Fil d'Ariane
LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTEND LES RÉPONSES DE LA DÉLÉGATION DE L'ITALIE AUX QUESTIONS DES EXPERTS
Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses apportées par la délégation italienne aux questions qu'il lui avait posées vendredi matin s'agissant des mesures prises par l'Italie pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
La délégation italienne a notamment indiqué qu'une fois adopté, le projet de loi visant la création d'une commission nationale des droits de l'homme et la création d'un poste de défenseur des droits des détenus ouvrira la voie à la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention – lequel exige l'existence d'un mécanisme national de surveillance des lieux de détention. La délégation a aussi attiré l'attention sur l'adoption prochaine d'un projet de loi visant à adapter la législation italienne au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en particulier pour ce qui est des dispositions de ce Statut ayant trait à la coopération.
La délégation italienne a également fourni des compléments d'informations s'agissant de la législation sur le crime de torture; du problème de surpeuplement des prisons et du nombre élevé de prisonniers non européens; du cas Abu Omar et de la demande d'extradition d'agents d'un service étranger en rapport avec cette affaire; du projet de loi visant la création d'une commission nationale des droits de l'homme et d'un poste de défenseur des droits des détenus; des mesures de lutte contre le terrorisme; du comportement et de la formation des personnels des forces armées envoyés en mission internationale de maintien de la paix; de l'indemnisation des victimes de torture; de la réforme de la justice pour mineurs; ou encore de l'interdiction des mutilations génitales féminines.
Le Comité rendra publiques ses observations finales sur le rapport italien à la fin de la session, le vendredi 18 mai prochain.
Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du cinquième rapport périodique de l'Ukraine (CAT/C/81/Add.1).
Réponses de la délégation de l'Italie
La délégation italienne a notamment fait part de l'imminente signature par l'Italie de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
En ce qui concerne le crime de torture, la délégation - tout en rappelant que les délits prévus par le Code pénal italien englobent ce qui est sous-tendu par l'article premier de la Convention contre la torture – a indiqué que la loi n°1216 du Sénat relative à l'introduction du crime de torture a été amendée en mars 2007 afin de mettre en place un fonds national pour les victimes de la torture.
La délégation a par ailleurs indiqué qu'en avril dernier, le projet de loi visant la création d'une commission nationale des droits de l'homme a été approuvé par la Chambre des députés. Le Sénat doit encore l'approuver. Ce texte permettra la création d'un poste de défenseur des droits des détenus, qui ouvrira la voie à la ratification du Protocole à la Convention – lequel exige l'existence d'un mécanisme pertinent de surveillance des lieux de détention.
En juin 2007, a poursuivi la délégation, devrait être approuvé un projet de loi visant à adapter la législation italienne au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en particulier pour ce qui est des dispositions de ce Statut ayant trait à la coopération.
La Constitution protège rigoureusement les droits garantis par les instruments internationaux, a assuré la délégation italienne. La loi fondamentale, que l'on peut qualifier de rigide, ne peut être modifiée en ce qui concerne la protection des droits fondamentaux, a ajouté la délégation. La Cour constitutionnelle peut annuler toute disposition qui se démarquerait des dispositions constitutionnelles, a-t-elle souligné. Les décisions de cette Cour ne sont pas susceptibles d'appel.
En ce qui concerne les deux problèmes du surpeuplement des prisons et du nombre élevé de prisonniers non européens, la délégation a souligné que les autorités italiennes entendent apporter des solutions claires en respectant les principes d'égalité de traitement et de non-discrimination. Tout ressortissant étranger, même s'il ne réside pas légalement en Italie, peut recevoir une assistance juridique aux frais de l'État sur la base d'une simple déclaration entérinée par les autorités consulaires, a précisé la délégation.
Le surpeuplement carcéral en Italie est moins grave que par le passé, a ajouté la délégation, précisant que - grâce en particulier aux remises de peine prononcées l'an dernier - le nombre de prisonniers a pu être ramené à 39 000 contre 60 000 auparavant.
S'agissant du cas Abu Omar, la délégation a rappelé que des poursuites ont été engagées devant le tribunal de Milan en rapport avec l'enlèvement de M. Nasr Osama Mustafa Hassan (connu sous le nom d'Abu Omar). L'enquête préliminaire concernant cette affaire s'est achevée en février dernier par des poursuites à l'encontre, notamment, d'officiers des services de sécurité militaire italiens (SISMI) et de certains agents d'un service étranger. La première audition pour ce procès est fixée au 8 juin 2007, a précisé la délégation. Fournissant au Comité des informations mises à jour sur la procédure d'extradition pertinente, la délégation a rappelé que lors de son intervention devant le Sénat italien, le 15 mars dernier, le Ministre italien de la justice a souligné que la demande d'extradition était un acte complexe, comportant des éléments judiciaires et politiques, qu'il convenait de mener avec soin dans le contexte plus large des intérêts nationaux. Au niveau procédural, le Ministre de la justice a rappelé que, le 14 mars 2007, le Gouvernement italien a déposé plainte devant la Cour constitutionnelle concernant un possible conflit de pouvoir avec le bureau du Procureur du tribunal de Milan en charge des poursuites, sur la base de l'acquisition et de l'utilisation de preuves contraires aux dispositions relatives au secret d'État. Aussi, le Ministère de la justice a-t-il déclaré qu'avant toute décision pertinente sur la demande d'extradition des agents d'un service étranger impliqués dans l'affaire Abu Omar, il est nécessaire que la Cour constitutionnelle statue sur ce conflit de pouvoir. Le 18 avril dernier, la Cour constitutionnelle a jugé fondée la plainte déposée par le Gouvernement italien.
La délégation a par ailleurs rappelé que suite aux attaques terroristes perpétrées à Londres du 13 juillet 2005, une série de mesures ont été prises pour lutter contre le terrorisme, sans avoir pour autant recours à des mesures d'exception. L'ensemble des mesures prises par les autorités judiciaires s'agissant des questions en rapport avec le terrorisme le sont en respectant absolument les droits de l'homme, a assuré la délégation.
La délégation italienne a assuré que tous les personnels des forces armées envoyés en mission internationale de maintien de la paix ont l'obligation absolue de ne pas avoir recours à la torture, laquelle est interdite en toutes circonstances. Une formation adéquate est dispensée à ces personnels, a ajouté la délégation. En Somalie, des événements très graves se sont produits, a poursuivi la délégation sur ce même sujet. Une commission ad hoc a alors été mise en place et des sanctions ont été prises pour des faits avérés. La commission spéciale a établi des violations qui ont été renvoyées aux autorités judiciaires pertinentes. Par la suite, des activités de formation adéquates ont été prévues et à compter de 1993, il n'y a plus eu de ce type de comportement dans les autres régions du monde dans lesquelles les forces armées italiennes ont opéré.
La délégation a en outre indiqué que le Parlement italien est actuellement saisi de plusieurs projets de lois visant à donner suite à la décision prise en 2001 de prévoir des normes minimales s'agissant de l'indemnisation à accorder aux victimes des actes de torture.
Les actes de mutilation génitale sont interdits par la loi et des centres d'accueil ont été mis en place afin de protéger les femmes susceptibles d'être victimes de ce type de mutilations, a par ailleurs indiqué la délégation.
Le système pénitentiaire en Italie se fonde sur l'égalité de traitement en n'établissant aucune distinction entre les citoyens italiens et les étrangers, a par ailleurs assuré la délégation.
En ce qui concerne la justice pour mineurs, la délégation a indiqué que la réforme de cette branche de la justice est en cours. Une commission est en effet en train d'être mise sur pied, dont le rôle va être d'étudier la réforme de la justice pour mineurs. Une unité spéciale devrait également être créée qui travaillera de concert avec les autorités carcérales pour tout ce qui a trait à la situation des jeunes délinquants de 18 à 21 ans.
Questions complémentaires et réponses de la délégation
La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Italie, MME NORA SVEAAS, s'est félicitée, entre autres, de la mise en place prochaine d'une commission nationale des droits de l'homme en Italie ainsi que de toutes les mesures prises pour prévenir les mauvais traitements de la part des militaires opérant à l'étranger.
Mme Sveaass a toutefois souhaité en savoir davantage quant au suivi des événements qui se sont produits à Naples en 2001. Les actes en rapport avec les événements de Naples et de Gênes portés devant les tribunaux italiens seraient-ils visés par la règle générale concernant les délais de prescription, a-t-elle demandé?
Mme Sveaass a également souhaité en savoir davantage au sujet des violences dans les stades de football.
En ce qui concerne les procédures judiciaires en cours pour «les faits gravissimes de Gênes et de Naples», la délégation italienne a indiqué que l'on en est à la phase des auditions. Le Ministère public a présenté des centaines de témoins et les prévenus ont pu en faire autant, ce qui entraîne une certaine longueur des procédures, a expliqué la délégation. Des audiences se tiennent donc toutes les semaines, a-t-elle insisté. La préoccupation du Gouvernement a été de modifier les règles de prescription pour en allonger les délais, a poursuivi la délégation; un décret en ce sens a été adopté en Conseil des ministres pour l'ensemble des procédures pénales – et non pas seulement pour les événements de Naples et de Gênes – de manière à pouvoir aboutir à des décisions effectives sur le fond des accusations. Cette nouvelle législation va permettre de proroger les délais de prescription de moitié par rapport à ce qui avait été adopté par le Gouvernement précédent, ce qui, en l'espèce, va permettre d'aboutir à des décisions quant à la culpabilité ou non avant l'échéance des délais de prescription.
M. FERNANDO MARIÑO MENÉNDEZ, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport italien, a souhaité savoir comment sont punies les tortures mentales qui ne laissent pas de séquelles physiques. La durée de détention préventive est-elle limitée en droit italien, a-t-il également demandé?
La détention provisoire n'est pas détention préventive, a souligné la délégation italienne. La détention provisoire est établie par un juge sur demande du Ministère public; il existe en la matière des durées maximales pour chacune des phases de la procédure (enquête préliminaire, procès, appel, cours de cassation), a expliqué la délégation.
En ce qui concerne les suicides en prison, la délégation a souligné que l'engagement pris par les autorités italiennes de faire face à ce problème a été couronné d'un certain succès puisque le nombre de suicides dans les établissements pénitentiaires n'a cessé de baisser pour passer d'une quarantaine pour 30 000 détenus dans les années 1980 à à peine plus en 2006 pour un nombre de détenus double. À ce jour, le nombre de suicides en prison se situe à sept pour cette année.
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