Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME CLÔT LES TRAVAUX DE SA DEUXIEME SESSION DE 2007
Le Comité des droits de l'homme a clos ce matin, à Genève, les travaux de sa quatre-vingt-dixième session, entamée le 9 juillet dernier, en présentant ses observations finales sur les rapports qui lui ont été présentés au cours de la session par la Zambie, le Soudan et la République tchèque. Les observations finales concernant la situation à Grenade au regard de la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques - situation examinée à huis clos en l'absence de tout rapport de ce pays - restent confidentielles et sont directement transmises à l'État concerné.
S'agissant de la Zambie, le Comité se félicite de la création d'une Commission zambienne des droits de l'homme et d'une Autorité chargée de traiter des plaintes contre les agents de police. Il réitère toutefois sa préoccupation au sujet des exceptions au droit de ne pas être soumis à une discrimination qui sont prévues à l'article 23 de la Constitution. Tout en notant avec satisfaction le moratoire de facto sur les exécutions capitales appliqué depuis 1997, il s'inquiète du nombre élevé de personnes demeurant dans les couloirs de la mort et rappelle que l'imposition obligatoire de la peine de mort pour les vols aggravés constitue une violation du Pacte. Le Comité fait part de sa préoccupation face au taux intolérable du surpeuplement carcéral. Il note aussi avec préoccupation que le Code pénal criminalise les activités sexuelles entre adultes consentants du même sexe. La Zambie devrait par ailleurs agir immédiatement afin d'accroître l'âge minimum de la responsabilité pénale, actuellement fixé à huit ans.
Pour ce qui est du Soudan, le Comité se félicite de la signature de l'Accord global de paix de janvier 2005 et de l'Accord de paix du Darfour de mai 2006, ainsi que de l'adoption de la Constitution nationale intérimaire de 2005 qui prévoit des garanties concernant les droits fondamentaux. Il est recommandé au pays de déployer toutes les ressources requises pour tenir dans les délais impartis le référendum prévu au Sud-Soudan. Le Comité note avec préoccupation que des violations graves et systématiques de droits de l'homme ont été et continuent d'être perpétrées en toute impunité à travers le Soudan et en particulier au Darfour. Aussi, le Soudan devrait-il prendre toutes les mesures appropriées afin de garantir que les agents de l'État, notamment toutes les forces de sécurité, et les milites sous contrôle de l'État mettent immédiatement un terme à ces violations. Il notre en outre avec préoccupation les informations laissant entendre que la torture est répandue dans le pays, en particulier dans les prisons.. Le Soudan devrait d'autre part mettre un terme à toutes les formes d'esclavage et d'enlèvement sur son territoire et poursuivre ceux qui se livrent à de telles pratiques. Le Comité note en outre avec préoccupation qu'exceptionnellement dans le Nord-Soudan, la peine de mort peut être imposée à des mineurs.
En ce qui concerne la République tchèque, le Comité se réjouit de ce que la nouvelle Constitution de 2002 accorde expressément la primauté aux traités internationaux ratifiés par le Parlement. Il exprime en revanche sa préoccupation face à l'interprétation restrictive que le pays fait des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte et de son Protocole facultatif. Tout en notant que la République tchèque nie avoir connaissance de tels incidents, le Comité se dit en outre préoccupé par les allégations indiquant que les aéroports tchèques ont été utilisés pour le transit de vols de «restitution» (rendition) de personnes vers des pays où elles risquaient d'être soumises à la torture. Il est recommandé au pays d'enquêter au sujet de ces allégations. Le Comité reste préoccupé par la persistance, dans la pratique, de la discrimination contre les Roms, notamment dans les domaines du travail et de l'accès à l'emploi, aux soins de santé, à l'éducation et au logement, ainsi que par la persistance de «ghettos» de facto. Il est en outre demandé au pays d'abolir totalement l'utilisation de lits-cages et des lits-filets dans les institutions psychiatriques.
Au cours de cette session, le Comité a en outre adopté son observation générale révisée n°32 sur l'article 14 du Pacte, qui porte sur le droit à un procès équitable et le principe de l'égalité devant la justice. Le texte de cette observation révisée sera intégré dans le rapport du Comité à l'Assemblée générale.
Le Comité a en outre examiné, dans le cadre de séances privées, des communications reçues conformément aux dispositions du Protocole facultatif au Pacte qui habilite le Comité à examiner les plaintes émanant de particuliers
Le Comité a également entendu la présentation du rapport du Rapporteur chargé du suivi des constatations adoptées suite à l'examen de ces communications, ainsi que la présentation du rapport du Rapporteur sur le suivi des observations finales, dans lequel est notamment présentée la liste des pays qui n'ont pas encore répondu aux sollicitations du Comité.
Lors de sa prochaine session, qui se tiendra à Genève du 15 octobre au 2 novembre 2007, le Comité doit examiner les rapports de l'Algérie, de l'Autriche, du Costa Rica, de la Géorgie et de la Libye.
Observations finales
Le Comité a adopté des observations finales sur les rapports présentés au cours de la session par la Zambie, le Soudan et la République tchèque s'agissant des mesures prises par ces pays pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits civiques et politiques.
S'agissant du troisième rapport périodique de la Zambie, le Comité se félicite de la création, en 1996, d'une Commission zambienne des droits de l'homme ayant pour mandat de promouvoir et protéger les droits de l'homme, ainsi que de la création, en 1999, d'une Autorité chargée de traiter des plaintes pour abus d'autorité, détention illégale, brutalité, torture ou conduite non professionnelle déposées à l'encontre d'agents de police. Le Comité note en outre avec satisfaction que la Zambie a fait des progrès considérables en matière de réduction de la mortalité maternelle. Le Comité relève toutefois que le Pacte n'est pas directement applicable en droit interne et se dit préoccupé que tous les droits énoncés dans le Pacte n'aient pas été inclus ni reconnus de manière appropriés dans la Constitution et dans la législation. Il est donc recommandé à la Zambie d'assurer l'harmonisation de son droit interne avec le Pacte. La Zambie devrait par ailleurs déployer tous les efforts possibles afin d'accroître les ressources budgétaires allouées à la Commission zambienne des droits de l'homme afin de lui permettre de s'acquitter de ses fonctions de manière efficace. Le Comité réitère en outre sa préoccupation au sujet des exceptions au droit de ne pas être soumis à une discrimination qui sont prévues à l'article 23 de la Constitution et qui ne sont pas conformes aux articles 2,3 et 26 du Pacte; le Comité est préoccupé, en particulier, par les exceptions en rapport avec les non-ressortissants, l'adoption, le mariage, le divorce, l'enterrement, la restitution de biens au moment du décès ou encore en rapport avec l'application du droit coutumier. Il est recommandé à la Zambie de revoir l'article 23 de sa Constitution afin de le rendre conforme aux dispositions du Pacte. Le Comité reste en outre préoccupé par la persistance de pratiques coutumières hautement préjudiciables aux femmes, ainsi que par les restrictions qui sont rapportées concernant la liberté de mouvement des femmes. Préoccupé par le fait que la priorité du droit statutaire sur le droit coutumier ne soit pas toujours assurée dans la pratique, le Comité recommande au pays d'accroître ses efforts de sensibilisation dans ce domaine, y compris s'agissant du droit de faire appel devant des tribunaux ordinaires.
Le Comité se dit par ailleurs préoccupé par le manque de clarté des dispositions juridiques régissant l'introduction et l'administration de l'état d'urgence. Tout en notant avec satisfaction le moratoire de facto sur les exécutions capitales appliqué en Zambie depuis 1997, ainsi que les commutations de nombreuses sentences de mort en peines d'emprisonnement, le Comité s'inquiète du nombre élevé de personnes demeurant dans les couloirs de la mort. L'imposition obligatoire de la peine de mort pour les vols aggravés (c'est-à-dire commis avec une arme à feu) constitue une violation du paragraphe 2 de l'article 6 du Pacte, rappelle le Comité. Il se dit par ailleurs préoccupé qu'en dépit des nombreuses mesures positives adoptées pour combattre la violence et les abus sexuels contre les femmes, le phénomène continue d'être un problème grave en Zambie. Il est par ailleurs recommandé à la Zambie de pénaliser la torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants en tant que tels. Le Comité fait également part de sa préoccupation face au taux intolérable du surpeuplement carcéral ainsi que face aux conditions très mauvaises qui prévalent dans les lieux de détention. Dans de nombreux cas, la durée de la détention avant jugement est excessive, s'inquiète en outre le Comité. Il note aussi avec préoccupation que le Code pénal criminalise les activités sexuelles entre adultes consentants du même sexe; de telles dispositions devraient être retirées du Code pénal. Devraient également être retirées du Code pénal les dispositions faisant de la diffamation contre le président et de la publication de fausses nouvelles des crimes relevant du pénal. La Zambie devrait par ailleurs agir immédiatement afin d'accroître l'âge minimum de la responsabilité pénale, actuellement fixé à huit ans, afin de le porter à un niveau acceptable au regard des normes internationales.
Dans ses observations finales sur le troisième rapport périodique du Soudan, le Comité se félicite de la signature de l'Accord global de paix du 9 janvier 2005 qui a grandement contribué à faire cesser les nombreuses et graves violations des garanties prévues par le Pacte. Il se félicite aussi de l'adoption de la Constitution nationale intérimaire de 2005 qui prévoit des garanties concernant les droits fondamentaux, ainsi que de la signature de l'Accord de paix du Darfour du 5 mai 2006 et des efforts continus qui sont déployés afin de parvenir à une paix durable au Darfour. Notant les efforts consentis par le Soudan au sujet de la question de l'autodétermination au Sud Soudan, le Comité recommande au pays de déployer toutes les ressources humaines et matérielles requises pour tenir dans les délais impartis le référendum prévu par la Constitution nationale intérimaire. Le Comité regrette que les droits protégés par le Pacte n'aient pas été pleinement intégrés dans la législation interne. Le Comité note par ailleurs avec préoccupation, en particulier dans le contexte du conflit armé, que des violations graves et systématiques de droits de l'homme ont été et continuent d'être perpétrées en toute impunité à travers le Soudan et en particulier au Darfour, y compris des meurtres, des viols, des déplacements forcés et des attaques contre la population civile. Le Comité reste en outre préoccupé par le décret du 11 juin 2006 relatif à une amnistie générale et par le champ d'application de ce décret. Il reste préoccupé s'agissant de la capacité du Soudan à poursuivre et punir les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis au Darfour. Aussi, le Soudan devrait-il prendre toutes les mesures appropriées afin de garantir que les agents de l'État, notamment toutes les forces de sécurité, et les milites sous contrôle de l'État mettent immédiatement un terme à ces violations; assurer que les organes et agents de l'État apportent toute la protection requise aux victimes de graves violations commises par des tiers; prendre toutes les mesures appropriées, y compris en coopération avec la Cour pénale internationale, afin d'assurer que toutes les violations des droits de l'homme portées à son attention fassent l'objet d'enquêtes et que les responsables de ces violations - y compris les agents de l'État et membres des milices - soient poursuivis au niveau national ou international; assurer qu'aucun soutien financier ni aucun matériel n'est fourni aux milices qui s'engagent dans le nettoyage ethnique ou dans le ciblage délibéré de civils; entreprendre d'abolir toute immunité dans la nouvelle législation régissant la police, les forces armées et les forces de sécurité nationales; assurer qu'aucune amnistie n'est accordée à quiconque est soupçonné d'avoir commis ou d'être en train de commettre des crimes de nature particulièrement grave; et assurer que les victimes de violations graves des droits de l'homme se voient garantir une réparation appropriée.
Le Comité considère que les châtiments corporels, notamment la flagellation et l'amputation, sont inhumains et dégradants. Aussi, est-il recommandé au Soudan d'abolir toutes les formes de châtiments corporels qui constituent des infractions au Pacte et de revoir la pratique du prix du sang (diya) pour meurtres et autres crimes similaires. Le Comité relève par ailleurs avec préoccupation un cadre persistant de discrimination contre les femmes dans la législation, en particulier dans les domaines du mariage et du divorce. Il notre en outre avec préoccupation les informations laissant entendre que la torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants sont répandus dans le pays, en particulier dans les prisons, et se dit préoccupé que ces abus soient perpétrés en particulier par les agents responsables de l'application des lois. Le Soudan est prié de prévoir une définition de la torture dans sa législation. Tout en notant les efforts consentis par le Soudan pour éradiquer la pratique du recrutement forcé d'enfants soldats, le Comité reste par ailleurs préoccupé par le faible nombre d'enfants qui ont véritablement été démobilisés. Le Soudan devrait d'autre part mettre un terme à toutes les formes d'esclavage et d'enlèvement sur son territoire et poursuivre ceux qui se livrent à de telles pratiques. Le Comité note en outre avec préoccupation qu'exceptionnellement dans le Nord-Soudan, la peine de mort peut être imposée à des mineurs. Il exprime par ailleurs sa préoccupation face à la durée légale autorisée de la garde à vue, qui peut être prolongée jusqu'à six mois et, dans la pratique, davantage. Dans les faits, s'inquiète aussi le Comité, le droit du détenu d'avoir accès à un avocat, à un médecin et à des membres de sa famille, pas plus que son droit d'être jugé dans des délais raisonnables, ne sont pas souvent pas respectés. Le Comité reste par ailleurs préoccupé par l'absence de mesures visant à assurer la protection des personnes déplacées et des travailleurs humanitaires. Il recommande en outre au Soudan d'abolir le crime d'apostasie, qui est incompatible avec le Pacte. Le Soudan devrait par ailleurs garantir l'exercice de la liberté de la presse, respecter le droit d'exprimer ses opinions et protéger le droit de manifester pacifiquement. Le Soudan devrait enfin respecter et protéger les activités des organisations et défenseurs de droits de l'homme.
En ce qui concerne le deuxième rapport périodique de la République tchèque, le Comité note la ratification par ce pays du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il se réjouit par ailleurs de ce que la nouvelle Constitution tchèque, adoptée en 2002, accorde expressément la primauté aux traités internationaux ratifiés par le Parlement. Le Comité exprime en revanche sa préoccupation face à l'interprétation restrictive que la République tchèque fait des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte et de son Protocole facultatif et face au non-respect desdites obligations. Le pays a fait part de difficultés à appliquer les constatations du Comité concernant la restitution de biens ou la compensation aux personnes qui furent forcées de quitter le pays et de prendre la nationalité du pays où elles ont trouvé refuge; aussi, le Comité exhorte-t-il la République tchèque à appliquer toutes les constatations (ou avis) du Comité afin de restituer les biens aux personnes concernées ou, à défaut, de les indemniser. Tout en notant que la République tchèque nie avoir connaissance de tels incidents, le Comité se dit en outre préoccupé par les allégations, bien que non étayées de preuves, indiquant que les aéroports tchèques ont été utilisés pour le transit de vols de restitution (rendition) de personnes vers des pays où elles risquaient d'être soumises à la torture ou à des mauvais traitements. Il est recommandé au pays d'enquêter au sujet de ces allégations et de mettre en place un système d'inspection afin d'assurer que ses aéroports ne sont pas utilisés à de telles fins.
Le Comité regrette par ailleurs les informations persistantes faisant état de mauvaise conduite de la part de la police, en particulier à l'égard des Roms et d'autres groupes vulnérables et spécialement au moment de l'arrestation et durant la détention. Le Comité recommande à la République tchèque de prendre des mesures fermes afin d'éradiquer toutes les formes de mauvais traitements policiers et notamment d'établir un mécanisme totalement indépendant du Ministère de l'intérieur qui soit chargé d'enquêter sur les plaintes concernant les actions des agents responsables de l'application des lois. Le Comité note par ailleurs avec préoccupation que des femmes roms et autres ont été soumises à la stérilisation sans leur consentement, les recommandations pertinentes contenues dans le rapport de 2005 de l'Ombudsman n'ayant à cet égard pas été appliquées. Il recommande donc au pays d'appliquer lesdites recommandations; d'accorder compensation et assistance aux victimes; et d'engager des poursuites pénales contre les responsables présumés. Le Comité reste préoccupé par la persistance, dans la pratique, de la discrimination contre les Roms, notamment dans les domaines du travail et de l'accès à l'emploi, aux soins de santé et à l'éducation. Sont également jugées préoccupantes la discrimination dont font l'objet les Roms en matière d'accès au logement ainsi que la persistance d'évictions discriminatoires et de «ghettos» de facto. La République tchèque est priée d'adopter une législation anti-discrimination globale. Il est par ailleurs demandé au pays de mettre en place des mécanismes afin de lever les obstacles qui entravent la jouissance des droits garantis par le Pacte pour les non-ressortissants vivant en République tchèque. Le Comité note en outre avec préoccupation qu'aucun progrès significatif n'a été réalisé afin de corriger la faible participation des femmes à la vie politique. Il est d'autre part recommandé à la République tchèque de renforcer ses mesures visant à combattre le trafic et l'exploitation sexuelle des femmes et des enfants. Le Comité se dit par ailleurs préoccupé par la persistance de l'utilisation des lits-cages et des lits-filets comme moyen de contrainte à l'encontre des patients atteints de troubles psychiatriques; il est demandé au pays d'abolir totalement l'utilisation de tels lits dans les institutions psychiatriques et apparentées. Le Comité se dit en outre préoccupé que le placement en hôpital psychiatrique puisse se faire sur la base de seuls «signes de maladie mentale». Notant par ailleurs avec préoccupation que selon la loi sur les étrangers, un étranger en attente d'expulsion qui a moins de 18 ans peut être détenu jusqu'à 90 jours, le Comité recommande à la République tchèque de réduire la période de détention pour ces étrangers mineurs en attente d'expulsion.
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CT07012F