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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT ENTAME SA DISCUSSION SUR UN TRAITÉ D’INTERDICTION DES MATIÈRES FISSILES

Communiqué de presse
Le Président de la Conférence annonce que le nombre requis de ratifications a été atteint pour permettre l'entrée en vigueur dans six mois du Protocole sur les débris de guerre explosifs

La Conférence du désarmement a entamé, ce matin, sa discussion sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires, conformément à la décision prise en début d'année par les six présidents de la Conférence pour 2006 de tenir, tout au long de la session de cette année, des débats ciblés structurés sur des questions se rapportant à l'ordre du jour de la Conférence.

La Conférence, qui commence ainsi les travaux de la deuxième partie de sa session de 2006, qui se tient à Genève jusqu'au 30 juin prochain, a entendu des déclarations de vingt pays: le Pakistan, le Royaume-Uni, la France, l'Autriche (au nom de l'Union européenne, de la Roumanie et de la Bulgarie), la Suisse, le Chili, l'Espagne, Sri Lanka, la Norvège, le Canada, l'Allemagne, la Pologne, le Japon, la Fédération de Russie, la Suède, la Turquie, les Pays-Bas, la République de Corée, l'Argentine et l'Italie.

Le Président de la Conférence, l'Ambassadeur Doru-Romulus Costea de la Roumanie, a informé la Conférence qu'avec l'accession du Liechtenstein et de la Suisse, le 12 mai dernier, au Protocole V à la Convention de 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination, Protocole qui traite des restes explosifs de guerre, ce sont désormais vingt États qui ont exprimé leur souhait d'être tenus par les dispositions de ce Protocole, de sorte qu'il peut désormais entrer en vigueur, ce qui sera effectif dans six mois, soit le 12 novembre 2006. Plusieurs pays intervenant ce matin se sont réjouis de la prochaine entrée en vigueur de ce Protocole.

S'agissant du débat ciblé sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire, plusieurs intervenants ont souligné qu'un tel traité concerne aussi bien la question du désarmement nucléaire que celle de la non-prolifération nucléaire et s'avère d'autant plus indispensable qu'il est essentiel, dans le contexte actuel, d'empêcher que des armes de destruction massive ne tombent entre les mains de terroristes. Plusieurs pays se sont dits favorables au lancement immédiat, sans condition préalable, des négociations sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire.

Certaines délégations ont estimé que ce traité devrait aborder la question de la production passée, présente et future, soulignant notamment que quelques États ont des stocks énormes, suffisants pour faire fonctionner et moderniser leur force nucléaire; un simple arrêt de la production future (cut-off) ne ferait selon eux qu'officialiser le statu quo. Pour d'autres en revanche, ce traité n'a pas vocation à couvrir les stocks existants constitués antérieurement à son entrée en vigueur - lesquels, a concédé une délégation, devraient néanmoins être traités au cours de futures négociations. En tout état de cause, chacun s'accorde pour estimer que ce traité ne saurait interdire la production de matières fissiles à des fins civiles pacifiques.

L'une des principales pierres d'achoppement s'agissant d'un tel traité porte sur la question de la vérifiabilité, a-t-il été rappelé. Les mesures prévues dans les accords de garanties devraient satisfaire les exigences de vérification pour les pays qui ne sont pas possesseurs d'armes nucléaires, alors que des activités de vérification additionnelles devraient être prévues pour les États nucléaires ayant une activité significative et qui ne sont pas soumis auxdits accords, a affirmé une délégation. Tous les États, dotés ou non d'armes nucléaires, devraient être soumis aux mêmes mesures de garanties, a déclaré une autre.

Plusieurs scénarios sont envisageables, a pour sa part indiqué une délégation: un traité complet, comprenant un système complet de vérification et couvrant toutes les questions en suspens; ou bien un traité général d'établissement de normes interdisant clairement la production et comprenant des dispositions claires en vue de futures négociations, au sein de la Conférence, s'agissant des questions en suspens.

La prochaine séance plénière de la Conférence se tiendra demain matin, à 10 heures, afin de poursuivre cette discussion. Pour le reste de la semaine, les discussions se concentreront - toujours dans le contexte d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire - sur les questions de la définition (mercredi matin), de la portée (mercredi après-midi), des stocks et autres questions pertinentes (jeudi), et de la vérification et du respect (vendredi).


Déclarations

M. MASOOD KHAN (Pakistan) a souligné que la discussion que la Conférence entame ce matin sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire est indissociablement liée aux autres questions que sont le désarmement nucléaire, la non-prolifération nucléaire, la prévention d'une course aux armements dans l'espace et les garanties négatives de sécurité. Se penchant sur les raisons pour lesquelles les négociations sur un traité d'interdiction des matières fissiles n'ont pas pu commencer, M. Khan a évoqué une crise du multilatéralisme et une crise de volonté politique.

Le représentant pakistanais a attiré l'attention sur la latitude qu'offre le mandat Shanon pour soulever toute question en rapport avec la négociation d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles - qu'il s'agisse de la question du «cut-off», de celle des stocks existants, de la question de la gestion et de la vérifiabilité. Or, a poursuivi M. Khan, l'élément vital de la vérification, s'agissant d'un tel traité, a été affaibli, voire omis dans les déclarations. Un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire devrait aborder la question de la production passée, présente et future, dans sa globalité, car quelques États ont des stocks énormes, suffisants pour faire fonctionner et moderniser leur force nucléaire; un simple arrêt de la production future (cut-off) ne ferait qu'officialiser le statu quo.

M. JOHN DUNCAN (Royaume-Uni) a rappelé que son pays est favorable au lancement immédiat, sans condition préalable, des négociations sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire. Il a en outre fait valoir que le Royaume-Uni a stoppé sa production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire et placé ses installations de production de plutonium, entre autres, sous garantie internationale. Le Royaume-Uni saisira toute occasion pour encourager les États qui ne l'ont pas encore fait à adhérer au Protocole additionnel de l'Agence internationale de l'énergie atomique, a ajouté M. Duncan. Le cycle du combustible nucléaire présente des risques de prolifération extrêmement grave et c'est pourquoi il faut s'efforcer de promouvoir les contrôles à l'exportation des marchandises concernées, a-t-il poursuivi.

M. FRANÇOIS RIVASSEAU (France), intervenant en tant que Président-désigné de la troisième Conférence d'examen de la Convention de 1980 sur certaines armes classiques (en anglais CCW) a rappelé que la ratification, vendredi dernier 12 mai 2006, par la Suisse et le Liechtenstein, du Protocole V à la Convention qui porte sur les restes explosifs de guerre, a permis d'atteindre le chiffre requis de vingt ratifications pour l'entrée en vigueur de cet instrument. L'entrée en vigueur du Protocole V prendra ainsi effet six mois après le dépôt de ces deux derniers instruments de ratification, soit le 12 novembre 2006, durant la Conférence d'Examen quinquennale de la Convention, qui se déroulera à Genève du 7 au 17 novembre prochain. Ce succès témoigne de la pertinence et de la vitalité du processus de la Convention sur les armes classiques, «seul forum au sein duquel les États soient parvenus à se mettre d'accord au cours de ces dernières années, sur un instrument juridiquement contraignant dans le domaine des armements conventionnels». L'entrée en vigueur de ce Protocole va désormais placer les États face à la question de sa mise en œuvre concrète et poser la question de la coordination nécessaire avec celle d'autres instruments. «Il y a donc encore beaucoup de travail devant nous», a conclu le Président de la Conférence d'examen.

Intervenant à titre national sur la question d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires (TIPMF), M. Rivasseau a fait valoir que la France s'est engagée de façon constante en faveur de la négociation d'un tel traité. Il a rappelé que la France est engagée dans un processus de démantèlement qui se poursuit aujourd'hui. Il s'agit d'une tâche longue et coûteuse qui se prolongera encore plusieurs années La France est le seul pays, parmi les puissances nucléaires, à l'avoir entreprise. La France n'a plus, désormais, d'installations de production de matières fissiles pour les armes nucléaires ou d'autres dispositifs nucléaires explosifs et s'est ainsi engagée dans un cycle «vertueux» qui nous l'espérons aura un effet d'entraînement. M. Rivasseau a estimé que la négociation de ce traité a aujourd'hui une chance d'être relancée. Le TIPMF apparaît aujourd'hui d'abord et surtout comme un traité de désarmement nucléaire à l'égal du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Il tient donc une place toute particulière dans le processus de désarmement nucléaire. L'approche générale de la France à propos d'un futur TIPMF s'organise autour des quelques idées suivantes: le champ d'application de ce traité concerne l'interdiction totale de la production future de matières fissiles pour des bombes nucléaires - il est évident que le traité n'a pas vocation à couvrir les stocks constitués antérieurement à son entrée en vigueur, les productions pour des usages pacifiques ou les usages militaires non explosifs. L'objet du Traité est bien de geler quantitativement le niveau maximum des arsenaux nucléaires dans le monde, tout comme le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires l'a gelé qualitativement et il existe un lien fort entre les deux. S'agissant de la vérification, la France insiste sur la notion de «vérifiabilité», c'est-à-dire «susceptible de vérification», tout en soulignant qu'aucune mesure de vérification ne pourra fournir d'assurances parfaites quant au respect du traité. En conclusion, M. Rivasseau a indiqué que la France considère le TIPMF comme le thème de l'ordre du jour le plus mûr et le plus propice au lancement prochain d'une négociation. Il devrait constituer la prochaine avancée tangible et concrète à laquelle peut contribuer la Conférence du désarmement s'agissant du désarmement nucléaire. C'est un engagement «en l'honneur duquel la France a fait plus d'efforts à ce jour qu'aucun autre État doté ou capable».

M. MARKUS REITERER (Autriche, au nom de l'Union européenne, ainsi que de la Roumanie et de la Bulgarie) s'est dit convaincu que le Protocole V contribuera à réduire de manière significative les risques militaires pour les populations civiles. Il a lancé un appel à tous les États qui ne l'ont pas encore fait pour qu'ils adhèrent à ce Protocole et qu'ils le ratifient.

M. JURG STREULI (Suisse) a souligné que la Suisse et le Liechtenstein ont permis de porter à vingt le nombre de parties au Protocole V relatif aux restes explosifs de guerre de la Convention sur certaines armes classiques. Son entrée en vigueur en 2006 marquera un événement important et positif pour cette Convention, pour la communauté de désarmement tout entière.

S'agissant de la question d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires, la Suisse souhaite qu'un comité spécial soit mis en place au sein de la Conférence du désarmement afin d'entamer des négociations, a indiqué M. Streuli. L'urgence d'un tel traité est d'autant plus pressante qu'augmente le risque de prolifération des armes nucléaires et qu'a été mis en évidence un marché noir extrêmement étendu dans le domaine de la technologie nucléaire. En attendant, la Suisse soutient l'imposition d'un moratoire sur la production des matières fissiles. La Suisse souhaiterait bien évidemment que les négociations sur un futur traité englobent également les caractéristiques qui fondent la crédibilité de tels traités, à savoir le principe de vérification. Toutefois, en vue de ne pas nuire à une dynamique qui pourrait voir le jour, elle est prête à commencer les négociations sans conditions préalables. Le représentant suisse a indiqué que sa délégation avait remis au Secrétaire général de la Conférence un document de travail qui thématise les aspects de la portée d'un tel traité, les définitions, mais surtout une approche réaliste à la vérification d'une interdiction globale de la production des matières fissiles pour des fins militaires.

M. JUAN MARTABIT (Chili) a souligné que les risques de voir proliférer les armes nucléaires ou de voir ces armes tomber entre les mains de groupes terroristes est à prévoir. Aussi, les régimes en place doivent-ils être renforcés. La responsabilité de remédier à la situation qui a vu miner le régime de désarmement et de non-prolifération incombe en particulier aux États nucléaires, qu'ils soient ou non parties au Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), a-t-il déclaré. Il convient d'adopter, de toute urgence, des mesures qui permettent d'exercer un contrôle sur les énormes quantités de matières fissiles, du point de vue de la prolifération, du désarmement et de la menace terroriste, a-t-il poursuivi. M. Martabit a souligné que, pour appréciable qu'il soit, le moratoire déclaré par quatre États nucléaires parties au TNP, qui ont annoncé qu'ils s'abstenaient de produire des matières fissiles à des fins d'armement nucléaire ne saurait suffire. Un instrument juridiquement contraignant s'impose. M. Martabit a rappelé que la pierre d'achoppement s'agissant d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire a trait à la question de la vérifiabilité. Les mesures prévues dans les accords de garanties devraient satisfaire les exigences de vérification pour les pays qui ne sont pas possesseurs d'armes nucléaires, a poursuivi l'Ambassadeur du Chili. Il est évident que des activités de vérification additionnelles devraient être prévues pour les États nucléaires ayant une activité significative et qui ne sont pas soumis auxdits accords, a-t-il précisé.

M. GERARDO BUGALLO OTTONE (Espagne) a jugé difficile de comprendre que la menace que représente, pour la paix et la sécurité internationales, la prolifération d'armes de destruction massive ne suffise pas, à elle seule, à rapprocher les positions au sein de cette Conférence. Dans ce contexte, l'Espagne, comme un certain nombre d'autres délégations, a décidé d'adopter un profil bas, préférant faire partie de la solution que devenir une partie du problème. M. Bugallo Ottone a rappelé que si les attentats du 11 septembre 2001 ont été perpétrés sans utiliser d'armes de destruction massive c'est simplement parce que les terroristes n'avaient pu s'en procurer. S'il faut regretter que la Conférence n'ait pu se mettre d'accord sur l'adoption d'un programme de travail, il est beaucoup plus grave qu'elle ait rompu avec la réalité extérieure, a-t-il déclaré. De l'avis de l'Espagne, il faut abandonner toute idée de lien et il ne saurait y avoir de moyen plus efficace pour promouvoir la confiance qu'une action commune déterminée pour imposer des limites à la production de matières fissiles à des fins de production d'armes nucléaires.

MME SARALA FERNANDO (Sri Lanka) a rappelé qu'il existe un consensus, au sein de la communauté internationale, auquel il faut espérer que la Conférence se rallie, quant à la nécessité d'un processus à long terme menant à l'élimination éventuelle des armes nucléaires. Elle a souligné que son pays avait dès 1980 fait part de sa position s'agissant du rôle de la Conférence pour ce qui est de discuter d'un traité sur les matières fissiles. Sri Lanka estime qu'un régime juridique international global interdisant la production et l'utilisation de matières fissiles constituerait l'une des barrières les plus importantes contre la prolifération d'armes nucléaires et de nouveaux États dotés d'armes nucléaires.

Mme Fernando a souligné qu'au-delà de l'agenda nucléaire, d'autres questions existent. Ainsi, la prévention d'une course aux armements dans l'espace est-elle un point de l'ordre du jour qui, de l'avis du Sri Lanka, est clairement sous-utilisé. En outre, Sri Lanka fait partie des pays qui estiment que la Conférence peut et devrait également traiter des questions de désarmement conventionnel. Ce sont les petites armes qui, aujourd'hui, menacent le plus de monde dans les zones de guerre et de conflit, a rappelé Mme Fernando.

M. KJETIL PAULSEN (Norvège) a jugé encourageant de noter que plusieurs États dotés d'armes nucléaires sont disposés à engager des négociations sur un traité d'interdiction de la production des matières fissiles à des fins d'armement nucléaire. Cet engagement est d'autant plus important que ce sont les États dotés d'armes nucléaires, qu'ils fassent ou non partie du TNP, qui auront de nouvelles obligations lorsqu'un tel traité entrera en vigueur. Il est en revanche décourageant que certains États non dotés d'armes nucléaires semblent hésitants à engager des négociations sur un tel traité, à moins que d'autres questions soient traitées simultanément. La Norvège, a poursuivi M. Paulsen, plaide en faveur du lancement immédiat de négociations sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire et sur le lancement subséquent de l'examen d'autres questions importantes, dès que cela est politiquement possible. Un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire se concentrera, bien entendu, sur la production future de telles matières à des fins d'armement nucléaire; mais les stocks existants devraient aussi être traités au cours des futures négociations, a déclaré M. Paulsen. Pour ce qui est de la question de la vérifiabilité, seules les négociations et des études d'experts pourront nous éclairer quant aux résultats qui pourront être atteints dans ce domaine, a-t-il ajouté, précisant qu'un système de vérification ne devrait révéler aucune autre information que celle qui est pertinente au regard du traité.

M. PAUL MEYER (Canada) a rappelé que la Conférence du désarmement est chargée d'une lourde responsabilité qui consiste à négocier des accords de désarmement pour améliorer la sécurité de la communauté internationale tout entière. «Le fait que la Conférence du désarmement n'ait rien décidé de substantiel depuis huit ans, pas même un programme de travail, est une vraie farce, mais c'est une question sur laquelle je ne veux pas m'appesantir aujourd'hui», a dit le représentant canadien. Il a rappelé la «stratégie de suffocation» esquissé par l'ex-premier ministre canadien Pierre Trudeau il y a 30 ans concernant les armes nucléaires, qui prévoyait un processus par étapes pour prévenir la propagation des armes nucléaires et de leurs vecteurs et assurer à terme leur élimination. La première de ces étapes devait être l'interdiction des essais d'armes nucléaires. La prochaine étape de cette stratégie de suffocation, est l'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement: un traité sur l'arrêt de la production de matières fissiles. Car il n'est pas possible de fabriquer des armes nucléaires sans matières fissiles.

Dans le cadre des négociations, M. Meyer a souligné qu'une vague déclaration de bonnes intentions au sujet de la production future rendrait un mauvais service à la communauté internationale et indiquerait que nous ne sommes pas sérieux au sujet de la non-prolifération, du contrôle des armements et du désarmement nucléaires. Il faut une nouvelle norme internationale contre la production de matières fissiles à des fins d'armement. «N'a-t-on pas déjà produit assez de matières fissiles pour les armes nucléaires dans le monde? N'est-il pas temps d'arrêter?» Les États qui retirent des matières fissiles des programmes militaires ou qui ont déclaré un moratoire unilatéral sur leur production le pensent manifestement. C'est aussi ce que pense le Canada. M. Meyer a souligné que le besoin d'un traité sur les matières fissiles est encore plus urgent aujourd'hui qu'il y a un demi siècle, devant les menaces contemporaines à la sécurité internationale. Il a indiqué que sa délégation avait déposé un document de travail sur la question des stocks (CD/1770).

M. BERNHARD BRASACK (Allemagne) a estimé qu'aujourd'hui, l'arrêt de la production des matières fissiles qui sont conçues pour les armes nucléaires constitue la prochaine étape logique dans le domaine des efforts de non-prolifération et a souligné qu'un traité pourrait apporter un aspect irréversible dans le désarmement nucléaire. Dans cette période de l'après 11 septembre, M. Brasack a souligné l'importance centrale, pour faire face à la menace du terrorisme nucléaire, de sécuriser les stocks de matières fissiles dans le monde et de parvenir à des équilibres fiables et une meilleure reddition de comptes. L'Allemagne préconise un début des négociations sur le traité sans conditions préalables, qu'il s'agisse des éléments à négocier ou des résultats escomptés ou souhaités. Dans le cadre des négociations, aucune délégation ne devrait être empêchée de soulever toute question qu'elle estime appropriée, comme la portée du traité, la question des stocks produits avant l'entrée en vigueur et la gestion, la reddition de comptes et la transparence s'agissant des matières fissiles concernées.

Le but principal des négociations doit être d'empêcher efficacement toute augmentation des stocks des matériaux nucléaires à des fins militaires. Par conséquent, la portée du traité devrait concerner l'interdiction de toute future production de matières nucléaires utilisées directement pour la fabrication de dispositifs explosifs nucléaires; l'interdiction de la réutilisation à des fins militaires de matières fissiles obtenues à partir des mesures de désarmement et la réorientation à des fins civiles; l'interdiction de tout transfert de matière fissile civile aux fins de fabriquer des explosifs nucléaires et autres fins militaires. Il a souligné qu'une prise en compte appropriée des matières fissiles produites avant l'entrée en vigueur du traité aurait l'avantage de garantir de manière importante la nécessaire transparence et permettrait d'introduire l'idée de reddition de comptes dans la prévention efficace de la non-prolifération, non seulement s'agissant des relations entre États mais aussi en ce qui concerne le vol et les transferts vers des groupes terroristes.

M. ZDZISLAW RAPACKI (Pologne) a indiqué que le lancement rapide de négociations sur un traité cut-off sur les matières fissiles reste la priorité de son pays. Il a rappelé qu'en 1998, la Conférence, reconnaissant l'importance de cette question, était parvenue à établir un comité ad hoc pour mener de telles négociations. Malheureusement, depuis, aucun nouveau travail n'a été accompli sur la question. L'objectif est clair, a poursuivi M. Rapacki: nous avons besoin d'une norme qui contribuera substantiellement au désarmement nucléaire et permettre de stopper la production de matières fissiles à des fins d'armement militaire. Un tel traité fournirait en outre un important instrument pour empêcher que des terroristes n'aient accès à des matières qu'ils pourraient utiliser pour provoquer des dévastations incomparablement plus importantes que celles du 11 septembre 2001.

De l'avis de la Pologne, le futur traité ne devrait pas faire peser de charge supplémentaire sur les États non dotés d'armes nucléaires qui adhèrent au système de garanties globales et aux protocoles additionnels de l'AIEA. Ces instruments ont en effet déjà mis en place un système de vérification pour ce groupe d'États, a fait observer M. Rapacki. Il serait donc judicieux d'envisager la participation d'experts de l'AIEA aux futurs débats au sein de la Conférence ainsi qu'au futur processus de négociation. Pour ce qui est des États capables d'obtenir des matières fissiles, la question est plus complexe, a poursuivi l'Ambassadeur de Pologne. Une priorité urgente a été identifiée qui consiste à légaliser les moratoires sur la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire. Il s'agirait là de l'un des objectifs du traité. Parmi les questions sur lesquelles il faudra se pencher, a indiqué M. Rapacki, figurent la manière de prévenir la réorientation de la production pacifique vers des objectifs militaires ou encore la portée de la vérification et sa faisabilité, ainsi que la manière d'assurer le caractère non discriminatoire du traité. M. Rapacki a souligné que plusieurs scénarii sont imaginables: un traité complet, comprenant un système complet de vérification et couvrant toutes les questions en suspens; ou bien un traité général d'établissement de normes interdisant clairement la production et comprenant des dispositions claires en vue de futures négociations, au sein de la Conférence, s'agissant des questions en suspens.

M. YOSHIKI MINE (Japon) a présenté le document de travail de son pays sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire (CD/1774). Il a affirmé que, de l'avis de son pays, un tel traité n'a jamais été aussi mûr qu'aujourd'hui pour être négocié. La première partie du document de travail présenté par le Japon insiste sur la signification et la pertinence d'un tel traité du point de vue du désarmement et de la non-prolifération nucléaires. Ce document de travail se concentre sur quatre questions centrales, à savoir la portée des obligations essentielles, la vérification, les stocks existants et la définition, a précisé M. Mine.

M. Mine a indiqué qu'il y a quatre façons possibles d'appréhender la vérification: confirmer que la quantité de réserves de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire n'a pas augmenté depuis la date d'entrée en vigueur du traité; confirmer que les réacteurs et les installations de production de matières fissiles à des fins de production de matières fissiles pour armes nucléaires qui sont fermés ou convertis au civil le restent; confirmer que les matières fissiles qui ont été volontairement déclarées en excès suite au désarmement nucléaire ne sont pas reconverties ensuite à des fins d'armement nucléaire; et confirmer que les matières fissiles à des fins civiles n'ont pas été détournées à des fins d'armement nucléaire.

M. VALERY LOSHCHININ (Fédération de Russie) a estimé que l'arrêt et l'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire devraient être la prochaine étape logique du renforcement du régime de non-prolifération nucléaire et de désarmement nucléaire. Il a rappelé que la Fédération de Russie avait arrêté la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire depuis 10 ans. En outre, le plutonium produit dans les trois réacteurs restants à des fins civiles de production d'électricité n'est plus utilisé depuis 1994 pour la production d'armes nucléaires.

S'agissant de la portée d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire, la Fédération de Russie estime qu'un tel traité devrait interdire la production future d'uranium et de plutonium à des fins d'armement nucléaire; interdire l'assistance ou l'encouragement à la production de ces matières par d'autres États; et interdire le transfert de matières fissiles du cycle civil vers le cycle militaire à des fins d'armement nucléaire. La portée du traité ne saurait couvrir les stocks existants de matières fissiles, sous peine d'exiger l'établissement d'un mécanisme de vérification lourd et incommode et donc des coûts élevés inacceptables.

MME ELISABET BORSIIN BONNIER (Suède), évoquant les réserves de certaines délégations quant à la pertinence, aujourd'hui, de l'élaboration d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires et à sa capacité à contribuer au désarmement nucléaire et à la non-prolifération, a estimé que les avantages fondamentaux base d'un tel traité demeurent. La production de matières fissiles pour la fabrication d'armes se poursuit dans le monde entier, et leur production actuelle et potentielle continue d'être des sujets de préoccupation. En outre, les moratoires existants ne sont pas irréversibles, et ils ne sont pas appliqués de façon transparente et efficacement vérifiable. Les débats plus larges sur le Traité de non-prolifération nucléaire et le cycle du carburant nucléaire a influencé la réflexion sur le traité sur les matières fissiles. Un accord négocié de manière multilatérale pour plafonner toute production future de matières fissiles pour la fabrication d'armes ne pourrait que faciliter les discussions dans d'autres instances appropriées sur la façon d'aborder les préoccupations en matière de prolifération liés au cycle du carburant nucléaire en général. Un engagement à commencer immédiatement et à conclure rapidement les négociations sur un traité d'interdiction des matières fissiles devrait s'accompagner de prises de positions politiques à même de rendre possible des avancées sur le fond. À défaut, on risque de nuire aux chances de progrès en faveur d'un tel traité, mais aussi à la crédibilité du régime de désarmement et de non-prolifération.

M. TURKEKUL KURTTEKIN (Turquie) a souligné l'importance que son pays accorde aux questions du désarmement nucléaire et de la non-prolifération nucléaire. Désarmement et non-prolifération sont deux processus qui se renforcent mutuellement, a-t-il ajouté. Pour la Turquie, il faut immédiatement commencer au sein de la Conférence et ce, sans condition préalable, les négociations concernant un traité non discriminatoire et vérifiable universellement interdisant la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire. La Turquie est notamment convaincue que le concept de vérification est inhérent à tout traité dans le domaine du désarmement, a poursuivi M. Kurttekin. Néanmoins, ni la question de la vérification ni celle du champ d'application ne doivent constituer des conditions préalables au lancement des négociations, a-t-il souligné.

M. JOHANNES LANDMAN (Pays-Bas) s'est dit satisfait d'apprendre que vingt pays ont maintenant signé le Protocole V à la Convention sur les armes classiques, de sorte que ce Protocole peut désormais entrer en vigueur dans six mois. Un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire mettrait un plafond à la production de matières fissiles à des fins militaires, a-t-il déclaré. Il a souhaité le lancement immédiat de négociations sur un tel traité, sans condition préalable. Il a précisé que les Pays-Bas sont disposés à engager les négociations sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire sur la base du rapport du coordonnateur spécial et des propositions des cinq ambassadeurs. L'objectif principal d'un tel traité serait de mettre fin à la production d'uranium enrichi et de plutonium à des fins de production d'armes nucléaires, a-t-il précisé.

Du fait d'un tel traité, a poursuivi M. Landman, toutes les installations de production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire devraient être fermées, démantelées ou reconverties à des fins civiles et inclues dans le régime de garanties. Tous les États, dotés ou non d'armes nucléaires, devraient être soumis aux mêmes mesures de garanties, a insisté M. Landman.

M. CHANG DONG-HEE (République de la Corée) a rappelé que le commencement des négociations sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires était une priorité de la communauté internationale dans le domaine de désarmement depuis 1993, mais qu'aucun progrès substantiel n'a été réalisé jusqu'ici sur cette question importante. Ce traité est la prochaine étape logique après l'adoption du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, non seulement pour ce qui concerne la non-prolifération nucléaire, mais aussi le désarmement nucléaire. Ces deux traités renforcent et complètent le régime du Traité de non-prolifération nucléaire, et leur entrée en vigueur constituerait une avancée importante en plafonnant les programmes d'armement nucléaire sur les plans qualitatif et quantitatif. Le traité sur les matières fissiles aiderait de plus à réduire le risque de vol de matières nucléaires et de terrorisme nucléaire. La République de la Corée continue d'accorder un rang de priorité élevée au lancement des négociations sur le traité sur les matières fissiles au sein de la Conférence du désarmement aussitôt que possible, et M. Chang a souhaité que les débats, tout au long de cette semaine, au bénéfice notamment de la participation de plusieurs experts, donneront des résultats fructueux et constructifs, et serviront de base solide à de futures discussions.

M. MARCELO VALLE FONROUGE (Argentine) a réitéré le soutien de son pays à la conclusion d'un instrument international non discriminatoire, multilatéral et international, efficacement vérifiable sur l'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire. Il ne fait aucun doute que l'adoption d'un tel instrument contribuerait à renforcer le régime de non-prolifération et constituerait une mesure concrète vers l'élimination progressive des armes nucléaires, tout en préservant le droit légitime des États à produire des matières fissiles à des fins pacifiques, c'est-à-dire en garantissant le développement de toutes les technologies nécessaires à l'usage pacifique de l'énergie nucléaire, en particulier celles destinées à l'obtention du cycle complet du combustible nucléaire. Étant donné que l'inclusion ou non des stocks déterminera le caractère de désarmement ou de non-prolifération du futur accord, l'Argentine accordera une attention particulière, cette semaine, aux discussions portant sur l'inclusion des stocks à un moment quelconque des négociations, lorsque celles-ci se dérouleront.

M. CARLO TREZZA (Italie) a souligné qu'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire fait partie intégrante du processus de désarmement nucléaire et de contrôle des armements. Il s'agit d'une question prioritaire pour de nombre de délégations et elle est mûre pour la négociation, a-t-il souligné. Le TNP est une référence fondamentale, a-t-il en outre fait observer. Pour sa part, l'Italie a inclus un expert dans sa délégation, à savoir le Professeur Maurizio Martellini de l'Université de Côme, a-t-il poursuivi. L'Italie a fait circuler deux documents portant, l'un, sur les caractéristiques générales d'un tel traité (en se concentrant sur la pertinence d'un tel traité pour la prévention du terrorisme nucléaire) et, l'autre, sur la question de l'entrée en vigueur d'un tel traité.

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