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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE CLÔT LES TRAVAUX DE SA SESSION D'AUTOMNE DE 2007

Communiqué de presse
Il présente ses conclusions et recommandations sur la Lettonie, l'Ouzbékistan, la Norvège, le Portugal, l'Estonie et le Bénin

Le Comité contre la torture a clos, cet après-midi, les travaux de sa trente-neuvième session, qui se tenait au Palais Wilson, à Genève, depuis le 5 novembre dernier, en rendant publiques ses conclusions et recommandations sur les six rapports examinés au cours de la session, à savoir ceux de la Lettonie, de l'Ouzbékistan, de la Norvège, du Portugal, de l'Estonie et du Bénin.

S'agissant de la Lettonie, le Comité note avec satisfaction la poursuite des efforts déployés par le pays pour réformer sa législation, ses politiques et ses procédures de manière à assurer une meilleure protection des droits de l'homme, notamment du droit de ne pas être soumis à la torture. Il se dit toutefois préoccupé par la politique de détention appliquée aux requérants d'asile et par les courts délais impartis pour interjeter appel dans le cadre de la procédure d'asile accélérée. Le Comité exprime aussi sa préoccupation face au nombre élevé de suicides et d'autres morts violentes dans les lieux de détention. Il est notamment recommandé à la Lituanie de prendre les mesures nécessaires afin de surveiller effectivement et systématiquement tous les lieux de détention. D'autre part, le Comité exprime sa préoccupation face au grand nombre d'allégations d'usage de la force et de mauvais traitements de la part d'agents responsables de l'application des lois.

En ce qui concerne l'Ouzbékistan, le Comité se félicite de l'entrée en vigueur prévue prochainement de l'habeas corpus et de l'adoption de la loi sur l'abolition de la peine de mort. Il se dit toutefois préoccupé par les nombreuses allégations faisant état d'un recours routinier à la torture par les agents responsables de l'application des lois et le personnel d'enquête. Il se dit par ailleurs préoccupé par les nombreuses allégations d'usage excessif de la force et de mauvais traitements de la part des militaires et des forces de sécurité ouzbeks lors des événements de mai 2005 à Andijan. L'Ouzbékistan devrait instituer une enquête impartiale, effective et entière sur ces événements. Conformément aux recommandations de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme et d'autres, le Comité recommande que des experts indépendants et dignes de foi mènent cette enquête. L'Ouzbékistan est instamment prié de libérer les défenseurs des droits de l'homme emprisonnés ou condamnés en raison de leurs activités professionnelles pacifiques.

S'agissant de la Norvège, le Comité félicite le pays pour son respect des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention. Il regrette toutefois que le pays n'ait pas changé de position quant à la question de l'intégration spécifique de la Convention dans le droit norvégien. La Norvège devrait s'assurer que chaque cas individuel de demande d'asile fasse l'objet d'un véritable examen. Le Comité reste préoccupé par l'absence de tout contrôle extérieur ou de mécanisme de plaintes indépendant qui permettraient d'assurer de manière fiable le respect en toutes circonstances des droits des personnes détenues dans le centre de détention pour étrangers de Trandum. Tout en notant par ailleurs que des mesures ont été prises pour traiter des récents incidents d'usage excessif de la force par la police, le Comité reste préoccupé par les informations faisant état d'usage non nécessaire de la force dans certains cas, et de traitement discriminatoire fondé sur l'appartenance ethnique.

Pour ce qui est du Portugal, le Comité se félicite des progrès réalisés par le pays en matière de protection et de promotion des droits de l'homme. Il reste néanmoins préoccupé que la définition de la torture contenue dans le Code n'inclue pas la discrimination parmi les mobiles d'actes de torture. Le Portugal devrait prendre les mesures adéquates pour s'assurer que toute arrestation, y compris à des fins d'identification, ne cible pas des groupes de personnes, mais se fasse de manière individuelle. Par ailleurs, le Comité demeure préoccupé par les informations faisant état de la persistance d'un nombre encore élevé de morts en détention, dues en grande partie au VIH/sida et au suicide. Il s'inquiète aussi des informations faisant état de tortures et de traitements cruels, inhumains ou dégradants dans les établissements pénitentiaires. Il reste en outre préoccupé par des allégations concernant l'usage excessif de la force par les corps de police. De l'avis du Comité, le Portugal devrait envisager de renoncer à l'usage des armes électriques «Taser X26».

En ce qui concerne l'Estonie, le Comité note avec satisfaction l'entrée en vigueur de la loi de soutien aux victimes, ainsi que l'important effort consenti par le pays afin de rénover les installations de détention, fermer les vieilles maisons d'arrêt et construire de nouvelles prisons. Il fait toutefois part de sa préoccupation face à la possibilité de «détention administrative en prison» et d'«arrestation administrative», ainsi que face à l'absence complète d'information à de la part de l'État partie. Il reste en outre préoccupé par le caractère inadéquat des peines applicables en cas de torture. Tout en se réjouissant de la réduction du nombre d'apatrides dans le pays, le Comité recommande à l'Estonie d'adopter toutes les mesures juridiques et pratiques adéquates visant à simplifier et faciliter la naturalisation et l'intégration des personnes apatrides et non ressortissantes. Par ailleurs, le Comité reste préoccupé par les allégations de brutalité et d'usage excessif de la force de la part du personnel responsable de l'application des lois.

Enfin, le Comité se félicite des efforts déployés par le Bénin pour réformer son système juridique et institutionnel. Il prend note de l'engagement annoncé par la délégation d'intégrer la définition de la torture et son incrimination dans le projet de Code pénal. De l'avis du Comité, la législation béninoise devrait disposer que l'ordre d'un supérieur ne peut être invoqué pour justifier la torture et interdire l'utilisation d'aveux extorqués par la torture. Le Bénin est en outre prié de veiller à ce que toutes les allégations d'actes de torture et de mauvais traitements, y compris ceux commis entre 1972 et 1990, fassent l'objet d'enquêtes. Le Comité est préoccupé par des informations concernant l'existence d'un accord conclu avec les États-Unis selon lequel les ressortissants de ce pays se trouvant sur le territoire béninois ne peuvent être transférés devant la Cour pénale internationale en vue d'être jugés pour crimes de guerre ou crimes contre l'humanité. Le Comité demeure profondément préoccupé par les conditions de vie dans les lieux de détention, ainsi que par les rapports faisant état de traite, d'exploitation, de prostitution, de mutilation génitale féminine, de viol et de meurtre de nouveau-nés.

Le Comité a par ailleurs rendu publics les documents relatifs à l'enquête confidentielle
menée par trois de ses membres concernant la situation au Brésil suite à une plainte reçue d'une organisation non gouvernementale portant sur des allégations de torture dans ce pays. Cette enquête a été menée en vertu de l'article 20, qui permet au Comité, s'il juge que cela se justifie, de charger un ou plusieurs de ses membres de procéder à une telle enquête et de lui faire rapport d'urgence. Dans ce cadre, deux des membres du Comité ont effectué une visite au Brésil en 2005, à la suite de laquelle des recommandations ont été adressées aux autorités brésiliennes.

Au cours de cette session, le Comité a également adopté un projet d'observation générale sur l'article 2 de la Convention dans laquelle il souligne que le caractère absolu et intangible de l'interdiction de la torture s'est progressivement inscrit dans le droit international coutumier. Il précise rejeter absolument toute tentative, de la part des États, de justifier la torture ou les mauvais traitements par la nécessité de protéger la sécurité publique ou d'éviter une situation d'urgence.


Lors de sa prochaine session, au printemps 2008 (28 avril-16 mai), le Comité a prévu d'examiner les rapports de l'Australie, de l'Indonésie, de l'Islande, de la Zambie, de la Suède, de l'Algérie, de l'ex-République yougoslave de Macédoine et du Costa Rica.



Conclusions et recommandations concernant les rapports examinés

Le Comité contre la torture a adopté des conclusions et recommandations sur les six rapports d'États parties à la Convention examinés au cours de cette session. Il s'agit des rapports de la Lettonie, de l'Ouzbékistan, de la Norvège, du Portugal, de l'Estonie et du Bénin.

Dans ses conclusions et recommandations sur le deuxième rapport périodique de la Lettonie, le Comité note avec satisfaction la poursuite des efforts déployés par le pays pour réformer sa législation, ses politiques et ses procédures, de manière à assurer une meilleure protection des droits de l'homme, notamment du droit de ne pas être soumis à la torture ni à aucun traitement cruel, inhumain ou dégradant. Il note, entre autres, les amendements apportés en mars dernier à la Loi sur le traitement médical, qui introduisent une procédure d'examen judiciaire du placement obligatoire de patients dans des hôpitaux psychiatriques et du traitement qui en découle. En dépit de l'affirmation de la Lettonie selon laquelle, dans le Code pénal letton, tous les actes qui peuvent être considérés comme de la torture au sens de l'article premier de la Convention sont punissables, le Comité estime que le pays devrait intégrer dans sa législation interne le crime de torture et adopter une définition de la torture qui couvre tous les éléments énoncés à l'article premier de la Convention. Il est par ailleurs recommandé à la Lettonie de prendre des mesures effectives afin d'assurer que toutes les personnes détenues se voient accorder, dans la pratique, les garanties juridiques fondamentales, notamment le droit d'accès à un avocat et à un médecin.

En ce qui concerne les questions d'asile, le Comité se dit préoccupé par la politique de détention appliquée aux requérants d'asile et par les courts délais impartis pour interjeter appel dans le cadre de la procédure d'asile accélérée. Il est recommandé à la Lettonie de prendre des mesures pour assurer que la détention des requérants d'asile ne soit utilisée que dans des circonstances exceptionnelles. Par ailleurs, le Comité reste préoccupé par les informations faisant état de périodes prolongées de détention préventive, notamment avant jugement, et par le risque de mauvais traitements que ce type de détention comporte. Le Comité est également préoccupé par le fort pourcentage de jeunes placés en garde à vue. Il se dit en outre préoccupé par la persistance d'un surpeuplement carcéral ainsi que par les conditions globales de détention. Le Comité exprime aussi sa préoccupation face au nombre élevé de suicides et d'autres morts violentes dans les lieux de détention. Il est notamment recommandé à la Lettonie de prendre les mesures nécessaires afin de surveiller effectivement et systématiquement tous les lieux de détention. D'autre part, le Comité exprime sa préoccupation face au grand nombre d'allégations d'usage de la force et de mauvais traitements de la part d'agents responsables de l'application des lois, en particulier lors des interpellations ou en relation avec ces dernières, ainsi que face au faible nombre de condamnations dans de tels cas. Le Comité se dit également préoccupé par les informations faisant état d'actes de violence et de discrimination à l'encontre de groupes vulnérables, notamment les Roms et la communauté des gays, lesbiennes, bisexuels et transsexuels. Il se dit préoccupé par les informations indiquant que le nombre de crimes à motivations racistes aurait récemment augmenté. Est également jugé préoccupante la persistance d'informations faisant état de trafic transfrontalier de femmes à des fins d'exploitation sexuelle ou autre.

En ce qui concerne le troisième rapport périodique de l'Ouzbékistan, le Comité se félicite de l'introduction de l'habeas corpus, qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier prochain, ainsi que de l'adoption de la loi sur l'abolition de la peine de mort, qui entrera en vigueur à la même date. Il se réjouit en outre que le pouvoir de publier des mandats d'arrêt ait été transféré du bureau du procureur aux tribunaux. Il se réjouit par ailleurs de la directive de la Cour suprême interdisant la présentation de preuves obtenues sous la torture. Néanmoins, le Comité réitère sa recommandation visant à ce que l'Ouzbékistan prenne des mesures pour adopter une définition de la torture incluant tous les éléments énoncés à l'article premier de la Convention. Relevant que le Code pénal restreint l'interdiction de la pratique de la torture aux seuls actes des agents responsables de l'application des lois, le Comité estime que le pays devrait assurer que les personnes qui ne sont pas des agents responsables de l'application des lois mais qui agissent en leur capacité officielle ou avec le consentement ou l'assentiment d'un agent public puissent être poursuivies pour torture. Le Comité se dit préoccupé par les nombreuses allégations, qui continuent de se recouper, faisant état d'un recours routinier à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants par les agents responsables de l'application des lois et le personnel d'enquête - ou à leur instigation ou avec leur consentement -, souvent à des fins d'extorsion d'aveux ou d'informations devant être utilisés dans les procédures pénales. Des informations dignes de foi font apparaître que de tels actes se produisent généralement avant l'inculpation et durant la détention préventive, lorsque le détenu est privé de garanties fondamentales, en particulier d'accès à un conseil juridique. Sont également jugées préoccupantes les allégations selon lesquelles des personnes détenues en tant que témoins sont également soumises à des intimidations et des interrogatoires coercitifs, voire parfois à des représailles. Il est recommandé à l'Ouzbékistan d'appliquer une tolérance zéro à l'égard du problème persistant de la torture et de la pratique de l'impunité.

Le Comité se dit par ailleurs préoccupé par les nombreuses allégations de recours excessif à la force et aux mauvais traitements de la part des militaires et des forces de sécurité ouzbeks lors des événements de mai 2005 à Andijan. Il est également préoccupé que l'Ouzbékistan ait limité et entravé une enquête indépendante des droits de l'homme après ces événements. Le Comité a en outre reçu des informations dignes de foi selon lesquelles certaines personnes qui ont cherché refuge à l'étranger et qui ont été renvoyées dans le pays y ont été placées en détention dans des lieux de détention inconnus. Aussi, l'Ouzbékistan devrait-il instituer une enquête impartiale, effective et entière sur les événements qui se sont produits à Andijan. Conformément aux recommandations de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme et d'autres, le Comité recommande que des experts indépendants et dignes de foi mènent cette enquête. D'autre part, le Comité reste préoccupé par les nombreuses informations faisant état de violences en détention - ainsi que de nombreux décès, dont un certain nombre proviendraient des suites de tortures ou de mauvais traitements. L'Ouzbékistan devrait prendre des mesures effectives pour soumettre à un contrôle systématique tous les lieux de détention, y compris la prison de Jaslyk. Le Comité se dit en outre préoccupé par les informations reçues faisant état d'intimidation, de restrictions et d'emprisonnement à l'encontre de membres des organisations de surveillance des droits de l'homme et d'autres groupes de la société civile, ainsi que par la fermeture - depuis mai 2005 - de nombreuses organisations nationales et internationales. L'Ouzbékistan est instamment prié de libérer les défenseurs des droits de l'homme emprisonnés ou condamnés en raison de leurs activités professionnelles pacifiques.

Le Comité félicite la Norvège, qui présentait son cinquième rapport, pour le respect des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention et pour les efforts qu'il ne cesse de déployer afin de prévenir et d'éliminer tout acte ou conduite contraire aux dispositions de cet instrument. En particulier, le Comité note avec satisfaction l'incorporation dans le Code pénal d'une nouvelle disposition interdisant et pénalisant la torture, conformément à l'article premier de la Convention. Il note également avec satisfaction l'amendement apporté au Code de procédure pénale visant à réduire l'usage global de la détention en isolement avant jugement et à en renforcer le contrôle judiciaire. Toutefois, le Comité regrette que la Norvège n'ait pas changé de position sur la question de l'intégration spécifique de la Convention dans le droit norvégien. En ce qui concerne le principe de non refoulement, le Comité note l'existence d'une procédure dite de 48 heures qui permet de débouter des demandes d'asile émanant de requérants originaires de pays généralement considérés comme sûrs; la Norvège devrait s'assurer que chaque cas individuel de demande d'asile fasse l'objet d'un véritable examen, même en vertu de la procédure dite de 48 heures.

Tout en notant avec satisfaction l'adoption récente de mesures législatives visant à réglementer les droits des personnes séjournant au centre de détention des étrangers de Trandum, le Comité reste préoccupé par l'absence de tout contrôle extérieur ou de mécanisme de plaintes indépendant qui permettraient d'assurer de manière fiable le respect en toutes circonstances des droits des personnes détenues dans ce centre. Tout en notant par ailleurs que des mesures ont été prises pour traiter des récents incidents d'usage excessif de la force par la police, le Comité reste préoccupé par les informations faisant état d'usage non nécessaire de la force dans certains cas, ainsi que par celles faisant état de traitement discriminatoire fondé sur l'appartenance ethnique. Le Comité reste préoccupé par les allégations concernant des violations commises par des agents responsables de l'application des lois. À la lumière d'un récent cas où la réponse initiale de la Norvège à une demande de mesures intérimaires émanant du Comité avait été défavorable, le Comité fait part de sa préoccupation face à la position générale du pays s'agissant de ses demandes de mesures intérimaires.

Dans ses conclusions et recommandations sur le quatrième rapport périodique du Portugal, le Comité se félicite des progrès réalisés par le pays en matière de protection et de promotion des droits de l'homme depuis l'examen du précédent rapport en 2000. Il prend note avec satisfaction de l'entrée en vigueur de la loi de juillet 2007 selon laquelle l'expulsion d'un étranger ne peut être effectuée vers aucun pays où celui-ci risque d'être soumis à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que des lois de 2007 approuvant les révisions du Code pénal et du Code de procédure pénale. Le Comité accueille également avec satisfaction la création, en 2000, de l'Inspection générale des services judiciaires. Pour autant, et tout en prenant note que la discrimination est sanctionnée par un autre article du Code pénal, le Comité reste préoccupé que la définition de la torture contenue dans le Code n'inclut pas la discrimination parmi les mobiles d'actes de torture et, par conséquent, ne semble pas couvrir tous les aspects relatifs à la finalité de la torture, telle que définie dans la Convention. Par ailleurs, de l'avis du Comité, le Portugal devrait prendre les mesures adéquates pour s'assurer que toute arrestation, y compris à des fins d'identification, ne cible pas des groupes de personnes, mais se fasse de manière individuelle; pour garantir que le temps passé en détention aux fins d'identification (six heures au maximum) soit déduit de la durée de la garde à vue si celle-ci est décidée (48 heures); et pour inclure dans la législation une disposition obligeant expressément le Ministère public à ordonner une expertise médico-légale dans tous les cas où il aurait connaissance d'une situation de mauvais traitements sur une personne détenue. En outre, le Comité regrette que, selon la terminologie utilisée par le Portugal, la détention préventive ne se réfère pas uniquement aux personnes détenues en attente de jugement, mais également aux personnes jugées en première instance dont la sentence n'a pas encore été confirmée ou invalidée par une Cour d'appel. Cette terminologie peut engendrer une certaine confusion quant à la durée réelle de la détention préventive, au sens où l'entend le Comité, et au nombre de personnes détenues en attente de jugement.

De l'avis du Comité, le Portugal devrait par ailleurs s'assurer que le régime d'incommunicabilité avant la comparution devant un juge, dans les cas de terrorisme ou de violence organisée, soit expressément et rigoureusement réglementé par la loi et soumis à un contrôle judiciaire strict. En outre, le Portugal devrait envisager de confier à une juridiction indépendante l'exercice de la compétence universelle en matière de violations graves du droit international – qui relève actuellement du Procureur général de la République, lequel, quoique autonome, reste lié au pouvoir exécutif. En ce qui concerne les conditions carcérales, le Comité demeure préoccupé par les informations reçues faisant état de la persistance de la violence entre prisonniers, y compris la violence sexuelle, et du nombre encore élevé de morts en détention, dues en grande partie au VIH/sida et au suicide. Le Comité s'inquiète par ailleurs des informations faisant état de tortures et de traitements cruels, inhumains ou dégradants dans les établissements pénitentiaires, notamment le cas de M. Albino Libânio, qui aurait été victime de blessures multiples suite à un passage à tabac en 2003. Le Comité reste en outre préoccupé par des allégations concernant l'usage excessif de la force par les corps de police, faisant état de blessures par balles, de menaces avec armes, d'abus de pouvoir et d'un cas de décès. De l'avis du Comité, le Portugal devrait envisager de renoncer à l'usage des armes électriques «Taser X26». Le Portugal devrait d'autre part renforcer ses efforts pour mettre sur pied une stratégie au niveau national visant à prévenir et à combattre la violence domestique à l'égard des femmes et des enfants. Le Comité demeure en outre préoccupé par l'ampleur de la traite de personnes qui affecte un nombre très élevé de femmes à des fins d'exploitation économique et sexuelle.

S'agissant du quatrième rapport périodique de l'Estonie, le Comité note avec satisfaction l'entrée en vigueur de la loi de soutien aux victimes de 2004 et des amendements qui y ont été apportés en 2007; de la loi sur l'aide juridique d'État de 2005; du nouveau Code de procédure pénale de 2004; et de l'amendement à la loi sur les réfugiés de 2003. Le Comité note également avec satisfaction l'important effort consenti par l'Estonie afin de rénover les installations de détention, fermer les vieilles maisons d'arrêt et construire de nouvelles prisons, en particulier celle de Tartu. Le Comité continue néanmoins de regretter que la définition de la torture contenue à l'article 122 du Code pénal - même lue en conjonction avec d'autres délits pénaux - ne reflète pas pleinement tous les éléments énoncés à l'article premier de la Convention, en particulier pour ce qui a trait aux souffrances et douleurs mentales, à la discrimination et à l'assentiment d'un agent public. Il est donc recommandé à l'Estonie de rendre sa définition de la torture pleinement conforme à l'article premier de la Convention. Le Comité se dit préoccupé par la possibilité de «détention administrative en prison» et d'«arrestation administrative», ainsi que par l'absence complète d'information à ce sujet tant dans le rapport que de la part de la délégation. Il rappelle par ailleurs que le pays doit toujours évaluer ses obligations de non-refoulement en vertu de l'article 3 de la Convention sur une base individuelle.

Le Comité reste en outre préoccupé par le caractère inadéquat des peines applicables en cas de torture, qui vont d'une sanction pécuniaire à une peine maximale de cinq ans d'emprisonnement. L'Estonie devrait par ailleurs s'assurer que des mécanismes de plaintes existent dans tous les lieux où des personnes sont privées de liberté; il devrait aussi s'assurer du caractère adéquat du contrôle et de la surveillance de ces lieux. Il est d'autre part recommandé au pays de réviser son Code de procédure pénale afin de réglementer les pouvoirs du Ministère public vis-à-vis du judiciaire et d'établir une obligation pour le Ministère public de justifier devant le tribunal toute prolongation de la période initiale de six mois de la détention avant jugement. En ce qui concerne le trafic de personnes, le Comité reste préoccupé par la persistance du phénomène et par l'absence de mesures législatives spécifiques visant à prévenir, combattre et punir ce type de trafic. Tout en se réjouissant de la réduction du nombre d'apatrides dans le pays, le Comité reste préoccupé par le fait qu'environ 33% de la population carcérale sont des apatrides, alors que ces derniers ne représentent que 8% de la population totale de l'Estonie. Il est recommandé à l'Estonie d'adopter toutes les mesures juridiques et pratiques adéquates visant à simplifier et faciliter la naturalisation et l'intégration des apatrides et non-ressortissants. Par ailleurs, le Comité reste préoccupé par les allégations de brutalité et d'usage excessif de la force de la part du personnel responsable de l'application des lois, en particulier pour ce qui a trait aux troubles qui se sont produits à Tallin en avril 2007.

Dans ses conclusions et recommandations sur le deuxième rapport périodique du Bénin, le Comité se félicite des efforts déployés par le pays pour réformer son système juridique et institutionnel. En particulier, il prend note avec satisfaction de la ratification par le Bénin du Protocole facultatif à la Convention et du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, ainsi que de l'adoption de la loi portant conditions de déplacement des mineurs et répression de la traite d'enfants en République du Bénin et de la loi portant répression de la pratique des mutilations génitales féminines. Malgré les dispositions de la Constitution qui interdisent la torture, le Comité regrette l'absence dans le droit pénal béninois d'une définition de la torture et de l'infraction spécifique de torture. Il prend toutefois note de l'engagement annoncé par la délégation d'intégrer la définition de la torture et son incrimination dans le projet de Code pénal. De l'avis du Comité, le Bénin devrait veiller à ce que soit intégré dans sa législation pénale le principe de la prohibition absolue de la torture. La législation devrait en outre disposer que l'ordre d'un supérieur ne peut être invoqué pour justifier la torture et interdire l'utilisation d'aveux extorqués par la torture.

Le Comité s'inquiète par ailleurs des dispositions en vigueur du Code de procédure pénale sur les poursuites judiciaires selon lesquelles la poursuite ne peut être intentée qu'à la requête du Ministère Public et après une plainte de la victime, ce qui est en contradiction évidente avec les dispositions de l'article 12 de la Convention. Le Bénin est en outre prié de veiller à ce que toutes les allégations d'actes de torture et de mauvais traitements, y compris ceux commis entre 1972 et 1990, fassent l'objet d'enquêtes, mettre en place un Comité de vérité pour mettre la lumière sur ces allégations et envisager d'abroger la loi d'amnistie de 1990 afin de poursuivre et punir les auteurs de ces actes. Le Bénin devrait par ailleurs créer un mécanisme de plainte pleinement indépendant, à l'intention de toute personne victime de torture. D'autre part, le Comité s'inquiète de l'absence de cadre législatif réglementant l'expulsion, le refoulement et l'extradition. Par ailleurs, le Bénin devrait réformer les dispositions de son Code de procédure pénale relatives à la garde à vue de façon à assurer une prévention efficace des atteintes à l'intégrité physique et mentale des personnes placées en garde à vue. Le Bénin devrait en outre prendre les mesures nécessaires pour relever l'âge de la responsabilité pénale et le fixer à un niveau acceptable selon les normes internationales. Le Comité est préoccupé par des informations concernant l'existence d'un accord conclu par le Bénin avec les États-Unis d'Amérique selon lequel les ressortissants de ces derniers se trouvant sur le territoire béninois ne peuvent être transférés devant la Cour pénale internationale en vue d'être jugés pour crimes de guerre ou crimes contre l'humanité; il recommande au Bénin de prendre les mesures utiles pour réviser les termes de cet accord. Le Comité demeure profondément préoccupé par les conditions de vie dans les lieux de détention. Il se déclare également préoccupé par les allégations de passages à tabac commis par des responsables de l'application de la loi de l'État partie et regrette l'absence d'informations sur l'étendue de cette pratique. Le Comité demeure alarmé par les rapports faisant état de traite, d'exploitation, de prostitution, de mutilation génitale féminine, de viol et de meurtre de nouveau-nés. Il est également préoccupé par les informations rapportées selon lesquelles le phénomène de vindicte populaire persiste et recommande au Bénin de renforcer ses efforts en vue d'enrayer le problème.


Enquête sur la situation au Brésil

À la présente session, le Comité a décidé de rendre publics l'ensemble des documents relatifs à la procédure qu'il avait engagée concernant le Brésil au titre de l'article 20 de la Convention – article qui permet au Comité, s'il juge que cela se justifie, de charger un ou plusieurs de ses membres de procéder à une enquête confidentielle et de lui faire rapport d'urgence. La compilation de ces documents figure dans un document portant la cote CAT/C/39/2, qui contient notamment des informations de base sur le système judiciaire brésilien, les conditions de la visite effectuée en juillet 2005 par deux des membres du Comité, les renseignements fournis par des organisations non gouvernementales ainsi que par les autorités, les renseignements obtenus dans les centres de détention visités, les conclusions et recommandations du Comité à l'issue de cette visite et les réponses reçues du Gouvernement brésilien s'agissant de ces conclusions et recommandations.

C'est en novembre 2003 que le Comité – saisi en 2002 d'informations soumises par l'organisation non gouvernementale Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT-Brésil) alléguant d'une pratique systématique de la torture au Brésil – avait décidé de confier à certains de ses membres la tâche d'entreprendre une enquête confidentielle.

Dans ses conclusions et recommandations concernant le Brésil, adoptées à l'issue de cette visite, le Comité recommandait notamment que toute plainte dénonçant un acte de torture imputable à un agent de l'État fasse l'objet d'une enquête rapide, impartiale et approfondie et que les responsables soient poursuivis en application de la loi de 1997 sur la torture et dûment sanctionnés. Il recommandait en outre que dans chaque État brésilien, les services du procureur aient la faculté d'engager et de mener des enquêtes sur toute plainte pour torture. Il recommandait également que la remise en liberté sous caution ne soit pas accordée aux personnes inculpées de crimes de torture et que les agents de l'État accusés soient suspendus de leurs fonctions jusqu'à l'issue de toute enquête et jusqu'à la fin de la procédure judiciaire ou disciplinaire qui pouvait suivre. Le Comité recommandait en outre que seuls les déclarations ou aveux faits en présence d'un juge soient acceptés en tant que preuve dans une procédure pénale. En cas d'allégations de violations des droits de l'homme imputées à la police militaire et dont les victimes sont des civils, les enquêtes et les poursuites devraient être menées par les juridictions pénales générales et non par des juridictions militaires.

L'ensemble de ce rapport CAT/C/39/2 sera prochainement mis en ligne sur le site web du Haut Commissariat aux droits de l'homme (www.ohchr.org) et, sur demande du Gouvernement du Brésil, sur le site de la présidence de la République www.presidencia.gov.br/estructurapresidencia/sedh


Observation générale sur l'article 2 de la Convention

Le Comité a adopté son observation générale sur l'application de l'article 2 de la Convention par les États parties (CAT/C7GC/2/CRP.1/Rev.3, tel qu'amendé), dans laquelle il souligne que le caractère absolu et intangible de l'interdiction de la torture s'est progressivement inscrit dans le droit international coutumier et que l'expérience montre que les circonstances qui sont à l'origine de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants ouvrent souvent la voie à la torture, de sorte que les mesures requises pour empêcher la torture doivent aussi s'appliquer à la prévention des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Comité est profondément préoccupé, et rejette absolument, toute tentative, de la part des États, de justifier la torture ou les mauvais traitements par la nécessité de protéger la sécurité publique ou d'éviter une situation d'urgence. Il considère en outre qu'une amnistie violerait le principe d'intangibilité. Le Comité considère également que la notion de» tout territoire sous sa juridiction», étroitement liée au principe d'intangibilité, s'entend de tout territoire ou établissement et doit être appliquée sans discrimination d'aucune sorte, de manière à protéger quiconque, ressortissant ou non-ressortissant, relève de droit ou de fait d'un État partie.

Le Comité souligne en outre que l'obligation de l'État d'empêcher la torture s'applique aussi à quiconque agit, de droit ou de fait, au nom de l'État partie ou en liaison avec lui ou encore à sa demande. Les États parties doivent ériger la torture en infraction passible de sanctions pénales, rappelle le Comité. Si la définition de la torture en droit interne est trop éloignée de celle énoncée dans la Convention, le vide juridique réel ou potentiel qui en découle peut ouvrir la voie à l'impunité, souligne le Comité.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CAT07040F