Aller au contenu principal

DÉCLARATION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL À L'OUVERTURE DE LA PREMIÈRE SESSION DU CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME

Communiqué de presse

On trouvera ci-après la déclaration du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, M. Kofi Annan, à l'occasion de l'ouverture de la première session du Conseil des droits de l'homme:

«Monsieur le Président, je tiens tout d'abord à vous féliciter, ou plutôt à féliciter le Conseil d'avoir fait de vous son premier président.

Ce choix augure bien de l'avenir. Nous vous connaissons bien, nous qui travaillons au Siège, puisque vous avez été en poste à New York à la Mission permanente du Mexique. Et nous savons que vous êtes à la fois un éminent diplomate et un ardent défenseur des droits de l'homme, c'est-à-dire la personne idéale pour un poste d'une telle importance.

Je crois pouvoir dire sans exagérer que les yeux du monde – et en particulier ceux de tous les gens dont les droits les plus fondamentaux sont compromis ou foulés aux pieds, ou à qui ces droits ne sont même pas reconnus – sont rivés sur cette salle et l'organe qui s'y réunit.

Les États Membres et la société civile du monde entier ont beaucoup travaillé pour nous amener là où nous sommes.

Une ère nouvelle a commencé pour l'action de l'Organisation des Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme.

Tous les membres du Conseil sont, j'en suis sûr, à la fois conscients des espoirs qui ont ainsi été créés et déterminés à ne pas les décevoir.

Ils devraient l'être, en tout cas, car ils ont tous, quand ils se sont portés candidats à un siège au Conseil, pris l'engagement de respecter les droits de l'homme chez eux et de les faire respecter ailleurs. En outre, l'Assemblée générale a bien dit qu'ils devraient observer les normes les plus strictes en matière de promotion et de protection des droits de l'homme, coopérer pleinement avec le Conseil et se soumettre au mécanisme d'examens périodiques universels pendant leur mandat.

Leurs peuples, et les peuples du monde, voudront voir si ces normes sont bien respectées.

Permettez-moi de retracer brièvement le chemin qui nous a menés ici. L'an dernier, dans mon rapport intitulé «Dans une liberté plus grande», j'ai souligné que les droits de l'homme sont, au même titre que le développement économique et social et la paix et la sécurité, un des piliers qui soutiennent l'œuvre de l'ONU.

J'ai fait valoir que ces trois piliers se tiennent, que chacun donne aux autres plus de solidité et que tous trois sont indispensables au bien-être de l'humanité. Sans la paix et la sécurité, aucune société ne peut se développer. Si les gens vivent dans la misère et n'ont aucune chance de s'en sortir, leur pays ne sera jamais en sécurité. Et si les droits fondamentaux des citoyens ne sont pas protégés, aucune nation ne jouira longtemps ni de la sécurité, ni de la prospérité.

Bref, c'est parce que les droits et la dignité de l'homme ne sont pas respectés que, dans le monde d'aujourd'hui, la paix est si précaire et la prospérité si inégalement répartie.

Je suis heureux de pouvoir dire qu'au Sommet de septembre dernier, les dirigeants politiques du monde ont adopté cette vision des choses.

Ils ont décidé d'intégrer la promotion et la protection des droits de l'homme dans les politiques nationales et de contribuer à ce que les droits de l'homme soient systématiquement pris en compte dans tout le système des Nations Unies.

Pour que les questions relatives aux droits de l'homme soient examinées au niveau qui convient à l'ONU, ils ont accepté, comme je le proposais, de créer ce Conseil dont les membres sont directement élus par l'Assemblée générale et qui travaille aux côtés du Conseil de sécurité et de l'Assemblée.

Ils ont aussi pris la résolution de renforcer le Haut Commissariat aux droits de l'homme, et l'Assemblée générale a depuis décidé que le Conseil des droits de l'homme hériterait du rôle et des responsabilités de la Commission des droits de l'homme à l'égard du Haut Commissariat. Je tiens, à mon tour, à remercier la Haut Commissaire de l'extraordinaire dynamisme qu'elle apporte à l'expansion et à la transformation de nos activités dans le domaine des droits de l'homme. J'exhorte tous les membres du Conseil à la soutenir sans réserve.

Permettez-moi aussi de féliciter le Président de l'Assemblée générale pour la remarquable habileté avec laquelle il a dirigé les négociations qui ont abouti à la création de ce Conseil, laquelle restera sans aucun doute dans les mémoires comme un événement historique.

Pour l'instant, le Conseil est un organe subsidiaire de l'Assemblée générale. Mais d'ici à cinq ans, l'Assemblée en réexaminera le statut. J'ose espérer – et je voudrais que ce soit là votre ambition – que d'ici là votre travail aura si solidement assis l'autorité du Conseil des droits de l'homme que la volonté sera générale de modifier la Charte et de lui octroyer le statut d'organe principal.

Pour que ce vœu se réalise, il faudra que les travaux du Conseil se démarquent nettement de ceux de son prédécesseur. Cette démarcation devra ressortir clairement de la façon dont vous mettrez au point et appliquerez la procédure d'examens périodiques universels, de votre volonté d'aborder de front les questions difficiles et d'en débattre lorsqu'il le faudra pour remédier à des violations des droits de l'homme ou, mieux, les prévenir, et du parti que vous tirerez de la possibilité que vous aurez de vous réunir plus fréquemment que ne le faisait la Commission et de tenir des sessions spéciales.

La différence devra, surtout, être apparente au niveau de votre état d'esprit. Au climat d'affrontement et de méfiance qui a marqué les dernières années d'existence de la Commission devra faire place un climat de coopération et d'engagement dont la source soit une direction réfléchie, laquelle ne pourra émaner du seul Président et devra au contraire être collective. L'Assemblée générale vous a donné une bonne série de règles de départ, mais finalement ce qui vous fera réussir ou échouer dans votre tâche, ce sera les méthodes de travail que vous adopterez et les aspirations et attitudes qui les modèleront.

Tout cela étant dit, malgré les insuffisances qui ont marqué ses dernières années, la Commission a créé de nombreuses procédures utiles qui doivent être maintenues et renforcées.

J'entends par là, en particulier, le système de procédures spéciales grâce auquel la Commission s'est faite l'agent non seulement de la promotion, mais aussi de la protection des droits de l'homme. Au nombre des titulaires de mandats relevant de ces procédures spéciales comptent des experts indépendants, des rapporteurs spéciaux, mes propres représentants spéciaux et ceux du Haut Commissaire, et bien sûr les groupes de travail.

Ces «mécanismes», dont la plupart sont des personnes non rémunérées possédant des compétences spécialisées, sont les unités de front sur lesquelles nous comptons pour protéger les droits de l'homme et nous alerter au plus vite en cas de violation. En donnant l'alarme puis en enquêtant, ils font en sorte que les projecteurs restent braqués sur les situations les plus graves.

Ils donnent une voix aux victimes qui n'en n'ont pas, et leurs rapports servent de point de départ à l'examen des mesures concrètes que les gouvernements doivent prendre pour faire cesser les violations et veiller à ce qu'elles ne se reproduisent pas.

La Commission a également créé le premier mécanisme des Nations Unies permettant de déposer plainte en cas de violation des droits de l'homme: la procédure confidentielle connue sous le nom de «procédure 1503», grâce à laquelle les organisations non gouvernementales, d'autres groupes et mêmes les particuliers peuvent porter plainte.

J'imagine qu'une semblable procédure de saisine confidentielle sera maintenue, afin qu'aucune allégation de violations flagrantes et systématiques n'échappe au Conseil. Et j'espère que pourrez parvenir à un accord sur un protocole additionnel ouvrant la possibilité d'introduire des plaintes pour violation du Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Les organisations non gouvernementales jouent un rôle important dans la promotion et la protection des droits de l'homme, aux niveaux national, régional et international. C'est pourquoi l'Assemblée générale vous a demandé de maintenir les pratiques de la Commission et de les renforcer, afin que, de même que les États qui ne sont pas membres du Conseil, les institutions spécialisées, les autres organisations intergouvernementales et les institutions nationales qui s'occupent des droits de l'homme, les ONG puissent apporter la contribution la plus utile possible à vos travaux.

La Commission vous a aussi légué deux documents de la plus haute importance: le projet de convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et le projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones. Vous avez la possibilité, en examinant et en approuvant au plus vite ces instruments, d'obtenir d'emblée des résultat concrets et de redonner espoir à beaucoup d'êtres humains qui vivent aujourd'hui dans la peur.

Vous héritez également d'autres tâches urgentes, notamment celle de vous mettre d'accord là où la Commission n'a pu trouver de consensus, par exemple sur une définition du «droit au développement» qui soit suffisamment claire et précise pour qu'il soit effectivement possible de se prévaloir de ce droit et le faire respecter.

Comme vous le savez, les négociations qui ont abouti à la création de ce Conseil ont été âpres. Toutes les délégations n'ont pas obtenu tout ce qu'elles voulaient. Des compromis ont dû être faits, même si en fin de compte les principes n'ont pas été sacrifiés.

Il n'y a rien d'étonnant à ce que des désaccords et des difficultés aient surgi. Si les droits de l'homme ne suscitaient aucun désaccord, ce Conseil n'aurait pas de raison d'être.

De fait, les questions relatives aux droits de l'homme sont, par nature, délicates. Mais cela ne veut pas dire qu'elles relèvent nécessairement de l'interventionnisme ou soient intrinsèquement contraires aux intérêts des États. L'idée trop répandue qu'il existe une tension inévitable ou une incompatibilité insurmontable entre la liberté et la sécurité doit être rejetée.

Au contraire, les États les plus forts sont ceux qui défendent le plus vigoureusement les droits de l'homme de tous leurs citoyens. Et les êtres humains ne sont jamais vraiment en sécurité tant que leurs droits et libertés ne sont pas protégés contre toutes les atteintes, que celles-ci soient le fait d'ennemis ou d'agents de l'État.

Il s'ensuit que ceux qui ont voulu faire partie de ce Conseil et ont été élus doivent être prêts à accepter les débats et les désaccords, mais doivent aussi être unis dans leur volonté de faire respecter et appliquer les droits de l'homme sans crainte et sans favoritisme. Ils doivent reconnaître, comme l'Assemblée générale lorsqu'elle a créé ce Conseil, l'importance de l'universalité et de l'objectivité, ainsi que la nécessité de mettre tout le monde sur le même pied.

Vous avez bien du travail devant vous. Dans les semaines et les mois qui viennent, alors que vous vous plongerez dans les détails et vous débattrez avec les questions que ce Conseil a pour vocation d'examiner, je vous conjure de garder à l'esprit les nobles desseins qui vous ont réunis ici.

Ne permettez jamais au Conseil des droits de l'homme de s'embarquer dans des pugilats politiques ou de recourir à de basses manœuvres. Pensez toujours à ceux qui ne peuvent jouir de leurs droits, que ceux-ci soient civils et politiques ou économiques, sociaux et culturels, et que les intéressés vivent sous le joug de despotes sanguinaires ou dans les affres de l'ignorance, de la faim et de la maladie.

La vérité est que les atteintes à ces différents droits vont souvent de pair. Trop souvent, ce sont ceux qui veulent améliorer le sort des leurs qui sont victimes de l'oppression; et c'est le manque de liberté et de protection juridique qui inhibe le développement économique et social.

Sur ces deux fronts aussi importants l'un que l'autre, le Conseil peut donner à l'ONU, et à l'humanité, la chance de reprendre la lutte pour les droits de l'homme avec une vigueur renouvelée. Je vous en supplie, ne permettez pas que cette occasion soit gâchée.»

* *** *

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

SG/06/07F