulièrement préoccupé par les conditions matérielles et hygiéniques actuelles de détention, par le recours à la détention solitaire, par les problèmes de surpeuplement carcéral et par la persistance de la violence entre prisonniers dans certains lieux de privation de liberté. Le Comité recommande d'autre part à la Bosnie-Herzégovine de renforcer ses efforts en vue de combattre le trafic de personnes, notamment en veillant à ce que le trafic soit défini comme un crime conformément aux normes internationales dans toutes les parties du pays.
D'autre part, le Comité reste préoccupé par les informations indiquant que les autorités compétentes de Bosnie-Herzégovine ont manqué à leur obligation d'évaluer le risque qu'encourent, en cas de refoulement, les personnes qui présentent une demande de protection internationale. Il juge préoccupant le fait que les personnes considérées comme étant une menace pour la sécurité nationale puissent être expulsées ou renvoyées vers un autre État où il existe des motifs substantiels de croire qu'elles courent le risque d'y être soumises à la torture. S'agissant des personnes dont la citoyenneté a été retirée par la Commission étatique pour la révision des décisions relatives à la nationalité et qui sont alors détenues dans le centre d'expulsion, le Comité reste préoccupé par les cas rapportés et non totalement clarifiés de détention prolongée de ces individus dans des conditions inadéquates et de déni de leur droit de faire appel des décisions de révocation de leur nationalité, de détention et d'expulsion les concernant. Il est par ailleurs recommandé à la Bosnie-Herzégovine d'intensifier ses efforts pour faciliter le retour des réfugiés et des personnes déplacées.
Le Comité se félicite que, depuis son accession à la Convention en 2002, la Mongolie ait ratifié un certain nombre d'instruments internationaux ou y ait accédé, s'agissant notamment du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Il note par ailleurs les efforts que déploie le pays pour réformer sa législation de manière à assurer une meilleure protection des droits de l'homme. Le Comité se réjouit d'autre part de l'invitation permanente que la Mongolie a adressée à tous les titulaires de mandats depuis 2004, ainsi que le moratoire de janvier 2010 sur le recours à la peine de mort, le Président précisant que ce moratoire constituait une première étape vers l'abolition de cette peine. Le Comité se dit toutefois préoccupé par le fait que toute information touchant à la peine de mort est classée comme secret d'État et que les familles des personnes exécutées ne sont même pas tenues informées de la date de l'exécution, et qu'ils sont privés de la dépouille de leur proche. Le Comité se dit en outre préoccupé par le sort des 44 personnes restant dans les couloirs de la mort. Le Comité se dit aussi préoccupé qu'il n'existe pas dans la législation de Mongolie de définition de la torture conforme à celle énoncée par la Convention. Il est en outre préoccupé par l'information selon laquelle les arrestations et détentions arbitraires sont fréquentes dans le pays – où les deux-tiers des placements en détention avant jugement se font sans ordre d'un tribunal. Est en outre jugé gravement préoccupant le fait que les aveux et déclarations obtenus sous la torture continuent d'être utilisés devant les tribunaux. Il est également préoccupant que les suspects qui sont arrêtés n'aient souvent pas un accès rapide à un juge, un avocat, un médecin, ni à leur famille, comme le prescrit pourtant la loi; il est recommandé à la Mongolie de prendre des mesures rapides et effectives pour assurer que toutes les personnes placées en détention se voient accorder toutes les garanties juridiques fondamentales dès le tout début de leur détention.
Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les agents responsables de l'application des lois et des interrogatoires ne sont pas toujours poursuivis et sanctionnés de manière adéquate pour les actes de torture et de mauvais traitements qu'ils ont pu commettre – ce qu'a d'ailleurs mentionné le Rapporteur spécial sur la torture en déclarant que l'impunité est la principale cause de torture et de mauvais traitement et en concluant que la torture persiste, en particulier dans les commissariats de police et dans les lieux de détention avant jugement. Le Comité est par ailleurs gravement préoccupé que depuis 2002, seule une personne ait été condamnée pour traitement cruel et inhumain et que seule une personne ait été condamnée sur les 744 cas liés à la torture enregistrés depuis 2007. Le Comité se dit préoccupé par les conditions de détention dans certains établissements, s'agissant notamment du surpeuplement et des mauvaises conditions de détention, menant en particulier à la propagation de maladies infectieuses. Le Comité est également préoccupé par les mauvais traitements tels que le mélange de prisonniers condamnés et de personnes placées en détention avant jugement ou encore les encouragements donnés par des gardiens de prison à des prisonniers condamnés afin qu'ils abusent de certains détenus. Il est par ailleurs recommandé à la Mongolie d'abolir le régime spécial d'isolement auquel sont soumis des prisonniers purgeant une peine de 30 ans d'emprisonnement – dont certains ont affirmé au Rapporteur spécial sur la torture qu'ils auraient préféré être condamnés à mort. Par ailleurs, l'incidence de la violence contre les femmes, notamment la violence domestique, le viol et le harcèlement sexuel, reste élevée en Mongolie. Le Comité se dit également préoccupé par les informations faisant état d'une augmentation du trafic de personnes. Enfin, la Mongolie devrait combattre toutes les formes de travail forcé et prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que les enfants ne travaillent pas dans des conditions dangereuses.
D'autre part, le Comité se dit préoccupé par les informations selon lesquelles durant les émeutes du 1er juillet 2008 sur la place Sukhbaatar et surtout après la déclaration subséquente de l'état d'urgence, la police a eu recours à un usage inutile et excessif de la force. La Mongolie devrait fournir des informations au sujet de toute enquête menée suite aux allégations de torture formulées par M. Ts. Zandankhuu, lequel a été arrêté le 2 juillet 2008 et emmené dans le centre de détention de Denjiin Myanga. Le Comité se dit préoccupé que, s'agissant des événements du 1er juillet 2008, la Commission nationale des droits de l'homme ait publié une déclaration affirmant que les droits de l'homme n'avaient pas été violés durant l'état d'urgence, cette déclaration ayant ensuite été utilisée par le pouvoir judiciaire pour rejeter les plaintes pour torture et mauvais traitement et pour forcer des personnes à signer des aveux par lesquels elles s'auto-incriminaient et sur la base desquels elles étaient ensuite condamnées. Par ailleurs, le Comité se dit préoccupé qu'entre 2000 et 2008, les autorités de Mongolie aient appliqué des décisions d'expulsion concernant 3713 citoyens provenant de 11 pays. Il juge préoccupant qu'en octobre 2009, un requérant d'asile et sa famille aient été expulsés contre leur volonté vers la Chine avant qu'une décision finale sur leur demande d'asile n'eût été rendue.
Dans ses observations finales sur le rapport périodique de l'Équateur, le Comité note avec satisfaction que, depuis l'examen du précédent rapport, le pays a notamment ratifié le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Il note les efforts de l'Équateur pour réformer sa législation afin de répondre aux recommandations du Comité et d'améliorer la mise en œuvre des instruments internationaux. En particulier, le Comité se félicite des dispositions concernant l'irrecevabilité des preuves obtenues en violation des droits fondamentaux; l'intégration de nouvelles mesures juridiques pour la protection des droits de l'homme; les poursuites contre des membres des forces armées et de la police nationale; l'assistance juridique gratuite pour ceux qui n'ont pas les ressources; l'abolition du jugement de civils par des tribunaux militaires; la nouvelle politique sur les questions des réfugiés par laquelle le pays s'engage à se conformer à ses obligations au titre de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés. Le Comité note aussi avec satisfaction que l'Équateur maintient une invitation permanente à tous les titulaires de mandats des procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme.
Le Comité condamne le meurtre, le 6 juillet 2010, du Dr. Germán Antonio Ramírez Herrera, spécialiste de médecine légale qui enquêtait sur des cas de torture, notamment au Centre de réadaptation sociale de Quevedo; le Comité souhaite être informé des résultats de l'enquête et demande à l'Équateur d'adopter un programme visant à protéger les professionnels dont les travaux contribuent à faire la lumière sur des faits en rapport avec des cas présumés de torture et d'abus. S'agissant de la lutte contre l'impunité, le Comité recommande à l'Équateur de prendre les mesures appropriées pour veiller à ce que toutes les allégations de torture ou de mauvais traitements fassent l'objet d'une enquête rapide et impartiale; ces enquêtes devraient être confiées à un organisme indépendant et ne pas être placées sous l'autorité de la police. Le Comité exprime sa très vive préoccupation devant l'ampleur du problème de la violence et des abus sexuels d'enfants dans les écoles et exhorte l'Équateur à intensifier ses efforts dans l'éradication de ces abus et de prendre toutes les mesures nécessaires pour enquêter, poursuivre et punir les auteurs de tels actes. Le Comité est préoccupé par les informations sur la participation active des «groupes de défense des paysans» dans des violences commises en milieu rural et condamne à cet égard les lynchages récents dans les provinces de Pichincha, Los Ríos, Guayas, Azuay, Cotopaxi et Chimborazo. L'Équateur doit prendre des mesures pour améliorer la sécurité publique dans les zones rurales en assurant la présence des forces de sécurité et de l'État sur tout le territoire national. L'Équateur devrait par ailleurs renforcer ses efforts pour remédier au surpeuplement dans les prisons, y compris par l'utilisation d'alternatives à l'emprisonnement et poursuivre les travaux d'amélioration et d'expansion de l'infrastructure carcérale; il doit aussi augmenter le nombre de gardiens de prison et améliorer les soins de santé disponibles dans les lieux de détention.
Le Comité constate avec satisfaction l'accueil par l'Équateur de dizaines de milliers de réfugiés et demandeurs d'asile, principalement des Colombiens fuyant le conflit armé interne dans leur pays. Il note toutefois avec préoccupation une disposition de 2008 qui impose comme condition préalable à l'entrée sur le territoire équatorien de citoyens colombiens qu'ils présentent un certificat de casier judiciaire émis par l'agence colombienne de renseignement, qui dépend de l'exécutif de la Colombie. De l'avis du Comité, cette mesure représente un risque pour la sécurité de nombreuses personnes ayant besoin d'une protection internationale. Le Comité note par ailleurs avec une vive préoccupation la détérioration de la situation à la frontière nord avec la Colombie. Le Comité est gravement préoccupé par les informations persistantes de violations et d'actes de violence contre les civils, en particulier les demandeurs d'asile et réfugiés en provenance de Colombie, par des groupes armés illégaux et les membres des forces de sécurité colombiennes et équatoriennes. Il prend note aussi avec une profonde préoccupation de nombreuses informations reçues sur des cas d'agressions sexuelles et de violences contre les réfugiés et demandeurs d'asile qui auraient été commis par des membres des forces de sécurité de l'État et les forces armées équatoriennes. Le Comité a reçu des informations sur des cas d'abus de femmes et de filles, principalement en provenance de Colombie, victimes de violence sexuelle sous la menace d'expulsion. Il demande à l'Équateur de prendre les mesures nécessaires pour assurer l'intégrité physique des civils dans les provinces frontalières avec la Colombie, y compris les réfugiés et demandeurs d'asile qui sont sous leur juridiction, et de veiller à ce qu'une enquête soit menée sur les exactions commises et que les auteurs soient traduits en justice.
En ce qui concerne le Cambodge, le Comité se félicite que le pays ait ratifié, en mars 2007, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et se réjouit de la visite qu'a effectuée, en décembre 2009, le Sous-Comité pour la prévention de la torture. Il se félicite par ailleurs des efforts engagés par le pays pour réformer sa législation et ses politiques et procédures en vue d'assurer une meilleure protection des droits de l'homme. Le Comité note également avec satisfaction la mise en place des chambres extraordinaires auprès des tribunaux du Cambodge et prie instamment le pays de poursuivre ses efforts en vue de traduire en justice d'autres responsables des atrocités liées aux Khmers Rouges. Tout en se félicitant des garanties constitutionnelles selon lesquelles les traités internationaux font partie du droit interne, le Comité regrette néanmoins le manque d'information quant au nombre de cas où la Convention aurait été appliquée par des tribunaux nationaux et se dit donc préoccupé que dans la pratique, les dispositions des conventions internationales ne soient pas invoquées devant les tribunaux ni directement appliquées par eux. À cet égard, le Comité note avec préoccupation le manque de recours effectifs pour les violations des droits de l'homme, y compris la torture et les mauvais traitements, ce qui sape la capacité du Cambodge de s'acquitter de ses obligations en vertu des traités internationaux de droits de l'homme qu'il a ratifiés, notamment la Convention contre la torture. Aussi, le pays devrait-il prendre toutes les mesures appropriées pour assurer la pleine applicabilité des dispositions de la Convention dans son ordre juridique interne. Le Comité se dit en outre préoccupé que le Code pénal ne contienne pas de définition de la torture et regrette que le Cambodge ne lui ait pas fourni copie des dispositions pertinentes criminalisant la torture.
Le Comité se dit profondément préoccupé par les informations faisant état d'une corruption généralisée et systématique dans le pays et recommande au Cambodge de prendre des mesures immédiates et urgentes pour l'éradiquer, tant il est vrai qu'il s'agit là de l'une des principales entraves à la primauté du droit et à l'application de la Convention. Le Comité réitère sa grave préoccupation au sujet du manque d'indépendance du pouvoir judiciaire. Par ailleurs, le Comité exprime sa grave préoccupation face au manquement des autorités, dans la pratique, à accorder à tous les détenus, y compris les délinquants juvéniles et les personnes placées en détention avant jugement, toutes les garanties juridiques fondamentales dès le tout début de leur détention. À cet égard, il juge particulièrement préoccupant le fait que le Code de procédure pénale ne prévoie que le droit du détenu de consulter un avocat 24 heures après son interpellation, et que l'accès à un médecin semble être à la discrétion des agents chargés de l'application des lois ou de la prison. Le Comité reste profondément préoccupé par les nombreuses, persistantes et consistantes allégations de torture et de mauvais traitements à l'encontre de personnes placées en détention, en particulier dans les commissariats de police, et juge préoccupant le fait que de telles allégations fassent rarement l'objet d'enquêtes et de poursuites, un climat d'impunité semblant prévaloir. Le Cambodge devrait prendre, de toute urgence, des mesures effectives pour prévenir les actes de torture et de mauvais traitements, y compris la violence sexuelle en détention.
Le Comité note avec préoccupation que le système de justice pénale du Cambodge continue de s'appuyer sur l'emprisonnement comme option par défaut pour les personnes en attente de jugement. En outre, le Comité fait part de sa préoccupation face au grave surpeuplement dont pâtissent les lieux de privation de liberté – alors même que la population carcérale ne cesse d'augmenter. Préoccupé par les informations faisant état d'un grand nombre d'enfants en détention, le Comité demande au Cambodge d'établir, de toute urgence, un système distinct de justice juvénile. Le pays est d'autre part instamment prié de mettre totalement un terme à toute forme de détention arbitraire et illégale de personnes, en particulier dans les centres dits d'affaires sociales et notamment à Prey Speu. La violence contre les femmes reste très largement présente au Cambodge, s'inquiète en outre le Comité. Il se dit également préoccupé par les informations indiquant que les aveux obtenus sous la contrainte sont très souvent utilisés comme preuves devant les tribunaux.
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CAT10/032F